publié le 25 mai 2023
Extrait de l'arrêt n° 59/2023 du 11 avril 2023 Numéros du rôle : 7638, 7644, 7656, 7683, 7698 et 7701 En cause : les recours en annulation des articles 6 et 9 du décret de la Région flamande du 21 mai 2021 « modifiant le décret du 4 avril 201 La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Gie(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 59/2023 du 11 avril 2023 Numéros du rôle : 7638, 7644, 7656, 7683, 7698 et 7701 En cause : les recours en annulation des articles 6 et 9 du décret de la Région flamande du 21 mai 2021 « modifiant le décret du 4 avril 2014 relatif à l'organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes, en ce qui concerne l'optimisation des procédures », introduits par Hugo Bogaerts et autres, par l'ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen », par l'ASBL « Vereniging van Schotenhof », par l'« Orde van Vlaamse balies », par l'ASBL « Natuurpunt » et autres et par l'ASBL « Bescherm Bomen en Natuur ».
La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 20 septembre 2021 et parvenue au greffe le 21 septembre 2021, un recours en annulation de l'article 6 du décret de la Région flamande du 21 mai 2021 « modifiant le décret du 4 avril 2014 relatif à l'organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes, en ce qui concerne l'optimisation des procédures » (publié au Moniteur belge du 14 juin 2021) a été introduit par Hugo Bogaerts, André Didden, Denis Malcorps, Jan Creve, Annick Meurant, Jan Stevens, Guy Van Loon et Dirk Bus, assistés et représentés par Me P.Vande Casteele, avocat au barreau d'Anvers. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 4 octobre 2021 et parvenue au greffe le 5 octobre 2021, l'ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen », assistée et représentée par Me P. Vande Casteele, a introduit un recours en annulation de la même disposition décrétale. c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 22 octobre 2021 et parvenue au greffe le 25 octobre 2021, l'ASBL « Vereniging van Schotenhof », assistée et représentée par Me R.Wens, avocat au barreau d'Anvers, et par Me P. Vande Casteele, a introduit un recours en annulation de la même disposition décrétale. d. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 19 novembre 2021 et parvenue au greffe le 25 novembre 2021, l'« Orde van Vlaamse balies », assisté et représenté par Me S.Boullart, Me J. Snauwaert et Me B. D'Hollander, avocats au barreau de Gand, a introduit un recours en annulation des articles 6 et 9 du même décret. e. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 9 décembre 2021 et parvenue au greffe le 10 décembre 2021, un recours en annulation de l'article 6, alinéa 2, 2° et 3°, du même décret a été introduit par l'ASBL « Natuurpunt », l'ASBL « Greenpeace Belgium », l'ASBL « World Wide Fund for Nature Belgium », l'ASBL « Grootouders voor het klimaat », l'ASBL « Actiegroep Leefmilieu Rupelstreek », l'ASBL « Klimaatzaak », l'ASBL « Limburgse Milieukoepel », l'ASBL « Milieufront Omer Wattez », l'ASBL « Bos+ Vlaanderen », l'ASBL « Dryade » et l'ASBL « Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen », assistées et représentées par Me J.Verstraeten, avocat au barreau de Louvain. f. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 décembre 2021 et parvenue au greffe le 14 décembre 2021, l'ASBL « Bescherm Bomen en Natuur », assistée et représentée par Me M. Ryelandt, avocat au barreau de Flandre occidentale, a introduit un recours en annulation de l'article 6 du même décret.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7638, 7644, 7656, 7683, 7698 et 7701 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à la recevabilité B.1.1. Le Gouvernement flamand conteste l'intérêt des parties requérantes dans les affaires nos 7638, 7644 et 7656 à l'annulation de la disposition attaquée, qui vise à optimiser la procédure devant certaines juridictions administratives flamandes.
B.1.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée; il s'ensuit que l'action populaire n'est pas admissible.
B.1.3. Les parties requérantes dans les affaires nos 7638, 7644 et 7656, qui sont des personnes physiques et des personnes morales, demandent l'annulation de l'article 6 du décret de la Région flamande du 21 mai 2021 « modifiant le décret du 4 avril 2014 relatif à l'organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes, en ce qui concerne l'optimisation des procédures » (ci-après : le décret du 21 mai 2021). Elles démontrent qu'elles ont déjà agi précédemment en tant que parties à un procès devant le Conseil pour les contestations des autorisations et devant le Collège de maintien, qu'elles vont manifestement encore le faire et que certaines d'entre elles sont en outre parties à une procédure pendante devant le Conseil pour les contestations des autorisations dans laquelle l'administration défenderesse demande l'application de la disposition attaquée.
L'exception est rejetée.
B.2.1. Le Gouvernement flamand demande également que les ASBL requérantes dans les affaires nos 7644 et 7656, « Aktiekomitee Red de Voorkempen » et « Vereniging van Schotenhof », produisent la preuve d'une décision d'agir en justice prise par l'organe compétent.
B.2.2. Il ressort du dossier que les requêtes ont été signées par l'avocat des parties requérantes.
En vertu de l'article 440, alinéa 2, du Code judiciaire, l'avocat comparaît comme mandaté par la partie sans avoir à justifier de la moindre procuration, sauf lorsque la loi exige un mandat spécial. Le mandat ad litem est donc légalement présumé exister dans le chef de l'avocat. Cette présomption est réfragable, tant à l'égard des personnes physiques que des personnes morales.
L'article 7, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 prévoit que la preuve de la décision d'agir en justice de l'organe compétent de la personne morale doit être produite « à la première demande ».
Cette formulation permet à la Cour de renoncer à une telle demande, notamment lorsque la personne morale est représentée par un avocat.
Une partie peut objecter que la décision d'agir en justice n'a pas été prise par les organes compétents de la personne morale, mais la preuve de son allégation, qu'elle peut apporter par toutes voies de droit, lui incombe.
B.2.3. Le Gouvernement flamand ne démontre pas que l'avocat des parties requérantes ne dispose pas du mandat requis. Il ne démontre pas non plus que les ASBL requérantes n'ont pas introduit valablement leurs recours.
L'exception est rejetée.
B.3.1. Enfin, le Gouvernement flamand soutient que, d'une part, les moyens dans les affaires nos 7638, 7644 et 7656 et, d'autre part, le moyen unique dans l'affaire n° 7701 sont partiellement irrecevables en ce qu'ils n'exposent pas en quoi et dans quelle mesure certaines des normes de référence mentionnées dans ces moyens seraient violées.
B.3.2. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
La Cour examine les moyens dans la mesure où ils répondent à ces exigences.
Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte B.4.1. Les parties requérantes dans les affaires n° 7638, 7644, 7656, 7683, 7698 et 7701 demandent l'annulation de l'article 6 du décret du 21 mai 2021. La partie requérante dans l'affaire n° 7683 demande également l'annulation de l'article 9 du décret du 21 mai 2021.
B.4.2. L'article 6 du décret du 21 mai 2021 dispose que, dans l'article 35 du décret de la Région flamande du 4 avril 2014 « relatif à l'organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes » (ci-après : le décret du 4 avril 2014), l'alinéa 3 est remplacé. L'article 35, ainsi modifié, du décret du 4 avril 2014 dispose : « Si une juridiction administrative flamande telle que visée à l'article 2, 1°, a) et b), déclare le recours fondé, elle annule entièrement ou partiellement la décision contestée, sans préjudice de l'application de l'article 34.
Dans son arrêt, une juridiction administrative flamande telle que visée à l'article 2, 1°, a) et b), statue sur tous les moyens [invoqués] dont elle juge que l'évaluation peut être utile en cas d'une nouvelle décision ou d'un autre acte de l'administration.
