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Arrêt
publié le 19 septembre 2023

Extrait de l'arrêt n° 85/2023 du 1 er juin 2023 Numéros du rôle : 7720 et 7747 En cause : les recours en annulation du chapitre premier du décret de la Communauté française du 17 juin 2021 « portant création des Pôles territoriaux c La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Gie(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 85/2023 du 1er juin 2023 Numéros du rôle : 7720 et 7747 En cause : les recours en annulation du chapitre premier du décret de la Communauté française du 17 juin 2021 « portant création des Pôles territoriaux chargés de soutenir les écoles de l'enseignement ordinaire dans la mise en oeuvre des aménagements raisonnables et de l'intégration permanente totale », en tant qu'il insère les articles 6.2.2-5, 6.2.3-1, 6.2.5-4, 6.2.5-5 et 6.2.5-6, § 3, alinéas 2 et 3, dans le livre 6 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire, introduits par l'ASBL « Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique en Communautés française et germanophone » et par l'ASBL « Inclusion ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 3 janvier 2022 et parvenue au greffe le 4 janvier 2022, l'ASBL « Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique en Communautés française et germanophone », assistée et représentée par Me M.Kaiser et Me M. Verdussen, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation du chapitre premier du décret de la Communauté française du 17 juin 2021 « portant création des Pôles territoriaux chargés de soutenir les écoles de l'enseignement ordinaire dans la mise en oeuvre des aménagements raisonnables et de l'intégration permanente totale », en tant qu'il insère un article 6.2.5-6, § 3, alinéas 2 et 3, dans le livre 6 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire (publié au Moniteur belge du 6 août 2021, troisième édition). b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 4 février 2022 et parvenue au greffe le 8 février 2022, l'ASBL « Inclusion », assistée et représentée par Me V.van der Plancke, avocat au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation du chapitre premier du même décret, en tant qu'il insère les articles 6.2.2-5, 6.2.3-1, 6.2.5-4 et 6.2.5-5 dans le livre 6 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 7720 et 7747 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte B.1.1. Le décret de la Communauté française du 17 juin 2021 « portant création des Pôles territoriaux chargés de soutenir les écoles de l'enseignement ordinaire dans la mise en oeuvre des aménagements raisonnables et de l'intégration permanente totale » (ci-après : le décret du 17 juin 2021) a pour but d'augmenter progressivement l'inclusion des élèves à besoins spécifiques au sein de l'enseignement ordinaire qui relève de la compétence de la Communauté française, par la création de « pôles territoriaux » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 245/1, p. 6).

Les travaux préparatoires du décret du 17 juin 2021 renvoient à cet égard à la déclaration politique du Gouvernement, laquelle prévoit de « diminuer le nombre d'élèves fréquentant l'enseignement spécialisé en favorisant l'inclusion dans l'enseignement ordinaire chaque fois que cela s'avère possible et en dégageant les moyens nécessaires à leur inclusion » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 245/3, p. 3). Le législateur décrétal visait un complet changement de paradigme, en vue de permettre « à tous les élèves à besoins spécifiques scolarisés en Fédération Wallonie-Bruxelles d'être accompagnés si cela s'avère nécessaire » (ibid., p. 3).

B.1.2. Le pôle territorial est une structure chargée de soutenir les écoles de l'enseignement ordinaire dans la mise en oeuvre des aménagements raisonnables et de l'intégration permanente totale au profit des élèves à besoins spécifiques. Le pôle est placé sous la responsabilité du pouvoir organisateur d'une « école siège » relevant de l'enseignement spécialisé. Cette école peut collaborer avec une ou plusieurs « écoles partenaires » relevant aussi de l'enseignement spécialisé, qui constituent des antennes du pôle territorial. Le pôle territorial exerce ses missions dans des « écoles coopérantes » de l'enseignement ordinaire, qui sont tenues, par le décret, de coopérer avec un pôle territorial. L'école siège, l'école partenaire et l'école coopérante peuvent être organisées par des pouvoirs organisateurs différents et relevant de réseaux d'enseignement distincts (article 6.2.2-1 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire).

B.2.1. Le recours dans l'affaire n° 7720 porte sur l'article 6.2.5-6, § 3, alinéas 2 et 3, du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire, tel qu'il a été inséré par le décret du 17 juin 2021.

B.2.2. L'article 6.2.5-6 précité dispose : « § 1er. Le pouvoir organisateur de l'école siège reçoit pour le pôle territorial qu'il organise un financement spécifique sous la forme d'une enveloppe de points.

Le calcul de l'enveloppe de points de chaque pôle territorial est réalisé de la manière suivante : 1° chaque pôle territorial se voit attribuer un nombre de points de base parmi le nombre global de points conformément à l'article 6.2.5-3; 2° certains pôles territoriaux se voient attribuer des points complémentaires conformément aux articles 6.2.5-4 et 6.2.5-5. § 2. Le pouvoir organisateur de l'école siège peut répartir son enveloppe de points de la manière suivante : 1° minimum 80 pourcents des points doivent être affectés à des traitements ou des subventions-traitements;2° maximum 20 pourcents des points doivent être affectés à des dotations ou des subventions de fonctionnement. Le pouvoir organisateur de l'école siège communique chaque année la répartition du nombre de points aux services du gouvernement. § 3. Les services du gouvernement versent au pouvoir organisateur de l'école siège les dotations ou subventions de fonctionnement en multipliant le nombre de points affectés par le pôle à des dotations/subventions de fonctionnement par la valeur d'un point calculée conformément à l'article 6.2.5-3, § 1er.

Pour les pôles territoriaux qui relèvent d'une école siège organisée par la Communauté française, les montants affectés aux dotations de fonctionnement sont majorés en appliquant la formule suivante : Dfct = Nfct + [Nfct x 33 / 100] Dans cette formule : ` Dfct ' désigne la dotation de fonctionnement octroyée à l'école siège organisée par la Communauté française; ` Nfct ' désigne le montant calculé conformément à l'alinéa 1er.

Chaque pôle territorial peut utiliser ses moyens de fonctionnement pour engager du personnel administratif. Pour ce faire, un pouvoir organisateur peut décider d'adhérer, pour le pôle territorial qu'il organise, à un centre de gestion visé aux articles 114 et suivants du décret du 2 février 2007 fixant le statut des directeurs et directrices dans l'enseignement. La convention d'adhésion visée à l'article 115 du décret du 2 février 2007 précité précise la part des moyens de fonctionnement du pôle territorial qui sont octroyés au centre de gestion ».

Les travaux préparatoires du décret du 17 juin 2021 précisent que le troisième paragraphe opère une différenciation de financement pour les pôles territoriaux qui relèvent d'une école siège organisée par la Communauté française, mais que Wallonie Bruxelles Enseignement (ci-après : WBE) « est un pouvoir organisateur particulier qui présente des spécificités » et qu'« il en résulte que la situation de WBE ne peut être comparée avec la situation d'autres pouvoirs organisateurs ». WBE dispose notamment de moyens propres et assure « diverses missions spécifiques pour les acteurs de l'enseignement (élèves/pouvoirs organisateurs) qui n'ont pu trouver de solution auprès de pouvoirs organisateurs de l'enseignement subventionné. Une des spécificités de WBE réside notamment dans le fait qu'il scolarise des élèves qui ont rencontré des difficultés dans d'autres écoles » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 245/1, p. 27).

Au cours des travaux préparatoires, le ministre compétent a confirmé que le Gouvernement a décidé d'appliquer le principe d'un financement différencié également pour les pôles territoriaux qui relèvent d'une école siège organisée par WBE : « Cette différenciation s'explique parce que, pour l'enseignement organisé, la Communauté française doit assumer 100 % des dépenses liées à l'organisation de l'enseignement. Le système de financement prévu par le [...] projet de décret pour les pôles territoriaux se calque donc sur le financement appliqué aux écoles et respecte le même rapport de financement que celui de la loi du 29 mai 1959 dite du ` Pacte scolaire ' en matière de dotations et subventions de fonctionnement où le forfait ` élèves ' des écoles subventionnées est fixé à 75 % de celui des écoles organisées » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 245/3, p. 5).

