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Arrêt
publié le 07 juin 2023

Extrait de l'arrêt n° 147/2022 du 10 novembre 2022 Numéros du rôle : 7707 et 7726 En cause : les recours en annulation du décret de la Région flamande du 22 octobre 2021 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en ce qui concerne l' La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, des juges T. Giet, (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 147/2022 du 10 novembre 2022 Numéros du rôle : 7707 et 7726 En cause : les recours en annulation du décret de la Région flamande du 22 octobre 2021 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en ce qui concerne l'interdiction de l'installation ou du remplacement d'une chaudière à mazout », introduits par l'ASBL « Fédération belge des Négociants en Combustibles et Carburants » et autres et par Luc Lamine.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia et W. Verrijdt, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du juge émérite J.-P. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 17 décembre 2021 et parvenue au greffe le 21 décembre 2021, un recours en annulation du décret de la Région flamande du 22 octobre 2021 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en ce qui concerne l'interdiction de l'installation ou du remplacement d'une chaudière à mazout » (publié au Moniteur belge du 19 novembre 2021) a été introduit par l'ASBL « Fédération belge des Négociants en Combustibles et Carburants », la SRL « Deconinck Brandstoffen », la SA « Bouts », la SA « OCTA+ Energie » et la SA « Comfort Energy », assistées et représentées par Me F.Judo, avocat au barreau de Bruxelles. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 7 janvier 2022 et parvenue au greffe le 11 janvier 2022, Luc Lamine a introduit un recours en annulation du même décret. Ces affaires, inscrites sous les numéros 7707 et 7726 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant au décret attaqué et à son contexte B.1.1. Les parties requérantes dans l'affaire n° 7707 et dans l'affaire n° 7726 demandent l'annulation du décret de la Région flamande du 22 octobre 2021 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en ce qui concerne l'interdiction de l'installation ou du remplacement d'une chaudière à mazout ».

B.1.2. L'article 3 du décret attaqué insère dans le décret du 8 mai 2009 « portant les dispositions générales en matière de la politique de l'énergie » (ci-après : le décret sur l'énergie), sous le titre XI (« Performances énergétiques de bâtiments »), un article 11.1/1.3, qui instaure l'interdiction, d'une part, d'installer une chaudière à mazout dans les bâtiments résidentiels et non résidentiels pour lesquels le permis d'environnement pour des actes urbanistiques relatifs à une nouvelle construction ou à une rénovation énergétique substantielle est demandé à partir du 1er janvier 2022 et, d'autre part, de remplacer, à partir de cette même date, dans les bâtiments existants, une chaudière à mazout par une chaudière à mazout, un corps de chaudière par un corps de chaudière ou une technologie de chauffage autre qu'une chaudière à mazout par une chaudière à mazout, sauf si aucun réseau de gaz naturel n'est disponible dans la rue.

L'article 1.1.3, 114°/1 du décret sur l'énergie, inséré par l'article 2, 3°, du décret attaqué, définit la notion de « chaudière à mazout » comme étant « le corps de chaudière et le brûleur combinés conçus pour transmettre à l'eau la chaleur de combustion du mazout, dans le but de fournir le chauffage de locaux ou de l'eau chaude sanitaire ».

L'article 1.1.3, 74°/0, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 2, 2°, du décret attaqué, définit la notion de « corps de chaudière » comme étant « l'ensemble des composants d'une chaudière à mazout qui n'assurent pas la combustion du combustible mais le transfert de la chaleur de combustion à l'eau ». Il s'agit du « composant le plus robuste » de la chaudière à mazout (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/7, p. 6). L'interdiction attaquée ne porte donc pas sur le remplacement du brûleur (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/5, p. 2).

L'extension de l'interdiction au remplacement d'un « corps de chaudière » par un autre « corps de chaudière » est le résultat d'un amendement, qui a été justifié comme suit : « Sur une chaudière à mazout, c'est en effet généralement le brûleur qui a besoin d'être remplacé après une quinzaine d'années. Le corps de chaudière, beaucoup plus grand, a quant à lui une durée de vie de 30 à 50 ans. Si l'on permettait également d'encore remplacer le corps de chaudière, cela créerait ainsi de nouveau un effet de verrouillage (lock-in) pour une longue période. D'autant que dans nombre de cas, ce corps de chaudière en fonte ou en acier doit être démantelé pour être éliminé, si bien qu'il s'agit d'un moment idéal pour reconsidérer le choix du système de chauffage. C'est pourquoi il est aussi proposé, en ce qui concerne les bâtiments existants, d'interdire également le remplacement du corps de chaudière » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/5, p. 3).