Sans qu'il soit porté préjudice à la possibilité d'invoquer la violation de règles d'ordre public, la violation d'une norme ou d'un principe de droit général ne peut donner lieu à une annulation dans l'un des cas suivants : 1° si la partie qui avance la violation n'est pas lésée par l'illégalité invoquée.Le fait que la violation [invoquée] constitue une illégalité susceptible de donner lieu à une annulation, ne signifie pas en soi que la partie est lésée par l'illégalité invoquée; 2° si l'illégalité invoquée n'est manifestement pas de nature à protéger les intérêts de celui qui l'invoque;3° si la partie a manifestement omis [de soulever] l'illégalité invoquée au moment utile où l'illégalité [pouvait] être [soulevée] pendant la procédure administrative ». Les conditions mentionnées dans l'article 35, alinéa 3, ainsi modifié, du décret du 4 avril 2014 ont pour conséquence que la violation d'une norme ou d'un principe général de droit ne peut aboutir à l'annulation de l'acte administratif attaqué que si la partie qui invoque la violation est lésée par l'illégalité dont elle se prévaut (la « lésion d'intérêts »), si cette illégalité est en outre de nature à protéger les intérêts de cette partie (la « condition de relativité ») et si cette partie n'a pas manifestement omis d'invoquer cette illégalité au moment le plus utile pendant la procédure administrative (le « devoir de vigilance »).
B.4.3. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal a voulu faire évoluer le modèle de la jurisprudence administrative vers un règlement définitif des litiges plus rapide et plus efficace, orienté vers la recherche de solutions et basé sur la situation concrète du justiciable : « Notre droit administratif procédural ne fonctionne pas encore de manière optimale. Le projet de décret vise à promouvoir l'évolution vers un modèle de procédure administrative fondé principalement sur la fonction de protection juridique et, par extension, sur la mission de règlement des litiges du juge administratif. A cette fin, le juge administratif doit disposer de compétences lui permettant de faire rapidement la clarté sur les rapports juridiques concrets entre les parties intéressées et les organes administratifs, sans que soient réduites les possibilités de contestation des décisions. Le décret du 4 avril 2014 donne déjà actuellement au juge administratif des instruments pour régler définitivement un litige en fonction des intérêts concrets des requérants, sans qu'il doive nécessairement toujours procéder à une annulation pure et simple. Ainsi, l'article 37 de ce décret permet au juge administratif de prononcer des injonctions ou de régler lui-même le dossier, l'article 34 permet quant à lui l'application de la boucle administrative et l'article 36 permet le maintien des effets, si nécessaire d'office. Les clarifications apportées à l'article 35, alinéa 3, du décret du 4 avril 2014 visent à renforcer cette tendance vers un règlement définitif des litiges qui tienne compte des intérêts concrets des parties. [...] 33. La proposition d'article 35, alinéa 3, du décret du 4 avril 2014 vise à clarifier et à reformuler l'intérêt au moyen en tenant compte de l'objectif poursuivi consistant à fournir une protection juridique basée sur la situation concrète du requérant, et ce, dans le respect des droits fondamentaux et du droit européen.34. La proposition de modification de l'alinéa 3 de l'article 35 règle trois situations distinctes dans lesquelles une illégalité invoquée ne peut pas aboutir à une annulation.Il s'agit donc de trois cas séparés et non de conditions cumulatives » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 699/1, pp. 11-12).
B.4.4. L'article 35 du décret du 4 avril 2014 est applicable à la procédure devant les juridictions administratives mentionnées à l'article 2, 1°, a), de ce décret. Il s'agit du Conseil pour les contestations des autorisations et du Collège de maintien. Le Conseil pour les contestations des autorisations est une juridiction administrative qui statue sur les recours formés notamment contre les actes administratifs en matière d'environnement (article 105 du décret du 25 avril 2014 « relatif au permis d'environnement », ci-après : le décret du 25 avril 2014; article 4.8.2. du Code flamand de l'aménagement du territoire). Le Collège de maintien est une juridiction administrative qui statue sur les recours formés contre les amendes administratives, notamment en matière d'environnement (article 16.4.19 du décret du 5 avril 1995 « contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement »; ci-après : le décret du 5 avril 1995), par celui à qui l'amende a été infligée (article 16.4.39 du décret du 5 avril 1995). La Cour examine les moyens séparément en ce qu'ils portent sur l'application de la disposition attaquée devant le Conseil pour les contestations des autorisations et devant le Collège de maintien.
B.4.5. L'article 9 du décret du 21 mai 2021 dispose : « L'article 3, l'article 4, 1° à 7° et 9° à 11°, l'article 5, 2°, et les articles 6 et 8 s'appliquent aux actions introduites à partir de la date d'entrée en vigueur de l'article concerné.
Les articles 20, 21, 31/1, 35 et 42 du décret du 4 avril 2014 relatif à l'organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes, tels qu'en vigueur avant l'entrée en vigueur des articles 3, 4, 1° à 7° et 9° à 11°, 5, 2°, 6 et 8 du présent décret, s'appliquent aux éventuelles actions complémentaires dont l'action principale a été introduite avant l'entrée en vigueur des articles 3, 4, 1° à 7° et 9° à 11°, 5, 2°, 6 et 8 du présent décret.
L'article 7 s'applique aux arrêts d'annulation rendus à partir de la date d'entrée en vigueur de l'article 7 ».
Cette disposition règle le champ d'application temporel de l'article 35, alinéa 3, du décret du 4 avril 2014, remplacé par l'article 6, attaqué, du décret du 21 mai 2021. L'article 35, alinéa 3, du décret du 4 avril 2014, ainsi remplacé, s'applique aux actions introduites à partir du 24 juin 2021, date d'entrée en vigueur des dispositions attaquées.
Quant à la procédure devant le Conseil pour les contestations des autorisations En ce qui concerne la première branche du moyen unique dans l'affaire n° 7701 B.5. Le moyen unique dans l'affaire n° 7701, en sa première branche, est pris de la violation, par l'article 35, alinéa 3, 1°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l'article 6 du décret du 21 mai 2021, des articles 10, 11, 13 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, avec le principe général du raisonnable, avec le principe de la sécurité juridique et avec les principes généraux du droit d'accès au juge, de légalité et de diligence, avec les articles 1er, 3, 6 et 9 de la Convention d'Aarhus, avec les articles 4, 6, 9 et 11 de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 « concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement » (ci-après : la directive 2011/92/UE) et avec l'article 25 de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 « relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (refonte) » (ci-après : la directive 2010/75/UE).
B.6. La partie requérante dans l'affaire n° 7701 n'expose pas en quoi la disposition attaquée violerait l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles 3 et 6 de la Convention d'Aarhus, les articles 4, 6 et 9 de la directive 2011/92/UE et l'article 25 de la directive 2010/75/UE. En ce qu'il est pris de la violation de ces dispositions, le moyen unique dans l'affaire n° 7701, en sa première branche, n'est pas recevable.
B.7.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions internationales liant la Belgique.
B.7.2. L'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».
B.7.3. L'article 13 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne ».
L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit aussi le droit d'accès à un juge exerçant un contrôle de pleine juridiction pour les contestations sur des droits et obligations de caractère civil et pour établir le bien-fondé d'une accusation en matière pénale. L'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ».
Le droit d'accès au juge peut être soumis à des conditions de recevabilité. Ces conditions ne peuvent cependant aboutir à restreindre le droit d'accès au juge de manière telle que celui-ci s'en trouve atteint dans sa substance même. Tel serait le cas si les restrictions imposées ne tendaient pas vers un but légitime et s'il n'existait pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. La compatibilité d'une telle restriction avec le droit d'accès au juge dépend des particularités de la procédure en cause et s'apprécie au regard de l'ensemble du procès (CEDH, 24 février 2009, L'Erablière c. Belgique, ECLI:CE:ECHR:2009:0224JUD004923007, § 36; 29 mars 2011, R.T.B.F. c.
