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Arrêt
publié le 24 octobre 2023

Extrait de l'arrêt n° 90/2023 du 8 juin 2023 Numéro du rôle : 7917 En cause : la question préjudicielle relative à l'article D.171 du Code wallon de l'environnement, posée par un juge d'instruction du Tribunal de première instance de Liège, d La Cour constitutionnelle, composée du juge T. Giet, faisant fonction de président, de la juge J(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 90/2023 du 8 juin 2023 Numéro du rôle : 7917 En cause : la question préjudicielle relative à l'article D.171 du Code wallon de l'environnement, posée par un juge d'instruction du Tribunal de première instance de Liège, division de Liège.

La Cour constitutionnelle, composée du juge T. Giet, faisant fonction de président, de la juge J. Moerman, faisant fonction de présidente, et des juges M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters et S. de Bethune, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le juge T. Giet, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par ordonnance du 13 janvier 2023, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 19 janvier 2023, un juge d'instruction du Tribunal de première instance de Liège, division de Liège, a posé la question préjudicielle suivante : « L'article D.171 du Code wallon de l'environnement viole-t-il les articles 10, 11, 15 et 22 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans la mesure notamment où les suspects qui feraient l'objet d'une perquisition/visite domiciliaire réalisée par l'agent consta[ta]teur visé par ce Code, dans le cadre d'une ou plusieurs infractions visées par le droit pénal de l'environnement en Région wallonne, se trouveraient dans une situation où ils ne bénéficieraient pas des mêmes droits et garanties que des suspects qui feraient l'objet d'une perquisition ordonnée par un juge d'instruction dans le cadre de son instruction judiciaire relative à une ou plusieurs infractions au Code pénal et à d'autres législations pénales, en ce compris le Code wallon de l'environnement ? ».

Le 8 février 2023, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les juges-rapporteurs T. Giet et S. de Bethune ont informéla Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de mettre fin à l'examen de l'affaire par un arrêt rendu sur procédure préliminaire. (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur l'article D.171 du Code wallon de l'environnement, tel qu'il a été modifié par l'article 27 du décret de la Région wallonne du 24 novembre 2021 « modifiant le décret du 6 mai 2019 relatif à la délinquance environnementale et divers autres décrets » (ci-après : le décret du 24 novembre 2021).

Quant au contexte de la disposition attaquée B.2. Tel qu'il a été modifié par le décret du 24 novembre 2021, l'article D.159, § 1er, du Code de l'environnement prévoit que, sans préjudice des devoirs incombant aux autres agents chargés de missions de police judiciaire et aux membres de la police fédérale et de la police locale, la surveillance et le contrôle du respect des dispositions visées à l'article D.138, la recherche et la constatation des infractions sont assurés par les agents constatateurs. Ceux-ci peuvent requérir la force publique dans l'exercice de leur mission (article D.159, § 1er, alinéa 2, du Code de l'environnement).

L'article D.141, § 1er, 2°, du Code de l'environnement définit l'« agent constatateur » comme étant « l'agent statutaire ou contractuel désigné en vertu des articles D.146, D.149 et D.152 pour surveiller et contrôler le respect des dispositions visées à l'article D.138, rechercher et constater les infractions en vertu de la présente partie ». Les agents constatateurs sont désignés conformément au chapitre Ier du titre II du Code de l'environnement, qui vise les agents constatateurs régionaux (section 1), les agents constatateurs communaux (section 2) et les agents constatateurs des organismes d'intérêt public et des intercommunales (section 3). Certains des agents constatateurs régionaux peuvent être désignés en qualité d'officier de police judiciaire (article D.146 du Code de l'environnement).

Les moyens d'investigation des agents constatateurs sont énumérés à l'article D.162 du Code de l'environnement, tel qu'il a été modifié par le décret du 24 novembre 2021 : « Les agents constatateurs peuvent, dans l'accomplissement de leur mission : 1° procéder à tous examens, contrôles, enquêtes, et recueillir tous renseignements jugés nécessaires pour s'assurer que les dispositions visées à l'article D.138, sont respectées et, notamment : a) interroger toute personne sur tout fait dont la connaissance est utile à l'exercice de la surveillance;b) se faire produire sans déplacement ou rechercher tout document, pièce ou titre utile à l'accomplissement de leur mission, en prendre copie photographique ou autre, ou l'emporter contre récépissé;c) contrôler l'identité de toute personne;2° prélever des échantillons selon les modalités arrêtées par le Gouvernement; 3° faire procéder à des analyses selon les règles déterminées conformément à l'article D.163; 4° arrêter tout véhicule, en ce compris ceux utilisés pour le transport, et contrôler leur chargement;5° prendre toute mesure conservatoire nécessaire en vue de l'Administration de la preuve et, notamment, pendant un délai n'excédant pas septante-deux heures : a) interdire de déplacer des objets ou mettre sous scellés les établissements ou installations susceptibles d'avoir servi à commettre une infraction;b) arrêter, immobiliser ou mettre sous scellés les moyens de transport et autres pièces susceptibles d'avoir servi à commettre une infraction; 6° en présence de l'intéressé ou celui-ci dûment appelé, tester ou faire tester par les personnes, les laboratoires ou organismes publics et privés agréés les appareils et dispositifs susceptibles d'être en contravention avec les dispositions citées à l'article D.138; 7° se faire accompagner d'experts techniques;8° procéder à des mesures de police administrative permettant de retirer de la circulation des objets pouvant être source d'une infraction au sens de la présente partie, en ce compris par le biais d'une saisie administrative; 9° sans préjudice de l'article D.161, suivre les objets jusque dans les lieux où ils auront été transportés, et les placer sous séquestre; 10° faire amener à la rive les embarcations aux fins de contrôler leur contenu;11° procéder à des constatations à l'aide de moyens audiovisuels;12° procéder à des prises de mesure par le biais d'un sonomètre;13° consulter et prendre une copie des données administratives nécessaires, tels les documents légalement prescrits qui doivent être en possession du conducteur d'un véhicule et plus largement tous les documents utiles à l'identification du véhicule, du conducteur ou de la personne au nom de laquelle le véhicule est immatriculé. En cas de prélèvement en vue d'analyse en application de l'alinéa 1er, 3°, le contrevenant est immédiatement informé de la possibilité d'effectuer, à ses frais, une contre-analyse. S'il résulte du protocole d'analyse qu'une infraction a été commise, il est dressé procès-verbal conformément à l'article D.165.