B.1.3. L'article 4 du décret attaqué, qui insère un article 11.1/1.4 dans le décret sur l'énergie, impose l'obligation aux installateurs de chaudières à mazout de communiquer trimestriellement à la « Vlaams Energie- en Klimaatagentschap » (l'Agence flamande de l'énergie et du climat, ci-après : la VEKA) une liste des adresses des bâtiments résidentiels et non résidentiels dans lesquels ils ont installé ou remplacé une ou plusieurs chaudières à mazout ou un ou plusieurs corps de chaudière au cours du trimestre précédent.

B.1.4. Les articles 5 et 6 du décret attaqué prévoient que la VEKA gère une banque de données de la consommation et de la production d'énergie, dont les objectifs sont définis, et ils déterminent également l'accès aux données, ainsi que leur durée de conservation.

B.1.5. Enfin, les articles 7 et 8 du décret attaqué prévoient une sanction administrative si la VEKA constate qu'une chaudière à mazout ou un corps de chaudière a été installé ou remplacé dans un bâtiment résidentiel ou non résidentiel en violation de l'interdiction prévue à l'article 11.1/1.3 du décret sur l'énergie. La sanction consiste en une amende administrative de 3 000 euros, majorée de 2 000 euros par unité de bâtiment dans l'immeuble, et est infligée à la personne soumise à déclaration, s'il s'agit d'une nouvelle construction ou d'une rénovation énergétique substantielle, et au propriétaire ou au titulaire d'un droit réel, s'il s'agit d'un bâtiment existant.

B.2.1. L'exposé des motifs justifie l'interdiction prévue à l'article 3 du décret attaqué comme suit : « Le Gouvernement flamand peut, dans le cadre de sa politique en matière d'utilisation rationnelle de l'énergie et de promotion de la performance énergétique des bâtiments, interdire l'utilisation de certaines installations de chauffage, installations techniques et systèmes techniques de bâtiment, ou soumettre leur utilisation à des conditions. Cette disposition figure à l'article 11.1/1.1 du décret sur l'énergie du 8 mai 2009, lequel a récemment été inséré par le décret du 30 octobre 2020.

La présente proposition de décret permet de fixer par voie décrétale des conditions strictes pour les chaudières à mazout, et donc d'en réglementer strictement l'utilisation. Cette lex specialis implique qu'en application de l'article 11.1/1.1 précité, le Gouvernement flamand ne peut pas instaurer de dispositions dérogatoires dans cette matière, qui a déjà été réglée par le législateur décrétal. La Région flamande oeuvre ainsi à rendre les bâtiments plus durables. Il sera par conséquent interdit désormais d'installer ou de remplacer une chaudière à mazout dans les bâtiments résidentiels et non résidentiels dont le permis d'environnement pour des actes urbanistiques relatifs à une nouvelle construction ou à une rénovation énergétique substantielle est demandé à partir du 1er janvier 2022. Même dans les bâtiments existants, il ne sera plus possible à partir de cette date - même lors de la réalisation de travaux non soumis à permis - de remplacer une chaudière à mazout par une autre chaudière à mazout, sauf si aucun réseau de gaz naturel n'est disponible dans la rue.