Belgique, ECLI:CE:ECHR:2011:0329JUD005008406, § 70; 18 octobre 2016, Miessen c. Belgique, ECLI:CE:ECHR:2016:1018JUD003151712, § 64; 17 juillet 2018, Vermeulen c. Belgique, ECLI:CE:ECHR:2018:0717JUD000547506, § 58).
Les règles en question ne peuvent toutefois pas empêcher les justiciables de faire valoir les voies de recours disponibles. « En effet, le droit d'accès à un tribunal se trouve atteint lorsque sa réglementation cesse de servir les buts de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice et constitue une sorte de barrière qui empêche le justiciable de voir son litige tranché au fond par la juridiction compétente » (CEDH, 24 mai 2011, Sabri Günes c.
Turquie, ECLI:CE:ECHR:2011:0524JUD002739606, § 58; 13 janvier 2011, Evaggelou c. Grèce, ECLI:CE:ECHR:2011:0113JUD004407807, § 19; 18 octobre 2016, Miessen c. Belgique, ECLI:CE:ECHR:2016:1018JUD003151712, § 66).
L'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne prévoit également le droit à un recours effectif. Il convient de donner à cette disposition la même portée qu'aux articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme (CJUE, grande chambre, 19 novembre 2019, C-585/18, C-624/18 et C-625/18, A. K./Krajowa Rada Sadownictwa et CP et DO/Sad Najwyzszy, ECLI:EU:C:2019:982, point 117).
B.7.4. L'article 23 de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.
A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.
Ces droits comprennent notamment : [...] 2° le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l'aide sociale, médicale et juridique; [...] 4° le droit à la protection d'un environnement sain; [...] ».
B.7.5. L'article 23 de la Constitution dispose que chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. A cette fin, les différents législateurs garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice. Ces droits comprennent notamment le droit à la protection d'un environnement sain. Il relève du pouvoir d'appréciation de chaque législateur de déterminer les mesures qu'il estime adéquates et opportunes pour réaliser cet objectif.
Un large accès à la justice en matière d'environnement contribue à la préservation, à la protection et à l'amélioration de la qualité de l'environnement et à la protection de la santé humaine (CJUE, 7 novembre 2013, C-72/12, Gemeinde Altrip, ECLI:EU:C:2013:712, point 46). Dans ce contexte, l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution est également pertinent en ce qui concerne l'accès à la justice en matière d'environnement.
B.7.6. L'article 1er de la Convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement dispose : « Afin de contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être, chaque Partie garantit les droits d'accès à l'information sur l'environnement, de participation du public au processus décisionnel et d'accès à la justice en matière d'environnement conformément aux dispositions de la présente Convention ».
L'article 9 de la même Convention dispose : « 1. Chaque Partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que toute personne qui estime que la demande d'informations qu'elle a présentée en application de l'article 4 a été ignorée, rejetée abusivement, en totalité ou en partie, ou insuffisamment prise en compte ou qu'elle n'a pas été traitée conformément aux dispositions de cet article, ait la possibilité de former un recours devant une instance judiciaire ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi.
Dans les cas où une Partie prévoit un tel recours devant une instance judiciaire, elle veille à ce que la personne concernée ait également accès à une procédure rapide établie par la loi qui soit gratuite ou peu onéreuse, en vue du réexamen de la demande par une autorité publique ou de son examen par un organe indépendant et impartial autre qu'une instance judiciaire.
Les décisions finales prises au titre du présent paragraphe 1 s'imposent à l'autorité publique qui détient les informations. Les motifs qui les justifient sont indiqués par écrit, tout au moins lorsque l'accès à l'information est refusé au titre du présent paragraphe. 2. Chaque Partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que les membres du public concerné a) ayant un intérêt suffisant pour agir ou, sinon, b) faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le code de procédure administrative d'une Partie pose une telle condition, puissent former un recours devant une instance judiciaire et/ou un autre organe indépendant et impartial établi par loi pour contester la légalité, quant au fond et à la procédure, de toute décision, tout acte ou toute omission tombant sous le coup des dispositions de l'article 6 et, si le droit interne le prévoit et sans préjudice du paragraphe 3 ci-après, des autres dispositions pertinentes de la présente Convention. Ce qui constitue un intérêt suffisant et une atteinte à un droit est déterminé selon les dispositions du droit interne et conformément à l'objectif consistant à accorder au public concerné un large accès à la justice dans le cadre de la présente Convention. A cet effet, l'intérêt qu'a toute organisation non gouvernementale répondant aux conditions visées au paragraphe 5 de l'article 2 est réputé suffisant au sens de l'alinéa a) ci-dessus. Ces organisations sont également réputées avoir des droits auxquels il pourrait être porté atteinte au sens de l'alinéa b) ci-dessus.
Les dispositions du présent paragraphe 2 n'excluent pas la possibilité de former un recours préliminaire devant une autorité administrative et ne dispensent pas de l'obligation d'épuiser les voies de recours administratif avant d'engager une procédure judiciaire lorsqu'une telle obligation est prévue en droit interne. 3. En outre, et sans préjudice des procédures de recours visées aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, chaque Partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d'autorités publiques allant à l'encontre des dispositions du droit national de l'environnement.4. En outre, et sans préjudice du paragraphe 1, les procédures visées aux paragraphes 1, 2 et 3 ci-dessus doivent offrir des recours suffisants et effectifs, y compris un redressement par injonction s'il y a lieu, et doivent être objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif.Les décisions prises au titre du présent article sont prononcées ou consignées par écrit. Les décisions des tribunaux et, autant que possible, celles d'autres organes doivent être accessibles au public. 5. Pour rendre les dispositions du présent article encore plus efficaces, chaque Partie veille à ce que le public soit informé de la possibilité qui lui est donnée d'engager des procédures de recours administratif ou judiciaire, et envisage la mise en place de mécanismes appropriés d'assistance visant à éliminer ou à réduire les obstacles financiers ou autres qui entravent l'accès à la justice ». L'article 11 de la directive 2011/92/UE dispose : « 1. Les Etats membres veillent, conformément à leur cadre juridique en la matière, à ce que les membres du public concerné : a) ayant un intérêt suffisant pour agir, ou sinon b) faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le droit administratif procédural d'un Etat membre impose une telle condition, puissent former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou omissions relevant des dispositions de la présente directive relatives à la participation du public.2. Les Etats membres déterminent à quel stade les décisions, actes ou omissions peuvent être contestés.3. Les Etats membres déterminent ce qui constitue un intérêt suffisant pour agir ou une atteinte à un droit, en conformité avec l'objectif visant à donner au public concerné un large accès à la justice.A cette fin, l'intérêt de toute organisation non gouvernementale, répondant aux exigences visées à l'article 1er, paragraphe 2, est réputé suffisant aux fins du paragraphe 1, point a), du présent article. De telles organisations sont aussi réputées bénéficier de droits susceptibles de faire l'objet d'une atteinte aux fins du paragraphe 1, point b), du présent article. 4. Le présent article n'exclut pas la possibilité d'un recours préalable devant une autorité administrative et n'affecte en rien l'obligation d'épuiser toutes les voies de recours administratif avant d'engager des procédures de recours juridictionnel dès lors que la législation nationale prévoit une telle obligation. Ces procédures doivent être régulières, équitables, rapides et d'un coût non prohibitif. 5. Afin d'accroître l'efficacité des dispositions du présent article, les Etats membres veillent à ce qu'une information pratique soit mise à la disposition du public concernant l'accès aux voies de recours administratif et juridictionnel ». B.8.1. Avant son remplacement litigieux, l'article 35, alinéa 3, du décret du 4 avril 2014 disposait : « Une illégalité aboutit uniquement à une annulation si la partie qui l'avance, est lésée par l'illégalité invoquée ».