B.2.3. L'article 6.2.5-6, § 3, du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire détermine le calcul des dotations et des subventions de fonctionnement dont bénéficie le pouvoir organisateur de l'école siège. Celles-ci sont obtenues « en multipliant le nombre de points affectés par le pôle à des dotations/subventions de fonctionnement par la valeur d'un point calculée conformément à l'article 6.2.5-3, § 1er » (alinéa 1er). En ce qui concerne les pôles territoriaux relevant d'une école siège de l'enseignement organisé par la Communauté française, la dotation de fonctionnement fait l'objet d'une majoration de 33 % (alinéas 2 et 3).

B.3.1. Le recours dans l'affaire n° 7747 porte sur les articles 6.2.2-5, 6.2.3-1, 6.2.5-4 et 6.2.5-5 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire, tels qu'ils ont été insérés par le décret du 17 juin 2021.

B.3.2. L'article 6.2.2-5 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire dispose : « Lorsqu'un pôle territorial prend en charge un ou plusieurs élève(s) présentant des besoins spécifiques sensori-moteurs, le pouvoir organisateur du pôle territorial peut conclure des partenariats spécifiques avec le pouvoir organisateur des écoles d'enseignement spécialisé qui organisent les types 4, 6 ou 7 en fonction du besoin spécifique du ou des élève(s).

Lorsqu'un pôle territorial prend en charge un ou plusieurs élève(s) relevant de l'enseignement spécialisé de type 5, le pouvoir organisateur du pôle territorial peut conclure un partenariat spécifique avec le pouvoir organisateur d'une école d'enseignement spécialisé qui organise le type 5.

Le pôle territorial et l'école d'enseignement spécialisé concernés peuvent être situés dans des zones différentes. Ce partenariat spécifique peut être conclu au cours de la période de constitution du pôle visée à l'article 6.2.2-3 et reste valable jusqu'à l'échéance de cette période.

La conclusion d'un partenariat spécifique par une école d'enseignement spécialisé ne l'empêche pas d'être par ailleurs l'école siège ou l'école partenaire d'un autre pôle territorial.

Le gouvernement fixe le modèle de la convention de partenariat spécifique et les modalités de transmission des conventions conclues aux services du gouvernement ».

Les travaux préparatoires du décret du 17 juin 2021 précisent que cette disposition prévoit une exception à des principes précités « exclusivement pour la prise en charge des élèves présentant des besoins spécifiques sensori-moteurs » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 245/1, p. 17).

B.3.3. L'article 6.2.3-1 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire dispose : « Chaque pôle territorial soutient les écoles coopérantes qui lui sont conventionnées, pour la mise en oeuvre de l'intégration permanente totale et des aménagements raisonnables pour lesquels le pôle territorial est impliqué. Le pôle territorial et les Centres PMS compétents pour ses écoles coopérantes agissent de manière complémentaire.

A cette fin, le pôle territorial exerce : 1° les missions suivantes relatives à l'accompagnement de leurs écoles coopérantes : a) informer les équipes éducatives, élèves et parents d'élèves sur les aménagements raisonnables et l'intégration permanente totale;b) assurer le lien entre les différents partenaires qui jouent un rôle de soutien aux élèves, notamment afin de faciliter l'échange d'expériences;c) accompagner et soutenir les membres de l'équipe éducative des écoles coopérantes dans l'organisation des aménagements raisonnables, notamment par le conseil ou la mise à disposition d'outils;d) accompagner les écoles coopérantes dans l'élaboration de protocoles d'aménagements raisonnables lorsqu'une prise en charge individuelle de l'élève concerné par le pôle territorial s'avère nécessaire.2° les missions suivantes relatives à l'accompagnement des élèves inscrits dans leurs écoles coopérantes : a) accompagner individuellement les élèves présentant des besoins spécifiques dans le cadre de la mise en oeuvre des aménagements raisonnables si cela s'avère nécessaire au regard de leurs besoins et de leurs protocoles d'aménagements raisonnables; b) accompagner individuellement les élèves présentant des besoins spécifiques sensori-moteurs nécessitant un suivi important dans le cadre de la mise en oeuvre des aménagements raisonnables si cela s'avère nécessaire au regard de l'échelle des besoins visée à l'article 6.2.5-4, alinéa 2; c) collaborer à l'évaluation des protocoles d'aménagements raisonnables et, le cas échéant, à l'orientation vers l'enseignement spécialisé en cas d'insuffisance des aménagements raisonnables pour assurer un apprentissage adapté aux besoins spécifiques de l'élève;d) accompagner les élèves à besoins spécifiques dans le cadre du dispositif d'intégration permanente totale pour les élèves issus de l'enseignement spécialisé ». Les travaux préparatoires du décret du 17 juin 2021 précisent que cette disposition vise à décrire les missions des pôles territoriaux.

L'intention générale consiste à « favoriser l'école inclusive, en accompagnant concrètement et activement les écoles d'enseignement ordinaire dans la prise en charge des élèves à besoins spécifiques dans le cadre soit d'un protocole d'aménagements raisonnables, soit d'une intégration permanente totale ». Deux catégories de missions sont par ailleurs prévues, à savoir « des missions relatives à l'accompagnement des écoles coopérantes et des missions relatives à l'accompagnement des élèves inscrits dans les écoles coopérantes » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 245/1, p. 20).

B.3.4. L'article 6.2.5-4 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire dispose : « Les pôles territoriaux qui prennent en charge des élèves qui présentent des besoins spécifiques sensori-moteurs nécessitant un suivi important visés à l'article 6.2.3-1, alinéa 2, 2°, b), reçoivent entre 44 et 352 points complémentaires par élève en fonction des conclusions de l'évaluation visée à l'alinéa 2. Pour les élèves qui génèrent également des points en application de l'article 6.2.5-5, le nombre global de points généré est de maximum 352 points par élève.

Le gouvernement fixe la procédure et la fréquence d'évaluation de l'ampleur des besoins spécifiques sensori-moteurs des élèves, pour déterminer s'ils doivent bénéficier d'aménagements raisonnables nécessitant un suivi important ouvrant le droit au subventionnement visé à l'alinéa 1er. Sur la base du diagnostic visé à l'article 1.7.8-1, § 1er, alinéa 2, cette évaluation est réalisée par le coordonnateur du pôle territorial avec les membres de l'équipe pluridisciplinaire du pôle territorial et/ou avec les membres de l'équipe éducative de l'école d'enseignement spécialisé. Pour ce faire, le gouvernement fixe une échelle permettant d'évaluer les besoins des élèves et le nombre de points affectés au pôle territorial en fonction des conclusions de l'évaluation visée au présent alinéa ».

Aux termes des travaux préparatoires du décret du 17 juin 2021, cet article précise que « les pôles territoriaux peuvent bénéficier, le cas échéant, de moyens complémentaires pour la prise en charge d'élèves qui présentent des besoins spécifiques sensori-moteurs nécessitant un suivi particulièrement important, y compris des tâches de type ` nursing ' ou de transcription en braille. Ce financement complémentaire est octroyé sur la base d'une évaluation approfondie de leurs besoins » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 245/1, pp. 25-26).

B.3.5. L'article 6.2.5-5 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire dispose : « Pour chaque élève en intégration permanente totale dans l'enseignement fondamental ou secondaire ordinaire en application de l'article 132 du décret du 3 mars 2004 organisant l'enseignement spécialisé, il est octroyé 88 points complémentaires par élève au pôle territorial qui accompagne cet élève.