L'article 11.1/1.3 en projet met ainsi en oeuvre l'accord de gouvernement flamand 2019-2024 pour, d'une part, les nouvelles constructions et les rénovations énergétiques substantielles et, d'autre part, les bâtiments existants. L'accord de gouvernement prévoit en effet les dispositions suivantes en ce qui concerne les chaudières à mazout : - ' A partir de 2021, une chaudière à mazout existante ne pourra plus être remplacée si la rue abrite un réseau de gaz naturel. Les propriétaires seront informés de toutes les autres solutions possibles. ' - ' Pour cette raison, à partir de 2021, plus aucune chaudière à mazout ne pourra être installée dans le cas d'une nouvelle construction et de rénovations énergétiques substantielles, et un raccordement au gaz naturel ne sera plus possible, pour les nouveaux grands lotissements et grands immeubles à appartements, qu'à des fins de chauffage collectif par cogénération ou en combinaison avec un système d'énergie renouvelable comme chauffage principal. ' [...] Le Plan flamand sur l'énergie et le climat mentionne cependant : ' A partir de 2021, nous introduisons une interdiction des chaudières à mazout dans les constructions nouvelles et en cas de rénovation énergétique substantielle. Les chaudières à mazout existantes ne peuvent plus être remplacées par d'autres chaudières à mazout s'il existe une possibilité de raccordement à un réseau de gaz naturel dans la rue, sauf s'il peut être démontré que les chaudières à mazout ont une performance équivalente à celle des chaudières à condensation au gaz naturel les plus récentes. ' Cette problématique sera abordée plus en détail ci-après.

Le fait que cette technologie de chauffage s'avère moins efficace énergétiquement et moins écologique pour les nouvelles constructions et les rénovations énergétiques substantielles, tout en étant dépassée, est également attesté par les données statistiques ci-dessous, tirées des déclarations EPB (EPB : ' energieprestatie en binnenklimaat ' (prestation énergétique et climat intérieur)) qui ont été introduites. [...] A partir de 2022, l'installation ou le remplacement d'une chaudière à mazout par une autre chaudière à mazout ne sera plus autorisé non plus dans les bâtiments existants. La seule exception possible est le cas de figure où aucun réseau de gaz naturel n'est disponible dans la rue.

Par le remplacement d'une chaudière à mazout, l'on entend par ailleurs uniquement le remplacement de l'intégralité de l'installation, et non le remplacement de composants individuels d'une installation de chauffage existante, comme le brûleur. [...] C.2.b. La mesure telle qu'elle est formulée dans le Plan flamand sur l'énergie et le climat La mesure telle qu'elle est formulée dans le Plan flamand sur l'énergie et le climat se révèle toutefois problématique au regard de l'article 6 de la directive-cadre relative à l'écoconception et du règlement (UE) n° 813/2013. Selon cette formulation, le remplacement d'une chaudière à mazout existante par une autre, tandis qu'il existe une possibilité de raccordement à un réseau de gaz naturel dans la rue, serait malgré tout autorisé ' s'il peut être démontré que les chaudières à mazout ont une performance équivalente à celle des chaudières à condensation au gaz naturel les plus récentes '. Dans ce scénario, l'autorisation d'installer une chaudière à mazout pour en remplacer une autre dépend donc d'une évaluation des performances.

Cette évaluation des performances portera (au moins) sur l'efficacité énergétique. Or, l'Annexe II au règlement (UE) n° 813/2013 fixe déjà des exigences applicables à l'efficacité énergétique saisonnière et à l'efficacité énergétique pour le chauffage de l'eau. Si la Région flamande subordonne l'admissibilité du remplacement d'une chaudière à mazout par une autre chaudière à mazout à une évaluation complémentaire de l'efficacité énergétique, cela sera qualifié comme une exigence en matière d'écoconception qui a trait à des paramètres qui sont déjà couverts par le règlement (UE) no 813/2013 et qui est contraire à l'article 6, paragraphe 1, de la directive-cadre relative à l'écoconception, à moins qu'il s'agisse d'une ' exigence en matière de performance énergétique ' de bâtiments ou d'unités de bâtiment ou d'une ' exigence relative aux systèmes techniques ' conformément à l'article 4, paragraphe 1, ou à l'article 8 de la directive PEB. Cette dernière hypothèse ne s'applique cependant pas en l'espèce : en effet, la condition selon laquelle une chaudière à mazout doit être aussi performante que les chaudières à condensation au gaz les plus récentes ne constitue pas une exigence relative aux systèmes techniques, mais bien une exigence en matière d'écoconception.

La mesure telle qu'elle est formulée dans le Plan flamand sur l'énergie et le climat est, pour cette raison, contraire à l'article 6 de la directive-cadre relative à l'écoconception, ainsi qu'au règlement (UE) n° 813/2013.

Pour ces raisons, la mesure ne peut se concrétiser que sous la forme établie dans l'accord de gouvernement flamand » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/1, pp. 2, 5-6 et 10-11).