B.8.2. Par son arrêt n° 87/2018 du 5 juillet 2018 (ECLI:BE:GHCC:2018:ARR.087), la Cour a jugé, en ce qui concerne la compatibilité de la condition décrétale précitée avec les dispositions mentionnées en B.7, dans la version qui était applicable à l'époque : « B.28.1. L'article 35, alinéa 3, du décret du 4 avril 2014, tel qu'il a été inséré par l'article 11 du décret attaqué, dispose qu'une illégalité ne peut donner lieu à une annulation que ` si la partie qui l'avance est lésée par l'illégalité invoquée '. Bien que les juridictions administratives flamandes statuent par voie d'arrêts relativement aux recours en annulation et annulent en règle générale l'acte administratif attaqué lorsqu'il est illégal, une condition de recevabilité est liée à l'invocation d'un moyen relatif à l'illégalité.
B.28.2. La disposition attaquée consacre dans le décret l'exigence de l'intérêt au moyen, telle qu'elle découle de la jurisprudence du Conseil d'Etat. Selon cette jurisprudence, la partie requérante n'est en principe recevable à invoquer une illégalité que lorsque celle-ci lèse ses intérêts.
B.29.1. Les parties requérantes semblent d'abord craindre que les associations qui invoquent un intérêt collectif ne puissent plus invoquer une illégalité lorsque celle-ci n'affecte pas leur situation personnelle.
Ni les travaux préparatoires ni la mesure elle-même ne sont susceptibles de fonder cette crainte. La mesure attaquée n'a pas pour effet qu'une association requérante qui poursuit un intérêt collectif puisse seulement invoquer des moyens auxquels l'association a un intérêt personnel. Au contraire, comme c'était le cas avant l'entrée en vigueur de la disposition attaquée, cette association peut pleinement invoquer des irrégularités qui lèsent l'intérêt collectif qu'elle poursuit.
B.29.2. En ce qui concerne le droit de l'Union, et en particulier l'article 10bis de la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement (actuellement l'article 11 de la directive 2011/92/UE), la Cour de justice a jugé : ` [...] 42. Il en résulte que, quelle que soit l'option d'un Etat membre quant au critère de recevabilité d'un recours, les associations de protection de l'environnement sont en droit, conformément à l'article 10bis de la directive 85/337, de former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, actes ou omissions visés audit article.43. Enfin, il y a également lieu de rappeler que, lorsque, en l'absence de règles fixées dans ce domaine par le droit de l'Union, il appartient à l'ordre juridique de chaque Etat membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l'Union, ces modalités ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe de l'équivalence) et ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union (principe d'effectivité).44. Ainsi, s'il appartient aux Etats membres de déterminer, lorsque tel est leur système juridique, quels sont les droits dont la violation peut donner lieu à un recours en matière d'environnement, dans les limites imparties par l'article 10bis de la directive 85/337, ceux-ci ne sauraient, en procédant à cette détermination, priver les associations de défense de l'environnement, qui répondent aux exigences visées à l'article 1er, paragraphe 2, de cette directive, de la possibilité de jouer le rôle qui leur est reconnu tant par la directive 85/337 que par la convention d'Aarhus.45. S'agissant d'une législation telle que celle en cause au principal, s'il est loisible au législateur national de limiter les droits dont la violation peut être invoquée par un particulier dans le cadre d'un recours juridictionnel contre l'un des décisions, actes ou omissions visés à l'article 10bis de la directive 85/337, aux seuls droits subjectifs publics, une telle limitation ne peut s'appliquer telle quelle aux associations de défense de l'environnement sauf à méconnaître les objectifs de l'article 10bis, troisième alinéa, dernière phrase, de la directive 85/337.46. En effet, si, ainsi qu'il ressort de cette disposition, ces associations doivent pouvoir faire valoir les mêmes droits que les particuliers, il serait contraire à l'objectif d'assurer au public concerné un large accès à la justice, d'une part, ainsi qu'au principe d'effectivité, d'autre part, que lesdites associations ne puissent également faire valoir l'atteinte à des normes issues du droit de l'Union de l'environnement au seul motif que celles-ci protègent des intérêts collectifs.En effet, ainsi que le montre le litige au principal, cela les priverait très largement de la possibilité de faire contrôler le respect des normes issues de ce droit, lesquelles sont, le plus souvent, tournées vers l'intérêt général et non vers la seule protection des intérêts des particuliers pris individuellement. 47. Il en résulte tout d'abord que la notion d'" atteinte à un droit " ne saurait dépendre de conditions que seules d'autres personnes physiques ou morales pourraient remplir, telles, par exemple, la condition d'être voisin plus ou moins proche d'une installation, ou celle de subir d'une manière ou d'une autre les effets de son fonctionnement.48. Il en résulte, plus généralement, que l'article 10bis, troisième alinéa, dernière phrase, de la directive 85/337, doit être lu en ce sens que, au nombre des " droits susceptibles de faire l'objet d'une atteinte ", dont les associations de défense de l'environnement sont réputées bénéficier, doivent nécessairement figurer les règles du droit national qui mettent en oeuvre la législation de l'Union en matière d'environnement, ainsi que les règles du droit de l'Union de l'environnement d'effet direct ' (CJUE, 12 mai 2011, C-115/09, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland). La Cour de justice a ensuite dit pour droit que l'article 10bis de la directive 85/337/CEE (actuellement l'article 11 de la directive 2011/92/UE) s'oppose à une législation qui ne reconnaît pas à une organisation non gouvernementale qui oeuvre en faveur de la protection de l'environnement, visée à l'article 1er, paragraphe 2, de cette directive, la possibilité d'invoquer en justice, dans le cadre d'un recours contre une décision d'autorisation de projets ` susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ' au sens de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 85/337/CEE (actuellement l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 2011/92/UE), la violation d'une règle découlant du droit de l'Union et ayant pour objet la protection de l'environnement, au motif que cette règle ne protège que les seuls intérêts de la collectivité et non pas ceux des particuliers.
B.29.3. Les parties requérantes semblent craindre en second lieu de ne plus pouvoir invoquer une illégalité lorsqu'elles ne sont pas en mesure de démontrer que l'illégalité alléguée peut avoir une influence sur le sens de la décision prise. Ni la mesure ni les précisions contenues dans les travaux préparatoires ne sont susceptibles de fonder cette crainte.
La disposition attaquée n'a dès lors pas la portée que les parties requérantes lui donnent et ne crée pas la différence de traitement alléguée. En particulier, la mesure n'a pas pour effet qu'un requérant doive lui-même prouver que l'irrégularité alléguée peut avoir une influence sur le sens de la décision prise.