En application de l'alinéa 1er, 8°, le Gouvernement arrête les modalités de saisie administrative, d'information du contrevenant et de désignation de la destination des objets saisis, ainsi que les modalités de prise en charge des frais de saisies. Dans le cas d'une infraction prévue à l'article D.397, § 1er, du Code wallon de l'agriculture, la saisie administrative porte sur les objets, échantillons, aliments, ou documents constitutifs de l'infraction.

En application de l'alinéa 1er, 11°, l'installation et l'utilisation des moyens audiovisuels en Région wallonne sont conformes à la loi du 21 mars 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/03/2007 pub. 31/05/2007 numac 2007000528 source service public federal interieur Loi réglant l'installation et l'utilisation de caméras de surveillance fermer réglant l'installation et l'utilisation de caméras de surveillance ».

Les mesures de sécurité et de contrainte sont visées à l'article D.169 du Code de l'environnement, qui dispose : « § 1er. Lorsqu'il a été dressé procès-verbal d'une infraction aux dispositions visées à l'article D.138, sans préjudice des actions prévues dans lesdites dispositions, le bourgmestre, sur rapport de l'agent constatateur, peut : 1° ordonner la cessation totale ou partielle d'une exploitation ou d'une activité pour la durée qu'il détermine;2° mettre les appareils sous scellés et, au besoin, procéder à la fermeture provisoire immédiate de l'installation pour la durée qu'il détermine;3° imposer au contrevenant l'exécution d'un plan d'intervention dans le délai déterminé dans sa décision et, le cas échéant, la fourniture au bénéfice de la Commune ou de la Région d'une sûreté suivant l'une des modalités prévues en vertu de la législation relative au permis d'environnement afin de garantir l'exécution du plan d'intervention;4° imposer au contrevenant l'introduction d'un plan de remise en état pour atteindre des objectifs et une échéance fixés dans sa décision et, le cas échéant, la fourniture au bénéfice de la Commune ou de la Région d'une sûreté suivant l'une des modalités prévues en vertu de la législation relative au permis d'environnement afin de garantir la remise en état;5° prendre toute autre mesure utile ou tout plan pour faire cesser un danger ou une nuisance pour l'environnement, en ce compris la santé humaine, ou pour le bien-être animal;6° imposer au responsable de l'animal les mesures nécessaires visant à protéger l'animal ou à assurer son bien-être;7° informer le service ou l'organisme désigné par le Gouvernement;8° faire pourvoir d'office, à charge du titulaire des obligations désigné en vertu de l'article 26 du décret du 1er mars 2018 relatif à la gestion et à l'assainissement des sols, à l'exécution des mesures de suivi prescrites en vertu de l'article 26, § 1er, alinéa 1er, de ce même décret. Les mesures prononcées en vertu de l'alinéa 1er, 3° à 5°, peuvent comprendre des mesures d'atténuation et de suppression des nuisances ou des risques pour la population, l'environnement ou le bien-être animal, ou des mesures transitoires à l'accomplissement du plan d'intervention ou à l'introduction du plan de remise en état.

Le bourgmestre communique au contrevenant sa décision prise sur la base de l'alinéa 1er, par tout moyen permettant de conférer une date certaine conformément à l'article D.141, § 2. Le bourgmestre envoie en même temps la copie de cette décision à l'agent constatateur qui a rédigé le rapport. [...] ».

Les agents constatateurs peuvent, dans l'accomplissement de leurs missions, avoir accès à certains lieux, dont le domicile, tant, d'une manière générale, pour la surveillance, le contrôle, la recherche et la constatation des infractions (article D.161 du Code de l'environnement) qu'en particulier pour le contrôle et la surveillance de l'exécution des mesures de sécurité et de contrainte (article D.171 du Code de l'environnement).