Les explications qui précèdent se retrouvent également dans l'exposé relatif à la compétence de la Région flamande pour adopter le décret attaqué : « En ce qui concerne l'interdiction des chaudières à mazout, la présente proposition de décret s'inscrit en effet parfaitement dans le cadre de la compétence matérielle de la Région en matière d'efficacité énergétique et de protection de l'environnement. De telles installations de chauffage au mazout ne sont effectivement pas suffisamment efficaces sur le plan énergétique, ni suffisamment écologiques, pour continuer à jouer un rôle dans la transition énergétique actuelle. En raison de la combustion du mazout, les chaudières à mazout ont une plus grande incidence sur les émissions et la qualité de l'air. A titre d'exemple, le facteur d'émission de CO2 (Ktonne CO2/PJ) du mazout est supérieur d'environ 32 % à celui du gaz naturel, et supérieur de 15 à 18 % à celui du propane et du butane.

Les émissions de NOx d'une nouvelle chaudière à mazout sont par exemple également supérieures d'environ 45 % aux émissions d'une nouvelle chaudière au gaz naturel.

En 2019, le mazout représentait 35 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur du bâtiment (tous bâtiments résidentiels et bâtiments non résidentiels confondus) et 10 % du total des émissions de gaz à effet de serre hors SEQE (système d'échange de quotas d'émission) en Flandre. Une suppression progressive des chaudières à mazout peut donc contribuer significativement à l'objectif de réduction des émissions hors SEQE à court terme (2030) et à long terme (2050) de la Flandre.

En cas de passage au gaz naturel, on peut déjà s'attendre à une réduction de 32 % grâce au seul facteur d'émission de CO2 plus faible.

En cas de passage à des installations de chauffage fonctionnant sans énergie fossile, la réduction des émissions de CO2 sera de 100 % .

La mesure exercera également une influence positive sur la qualité des sols, puisque l'utilisation des installations au mazout constitue un risque accru de pollution des sols, en raison, notamment, d'écoulements de mazout lors de la livraison ou de fuites dans les cuves à mazout. Le fait que la mesure, en plus d'influer sur l'efficacité énergétique et les émissions de gaz à effet de serre, améliore également la qualité des sols, est un objectif qui est poursuivi. La mesure produit donc des effets qui ne s'appliquent pas aux autres types d'installations de chauffage : en effet, les mesures relatives à ces autres types d'installations n'exercent pas cette pression environnementale spécifique, de sorte qu'il ne saurait s'agir d'une situation comparable.

L'utilisation de telles nouvelles installations au mazout s'intègre dès lors moins bien dans la transition énergétique vers une société pauvre en carbone. Une étude commandée par le secteur du mazout (Informazout) lui-même qui offre un autre son de cloche ne peut pas être considérée comme scientifiquement correcte. A la demande de la ministre Zuhal Demir, une tierce partie (Energyville et le panel climat) a soumis cette étude à une évaluation par les pairs. Cette évaluation conclut que le rapport d'Informazout analyse en détail, sur base d'une méthode fondée sur l'analyse du cycle de vie, une tendance vraiment hypothétique, à savoir la transition totale du chauffage au mazout classique vers le chauffage au gaz, et ce à relativement brève échéance (d'ici 2030), les chercheurs s'efforçant, par diverses hypothèses partiales en défaveur du gaz naturel, de démontrer que le mazout peut, à terme, exercer une pression plus limitée sur le climat.

Toutefois, vu les problèmes méthodologiques et les choix subjectifs effectués, l'évaluation par les pairs conclut que l'on ne saurait affirmer que ce soit le cas. L'hypothèse de travail du secteur, selon laquelle le gaz naturel serait plus nocif que le mazout, n'est dès lors ni démontrée ni crédible, mais présente un problème méthodologique, de sorte qu'elle semble n'être que le reflet d'un réflexe plutôt tendancieux et protectionniste » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/1, pp. 3-4).