B.29.4. En ce qui concerne l'article 10bis de la directive 85/337/CEE (actuellement l'article 11 de la directive 2011/92/UE), la Cour de justice a jugé : ` 47. En l'occurrence, et s'agissant, en premier lieu, du critère tiré du lien de causalité qui doit exister entre le vice de procédure invoqué et le sens de la décision finale contestée (ci-après : le " critère de causalité "), il doit être relevé que, en exigeant que les Etats membres veillent à ce que les membres du public concerné puissent former un recours pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou des omissions relevant des dispositions de la directive 85/337, le législateur de l'Union n'a, comme il a été rappelé au point 36 du présent arrêt, aucunement limité les moyens qui peuvent être invoqués à l'appui d'un recours. Il n'a, dans tous les cas, pas entendu lier la possibilité d'invoquer un vice de procédure à la condition qu'il ait une incidence sur le sens de la décision finale contestée. 48. Au demeurant, dès lors que cette directive a notamment pour objet de fixer des garanties procédurales permettant en particulier une meilleure information et une participation du public dans le cadre de l'évaluation des incidences sur l'environnement des projets publics et privés susceptibles d'avoir un impact important sur cet environnement, le contrôle du respect des règles de procédure dans ce domaine revêt une importance particulière.Conformément à l'objectif visant à lui donner un large accès à la justice, le public concerné doit donc pouvoir, par principe, invoquer tout vice de procédure à l'appui d'un recours en contestation de la légalité des décisions visées par ladite directive. 49. Toutefois, il ne saurait être contesté que tout vice de procédure n'emporte pas nécessairement de conséquences de nature à affecter le sens d'une telle décision et que, par suite, il ne peut, dans ce cas, être regardé comme lésant dans ses droits celui qui l'invoque.Dans un tel cas, il n'apparaît pas que l'objectif de la directive 85/337 visant à donner au public concerné un large accès à la justice serait compromis si le droit d'un Etat membre considérait qu'un requérant s'appuyant sur un vice de cette nature devrait être considéré comme n'étant pas atteint dans ses droits et, par suite, comme n'étant pas recevable à contester une telle décision. 50. A cet égard, il convient de rappeler que l'article 10bis de cette directive laisse aux Etats membres une marge de manoeuvre appréciable pour déterminer ce qui constitue une atteinte à un droit (voir, en ce sens, arrêt Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein-Westfalen, précité, point 55).51. Dans ces conditions, il pourrait être admis que le droit national ne reconnaisse pas l'atteinte à un droit au sens de l'article 10bis, sous b), de ladite directive s'il est établi qu'il est envisageable, selon les circonstances de l'espèce, que la décision contestée n'aurait pas été différente sans le vice de procédure invoqué ' (CJUE, 7 novembre 2013, C-72/12, Gemeinde Altrip). La Cour de justice a ensuite dit pour droit que l'article 10bis, point b, de la directive 85/337/CEE, telle qu'elle a été modifiée par la directive 2003/35/CE (actuellement l'article 11, paragraphe 1, point b), de la directive 2011/92/UE), devait être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une jurisprudence nationale qui ne reconnaît pas l'atteinte à un droit au sens de cet article s'il est établi qu'il est envisageable, au regard des circonstances de l'espèce, que la décision contestée n'aurait pas été différente sans le vice de procédure invoqué par le demandeur. Il ne peut toutefois en aller ainsi qu'à la condition que l'instance juridictionnelle ou l'organe saisis du recours ne fassent aucunement peser la charge de la preuve à cet égard sur le demandeur et se prononcent au vu, le cas échéant, des éléments de preuve fournis par le maître de l'ouvrage ou les autorités compétentes et, plus généralement, au vu de l'ensemble des pièces du dossier qui leur est soumis, en tenant compte notamment du degré de gravité du vice invoqué et en vérifiant en particulier, à ce titre, s'il a privé le public concerné d'une des garanties instituées en vue de lui permettre, conformément aux objectifs de la directive 85/337/CEE, d'avoir accès à l'information et de participer au processus de décision (voy. aussi les conclusions de l'avocat général M. Wathelet du 21 mai 2015, dans l'affaire C-137/14, Commission européenne c. République fédérale d'Allemagne, points 95-101).
B.29.5. Dès lors que la disposition attaquée peut être interprétée en conformité avec le droit de l'Union, il appartient tant à la Cour qu'aux juridictions administratives flamandes d'interpréter cette disposition en conformité avec le droit de l'Union (CJUE, 13 novembre 1990, C-106/89, Marleasing, point 8).
B.29.6. Les parties requérantes semblent en troisième lieu craindre que la mesure attaquée soit également applicable à l'invocation de moyens d'office par les parties requérantes. Un moyen est d'ordre public lorsque son intérêt transcende les intérêts du justiciable. Les règles et principes de droit dont le respect est assuré d'office ont en commun de toucher à l'essence même de l'Etat de droit démocratique et de tendre à la réalisation du bien-être général et des valeurs que la société actuelle juge essentielles. Le fait que le moyen soit pris en considération ou non comme motif d'annulation ne peut dépendre du justiciable, qui peut uniquement agir dans son propre intérêt. Tel est le cas, quel que soit l'intérêt de la partie requérante à l'annulation.
B.30. Sous réserve de ce qui est dit en B.29, le septième moyen n'est pas fondé ».
B.8.3. En substance, l'article 35, alinéa 3, 1°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l'article 6 du décret du 21 mai 2021, reprend et précise la condition décrétale qui existait déjà . Par la disposition attaquée, le législateur décrétal a voulu empêcher que cette condition soit interprétée largement et perde tout son sens : « Premièrement, la violation d'une norme ou d'un principe général de droit ne peut être soulevée si la partie qui invoque la violation n'est pas lésée par l'illégalité dont elle se prévaut. Cette situation est donc liée à la condition d'une lésion d'intérêts et suit de près le texte existant de l'article 35, alinéa 3, du décret du 4 avril 2014. Il est précisé que la circonstance que la violation invoquée constitue une illégalité susceptible de donner lieu à une annulation ne signifie pas en soi que la partie est lésée par l'illégalité invoquée.En effet, une interprétation aussi large de la condition de la lésion d'intérêts aurait pour conséquence que n'importe quelle illégalité pourrait être invoquée et viderait de sa substance la condition de la lésion d'intérêts.
A titre d'exemple, la condition de la lésion d'intérêts n'est pas remplie dans les cas suivants : - Un requérant ne justifie pas d'un intérêt à un moyen portant sur l'organisation de l'enquête publique relative à une demande d'autorisation lorsqu'il s'avère qu'il a déposé une réclamation dans le cadre de cette enquête. Toute annulation fondée sur ce moyen est dès lors en principe impossible. Même si la réglementation vise à protéger les intérêts de la partie, ses intérêts n'ont, dans les faits, pas été affectés. - Un requérant ne justifie pas d'un intérêt à se prévaloir d'une notification incomplète lorsqu'il s'avère qu'il a effectivement bénéficié dans les faits de la notification qu'il réclame dans son moyen. - Une violation de l'obligation formelle de motivation ne conduit par exemple pas à l'annulation de la décision attaquée s'il s'avère qu'avant d'introduire le recours, le requérant a eu suffisamment connaissance, d'une autre manière, des motifs de l'acte attaqué. - La partie requérante qui, dans un moyen, se prévaut de l'affichage prétendument incomplet de la décision d'autorisation ne justifie pas d'un intérêt à ce moyen lorsqu'il s'avère que l'affichage prétendument incomplet n'a pas affecté sa faculté d'introduire de manière régulière un recours administratif ou juridictionnel. - Le requérant n'est pas lésé par le fait qu'une décision attaquée mentionne une date d'audience erronée et contienne des numéros de référence erronés, de sorte qu'il ne justifie pas d'un intérêt au moyen. - Un requérant ne justifie pas d'un intérêt à un moyen dans lequel il est argumenté qu'un avis n'a pas été pris en compte s'il ressort du contenu de cet avis que ce dernier lui est encore plus défavorable que ce qui a été décidé dans l'acte attaqué. - Une partie requérante/un demandeur ne justifie pas d'un intérêt pour attaquer une ` évaluation aquatique ' qui comporte une appréciation positive à son égard et qui ne constituait pas un motif de refus. En effet, la partie requérante ne justifie d'un intérêt au moyen que si une annulation fondée sur cette évaluation aquatique peut remédier au préjudice qu'elle décrit » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 699/1, pp.26-27).