B.3. Tel qu'il avait été remplacé par le décret de la Région wallonne du 6 mai 2019 « relatif à la délinquance environnementale » (ci-après : le décret du 6 mai 2019), l'article D.171 du Code de l'environnement disposait : « Sans préjudice de l'article 94 du Code forestier, pour l'exécution des mesures de contrainte, les agents constatateurs peuvent pénétrer, à tout moment, dans les installations, locaux, terrains et autres lieux sauf s'ils constituent un domicile au sens de l'article 15 de la Constitution.

Lorsqu'il s'agit d'un domicile au sens de l'article 15 de la Constitution, ces agents constatateurs peuvent y pénétrer moyennant l'autorisation préalable du juge d'instruction ou pour autant qu'il ait le consentement exprès et préalable de la personne qui a la jouissance effective des lieux visés ».

Cette disposition reproduisait le contenu de l'ancien article D.145 du Code de l'environnement, qui était applicable aux agents dans l'exercice de leurs missions et qui figurait sous le titre « De la recherche et de la constatation des infractions ».

Les travaux préparatoires du décret du 6 mai 2019 exposaient, à cet égard : « L'exécution des mesures de contrainte, telles que l'enlèvement d'un dépôt de déchets, peut nécessiter de s'introduire dans le domicile du contrevenant, surtout eu égard à la portée très large qui est donnée à cette dernière notion. Dès lors qu'une atteinte à l'inviolabilité du domicile doit être prévue par la loi et faire intervenir un juge, on peut douter de la possibilité d'exécuter des mesures de contrainte qui impliquent de s'introduire dans un domicile. Cela limite fortement l'utilité des mesures de contraintes lorsqu'il s'agit, par exemple, d'enlever des déchets entreposés dans un jardin privé.

Afin de lever cette difficulté, il est proposé de prévoir que les mesures de contrainte puissent, sur autorisation du juge, impliquer de s'introduire dans le domicile du contrevenant, comme le prévoit déjà actuellement l'article D.145 du livre Ier du Code de l'environnement en matière de recherche et de constatation des infractions.

Concernant le domicile, les agents sont néanmoins autorisés à y accéder lorsqu'il[s] dispose[nt] du consentement exprès et préalable de la personne qui a la jouissance effective des lieux visés. Dans ce cas, les agents veilleront à s'aménager la preuve dudit consentement » (Doc. parl., Parlement wallon, 2018-2019, n° 1333/1, pp. 31-32) ».

B.4. Par son arrêt n° 60/2021 du 22 avril 2021 (ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.060), la Cour s'est prononcée sur l'ancien article D.145, alinéa 2, du Code de l'environnement, dont la disposition en cause transpose le contenu à l'exécution des mesures de contrainte.

La Cour a jugé que l'ancien article D.145, alinéa 2, du Code de l'environnement ne violait pas les articles 10, 11, 15 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques « sous réserve des interprétations mentionnées en B.12.4 et B.12.5 ».

B.5. L'article 27 du décret du 24 novembre 2021 a modifié l'article D.171 du Code de l'environnement par l'ajout, notamment, d'un alinéa 3 à cet article, lequel dispose désormais : « Sans préjudice de l'article 94 du Code forestier, pour le contrôle et la surveillance de l'exécution des mesures de sécurité et de contrainte, les agents constatateurs peuvent pénétrer, à tout moment, dans les installations, locaux, terrains et autres lieux sauf s'ils constituent un domicile au sens de l'article 15 de la Constitution.

Lorsqu'il s'agit d'un domicile au sens de l'article 15 de la Constitution, ces agents constatateurs peuvent y pénétrer moyennant l'autorisation préalable du juge d'instruction ou pour autant qu'il ait le consentement exprès et préalable de la personne qui a la jouissance effective des lieux visés.

Lorsque la personne visée à l'alinéa 2 refuse à l'agent l'exécution de l'autorisation préalable du juge d'instruction, l'agent peut requérir la force publique afin de forcer l'accès au domicile. L'absence de la personne visée à l'alinéa 2 ne peut être évoquée pour faire obstacle à l'autorisation préalable du juge d'instruction. L'agent fait appel, le cas échéant, aux services d'un serrurier ».

En ce qui concerne l'ajout de l'alinéa 3 dans l'article D.171 du Code de l'environnement, les travaux préparatoires du décret du 24 novembre 2021 renvoient à la même insertion dans l'article D.161 du même Code et au commentaire relatif à cette dernière disposition (Doc. parl., Parlement wallon, 2021-2022, n° 680/1, p. 37).

Les travaux préparatoires du décret du 24 novembre 2021 exposent que cette disposition, « qui traite de la prérogative des agents concernant l'accès à certains lieux dont le domicile [et qui] fait l'objet d'une modification pour y ajouter un [nouveau] troisième alinéa », « vise à apporter une réponse à l'arrêt de la Cour constitutionnelle n° 60/2021 du 22 avril 2021 » (ibid., p. 30).

B.6. Conformément à son article 30, § 1er, le décret du 6 mai 2019, tel qu'il a été modifié par le décret du 24 novembre 2021, est entré en vigueur le 1er juillet 2022, c'est-à-dire à la date fixée à l'article 23 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 2 juin 2022 « modifiant la partie réglementaire du Livre Ier du Code de l'environnement en ce qui concerne la délinquance environnementale ».