Par dérogation à l'alinéa 1er, pour chaque élève, spécialisé de type 4, 6 ou 7 et intégré dans le 3e degré de l'enseignement secondaire en application de l'article 132 du décret du 3 mars 2004 organisant l'enseignement spécialisé, il est octroyé 352 points complémentaires au pôle territorial qui accompagne cet élève ».

Selon les travaux préparatoires du décret du 17 juin 2021, cet article précise que « les pôles territoriaux peuvent bénéficier, le cas échéant, de moyens complémentaires pour l'accompagnement d'élèves en intégration permanente totale. Ces moyens complémentaires visent les élèves concernés par ce mécanisme à partir du 2 septembre 2020, c'est-à-dire après la réforme du dispositif de l'intégration ». En outre, le commentaire rappelle que le mécanisme de l'intégration permanente totale est limité aux élèves dont le parcours scolaire dans l'enseignement spécialisé est une réalité : « La prise en charge des élèves inscrits dans l'enseignement ordinaire et pour lesquels il est possible de répondre de manière permanente et totale à leurs besoins spécifiques dans l'enseignement ordinaire ne [doit] pas être concerné[e] par le mécanisme de l'intégration permanente totale mais doi[t] cependant disposer d'un soutien spécifique pour la mise en place des aménagements raisonnables par l'intermédiaire des pôles territoriaux. Dans ce contexte, il a été mis fin début juillet 2020 au mécanisme de l'intégration temporaire totale qui permettait à des élèves de bénéficier de l'intégration sans avoir fréquenté physiquement l'enseignement spécialisé. Les élèves concernés par l'intégration temporaire totale ont tous basculé automatiquement en intégration permanente totale en date du 1er septembre 2020 » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 245/1, p. 26).

B.3.6. Les dispositions précitées énoncent plusieurs mesures particulières qui s'appliquent, entre autres, à certains élèves en situation de handicap sensori-moteur.

L'article 6.2.2-5 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire prévoit une possibilité de dérogation à l'article 6.2.2-4 de ce Code en ce qui concerne la conclusion de conventions de partenariats spécifiques au profit des pouvoirs organisateurs des pôles territoriaux prenant en charge des élèves relevant de l'enseignement spécialisé des types 4 (déficiences physiques), 5 (maladie ou convalescence), 6 (déficiences visuelles) et 7 (déficiences auditives).

L'article 6.2.3-1 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire confie aux pôles territoriaux la mission d'accompagner individuellement les élèves qui présentent des besoins spécifiques sensori-moteurs nécessitant, le cas échéant, un suivi important dans le cadre de la mise en oeuvre des aménagements raisonnables.

L'article 6.2.5-4 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire prévoit la possibilité, pour les pôles territoriaux prenant en charge des élèves qui présentent des besoins spécifiques sensori-moteurs nécessitant un suivi important, de percevoir un financement complémentaire sur la base d'une évaluation approfondie de ces besoins.

Enfin, l'article 6.2.5-5 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire prévoit également un financement complémentaire au profit des pôles territoriaux qui accompagnent des élèves en intégration permanente totale, et ce financement complémentaire est lui-même majoré pour les élèves qui relèvent de l'enseignement spécialisé des types 4, 6 ou 7.

Quant à la recevabilité B.4. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la disposition attaquée.

B.5.1. La partie requérante dans l'affaire n° 7720 est l'ASBL « Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique en Communautés française et germanophone » (ci-après : le SeGEC). Dans l'affaire n° 7747, la partie requérante est l'ASBL « Inclusion ».

B.5.2. Lorsqu'une association sans but lucratif qui n'invoque pas son intérêt personnel agit devant la Cour, il est requis que son but statutaire soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; qu'elle défende un intérêt collectif; que la norme attaquée soit susceptible d'affecter son but; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que ce but n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi.

B.6.1. La disposition attaquée dans l'affaire n° 7720 majore la dotation de fonctionnement des pôles territoriaux qui relèvent d'une école siège de l'enseignement organisé par la Communauté française.

En sa qualité d'organe de représentation et de coordination de l'enseignement catholique reconnu par la Communauté française, le SeGEC a notamment pour but statutaire d'aider les pouvoirs organisateurs et les établissements scolaires qu'elle fédère « à remplir leur mission de service public fonctionnel en matière d'éducation et d'enseignement » (article 3, § 1er, alinéa 1er de ses statuts). Elle est aussi « le porte-parole des membres adhérents dont elle assume la défense et la promotion, par tout moyen jugé adéquat » (article 3, § 1er, alinéa 2, des mêmes statuts).

B.6.2. La partie requérante dans l'affaire n° 7720 est susceptible d'être affectée directement et défavorablement par la disposition attaquée, qui accorde des moyens financiers complémentaires aux pôles territoriaux placés sous la responsabilité d'un établissement scolaire relevant d'une catégorie autre que celle des établissements qu'elle fédère. En effet, il n'est pas nécessaire qu'une éventuelle annulation de la disposition attaquée lui procure un avantage immédiat. La circonstance que le SeGEC obtiendrait une chance que s'améliore la situation des pôles territoriaux placés sous la responsabilité d'un des établissements qu'il fédère en vue de les aider à exercer leur mission de service public fonctionnel de l'enseignement suffit à justifier son intérêt à attaquer cette disposition.

B.7.1. Les dispositions attaquées dans l'affaire n° 7747 prévoient plusieurs mesures particulières au profit des pôles territoriaux lorsqu'ils accompagnent des élèves en situation de handicap sensori-moteur, sans que ces mesures soient étendues à l'accompagnement des élèves en situation d'une autre forme de handicap, tel le handicap intellectuel.

Selon ses statuts, l'ASBL « Inclusion » a pour but « de promouvoir le développement, l'inclusion et la qualité de vie des personnes en situation de handicap intellectuel et de leurs familles » (article 4, alinéa 1er), ce qui comprend notamment « la défense de leurs intérêts et besoins auprès des Pouvoirs publics et de toutes autres instances, la promotion de leurs droits à l'inclusion dans la société et la lutte contre toutes formes de discrimination à leur égard ». Il est précisé que « l'association peut en outre ester en justice dans les litiges donnant lieu à toute forme d'exclusion ou de discrimination des personnes porteuse d'une déficience intellectuelle et de leur entourage » (article 5, alinéa 1er).

B.7.2. La partie requérante dans l'affaire n° 7747 est susceptible d'être affectée directement et défavorablement par les dispositions attaquées qui prévoient des mesures particulières au profit des pôles territoriaux accompagnant des personnes porteuses d'un autre handicap que celles dont elle défend les intérêts. En effet, comme il est dit en B.6.2, il n'est pas nécessaire qu'une éventuelle annulation des dispositions attaquées lui procure un avantage immédiat. La circonstance que l'ASBL « Inclusion » obtiendrait une chance que s'améliore la situation des élèves en situation de handicap intellectuel suffit à justifier son intérêt à attaquer ces dispositions.

B.8. La partie intervenante dans l'affaire n° 7720 est l'organisme public autonome WBE. Dans l'affaire n° 7747, la partie intervenante est le Centre interfédéral pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme et les discriminations (ci-après : UNIA).

B.9. Pour vérifier si une personne physique ou morale justifie d'un intérêt à intervenir dans un recours en annulation, il convient d'avoir égard à l'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, qui dispose : « Lorsque la Cour [...] statue sur les recours en annulation visés à l'article 1er, toute personne justifiant d'un intérêt peut adresser ses observations dans un mémoire à la Cour dans les trente jours de la publication prescrite par l'article 74. Elle est, de ce fait, réputée partie au litige ».

Justifie d'un intérêt au sens de l'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 la personne qui montre que sa situation peut être directement affectée par l'arrêt que la Cour est appelée à rendre à propos du recours en annulation.