B.8.4. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont indiqués dans l'arrêt de la Cour n° 87/2018 du 5 juillet 2018, mentionné en B.8.2, il y a lieu d'interpréter la condition de la lésion d'intérêts en ce sens qu'il faut toujours considérer qu'une illégalité commise lors du processus décisionnel en matière d'environnement lèse l'intérêt collectif des associations de défense de l'environnement, de sorte que la disposition attaquée ne peut pas restreindre l'intérêt de telles associations à se prévaloir d'une telle illégalité.
B.9. Le moyen unique dans l'affaire n° 7701, en sa première branche, dirigé contre l'application de l'article 35, alinéa 3, 1°, du décret du 4 avril 2014 dans la procédure devant le Conseil pour les contestations des autorisations, et sous réserve de ce qui est dit en B.8.2, n'est pas fondé.
En ce qui concerne le moyen unique dans l'affaire n° 7698 B.10. Le moyen unique dans l'affaire n° 7698 est pris notamment de la violation des articles 10, 11, 13 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 9, paragraphes 2 et 3, de la Convention d'Aarhus, par l'article 35, alinéa 3, 2°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l'article 6 du décret du 21 mai 2021 et tel qu'il est applicable à la procédure devant le Conseil pour les contestations des autorisations.
B.11. L'article 35, alinéa 3, 2°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l'article 6 du décret du 21 mai 2021, dispose que la violation d'une norme ou d'un principe général de droit ne peut aboutir à l'annulation de l'acte administratif attaqué si l'illégalité invoquée n'est manifestement pas de nature à protéger les intérêts de celui qui s'en prévaut.
B.12.1. L'étendue du contrôle juridictionnel constitue un élément essentiel du droit d'accès au juge et du droit à un recours effectif dans le cadre d'un contentieux d'annulation (CEDH, grande chambre, 6 novembre 2018, Ramos Nunes de Carvalho e Sss c. Portugal, ECLI:CE:ECHR:2018:1106JUD005539113, § 184; grande chambre, 28 mai 2002, Kingsley c. Royaume-Uni, ECLI:CE:ECHR:2002:0528JUD003560597, §§ 32-34).
B.12.2. La condition attaquée a pour effet que le Conseil pour les contestations des autorisations n'examine pas le fond d'un moyen s'il estime que la norme ou le principe général de droit dont la violation est invoquée n'est manifestement pas de nature à protéger les intérêts de la personne qui s'en prévaut. Bien que cette condition ne règle donc pas directement la recevabilité du recours, elle a toutefois pour conséquence d'empêcher qu'il soit statué sur le fond du litige.
B.12.3. Par conséquent, la condition attaquée doit satisfaire aux conditions qui découlent des dispositions constitutionnelles et conventionnelles mentionnées en B.7.3. La Cour doit dès lors vérifier si cette condition n'emporte pas une restriction supplémentaire inadmissible de l'accès au juge et du droit à un recours effectif. A cet égard, il convient également de tenir compte du constat selon lequel l'accès à la justice en matière d'environnement garantit la préservation du droit à la protection d'un environnement sain, garanti par l'article 23 de la Constitution (B.7.5).
B.13.1. Les travaux préparatoires commentent la condition attaquée en ces termes : « Il convient d'éviter qu'un juge administratif doive annuler une décision pour violation d'une règle de droit si ce n'est pas pour protéger un intérêt dans le cadre duquel le requérant est effectivement lésé. Pour promouvoir l'efficacité du droit administratif procédural, la violation alléguée d'une règle de droit ne peut aboutir à une annulation que s'il existe un lien entre le motif du recours et la raison réelle sous-jacente qui incite le requérant à contester une décision en justice. Ceci s'inscrit dans l'effort visant à mettre en place un droit administratif procédural plus dynamique, dans lequel les litiges sont plus souvent réglés définitivement et qui lutte contre l'usage abusif des règles de droit dans des procédures devant le juge administratif. Le contre-argument selon lequel le citoyen a droit en toutes circonstances à une décision légale à tous égards ne convainc pas. Il va de soi que l'administration doit toujours respecter la loi, mais il ne s'ensuit pas que chaque partie effectivement intéressée ait toujours le droit, pour chaque illégalité, de faire annuler la décision par un juge. Il existe également d'autres moyens de veiller au respect par l'administration de la légalité, comme le contrôle administratif. La protection juridique que procure le juge doit être garantie aux personnes dont la situation juridique a été (prétendument) affectée, mais toute violation d'une règle de droit n'affecte pas automatiquement la situation juridique de chaque partie intéressée.
La condition de relativité n'est ainsi pas remplie dans les exemples suivants : - Le Conseil d'Etat juge qu'une riveraine n'a pas convaincu quant à son intérêt à l'égard du non-respect, lors de l'agrandissement d'un dépôt, des exigences en matière de performance énergétique globale, d'isolation thermique, d'installations de ventilation et de conditions minimales de climat intérieur. - Une partie ne peut pas non plus se prévaloir d'une prétendue violation des normes de sécurité des éoliennes si cette personne ne court pas elle-même de risques de sécurité (s'il ne s'agit pas d'un riverain, par exemple). - Un voisin ne peut pas contester un permis d'environnement par seule crainte de nuisances et invoquer à cet égard la violation de règles qui portent exclusivement sur la protection de la sécurité des personnes qui séjournent dans le bâtiment concerné. - Les voisins d'un projet d'aire de jeux pour enfants ne peuvent pas se prévaloir d'une violation de la réglementation en matière d'accueil des enfants, qui vise à protéger les intérêts des enfants et non ceux des riverains craignant des nuisances sonores.
La condition de relativité n'affecte pas le droit d'accès au juge et porte encore moins atteinte à la substance de ce droit. Le Conseil d'Etat néerlandais a jugé que la condition de relativité au sens du droit néerlandais est conforme au droit d'accès au juge, tel qu'il est garanti notamment par la Convention européenne des droits de l'homme, par la Convention d'Aarhus et par le droit européen.
De plus, la condition de relativité doit être appliquée par les juges administratifs en conformité avec le droit européen et le droit constitutionnel.
L'utilisation du mot ` manifestement ' permet de souligner que ce n'est que s'il est clairement établi que la norme ou le principe général de droit invoqué n'est pas de nature à protéger les intérêts de la personne qui s'en prévaut que le moyen est rejeté pour ce motif (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 699/1, pp. 28-29).
Le législateur décrétal inscrit cette condition dans le cadre d'une évolution plus large du contentieux administratif : « Le modèle du contentieux administratif évolue ainsi dans la direction d'un modèle procédural orienté vers la résolution des litiges et basé sur la situation concrète du requérant. Il s'agit d'un modèle procédural dans lequel la justice administrative s'intéresse en premier lieu à la situation juridique, à savoir les intérêts protégés par le droit, de la partie requérante et, ce faisant, prend également en compte les intérêts du destinataire de la décision. C'est un modèle dans lequel la fonction de protection juridique du droit administratif procédural bénéficie d'une attention croissante, plutôt que le contrôle absolu de la légalité des actes des pouvoirs publics. Dans un tel modèle procédural, toute violation d'une règle de droit n'entraîne pas automatiquement aussi une atteinte à la situation juridique de la partie intéressée. Le fait de tenir compte de la situation concrète des parties permet d'aboutir plus rapidement au règlement définitif d'un litige et d'éviter des ` carrousels ' inutiles. La rapidité de résolution d'un litige constitue, avec l'expertise, l'une des caractéristiques intrinsèques d'une jurisprudence de qualité.
Autrement dit, sans un règlement définitif rapide des litiges, il est impossible d'avoir une jurisprudence de qualité » (ibid. p. 6).