Quant à la recevabilité de la question préjudicielle B.7.1. Le Gouvernement flamand estime que la question préjudicielle n'appelle pas de réponse car elle n'est pas utile à la solution du litige, dès lors qu'aucun élément n'indique que la disposition en cause s'applique aux faits de l'espèce.

B.7.2. C'est en règle à la juridiction a quo qu'il appartient d'apprécier si la réponse à la question préjudicielle est utile à la solution du litige qu'elle doit trancher. Ce n'est que lorsque tel n'est manifestement pas le cas que la Cour peut décider que la question n'appelle pas de réponse.

B.7.3. En l'espèce, le juge d'instruction a quo a été saisi d'une demande basée sur la disposition en cause. Le fait qu'il s'interroge sur des éléments du dossier ne permet pas de considérer que la disposition en cause ne serait manifestement pas applicable en l'espèce.

B.7.4. L'exception est rejetée.

Quant au fond B.8.1. Le juge d'instruction a quo demande à la Cour si l'article D.171 du Code de l'environnement est compatible avec les articles 10, 11, 15 et 22 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans la mesure, notamment, où les suspects qui feraient l'objet d'une perquisition/visite domiciliaire réalisée par l'agent constatateur visé par ce Code, dans le cadre d'une ou de plusieurs infractions visées par le droit pénal de l'environnement en Région wallonne, ne bénéficieraient pas des mêmes droits et garanties que des suspects qui feraient l'objet d'une perquisition ordonnée par un juge d'instruction dans le cadre de son instruction judiciaire relative à une ou à plusieurs infractions au Code pénal ou à d'autres législations pénales, y compris au Code wallon de l'environnement.

B.8.2. Il ressort de la motivation de l'ordonnance de renvoi que la question préjudicielle porte plus précisément sur l'alinéa 3 de l'article D.171 du Code de l'environnement. La Cour limite son examen à cette disposition.

B.9. L'article 10 de la Constitution dispose : « Il n'y a dans l'Etat aucune distinction d'ordres.

Les Belges sont égaux devant la loi; seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers.

L'égalité des femmes et des hommes est garantie ».

L'article 11 de la Constitution dispose : « La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination.

A cette fin, la loi et le décret garantissent notamment les droits et libertés des minorités idéologiques et philosophiques ».

L'article 15 de la Constitution dispose : « Le domicile est inviolable; aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit ».

L'article 22 de la Constitution dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit ».

L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.3. Tout accusé a droit notamment à : a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui;b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense;c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent;d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge;e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience ». L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». L'article 14, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose : « Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. Le huis clos peut être prononcé pendant la totalité ou une partie du procès soit dans l'intérêt des bonnes moeurs, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, soit lorsque l'intérêt de la vie privée des parties en cause l'exige, soit encore dans la mesure où le tribunal l'estimera absolument nécessaire lorsqu'en raison des circonstances particulières de l'affaire la publicité nuirait aux intérêts de la justice; cependant, tout jugement rendu en matière pénale ou civile sera public, sauf si l'intérêt de mineurs exige qu'il en soit autrement ou si le procès porte sur des différends matrimoniaux ou sur la tutelle des enfants ».

B.10. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.11.1. La question préjudicielle porte, notamment, sur la différence de traitement entre, d'une part, « les suspects qui feraient l'objet d'une perquisition/visite domiciliaire réalisée par l'agent consta[ta]teur visé par ce Code, dans le cadre d'une ou plusieurs infractions visées par le droit pénal de l'environnement en Région wallonne » et, d'autre part, les « suspects qui feraient l'objet d'une perquisition ordonnée par un juge d'instruction dans le cadre de son instruction judiciaire relative à une ou plusieurs infractions au Code pénal ou à d'autres législations pénales, en ce compris le Code wallon de l'environnement », en ce que les premiers ne bénéficieraient pas des mêmes droits et garanties que les seconds.

B.11.2. Le Gouvernement flamand estime que les catégories visées dans la question préjudicielle ne se trouvent pas dans des situations suffisamment comparables.

B.11.3. Il ne faut pas confondre différence et non-comparabilité.

L'article D.159, § 1er, du Code wallon de l'environnement confie à des agents constatateurs les missions de surveillance et de contrôle du respect des dispositions visées à l'article D.138, de recherche et de constatation des infractions, tandis que l'article 162 du même Code énumère l'ensemble des prérogatives de ces agents « dans l'accomplissement de leur mission ». Le Code wallon de l'environnement organise les pouvoirs des agents constatateurs de la même manière, qu'ils effectuent une visite domiciliaire dans le cadre de leurs tâches générales d'inspection (article D.161, alinéa 3) ou dans le cadre du contrôle et de la surveillance de l'exécution des mesures de sécurité et de contrainte (article D.171, alinéa 3). Les travaux préparatoires cités en B.5 exposent d'ailleurs que l'ajout de l'alinéa 3 aux articles D.161 et D.171 poursuit le même objectif. L'exercice, par les agents constatateurs, d'une mission de contrôle et de surveillance de l'exécution des mesures de sécurité et de contrainte, décidées en raison d'une infraction aux dispositions visées à l'article D.138, n'exclut pas l'exercice des tâches générales d'inspection par ces mêmes agents.