B.10. WBE est le pouvoir organisateur des établissements de l'enseignement organisé par la Communauté française dont dépendent les pôles territoriaux qui bénéficient de la majoration de la dotation de fonctionnement prévue par la disposition attaquée dans l'affaire n° 7720. Le présent arrêt peut dès lors affecter directement et défavorablement la situation de cet organisme, de sorte qu'il justifie d'un intérêt à intervenir. B.11.1. UNIA a été créé par l'accord de coopération du 12 juin 2013 entre l'autorité fédérale, les Régions et les Communautés visant à créer un Centre interfédéral pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme et les discriminations sous la forme d'une institution commune, au sens de l'article 92bis de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, qui a doté UNIA de la personnalité juridique.

Conformément à l'article 3 de cet accord de coopération, UNIA a pour mission « de promouvoir l'égalité des chances prenant en considération la diversité dans notre société et de combattre toute forme de discriminations, de distinction, d'exclusion, de restriction, d'exploitation ou de préférence fondée sur une prétendue race, la couleur de peau, l'ascendance, la nationalité, l'origine nationale ou ethnique, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'origine sociale, la naissance, la fortune, l'âge, la conviction religieuse ou philosophique, l'état de santé, la conviction politique ou la conviction syndicale, un handicap, une caractéristique physique ou génétique ». Selon ce même article, UNIA a également pour mission « de remplir les tâches prévues dans l'article 33, § 2, de la Convention des Nations unies du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées », qui dispose que « les Etats Parties, conformément à leurs systèmes administratif et juridique, maintiennent, renforcent, désignent ou créent, au niveau interne, un dispositif, y compris un ou plusieurs mécanismes indépendants, selon qu'il conviendra, de promotion, de protection et de suivi de l'application de la présente Convention », et dont l'article 24 reconnaît le droit des personnes handicapées à l'éducation.

Conformément à l'article 6, § 3, alinéa 2, de cet accord de coopération, UNIA est habilité à ester en justice, dans les limites de ses missions définies à l'article 3, précité, dans tous les litiges auxquels pourrait donner lieu, notamment, l'application du décret de la Communauté française du 12 décembre 2008 « relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination ». Ce décret s'applique en matière d'enseignement et vise notamment les distinctions fondées sur le critère du handicap (article 3, 1° et 12°, et article 4).

B.11.2. Comme il est dit en B.7.1, les dispositions attaquées dans l'affaire n° 7747 prévoient plusieurs mesures particulières au profit des pôles territoriaux lorsqu'ils accompagnent des élèves en situation de handicap sensori-moteur, sans que ces mesures soient étendues à l'accompagnement des élèves porteurs d'une autre forme de handicap.

Ces dispositions peuvent donc affecter la mission d'UNIA et l'intérêt collectif qu'il défend. Il justifie donc de l'intérêt requis.

B.12.1. Dans l'affaire n° 7747, le Gouvernement de la Communauté française soutient que le recours est irrecevable en ce qu'il porte sur l'article 6.2.2-5 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire, dès lors que la partie requérante ne formule aucun grief contre cette disposition.

B.12.2. L'exception d'irrecevabilité concerne la portée des moyens soulevés par la partie requérante, de sorte que l'examen de la recevabilité se confond avec celui du fond de l'affaire.

Quant au fond En ce qui concerne l'affaire n° 7720 B.13. Le moyen unique dans l'affaire n° 7720 est pris de la violation de l'article 24, § 4, de la Constitution, lu en combinaison ou non avec le paragraphe premier de cette disposition, en ce que l'article 6.2.5-6, § 3, alinéas 2 et 3, du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire prévoit des financements différents en fonction du pouvoir organisateur dont dépend l'école siège du pôle territorial. Selon la partie requérante, les différences objectives qui existent entre les réseaux ne justifieraient pas raisonnablement cette différence de traitement.

B.14. Dans son mémoire en réponse, la partie requérante ajoute que la disposition attaquée est susceptible d'entraîner des restrictions au droit des élèves en situation de handicap à l'inclusion dans l'enseignement, dès lors que la qualité de l'accompagnement dont ceux-ci bénéficient au sein de l'enseignement ordinaire est susceptible de varier en fonction du réseau auquel se rattache l'école siège du pôle territorial, ce qui serait incompatible avec l'article 22ter de la Constitution, avec l'article 15 de la Charte sociale européenne révisée et avec l'article 24 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

B.15.1. Le Gouvernement de la Communauté française et la partie intervenante soulèvent l'irrecevabilité de ce grief en ce qu'il constitue un moyen nouveau.

B.15.2. Il n'appartient pas à la partie requérante de modifier, dans son mémoire en réponse, le moyen du recours tel qu'elle l'a elle-même formulé dans la requête. Un grief qui est formulé dans un mémoire en réponse mais qui diffère de celui qui a été formulé dans la requête constitue dès lors un moyen nouveau et est irrecevable. Partant, la Cour ne doit pas examiner si la disposition attaquée est compatible avec l'article 22ter de la Constitution, avec l'article 15 de la Charte sociale européenne révisée et avec l'article 24 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

B.16. Dans son mémoire en réponse, la partie intervenante fait valoir que la Cour n'est pas compétente pour se prononcer sur le moyen unique, qui porterait sur un choix du Constituant, dès lors que la différence de traitement soulevée trouverait sa source non pas dans la disposition attaquée mais dans l'article 24 de la Constitution.

B.17. L'article 24 de la Constitution dispose : « § 1er. L'enseignement est libre; toute mesure préventive est interdite; la répression des délits n'est réglée que par la loi ou le décret.

La communauté assure le libre choix des parents.

La communauté organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves.

Les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu'à la fin de l'obligation scolaire, le choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle. § 2. Si une communauté, en tant que pouvoir organisateur, veut déléguer des compétences à un ou plusieurs organes autonomes, elle ne le pourra que par décret adopté à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés. § 3. Chacun a droit à l'enseignement dans le respect des libertés et droits fondamentaux. L'accès à l'enseignement est gratuit jusqu'à la fin de l'obligation scolaire.

Tous les élèves soumis à l'obligation scolaire ont droit, à charge de la communauté, à une éducation morale ou religieuse. § 4. Tous les élèves ou étudiants, parents, membres du personnel et établissements d'enseignement sont égaux devant la loi ou le décret.

La loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié. § 5. L'organisation, la reconnaissance ou le subventionnement de l'enseignement par la communauté sont réglés par la loi ou le décret ».

B.18.1. La Cour n'est pas compétente pour se prononcer sur une différence ou une limitation d'un droit fondamental découlant d'un choix opéré par le Constituant lui-même.

B.18.2. L'article 24, § 4, de la Constitution réaffirme, en matière d'enseignement, les principes d'égalité et de non-discrimination.

Selon cette disposition, tous les établissements d'enseignement, entre autres, sont égaux devant la loi ou le décret.

Les établissements d'enseignement doivent dès lors tous être traités de manière égale, à moins qu'il existe entre eux des différences objectives permettant de justifier raisonnablement un traitement différent. Inversement, ils doivent être traités de manière différente lorsqu'ils se trouvent dans une situation intrinsèquement différente au regard de la mesure attaquée, sauf s'il existe une justification objective et raisonnable au traitement égal.

B.18.3. Ce constat n'a pas pour conséquence que la disposition attaquée échappe au contrôle de la Cour. Au contraire, il appartient à la Cour de vérifier si le législateur décrétal, en adoptant l'article 6.2.5-6, § 3, alinéas 2 et 3, du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire, a fait naître une différence de traitement qui est raisonnablement justifiée au regard des différences objectives dont il est question à l'article 24, § 4, de la Constitution.

B.19.1. La disposition attaquée dans l'affaire n° 7720 prévoit une majoration de 33 % de la dotation de fonctionnement des pôles territoriaux placés sous la responsabilité d'une école siège lorsque celle-ci relève de l'enseignement organisé par la Communauté française. Elle crée donc une différence de traitement, en ce qui concerne le financement des frais de fonctionnement octroyé aux pôles territoriaux, selon que l'école de l'enseignement spécialisé qui est l'école siège du pôle est organisée par la Communauté française ou subventionnée par celle-ci.