B.13.2. L'objectif de limiter les annulations d'actes administratifs illégaux à l'hypothèse dans laquelle la situation juridique des parties requérantes est affectée ne saurait justifier la restriction attaquée du droit d'accès au juge, étant donné que, ainsi qu'il a déjà été dit, l'examen du fond d'un moyen requiert également que l'illégalité invoquée cause aux justiciables une lésion d'intérêts. A supposer que le juge administratif ait constaté concrètement à l'égard de la partie requérante qu'elle a intérêt à son recours et dès lors à l'annulation de la décision attaquée et que l'illégalité invoquée lui cause une lésion d'intérêts, il n'est pas raisonnablement justifié d'empêcher quand même l'examen au fond de ce moyen. En limitant le pouvoir d'annulation du Conseil pour les contestations des autorisations aux intérêts poursuivis in abstracto par les normes concernées, sans tenir compte des conséquences in concreto de la violation de ces normes sur les intérêts du justiciable, la condition attaquée est, au contraire, en contradiction avec l'objectif du législateur décrétal de faire en sorte que la justice administrative soit le plus possible adaptée à la situation concrète des parties à un litige.
La considération selon laquelle la condition ne joue que si la norme ou le principe général de droit invoqué n'est « manifestement » pas de nature à protéger les intérêts ne change rien à ce constat. Le fait que le législateur décrétal n'envisageait, pour des normes déterminées, que certains intérêts n'empêche pas en soi que la violation de ces normes puisse aussi avoir une incidence négative sur d'autres intérêts. Admettre le contraire permettrait au législateur décrétal de vider de sa substance la protection juridique dans les affaires environnementales, en limitant le champ d'application des normes ou principes généraux de droit généralement invoqués dans cette matière. Simultanément, et paradoxalement, il convient d'observer que le champ d'application de la plupart des normes ou principes généraux de droit généralement invoqués en matière d'environnement n'est pas délimité ou est difficile à délimiter, ce qui compromet la prévisibilité d'application de l'exigence attaquée au point de porter atteinte au principe de la sécurité juridique. Enfin, dès lors que cette condition nécessite de déterminer à chaque fois les intérêts qui sont protégés par la norme invoquée, elle ne contribue pas non plus de manière évidente à l'accélération procédurale recherchée par le législateur décrétal.
B.14. En ce qu'il est pris de la violation de l'article 13 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, par l'article 35, alinéa 3, 2°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l'article 6 du décret du 21 mai 2021 et tel qu'il est applicable à la procédure devant le Conseil pour les contestations des autorisations, le premier moyen dans l'affaire n° 7698 est fondé.L'article 35, alinéa 3, 2°, du décret du 4 avril 2014 doit être annulé.
En ce qui concerne le second moyen dans l'affaire n° 7683 B.15. Le second moyen dans l'affaire n° 7683 est pris notamment de la violation de l'article 13 de la Constitution, lu en combinaison ou non avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, par l'article 35, alinéa 3, 3°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l'article 6 du décret du 21 mai 2021.
B.16.1. L'article 35, alinéa 3, 3°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l'article 6 du décret du 21 mai 2021, dispose que la violation d'une norme ou d'un principe général de droit ne peut donner lieu à l'annulation de l'acte administratif attaqué si la partie requérante a manifestement omis de soulever cette illégalité au moment utile où elle pouvait être soulevée pendant la procédure administrative.
A l'inverse, cette disposition emporte l'obligation, du point de vue du public concerné, de soulever des illégalités au moment le plus utile pendant la phase administrative afin de pouvoir encore s'en prévaloir par la suite devant le juge administratif.
B.16.2. Bien que cette condition ne règle donc pas directement la recevabilité du recours, elle a toutefois pour conséquence d'empêcher qu'il soit statué sur le fond du litige. Par conséquent, la condition attaquée doit satisfaire aux conditions qui découlent des dispositions constitutionnelles et conventionnelles mentionnées en B.7.3. La Cour doit dès lors vérifier si cette condition n'emporte pas une restriction supplémentaire inadmissible de l'accès au juge et du droit à un recours effectif. A cet égard, il convient également de tenir compte du constat selon lequel l'accès à la justice en matière d'environnement garantit la préservation du droit à la protection d'un environnement sain, garanti par l'article 23 de la Constitution (B.7.5).
B.17.1. Les travaux préparatoires commentent la condition attaquée en ces termes : « L'instauration de ce devoir de vigilance s'inscrit dans le cadre de l'effort visant à recueillir le plus d'informations possible au cours de la procédure administrative. Les citoyens sont ainsi encouragés à communiquer toutes les informations utiles et objections éventuelles le plus tôt possible. Ceci doit permettre aux autorités chargées de délivrer les permis de prendre une décision en connaissance de cause.
Le cas échéant, les objections formulées donnent également à ces autorités la possibilité de remédier à certains points, par exemple en faisant usage de la boucle administrative.
Lors de l'application du devoir de vigilance, le juge administratif doit veiller à ce qu'il ne soit pas porté atteinte à l'essence même du droit d'accès au juge, garanti notamment par l'article 13 de la Constitution et par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Ainsi, la disposition ne peut par exemple pas être interprétée en ce sens que les membres du public concerné qui ne sont informés d'éléments de la demande susceptibles de leur faire grief qu'au moment de la publication de la décision expressément motivée en première ou en dernière instance administrative ne pourraient plus invoquer ce moyen de manière recevable. Cette disposition ne peut pas non plus être interprétée comme privant de leur accès au juge les membres du public concerné qui ne prennent connaissance de la violation de règles de droit ou de principes généraux de droit susceptible de leur faire grief qu'au moment de la publication de la décision d'autorisation. [...] Pour que la disposition soit conforme aux avis du Conseil d'Etat, il a été explicité dans le projet d'article 35 du décret du 4 avril 2014 qu'il n'est pas porté préjudice à la possibilité d'invoquer la violation de règles touchant à l'ordre public et une condition a été ajoutée selon laquelle l'application du devoir de vigilance nécessite que la partie concernée ait ` manifestement ' omis d'invoquer l'illégalité au moment le plus utile pendant la phase administrative (voy. point 1.3.1 de cet exposé des motifs pour une discussion sur les avis du Conseil d'Etat) » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 699/1, pp.29-30).
B.17.2. La disposition attaquée a pour conséquence d'obliger les citoyens à identifier et à soulever au moment le plus utile pendant la procédure administrative toutes les illégalités dont un acte administratif pourrait être entaché, afin de préserver leur accès à un juge doté de la plénitude de juridiction pour contrôler la légalité matérielle et procédurale de l'acte administratif attaqué. Cette condition exige des citoyens qu'ils soient en mesure de signaler sans délai tous les problèmes juridiques dans des dossiers bien souvent complexes et techniques, ce qui, dans la plupart des cas, aura pour conséquence de les obliger à se faire assister par un avocat dès le début de la phase administrative. Le « droit administratif réciproque » poursuivi par le législateur décrétal ne peut pas justifier que le fait qu'une autorité commette une illégalité ait des conséquences moins drastiques que le fait que le citoyen n'ait pas immédiatement relevé cette illégalité. A cet égard, il y a lieu de rappeler qu'un devoir de légalité et de diligence incombe à l'administration et que celle-ci dispose souvent, en comparaison d'un citoyen moyen, de davantage de connaissances et de moyens, notamment en matière de conseils juridiques, pour veiller à la légalité du processus décisionnel en matière d'environnement. Au regard de ce devoir de diligence, il ne peut par ailleurs pas être soutenu que l'autorité concernée ne serait pas en mesure, sans que le citoyen n'intervienne, d'identifier et de rectifier encore pendant la procédure administrative des irrégularités qui peuvent être soulevées à ce stade. Même à supposer que tel soit le cas, cela ne justifierait en aucun cas que le devoir de diligence incombant à l'autorité soit transformé dans la pratique en un devoir de diligence incombant au citoyen. Il en va de même pour l'objectif consistant à fournir à l'autorité toutes les informations possibles dans les meilleurs délais.