Il découle de ce qui précède que les personnes qui font l'objet d'une visite domiciliaire s'inscrivant dans l'exercice d'une mission de contrôle et de surveillance de l'exécution des mesures de sécurité et de contrainte, dans le cadre d'une ou de plusieurs infractions visées par le droit pénal de l'environnement en Région wallonne, se trouvent, en ce qui concerne la protection de leur domicile, dans une situation suffisamment comparable à celle des personnes qui feraient l'objet d'une perquisition ordonnée par un juge d'instruction dans le cadre de son instruction judiciaire relative à une ou à plusieurs infractions au Code pénal ou à d'autres législations pénales, y compris au Code wallon de l'environnement.

B.12. La disposition en cause accorde aux agents constatateurs, dans l'exercice de leurs missions et moyennant l'autorisation préalable du juge d'instruction, le pouvoir de pénétrer dans un domicile en vue du contrôle et de la surveillance de l'exécution des mesures de sécurité et de contrainte, ce qui constitue une ingérence dans le droit au respect du domicile et de la vie privée.

Cette disposition reproduit le contenu de l'ancien article D.145 du Code wallon de l'environnement, qui était applicable aux agents dans l'exercice de leurs missions et qui figurait sous le titre « De la recherche et de la constatation des infractions ».

B.13.1. Par son arrêt n° 60/2021 du 22 avril 2021, précité, la Cour s'est prononcée sur l'ancien article D.145, alinéa 2, du Code de l'environnement, dont la disposition en cause transpose le contenu à l'exécution des mesures de contrainte.

La Cour a jugé que « sous réserve des interprétations mentionnées en B.12.4 et B.12.5, l'article D.145, alinéa 2, du Code de l'environnement, inséré par le décret de la Région wallonne du 5 juin 2008 ` relatif à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions et les mesures de réparation en matière d'environnement ', ne viole pas les articles 10, 11, 15 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques », au terme des considérations suivantes : « B.6. L'article D.145, alinéa 2, en cause, du Code de l'environnement accorde aux agents du DNF, dans l'exercice de leurs missions, le pouvoir de pénétrer dans un domicile, moyennant l'autorisation préalable du juge d'instruction.

Il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.3 que cette disposition a été adoptée par le législateur décrétal sur la base de l'article 11, alinéa 3, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. En vertu de cette disposition, les décrets peuvent fixer, dans les limites des compétences des communautés et des régions, les cas pouvant donner lieu à une perquisition. Dans l'exercice de sa compétence de ` fixer les cas pouvant donner lieu à une perquisition ', le législateur décrétal peut, comme en l'espèce, habiliter un juge à autoriser une perquisition en dehors d'une instruction.

B.7. Une différence de traitement dans des matières où les communautés et les régions disposent de compétences propres est la conséquence possible de politiques distinctes permises par l'autonomie qui leur est accordée par la Constitution ou en vertu de celle-ci; une telle différence ne peut en soi être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

B.8. Sauf application de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, les régions ne sont pas compétentes pour régler la forme des perquisitions (Doc. parl.

Chambre, 1992-1993, n° 1063/7, p. 67; voy. aussi notamment l'avis n° 24.240/9 du 20 mars 1995 de la section de législation du Conseil d'Etat concernant un avant-projet de décret ` relatif aux déchets ').

Elles sont liées par les garanties procédurales établies en matière de perquisitions par le législateur fédéral, qui découlent notamment des articles 15 et 22 de la Constitution, des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

B.9.1. Les articles 15 et 22 de la Constitution et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme exigent que toute ingérence des autorités dans le droit au respect de la vie privée et du domicile soit prescrite par une disposition législative suffisamment précise, qu'elle corresponde à un besoin social impérieux et qu'elle soit proportionnée à l'objectif légitime qu'elle poursuit.

B.9.2. Les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques contiennent notamment des garanties relatives à un procès équitable lorsque sont en jeu des contestations sur des droits et obligations de caractère civil ou sur le bien-fondé de toute accusation en matière pénale.

B.9.3. La disposition attaquée accorde aux agents du DNF, dans l'exercice de leurs missions et moyennant l'autorisation préalable du juge d'instruction, le pouvoir de pénétrer dans un domicile, ce qui constitue une ingérence dans le droit au respect du domicile et de la vie privée. Par conséquent, cette ingérence doit satisfaire aux exigences mentionnées en B.9.1 et les personnes concernées doivent bénéficier des garanties juridictionnelles découlant des dispositions citées en B.9.2.

B.10. La partie VIII du Code de l'environnement vise à garantir la pleine effectivité des normes édictées en matière d'environnement, en luttant, par des sanctions pénales, contre les atteintes graves à l'environnement (Doc. Parl., Parlement wallon, 2007-2008, n° 771/1, p. 3), et notamment contre le trafic d'animaux. Ce faisant, le législateur décrétal wallon entend poursuivre au moins un des objectifs énumérés à l'article 7bis de la Constitution, mais aussi garantir le droit à la protection d'un environnement sain, prévu à l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution.