B.19.2. En application de l'article 6.2.5-1, § 3, du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire, la dotation ou la subvention de fonctionnement versée par la Communauté française est destinée à « couvrir les frais relatifs au fonctionnement et à l'équipement des pôles territoriaux et au remboursement des frais kilométriques générés par les membres du personnel des pôles territoriaux bénéficiant de traitements ou de subventions-traitements ». En vertu de l'article 6.2.5-6, § 3, alinéa 4, du même Code, les pôles territoriaux peuvent utiliser leurs moyens de fonctionnement pour engager du personnel administratif.

B.19.3. Les moyens mis à la disposition des pôles territoriaux pour assurer leur fonctionnement doivent permettre à ces pôles de remplir les missions qui leur sont assignées par l'article 6.2.3.-1 du même Code, tant en ce qui concerne l'accompagnement des écoles coopérantes qu'en ce qui concerne l'accompagnement individuel des élèves présentant des besoins spécifiques qui sont scolarisés dans ces écoles. Il revient à chaque pôle territorial d'allouer les moyens dont il dispose « en fonction des besoins spécifiques des élèves dont il [a] la charge » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 245/1, p. 8), de sorte que « dans le système des pôles, les moyens ne sont donc [pas] attachés à un élève mais octroyés à une structure qui doit les affecter au mieux en fonction des besoins spécifiques des élèves des écoles de l'enseignement ordinaire avec lesquelles ces structures coopèrent » (ibid.).

B.20.1. Bien que l'égalité de traitement des établissements d'enseignement constitue le principe, l'article 24, § 4, de la Constitution n'exclut pas un traitement différencié de ces établissements, à la condition que celui-ci soit fondé sur des différences objectives, « notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur ». Les travaux préparatoires de la révision constitutionnelle du 15 juillet 1988 mentionnent à cet égard la possibilité de tenir compte des obligations spécifiques qui incombent aux écoles de la communauté, du régime de propriété des constructions scolaires, ou encore de la faculté pour certains pouvoirs organisateurs ou établissements de compléter le financement octroyé par la communauté par des fonds publics ou privés (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 100-1/1°, pp. 5-7). Pour justifier, au regard du principe d'égalité et de non-discrimination, une différence de traitement entre les établissements d'enseignement des réseaux d'enseignement, il ne suffit cependant pas d'indiquer l'existence de différences objectives entre ces établissements. Il doit encore être démontré qu'à l'égard de la matière réglée, la distinction alléguée est pertinente pour justifier raisonnablement une différence de traitement.

B.20.2. D'après l'exposé des motifs de la disposition attaquée, la différence de traitement concernant le financement relatif aux frais de fonctionnement repose sur le fait « que Wallonie [...] Bruxelles Enseignement (WBE) est un pouvoir organisateur particulier qui présente des spécificités » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 245/1, p. 27). Sont cités à cet égard le fait que WBE scolarise des élèves qui ont rencontré des difficultés dans d'autres écoles et le fait qu'en vertu du décret attaqué, WBE ne peut refuser de conclure une convention de partenariat ou de collaboration avec les pouvoirs organisateurs qui n'ont pas pu conclure une telle convention avec un pouvoir organisateur relevant de l'enseignement subventionné (ibid.).

B.20.3. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.2.2 que, pour déterminer le montant de la majoration de la dotation perçue par les pôles territoriaux dont l'école siège est un établissement de l'enseignement organisé par la Communauté française, le législateur décrétal s'est aligné sur la différence de financement prévue par la loi du 29 mai 1959 « modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement » (ci-après : la loi du 29 mai 1959), qui prévoit que les établissements de l'enseignement libre subventionné bénéficient, dans les limites des crédits budgétaires, de subventions de fonctionnement par élève régulièrement inscrit dont le montant est égal à 75 % des dotations forfaitaires octroyées aux établissements de l'enseignement organisé par la Communauté française (article 32, § 2, alinéa 1er).

B.20.4. Il ne saurait être reproché au législateur décrétal, lorsqu'il crée des nouvelles structures d'enseignement, de reprendre le mode de calcul des dotations et subventions propre à chaque réseau d'enseignement, tel qu'il est prévu par la loi du 29 mai 1959.

B.21. Toutefois, le pôle est une structure qui est placée sous la responsabilité et sous l'autorité des organes de l'école siège, mais qui dispose de ressources humaines et budgétaires propres.

L'exposé des motifs du décret attaqué précise à cet égard : « Cet attachement à un pouvoir organisateur d'une école d'enseignement spécialisé n'est pas de nature à qualifier le pôle territorial d'établissement d'enseignement. Le pôle territorial est une structure attachée mais distincte de l'école siège. Si certains éléments seront communs entre le pôle territorial et l'école siège (PO, directeur, mécanismes statutaires, annexe relative au pôle territorial dans le contrat d'objectifs de l'école siège), il faut souligner que le pouvoir organisateur sera responsable d'éléments distincts : - d'une part, de l'école dite `siège'; - d'autre part, d'un pôle territorial.

A ce titre, il recevra du pouvoir régulateur des dotations/subventions distinctes pour l'école qu'il organise et pour le pôle territorial qu'il organise. Partant, l'équipe pluridisciplinaire du pôle territorial sera distincte de l'équipe éducative de l'école siège et les moyens de fonctionnement octroyés par la Communauté française pour le pôle ne pourront pas être globalisés ou confondus avec les moyens de fonctionnement octroyés pour l'école siège. Avec l'appui du coordonnateur pour ce qui concerne le pôle territorial, le directeur assumera une autorité sur les deux structures. Il convient également de relever que les missions confiées aux pôles territoriaux par le présent projet de décret diffèrent des missions classiques d'enseignement exercées classiquement dans une école. Les pôles territoriaux mettront en place, d'une part, des missions relatives à l'accompagnement des écoles coopérantes elles-mêmes et, d'autre part, des missions relatives à l'accompagnement des élèves inscrits dans les écoles coopérantes concernées » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 245/1, p. 15).

B.22.1. Il en résulte que les pôles territoriaux doivent être distingués des établissements scolaires tant par leur organisation, leur fonctionnement et leurs missions que par leur financement. Ils n'occupent ni ne possèdent des bâtiments propres, la coordination du pôle étant hébergée par l'école siège et les membres de leur personnel exerçant leurs missions au sein des écoles coopérantes et dans les locaux de celles-ci. Ils offrent leur accompagnement aux écoles coopérantes et aux élèves fréquentant ces écoles, ces dernières demeurant seules responsables de leur inscription. Dès lors que le financement du pôle territorial ne peut être globalisé ou confondu avec celui de l'école siège, le pouvoir organisateur de cette dernière n'est pas supposé pouvoir apporter un complément, par des fonds publics ou privés, au financement octroyé par la Communauté.

Il s'ensuit que le financement des pôles territoriaux est étranger aux différences objectives mentionnées en B.20.1.

B.22.2. Par ailleurs, s'il est vrai que les écoles sièges appartenant au réseau WBE ne peuvent pas refuser un partenariat ou une coopération avec une école souhaitant intégrer le pôle placé sous leur responsabilité, il se déduit des articles 6.2.2-4, § 2 et § 4, dernier alinéa, et 6.2.2-6, § 2 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire que les écoles sièges appartenant aux autres réseaux ne peuvent refuser un partenariat ou une coopération sans motif valable, que les refus peuvent faire l'objet d'une plainte auprès du Gouvernement et que celui-ci peut, s'il estime le refus abusif, infliger une sanction à l'école siège concernée.

B.23.1. En outre, l'article 6.2.2-1, alinéa 4, du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire dispose : « Le pôle territorial et son école siège, les écoles partenaires et les écoles coopérantes peuvent être organisés par des pouvoirs organisateurs distincts, relevant de réseaux et de niveaux d'enseignement distincts ».