B.17.3. Ni l'objectif consistant à fournir à l'autorité chargée de délivrer les permis toutes les informations dans les meilleurs délais et à remédier aux illégalités éventuelles dès la phase de procédure administrative ni l'objectif d'efficacité du règlement définitif des litiges par le juge ne sauraient justifier la restriction attaquée apportée au droit d'accès au juge. En outre, en ce qui concerne ce dernier objectif, on peut se demander si une condition qui entraîne de facto une obligation de participation dès le début de la procédure administrative, ainsi qu'un débat potentiel sur la question de savoir si chaque moyen a été invoqué au moment utile, contribue réellement au traitement efficace des litiges.
La mention qu'un moyen ne peut pas entraîner l'annulation d'un acte administratif illégal uniquement lorsque la partie requérante a « manifestement » omis de mentionner l'illégalité invoquée au moment le plus utile ne permet pas d'aboutir à une autre conclusion.
B.18. En ce qu'il porte sur l'article 35, alinéa 3, 3°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l'article 6 du décret du 21 mai 2021 et tel qu'il est applicable à la procédure devant le Conseil pour les contestations des autorisations, le second moyen dans l'affaire n° 7683 est fondé. Cette disposition doit donc être annulée.
Quant à la procédure devant le Collège de maintien B.19.1. Le second moyen dans les affaires nos 7638 et 7644 est pris de la violation, par l'article 6 du décret du 21 mai 2021, des articles 10, 11, 12 et 13 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec le principe général du raisonnable et avec les principes généraux du droit d'accès au juge, de la sécurité juridique, de l'état de droit et de la légalité, avec l'article 159 de la Constitution, avec la présomption d'innocence en matière pénale et avec les droits de la défense. A cet égard, les parties requérantes dans les affaires nos 7638 et 7644 critiquent explicitement l'application de l'article 35, alinéa 3, du décret du 4 avril 2014, introduit par l'article 6 du décret du 21 mai 2021, à la procédure devant le Collège de maintien.
B.19.2. Comme il est dit en B.3.2, pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, les moyens doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
La Cour examine les moyens dans la mesure où ils répondent à ces exigences.
B.20. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés en B.8.1 à B.8.4, le moyen n'est pas fondé en ce qui concerne l'application de l'article 35, alinéa 3, 1°, du décret du 4 avril 2014 dans la procédure devant le Collège de maintien.
B.21.1. En ce qui concerne l'article 35, alinéa 3, 2° et 3°, du décret du 4 avril 2014, il y a lieu de tenir compte de la nature des décisions attaquées. En ce qui concerne la protection juridique dans le cadre de la police administrative en matière d'environnement, le législateur décrétal a voulu, compte tenu du caractère punitif des sanctions administratives susceptibles d'être imposées, prévoir au bénéfice du contrevenant des garanties juridiques étendues (telles que la présomption d'innocence et le droit d'accès au juge) dans ses rapports avec l'administration, garanties qui découlent notamment des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme (Doc. parl., Parlement flamand, 2006-2007, n° 1249/1, pp. 16-17).
B.21.2. Le droit d'accès à un juge ayant pleine juridiction, et plus particulièrement le droit à un recours effectif et les droits de la défense, garantis par l'article 13 de la Constitution et par les articles 6, paragraphe 1, et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, s'opposent à l'application de l'article 35, alinéa 3, 2°, du décret du 4 avril 2014 dans des recours dirigés contre des sanctions administratives devant le Collège de maintien. La personne qui fait l'objet d'une telle sanction doit pouvoir invoquer tous les moyens contre celle-ci. La restriction du pouvoir d'annulation du Collège de maintien et l'immunisation corrélative d'une sanction infligée illégalement par l'administration portent atteinte aux garanties juridiques auxquelles un contrevenant peut prétendre, en particulier aux droits de la défense.
La présomption d'innocence et les droits de la défense du contrevenant-justiciable dans le cadre de la sanction précitée s'opposent en outre à ce que l'intéressé soit tenu de participer au processus décisionnel qui conduit à sa sanction.
A titre surabondant, il convient de constater que les motifs cités dans les travaux préparatoires en ce qui concerne les conditions mentionnées dans l'article 35, alinéa 3, 2° et 3°, ne sont pas utiles pour ce qui est de la procédure devant le Collège de maintien. Les travaux préparatoires ne contiennent pas non plus la moindre justification portant spécifiquement sur cette procédure.
B.22. En ce qu'il porte sur l'article 35, alinéa 3, 2° et 3°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l'article 6 du décret du 21 mai 2021 et tel qu'il est applicable à la procédure devant le Collège de maintien, le deuxième moyen dans les affaires nos 7638 et 7644 est fondé. Cette disposition doit donc être annulée.
Quant aux autres moyens B.23.1. Compte tenu de l'annulation de l'article 35, alinéa 3, 3°, du décret du 4 avril 2014, le moyen unique dans l'affaire n° 7683, en sa seconde branche, qui est dirigée contre l'article 9 du décret du 21 mai 2021, ne doit pas être examiné. En effet, la critique de la partie requérante concernant l'article 9 du décret du 21 mai 2021 porte exclusivement sur l'entrée en vigueur, prévue par cette disposition, du devoir de vigilance et sur l'absence de droit transitoire.
B.23.2. Dès lors que les autres moyens portent sur l'article 35, alinéa 3, 2° et 3°, du décret du 4 avril 2014 et ne peuvent aboutir à une annulation plus étendue de ces dispositions, ceux-ci ne doivent pas être examinés.
Quant au maintien des effets des dispositions attaquées B.24. Le Gouvernement flamand demande que les effets des dispositions annulées soient maintenus définitivement jusqu'au moment de la publication de l'arrêt au Moniteur belge, afin que la sécurité juridique soit garantie.
B.25. L'annulation présentement décidée a pour conséquence que les décisions en matière d'environnement qui ont déjà fait l'objet d'un recours recevable devant le Conseil pour les contestations des autorisations ou devant le Collège de maintien, lesquels n'ont pas encore rendu d'arrêt définitif sur ces recours ou dont les arrêts sont encore susceptibles d'un recours en cassation devant le Conseil d'Etat, peuvent à nouveau, avec effet rétroactif, être annulées par le Conseil pour les contestations des autorisations ou par le Collège de maintien sur la base de moyens qui ne remplissent pas les conditions fixées par l'article 35, alinéa 3, 2° et 3°, du décret du 4 avril 2014.
Il est par ailleurs possible qu'à l'égard de recours sur lesquels il a, en revanche, déjà été statué, il soit fait application de l'article 18 de la loi spéciale du 6 janvier 1989. L'incidence éventuelle de cette possibilité ne saurait toutefois justifier le maintien des effets des dispositions annulées ni de la violation constatée du droit d'accès à un juge, en particulier à la lumière du droit à la protection d'un environnement sain.
Par ces motifs, la Cour - annule l'article 35, alinéa 3, 2° et 3°, du décret de la Région flamande du 4 avril 2014 « relatif à l'organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes », introduit par l'article 6 du décret de la Région flamande du 21 mai 2021 « modifiant le décret du 4 avril 2014 relatif à l'organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes, en ce qui concerne l'optimisation des procédures »; - sous réserve de ce qui est dit en B.8.2, rejette les recours pour le surplus.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 11 avril 2023.
Le greffier, F. Meersschaut Le président, L. Lavrysen