La disposition en cause poursuit donc un objectif légitime au sens de l'article 8, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.11. L'ingérence dans le droit au respect du domicile et de la vie privée est prévue par une disposition légale.

B.12.1. Il ressort de la formulation de l'article D.145, en cause, du Code de l'environnement que les agents du DNF peuvent pénétrer dans des domiciles ` dans l'exercice de leurs missions '. Ce pouvoir d'investigation est donc lié à une finalité, ce qui implique que les agents compétents ne peuvent l'utiliser qu'en vue de contrôler le respect de la législation relative à la protection de l'environnement, prévue par l'article D.138 du Code de l'environnement.

B.12.2. L'alinéa 2 de l'article D.145 du Code de l'environnement subordonne la pénétration dans un domicile à l'autorisation préalable d'un juge d'instruction. L'intervention du juge d'instruction, c'est-à-dire d'un magistrat impartial et indépendant, est une garantie essentielle pour le respect des conditions auxquelles est subordonnée une atteinte à l'inviolabilité du domicile, garantie par l'article 15 de la Constitution et par l'article 8, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.12.3. L'article 149 de la Constitution, qui dispose que ` tout jugement est motivé ', exprime une règle générale qui s'impose à toute juridiction (arrêt de la Cour n° 1/2009 du 8 janvier 2009, B.3.4, alinéa 1er). Une autorisation de perquisition délivrée par le juge d'instruction doit par conséquent être motivée, d'autant plus qu'il appartient au juge d'instruction d'apprécier souverainement l'opportunité de la mesure. L'ordonnance de perquisition doit contenir les indications précises permettant à la personne visée par la perquisition de disposer d'une information suffisante sur les poursuites qui sont à la base de la perquisition, dans le but de permettre un recours effectif pour faire vérifier la légalité de la décision (Cass., 11 janvier 2006, P.05.1371.F). Une ordonnance de perquisition doit comporter des mentions minimales permettant l'exercice d'un contrôle sur le respect, par les agents qui l'ont exécutée, du champ d'application que l'ordonnance détermine (CEDH, 24 mai 2011, Aydemir c. Turquie, § 98). Les procédures pénales forment un tout, ce qui englobe les phases préalables du procès, dont l'enquête (CEDH, grande chambre, 20 octobre 2015, Dvorski c. Croatie, § 76). En effet, les actes accomplis par le juge d'instruction influent directement sur la conduite et l'équité de la procédure ultérieure, dont le procès proprement dit (CEDH, 6 janvier 2010, Vera Fernssndez-Huidobro c. Espagne, §§ 109 à 111).

L'autorisation délivrée par le juge d'instruction en vertu de l'article D.145, alinéa 2, du Code de l'environnement doit par conséquent être motivée, ce qui requiert qu'elle indique notamment en quoi la pénétration dans un espace habité est nécessaire pour permettre aux agents du DNF d'exercer leur mission légale. Elle doit mentionner pour quel domicile et à quelles personnes elle est délivrée. Le juge d'instruction peut en outre assortir son autorisation des modalités qui lui paraissent opportunes.

Ces différents éléments permettent au juge postérieurement saisi, le cas échéant, de contrôler la légalité de l'autorisation délivrée par le juge d'instruction.

B.12.4. L'article D.140 du Code de l'environnement établit que seuls les agents du DNF qui ont prêté serment devant le tribunal de première instance peuvent exercer les compétences de police judiciaire. Par conséquent, seuls ces agents ayant prêté serment peuvent pénétrer dans un domicile moyennant l'autorisation préalable du juge d'instruction, en vertu de l'article D.145, alinéa 2, en cause, du Code de l'environnement. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.3 que lorsqu'ils pénètrent dans un domicile, les agents du DNF doivent tenir compte du principe de proportionnalité et qu'ils doivent agir dans le strict exercice de leur mission. Par ailleurs, les moyens d'investigation qu'ils peuvent utiliser dans l'exercice de cette compétence sont établis de façon limitative et sont délimités dans l'article D.146 du Code de l'environnement.

Certes, en vertu de l'article D.140 du Code de l'environnement, les agents peuvent requérir la force publique dans l'exercice de leur mission et les dispositions en cause imposent au propriétaire ou à l'occupant d'accorder aux agents autorisés le libre accès de leur domicile et d'ouvrir les armoires ou les coffres fermés et de leur prêter ainsi leur concours. L'article D.154, 2°, du Code de l'environnement prévoit en effet des sanctions pénales pour ` celui qui s'oppose ou entrave les missions des agents ', ce qui constitue ` une infraction de deuxième catégorie '. En vertu de l'article D.151, § 1er, alinéa 3, une telle infraction est punie d'un emprisonnement de huit jours à trois ans et d'une amende d'au moins 100 euros et de 1 000 000 euros au maximum ou d'une de ces peines seulement. Comme l'observe le Gouvernement wallon, les dispositions en cause ne permettent toutefois pas aux agents compétents d'accéder par la force ou par la contrainte à une habitation si la coopération obligatoire n'est pas accordée, ni d'exiger la consultation des documents ou d'ouvrir des armoires ou des coffres fermés, si le propriétaire ou l'occupant s'y oppose. Si les circonstances l'exigent, il revient aux agents compétents de dénoncer les faits au procureur du Roi, qui prendra les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de l'action publique et qui saisira, s'il y a lieu, le juge d'instruction aux fins de faire procéder à une perquisition judiciaire.