Cette possibilité de mixité des pôles territoriaux est confirmée par l'article 67, § 2, du décret du 17 juin 2021, qui précise que tant les écoles partenaires que les écoles coopérantes peuvent relever de réseaux d'enseignement différents.

L'exposé des motifs précise à cet égard : « Cet article fixe également un principe : chaque école d'enseignement ordinaire doit nécessairement coopérer avec un pôle territorial. Cette coopération est formalisée par la conclusion d'une convention de coopération ou par la fixation d'un ressort [...].

Un pôle territorial peut évidemment être créé en inter-niveaux, c'est-à-dire qu'il peut rassembler des écoles d'enseignement spécialisé et/ou ordinaire de niveaux d'enseignement fondamental et/ou secondaire. [...] Un pôle peut également être créé en inter-réseaux et rassembler des écoles d'enseignement spécialisé et/ou ordinaire de fédérations de pouvoirs organisateurs différentes » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 245/1, p. 15).

B.23.2. Il en résulte que des écoles coopérantes relevant de l'enseignement subventionné peuvent être bénéficiaires de l'accompagnement prodigué soit par un pôle territorial dont l'école siège est organisée par WBE soit par un pôle territorial dont l'école siège est organisée par un pouvoir organisateur subventionné et que, de même, des écoles organisées par WBE peuvent être bénéficiaires de l'accompagnement prodigué soit par un pôle territorial dont l'école siège est organisée par WBE soit par un pôle territorial dont l'école siège est organisée par un pouvoir organisateur subventionné. En vertu de la disposition attaquée, des écoles relevant du même réseau bénéficieront donc d'un accompagnement financé de manière plus ou moins importante selon que l'école siège du pôle territorial avec lequel leur établissement coopère est organisée par WBE ou par un pouvoir organisateur subventionné.

B.23.3. Pour les motifs énoncés en B.22.1 et en B.22.2, les spécificités du pouvoir organisateur des écoles sièges relevant du réseau de la Communauté française citées en B.20 ne sauraient justifier une différence de traitement, en ce qui concerne le financement de leurs frais de fonctionnement, entre les pôles territoriaux selon le réseau auquel se rattache leur école siège. Il en va d'autant plus ainsi que, comme il est dit en B.23.2, les pôles territoriaux sont des structures qui peuvent opérer en inter-réseaux et qu'ils ne sauraient dès lors tous être rattachés exclusivement à un seul réseau.

B.24. La différence de traitement créée par la disposition attaquée ne repose pas sur un critère objectif et pertinent. Le moyen unique dans l'affaire n° 7720 est fondé. Il convient d'annuler l'article 6.2.5-6, § 3, alinéas 2 et 3, du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire, inséré par l'article 1er du décret du 17 juin 2021.

En ce qui concerne l'affaire n° 7747 Premier moyen B.25.1. Le premier moyen dans l'affaire n° 7747 porte sur la compatibilité des dispositions attaquées avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l'article 15, point 1, de la Charte sociale européenne révisée, avec l'article 23 de la Convention relative aux droits de l'enfant et avec l'article 24 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

B.25.2. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d'égalité et de non-discrimination.

L'article 15 de la Charte sociale européenne révisée énonce : « Droit des personnes handicapées à l'autonomie, à l'intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté En vue de garantir aux personnes handicapées, quel que soit leur âge, la nature et l'origine de leur handicap, l'exercice effectif du droit à l'autonomie, à l'intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté, les Parties s'engagent notamment : 1. à prendre les mesures nécessaires pour fournir aux personnes handicapées une orientation, une éducation et une formation professionnelle dans le cadre du droit commun chaque fois que possible ou, si tel n'est pas le cas, par le biais d'institutions spécialisées publiques ou privées; [...] ».

L'article 23 de la Convention relative aux droits de l'enfant énonce : « 1. Les Etats parties reconnaissent que les enfants mentalement ou physiquement handicapés doivent mener une vie pleine et décente, dans des conditions qui garantissent leur dignité, favorisent leur autonomie et facilitent leur participation active à la vie de la collectivité. 2. Les Etats parties reconnaissent le droit à des enfants handicapés de bénéficier de soins spéciaux et encouragent et assurent, dans la mesure des ressources disponibles, l'octroi, sur demande, aux enfants handicapés remplissant les conditions requises et à ceux qui en ont la charge, d'une aide adaptée à l'état de l'enfant et à la situation de ses parents ou de ceux à qui il est confié.3. Eu égard aux besoins particuliers des enfants handicapés, l'aide fournie conformément au paragraphe 2 du présent article est gratuite chaque fois qu'il est possible, compte tenu des ressources financières de leurs parents ou de ceux à qui l'enfant est confié, et elle est conçue de telle sorte que les enfants handicapés aient effectivement accès à l'éducation, à la formation, aux soins de santé, à la rééducation, à la préparation à l'emploi et aux activités récréatives, et bénéficient de ces services de façon propre à assurer une intégration sociale aussi complète que possible et leur épanouissement personnel, y compris dans le domaine culturel et spirituel.4. Dans un esprit de coopération internationale, les Etats parties favorisent l'échange d'informations pertinentes dans le domaine des soins de santé préventifs et du traitement médical, psychologique et fonctionnel des enfants handicapés, y compris par la diffusion d'informations concernant les méthodes de rééducation et les services de formation professionnelle, ainsi que l'accès à ces données, en vue de permettre aux Etats parties d'améliorer leurs capacités et leurs compétences et d'élargir leur expérience dans ces domaines.A cet égard, il est tenu particulièrement compte des besoins des pays en développement ».

L'article 24 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées énonce : « 1. Les Etats Parties reconnaissent le droit des personnes handicapées à l'éducation. En vue d'assurer l'exercice de ce droit sans discrimination et sur la base de l'égalité des chances, les Etats Parties font en sorte que le système éducatif pourvoie à l'insertion scolaire à tous les niveaux et offre, tout au long de la vie, des possibilités d'éducation qui visent : a) Le plein épanouissement du potentiel humain et du sentiment de dignité et d'estime de soi, ainsi que le renforcement du respect des droits de l'homme, des libertés fondamentales et de la diversité humaine;b) L'épanouissement de la personnalité des personnes handicapées, de leurs talents et de leur créativité ainsi que de leurs aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités;c) La participation effective des personnes handicapées à une société libre.2. Aux fins de l'exercice de ce droit, les Etats Parties veillent à ce que : a) Les personnes handicapées ne soient pas exclues, sur le fondement de leur handicap, du système d'enseignement général et à ce que les enfants handicapés ne soient pas exclus, sur le fondement de leur handicap, de l'enseignement primaire gratuit et obligatoire ou de l'enseignement secondaire;b) Les personnes handicapées puissent, sur la base de l'égalité avec les autres, avoir accès, dans les communautés où elles vivent, à un enseignement primaire inclusif, de qualité et gratuit, et à l'enseignement secondaire;c) Il soit procédé à des aménagements raisonnables en fonction des besoins de chacun;d) Les personnes handicapées bénéficient, au sein du système d'enseignement général, de l'accompagnement nécessaire pour faciliter leur éducation effective;e) Des mesures d'accompagnement individualisé efficaces soient prises dans des environnements qui optimisent le progrès scolaire et la socialisation, conformément à l'objectif de pleine intégration.3. Les Etats Parties donnent aux personnes handicapées la possibilité d'acquérir les compétences pratiques et sociales nécessaires de façon à faciliter leur pleine et égale participation au système d'enseignement et à la vie de la communauté.A cette fin, les Etats Parties prennent des mesures appropriées, et notamment : a) Facilitent l'apprentissage du braille, de l'écriture adaptée et des modes, moyens et formes de communication améliorée et alternative, le développement des capacités d'orientation et de la mobilité, ainsi que le soutien par les pairs et le mentorat;b) Facilitent l'apprentissage de la langue des signes et la promotion de l'identité linguistique des personnes sourdes;c) Veillent à ce que les personnes aveugles, sourdes ou sourdes et aveugles - et en particulier les enfants - reçoivent un enseignement dispensé dans la langue et par le biais des modes et moyens de communication qui conviennent le mieux à chacun, et ce, dans des environnements qui optimisent le progrès scolaire et la sociabilisation.4. Afin de faciliter l'exercice de ce droit, les Etats Parties prennent des mesures appropriées pour employer des enseignants, y compris des enseignants handicapés, qui ont une qualification en langue des signes ou en braille et pour former les cadres et personnels éducatifs à tous les niveaux.Cette formation comprend la sensibilisation aux handicaps et l'utilisation des modes, moyens et formes de communication améliorée et alternative et des techniques et matériels pédagogiques adaptés aux personnes handicapées. 5. Les Etats Parties veillent à ce que les personnes handicapées puissent avoir accès, sans discrimination et sur la base de l'égalité avec les autres, à l'enseignement tertiaire général, à la formation professionnelle, à l'enseignement pour adultes et à la formation continue.A cette fin, ils veillent à ce que des aménagements raisonnables soient apportés en faveur des personnes handicapées ».

B.26.1. Dans une première branche du moyen, la partie requérante soutient que les dispositions attaquées créent une différence de traitement dépourvue de justification raisonnable entre les personnes en situation de handicap, au détriment des enfants en situation de handicap intellectuel, en ce qui concerne le financement complémentaire de moyens d'accompagnement individuels pour besoins spécifiques réglé à l'article 6.2.5-4 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire. Dans une seconde branche, la partie requérante soutient que les dispositions attaquées créent une différence de traitement similaire en ce qui concerne le financement complémentaire des moyens d'accompagnement individuels pour besoins spécifiques réglé à l'article 6.2.5-5 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire, qui porte sur les élèves en intégration permanente totale.

B.26.2. Eu égard à leur connexité, la Cour examine ces deux branches conjointement.

B.27.1. Le Gouvernement de la Communauté française soutient que la partie requérante dans l'affaire n° 7747 ne formule aucun grief contre l'article 6.2.2-5 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire.

B.27.2. L'article 6.2.2-5 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire autorise les pôles territoriaux qui prennent en charge au moins un élève présentant certains besoins spécifiques sensori-moteurs à conclure des partenariats spécifiques avec le pouvoir organisateur de certaines écoles d'enseignement spécialisé.

Dans son mémoire en réponse, la partie requérante affirme que cette disposition est indissociablement liée aux autres dispositions attaquées.

B.27.3. Il ressort de ce qui est dit en B.26.1 que le premier moyen ne porte pas en substance sur l'article 6.2.2-5 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire, mais qu'il se limite aux articles 6.2.5-4 et 6.2.5-5 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire, ainsi qu'à l'article 6.2.3-1 de ce Code, dans la mesure où cette disposition énonce qu'il revient aux pôles territoriaux d'« accompagner individuellement les élèves présentant des besoins spécifiques sensori-moteurs nécessitant un suivi important dans le cadre de la mise en oeuvre des aménagements raisonnables si cela s'avère nécessaire au regard de l'échelle des besoins visée à l'article 6.2.5-4, alinéa 2 » (article 6.2.3-1, alinéa 2, 2°, b)).

Par ailleurs, il ne ressort pas de l'article 6.2.2-5 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire que cette disposition est indissociablement liée aux autres dispositions attaquées.

B.27.4. L'exception d'irrecevabilité est fondée en ce qui concerne le premier moyen.

B.28.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions internationales liant la Belgique.

B.28.2. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.29 Contrairement à ce que le Gouvernement de la Communauté française soutient, les articles 6.2.5-4 et 6.2.5-5 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire créent effectivement une différence de traitement en ce qui concerne le financement complémentaire des pôles territoriaux au profit de certains élèves en situation de handicap sensori-moteur, comme il est dit en B.3.6. Il ressort de la requête en annulation que c'est précisément cette différence de traitement qui est dénoncée par la partie requérante.

B.30. Dans son premier moyen, la partie requérante critique la condition selon laquelle il faut avoir auparavant fréquenté effectivement l'enseignement spécialisé pendant un an au moins pour pouvoir accéder à l'enseignement ordinaire en intégration permanente totale. Cette exigence n'est cependant pas fondée sur une distinction en fonction du type de handicap et n'est, par conséquent, pas propre aux élèves en situation de handicap intellectuel. Partant, le grief est étranger à la différence de traitement critiquée et il ne doit donc pas être examiné dans le cadre du premier moyen.

B.31.1. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.1.1 que le législateur décrétal a souhaité permettre à l'ensemble des élèves à besoins spécifiques de bénéficier d'un soutien adéquat. Le financement complémentaire prévu aux articles 6.2.5-4 et 6.2.5-5 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire ainsi que l'accompagnement individuel visé à l'article 6.2.3-1, alinéa 2, 2°, b), de ce Code sont conçus comme des moyens permettant d'apporter un tel soutien.

B.31.2. Comme il est dit en B.7.1, les articles 6.2.3-1, alinéa 2, 2°, b), 6.2.5-4 et 6.2.5-5 créent une différence de traitement entre les élèves en fonction de leur situation de handicap. Un suivi individuel et un financement complémentaire plus important sont en effet engendrés par les élèves présentant des besoins spécifiques sensori-moteurs visés par ces dispositions.

B.32.1. L'article 15, point 1, de la Charte sociale européenne révisée prévoit qu'en vue de garantir l'exercice effectif du droit des personnes en situation de handicap à l'autonomie, à l'intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté, les Parties s'engagent notamment à prendre les mesures nécessaires pour fournir à ces personnes une éducation dans le cadre du droit commun chaque fois que possible ou, si tel n'est pas le cas, par le biais d'institutions spécialisées publiques ou privées.

B.32.2. Par sa « décision sur le bien-fondé » du 9 septembre 2020, le Comité européen des droits sociaux a estimé que le droit à l'éducation inclusive des enfants présentant une déficience intellectuelle, consacré par l'article 15, point 1, de la Charte sociale européenne révisée, n'était pas effectivement garanti en Communauté française par le cadre décrétal antérieur au décret du 17 juin 2021 (Comité européen des droits sociaux, décision sur le bien-fondé du 9 septembre 2020, réclamation collective n° 141/2017, Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme (FIDH) et Inclusion Europe c. Belgique, § 86). A la suite de cette décision, le Comité des ministres a recommandé à la Belgique de « poursuivre le travail déjà engagé et de prendre toutes les mesures législatives et institutionnelles nécessaires pour garantir un plan d'action cohérent créant les conditions nécessaires à une inclusion effective dans la pratique » et de « prendre toutes les mesures législatives et institutionnelles nécessaires pour traiter le manque de suivi adéquat et d'évaluation permanente des mesures prises pour garantir le droit à l'éducation inclusive et protéger les enfants contre la discrimination » (Comité des ministres, recommandation CM/RecChS(2021)19 du 22 septembre 2021).

B.32.3. Bien que les décisions du Comité européen des droits sociaux et les recommandations du Comité des ministres ne lient pas la Belgique, il y a toutefois lieu d'avoir égard, dans le cadre de l'affaire présentement examinée, à la décision précitée et à la recommandation qui en découle, dès lors que le Comité européen des droits sociaux est un organe indépendant spécialement établi en vue de superviser l'application de la Charte sociale européenne révisée et qu'il a examiné le cas des élèves en situation de handicap intellectuel en Communauté française, ce qui est précisément l'objet de l'affaire n° 7747.