B.12.5. Sauf exception, une visite domiciliaire ou une perquisition ne peut avoir lieu entre 21 heures et 5 heures du matin (article 1er de la loi du 7 juin 1969Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/06/1969 pub. 29/07/2009 numac 2009000488 source service public federal interieur Loi fixant le temps pendant lequel il ne peut être procédé à des perquisitions ou visites domiciliaires. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ` fixant le temps pendant lequel il ne peut être procédé à des perquisitions, visites domiciliaires ou arrestations ').

L'article D.145, alinéa 2, du Code de l'environnement ne fait pas exception à ce principe. Contrairement à ce qui est prévu à l'alinéa 1er de l'article D.145, précité, qui autorise les agents du DNF à pénétrer ` à tout moment ' dans des lieux qui ne constituent pas un domicile, l'alinéa 2 de l'article D.145 du Code de l'environnement ne précise pas le moment auquel la pénétration dans le domicile est autorisée, mais il soumet ce moyen d'investigation à l'autorisation d'un juge d'instruction, si bien qu'elle ne peut avoir lieu entre 21 heures et 5 heures du matin.

B.13. Il résulte de ce qui précède que, sous réserve des interprétations mentionnées en B.12.4 et B.12.5, la disposition en cause n'entrave pas de manière disproportionnée le droit au respect du domicile et de la vie privée, ni le droit au procès équitable, eu égard aux garanties qui l'entourent ».

Il résulte de ce qui précède que la Cour n'avait admis la constitutionnalité du régime de l'ancien article D.145 du Code de l'environnement qu'à la condition que les garanties mentionnées aux B.12.4 et B.12.5 de l'arrêt n° 60/2021 soient respectées, notamment celle que les dispositions du Code de l'environnement ne permettent pas aux agents compétents d'accéder par la force ou par la contrainte à une habitation si la coopération obligatoire n'est pas accordée, ni d'exiger la consultation des documents ou d'ouvrir des armoires ou des coffres fermés si le propriétaire ou l'occupant s'y oppose et que, si les circonstances l'exigent, il revienne aux agents compétents de dénoncer les faits au procureur du Roi, qui prendra les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de l'action publique et qui saisira, s'il y a lieu, le juge d'instruction aux fins de faire procéder à une perquisition judiciaire (B.12.4, in fine).

B.13.2. Par son arrêt n° 148/2017 du 21 décembre 2017 (ECLI:BE:GHCC:2017:ARR.148), la Cour a en effet jugé qu'en raison de la gravité de l'ingérence qu'elle implique dans le droit au respect de la vie privée et de l'inviolabilité du domicile, la perquisition ne pouvait, dans l'état de la législation en matière de procédure pénale à l'époque, être autorisée que dans le cadre d'une instruction judiciaire relative à une ou à plusieurs infractions pénales. La mise à l'instruction du dossier permet en effet aux personnes intéressées de demander un accès au dossier et la réalisation d'actes d'instruction supplémentaires. Elle permet également un contrôle de la régularité de la procédure par les juridictions d'instruction.

B.13.3. En ce qui concerne les visites domiciliaires pouvant être menées par les inspecteurs sociaux, la Cour avait également jugé, par son arrêt n° 102/2019 du 27 juin 2019 (ECLI:BE:GHCC:2019:ARR.102) : « B.7.1. Contrairement aux officiers de police judiciaire effectuant une perquisition dans le cadre d'une instruction judiciaire, les inspecteurs sociaux ne sont pas autorisés par le Code pénal social à recourir à la force ou à la contrainte pour pénétrer dans les lieux qu'ils entendent visiter si le propriétaire ou l'occupant est absent ou s'il leur en refuse l'accès. Ils ne peuvent procéder à des fouilles ni ouvrir les armoires fermées. En outre, lorsqu'ils visitent un espace habité, ils ont des pouvoirs plus restreints que lorsqu'ils accèdent aux lieux de travail qui ne sont pas des espaces habités. En effet, l'article 24, § 4, du Code pénal social exclut dans cette hypothèse l'exercice des pouvoirs visés aux articles 28, 30 à 33 et 34, alinéa 2, du même Code, de sorte qu'ils ne peuvent se faire produire les supports d'information physiques, informatiques ou électroniques qui se trouvent dans ces lieux ni en prendre copie.

Le fait que les inspecteurs sociaux effectuent une visite domiciliaire parce qu'ils soupçonnent qu'une infraction au Code pénal social a été commise ne leur octroie pas plus de pouvoirs que ceux dont ils disposent dans le cadre de leur mission générale de surveillance du respect des lois sociales. Si les circonstances l'exigent, il leur revient de dénoncer les faits au ministère public, qui prendra les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de l'action publique et qui saisira, s'il y a lieu, le juge d'instruction aux fins de faire procéder à une perquisition judiciaire.

B.7.2. Il découle de ce qui précède que la visite domiciliaire autorisée par le juge d'instruction en application de la disposition en cause entraîne dans le droit au respect du domicile et de la vie privée une ingérence d'une gravité moindre que celle qui est causée par une perquisition menée dans le contexte d'une instruction judiciaire ».

B.13.4. Il ressort de la jurisprudence précitée qu'en raison de la gravité de l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et de l'inviolabilité du domicile qu'elle implique, la perquisition ne peut, en l'état de la législation en matière de procédure pénale, être autorisée que dans le cadre d'une instruction judiciaire relative à une ou à plusieurs infractions pénales, cette instruction étant entourée de plusieurs garanties, parmi lesquelles le contrôle de la régularité de la procédure, qui relève des juridictions d'instruction.

Si des visites domiciliaires peuvent être autorisées par le juge d'instruction soit en raison de la suspicion d'une infraction soit aux fins d'exécuter une mesure de contrainte, la compatibilité de telles mesures avec le droit au respect du domicile et de la vie privée et avec le droit au procès équitable est cependant subordonnée au fait que de telles visites domiciliaires ne peuvent pas entraîner une ingérence d'une gravité équivalente à celle qui est causée par une perquisition menée dans le contexte d'une instruction judiciaire.

B.14.1. Comme il est dit en B.5, l'ajout d'un alinéa 3 dans la disposition en cause vise - comme l'ajout d'un alinéa 3 dans l'article D.161 du Code de l'environnement - à « apporter une réponse à l'arrêt de la Cour constitutionnelle n° 60/2021 du 22 avril 2021 » (Doc. parl., Parlement wallon, 2021-2022, n° 680/1, p. 30).

Après avoir cité les considérants B.12.4 et B.12.5 de l'arrêt de la Cour n° 60/2021, précité, les travaux préparatoires du décret du 24 novembre 2021 indiquent : « Ces dernières conclusions sont relativement problématiques dans la mesure où ils viennent supprimer tout effet utile à la disposition. En effet, dans le cadre de ses missions de contrôle, de recherche et de constatation des infractions aux législations visées à l'article D.138, l'agent peut obtenir l'autorisation préalable d'un juge d'instruction pour accéder au domicile d'une personne suspectée de commettre des infractions, mais il suffirait à celui-ci de finalement s'opposer à l'accès pour que la mission de contrôle, de recherche et de constatation soit avortée. Dans cette conception, il est permis de s'interroger si l'autorisation du juge d'instruction a une réelle portée. Dès lors que l'examen opéré par le juge d'instruction a une utilité et que son autorisation délivrée préalablement dispose d'une certaine force, un alinéa a été ajouté pour traiter du refus de la personne suspectée à autoriser l'accès malgré la présentation de l'autorisation. Ainsi, dans ce cas, l'agent peut requérir la force publique afin de faire exécuter par la force l'autorisation dont il dispose. L'agent ne pourra dès lors produire la force seule, mais devra recourir aux forces de l'ordre classique. En outre, en situation d'absence de la personne suspectée, et en disposant de l'autorisation préalable du juge d'instruction, l'agent pourra également recourir à un serrurier pour accéder directement au domicile. Ce faisant, dans sa mission, comme le relève l'arrêt de la Cour constitutionnelle, l'agent devra tenir compte du principe de proportionnalité et devra agir dans le strict exercice de sa mission. Ainsi, il devra rester strictement dans le cadre de l'autorisation dévolue par le juge d'instruction.

Cette ingérence est proportionnée en ce qu'elle est indispensable à ce que l'autorisation du juge d'instruction ait un effet utile, et dès lors qu'il est impératif de pouvoir, dans ces circonstances, mener les missions de contrôle, de recherche et de constatation des infractions avant que les preuves ne soient amenées à disparaître » (ibid., p. 31).

B.14.2. Il ressort des travaux préparatoires précités qu'en ajoutant un alinéa 3 aux articles D.161 et D.171 du Code de l'environnement, le législateur décrétal a voulu priver d'effet la réserve d'interprétation formulée par la Cour dans son arrêt n° 60/2021 précité, en octroyant à l'agent constatateur le pouvoir de requérir la force publique pour forcer l'accès au domicile, en cas de refus mais aussi en cas d'absence de la personne, et en autorisant, le cas échéant, le recours aux services d'un serrurier. Ce faisant, le législateur décrétal a conféré aux agents constatateurs des pouvoirs d'ingérence dans le domicile qui sont d'une telle gravité qu'ils dépassent le cadre d'une visite domiciliaire, ce qui, pour les motifs rappelés en B.13.1, viole le droit au respect du domicile et de la vie privée, ainsi que le droit à un procès équitable.

Le fait que la visite domiciliaire s'inscrive dans le cadre de la surveillance et du contrôle de l'exécution d'une mesure de contrainte ne change pas ce constat.

B.15. L'article D.171, alinéa 3, du Code de l'environnement n'est pas compatible avec les articles 10, 11, 15 et 22 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article D.171, alinéa 3, du Code wallon de l'environnement viole les articles 10, 11, 15 et 22 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 8 juin 2023.

Le greffier, F. Meersschaut Le président f.f., T. Giet

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