B.33.1. Les travaux préparatoires des articles 6.2.3-1, alinéa 2, 2°, b), 6.2.5-4, 6.2.5-5 et du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire ne donnent aucune justification quant à l'utilisation du critère du handicap sensori-moteur comme fondement de la différence de traitement précitée, établie au détriment, notamment, des élèves en situation de handicap intellectuel. Or, la décision et la recommandation citées en B.32.2 mettent en évidence que cette dernière catégorie d'élèves est objective et qu'elle peut être utilement comparée avec celles d'autres élèves en situation de handicap. De surcroît, il en découle que l'ancien régime décrétal n'était pas compatible avec le droit à l'éducation inclusive des élèves en situation de handicap, consacré par l'article 15, point 1, de la Charte sociale européenne révisée. L'article 23 de la Convention relative aux droits de l'enfant et l'article 24 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées font aussi référence à ce droit.

Par ailleurs, le Gouvernement de la Communauté française reste en défaut de justifier l'utilisation du critère du handicap sensori-moteur dans les dispositions attaquées. Or, en ce qui concerne la charge de la preuve, il faut en principe considérer que, quand un requérant a établi l'existence d'une différence de traitement, il incombe à la partie adverse de démontrer que cette différence de traitement est justifiée.

B.33.2. Pour le surplus, les travaux préparatoires du décret du 17 juin 2021 précisent, de manière générale, au sujet des élèves en situation de handicap intellectuel : « Pour les élèves qui présentent une déficience intellectuelle, différents types d'accompagnement sont prévus, à savoir un enseignement spécialisé de qualité, le dispositif d'intégration permanente totale maintenu pour les élèves qui bénéficient déjà du dispositif. Ces dernières années, la mise en place de classes à visée inclusive se développe et favorise les collaborations et les partenariats entre les écoles ordinaires et spécialisées en développant des moments de temps partagés pour les élèves qui fréquentent ces deux types d'enseignement. Cette démarche permet de développer des valeurs comme la tolérance, le respect de la différence, la solidarité, etc., et ainsi de développer le chemin vers une société plus égalitaire et plus inclusive. A ce jour, on compte 17 classes de ce genre, réparties sur tout le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles, tant au niveau fondamental qu'au niveau secondaire. La volonté de la ministre est d'encourager le développement de ce genre d'initiative. Ainsi, 5 nouvelles classes à visée inclusive verront le jour l'année prochaine.

La ministre annonce l'organisation d'une table ronde sur la prise en charge des élèves à déficience intellectuelle avec pour objectifs d'envisager les modalités d'un accompagnement spécifique de ces élèves tant dans l'enseignement ordinaire que dans l'enseignement spécialisé.

Cette table ronde sera l'occasion d'aborder la problématique du manque de places dans les écoles de type 2 et d'envisager ensemble des solutions même si ce point doit faire l'objet d'une concertation avec les fédérations de PO et WBE. Cette table ronde rassemblera les différents ministres qui ont en charge le secteur du handicap parmi leurs compétences, à tous les niveaux de pouvoir, des représentants des associations de parents, des représentants des associations qui accompagnent ces élèves sur le terrain, des représentants des acteurs de terrain tels que les membres du personnel de l'enseignement spécialisé et ordinaire, les directions, les représentants des acteurs institutionnels, le DGDE [Délégué général aux droits de l'enfant] et Unia. La cellule ` enseignement spécialisé et inclusif ' de son cabinet est en contact avec le DGDE et Unia pour baliser les contours de cette table ronde sur l'inclusion des élèves porteurs de handicap intellectuel.

L'objectif de la ministre est que chaque élève trouve sa place dans le système scolaire de la FWB. Le décret aujourd'hui examiné n'apporte pas la réponse à cette question spécifique des élèves à déficience intellectuelle, mais l'instauration des pôles territoriaux est vouée à changer le paradigme et le regard porté sur le handicap dans la scolarité. La prise en charge des élèves à déficience mentale modérée à sévère n'a pas été intégrée dans le dispositif des pôles, à la demande des fédérations de PO, WBE et des organisations syndicales, afin que soit pris le temps d'une réflexion spécifique à la prise en charge de ces élèves qui ont également droit à un enseignement de qualité et inclusif » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 245/3, p. 20).

B.33.3. S'il est vrai que le législateur décrétal peut mettre en place une réforme radicale par étapes successives (voy. l'arrêt de la Cour n° 104/2015 du 16 juillet 2015, ECLI:BE:GHCC:2015:ARR.104, B.9.1) et, partant, oeuvrer progressivement dans le sens de l'inclusion des élèves en situation de handicap, il ne peut pas, à cet égard, opérer une distinction injustifiée entre la catégorie des élèves en situation de handicap sensori-moteur et la catégorie des élèves en situation de handicap intellectuel.

B.34. Le premier moyen dans l'affaire n° 7747 est fondé. Il convient d'annuler les articles 6.2.3-1, alinéa 2, 2°, b), 6.2.5-4 et 6.2.5-5 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire, insérés par l'article 1er du décret du 17 juin 2021.

Second moyen B.35.1. Le second moyen dans l'affaire n° 7747 porte sur la compatibilité des dispositions attaquées avec l'article 22ter de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 2 du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 15, point 1, de la Charte sociale européenne révisée, avec l'article 23 de la Convention relative aux droits de l'enfant et avec l'article 24 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

B.35.2. La partie requérante soutient que les dispositions attaquées violent les dispositions citées au moyen en ce qu'il est désormais imposé aux élèves en situation de handicap intellectuel de fréquenter effectivement l'enseignement spécialisé pour pouvoir ensuite bénéficier d'un accompagnement dans l'enseignement ordinaire, alors que le système antérieur des intégrations temporaires totales permettait d'obtenir un accompagnement sans devoir préalablement fréquenter l'enseignement spécialisé.

B.36.1. Le système des intégrations temporaires totales, prévu par le décret de la Communauté française du 3 mars 2004 « organisant l'enseignement spécialisé », a été supprimé par le décret de la Communauté française du 17 juin 2021 « modifiant le décret du 3 mars 2004 organisant l'enseignement spécialisé afin de supprimer l'intégration temporaire totale », de sorte que le grief pris par la partie requérante de cette suppression ne saurait être imputé aux dispositions attaquées.

B.36.2. Le second moyen n'est pas fondé.

Quant au maintien des effets B.37. Le Gouvernement de la Communauté française demande qu'en cas d'annulation, les effets des dispositions attaquées dans l'affaire n° 7747 soient maintenus.

B.38.1. Une annulation avec effet rétroactif de l'article 6.2.5-6, § 3, alinéas 2 et 3, du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire risque de causer des difficultés financières considérables pour les pôles territoriaux qui ont bénéficié du financement majoré que ces dispositions prévoient.

B.38.2. Une annulation pure et simple des articles 6.2.3-1, alinéa 2, 2°, b), 6.2.5-4 et 6.2.5-5 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire risque de priver les élèves en situation de handicap sensori-moteur visés par ces dispositions du mécanisme dont ils bénéficient.

B.39. Dès lors, en application de l'article 8, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, il y a lieu de maintenir les effets des dispositions annulées comme indiqué dans le dispositif, afin de laisser au législateur décrétal le temps nécessaire pour adopter de nouvelles dispositions.

Par ces motifs, la Cour - annule le décret de la Communauté française du 17 juin 2021 « portant création des Pôles territoriaux chargés de soutenir les écoles de l'enseignement ordinaire dans la mise en oeuvre des aménagements raisonnables et de l'intégration permanente totale », en tant qu'il insère les articles 6.2.3-1, alinéa 2, 2°, b), 6.2.5-4, 6.2.5-5 et 6.2.5-6, § 3, alinéas 2 et 3, dans le livre 6 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire; - maintient les effets de ces dispositions jusqu'à la fin de l'année scolaire 2025-2026; - rejette les recours pour le surplus.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 1er juin 2023.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, P. Nihoul

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