B.2.2. Il ressort des explications reproduites ci-dessus que le décret attaqué s'inscrit dans « l'objectif de réduction des émissions hors SEQE à court terme (2030) et à long terme (2050) de la Flandre ». Il s'agit de l'objectif imposé par l'Union européenne aux Etats membres pour les secteurs dits hors SEQE, à savoir les secteurs qui ne relèvent pas du système d'échange de droits d'émission de l'Union européenne. Il s'agit principalement des secteurs du bâtiment, du transport, de l'agriculture et des déchets. Cet objectif à court terme, fixé par le règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 « relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les Etats membres de 2021 à 2030 contribuant à l'action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l'accord de Paris et modifiant le règlement (UE) n° 525/2013 » et repris par la Région flamande dans son Plan flamand sur l'énergie et le climat, implique que la Belgique doit réduire, d'ici 2030, ses émissions de gaz à effet de serre de 35 % par rapport aux niveaux de 2005. Quant à l'objectif à long terme, il consiste en une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 80 à 95 % d'ici 2050, par rapport aux niveaux atteints en 1990.

La « loi européenne sur le climat » (règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 « établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999 ») prévoit des objectifs plus ambitieux pour l'Union européenne, lesquels consistent en une réduction, dans l'Union, des émissions nettes des gaz à effet de serre (émissions après déduction des absorptions) d'au moins 55 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990, ainsi qu'une neutralité climatique totale en 2050. A la lumière de ces objectifs modifiés, la Commission européenne a publié, le 14 juillet 2021, son paquet « Ajustement à l'objectif 55 », dans lequel il est proposé de relever l'objectif national de la Belgique à 47 % d'ici 2030, par rapport aux niveaux de 2005.

B.2.3. Pour ce qui concerne la Région flamande, le décret attaqué s'inscrit dans le prolongement d'une série d'autres décrets récents qui, afin d'atteindre l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre hors SEQE de la Flandre pour les horizons 2030 et 2050, visent également à réduire les émissions de gaz à effet de serre provoquées par l'utilisation du gaz naturel.

Une première étape dans cette direction a été franchie avec l'article 12 du décret du 30 octobre 2020 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009 ». A la suite de cette modification, l'article 4.1.16/1 du décret sur l'énergie dispose que, dans le cas de nouveaux grands lotissements, de grands projets d'habitations de groupe ou de grands immeubles à appartements, dont le permis d'environnement pour le lotissement de terrains ou pour des actes urbanistiques a été demandé à partir du 1er janvier 2021, il ne peut plus être prévu de raccordement au réseau de distribution de gaz naturel qu'en cas de chauffage collectif par cogénération ou en combinaison avec un système d'énergie renouvelable comme chauffage principal.

L'article 6 du décret du 18 mars 2022 « modifiant le Décret sur l'Energie du 8 mai 2009 » constitue la deuxième étape. Cet article insère, dans le décret sur l'énergie, un article 4.1.16/2, qui dispose que les gestionnaires du réseau de distribution de gaz naturel ne peuvent plus prévoir de raccordement au réseau de distribution de gaz pour les bâtiments résidentiels et non résidentiels pour lesquels une demande de permis d'environnement pour des actes urbanistiques relatifs à une nouvelle construction est introduite à partir du 1er janvier 2026. Par décret du 17 juin 2022 « modifiant l'article 4.1.16/2 du Décret sur l'Energie du 8 mai 2009 », la date prévue pour l'interdiction de raccordement au réseau de gaz naturel en cas de nouvelles constructions a été avancée au 1er janvier 2025.

Quant à l'étendue des recours en annulation B.3.1. La Cour doit déterminer l'étendue du recours en annulation sur la base du contenu de la requête.

La Cour peut uniquement annuler des dispositions législatives explicitement attaquées contre lesquelles des moyens sont invoqués et, le cas échéant, des dispositions qui ne sont pas attaquées mais qui sont indissociablement liées aux dispositions qui doivent être annulées.

B.3.2. Il ressort des requêtes dans les affaires n° 7707 et n° 7726 que les griefs formulés sont uniquement dirigés contre les articles 1er et 3 du décret attaqué. En ce que l'article 4 du décret attaqué impose l'obligation aux installateurs de chaudières à mazout de rendre compte des bâtiments résidentiels et non résidentiels dans lesquels ils ont installé ou remplacé une ou plusieurs chaudières à mazout ou un ou plusieurs corps de chaudière au cours du trimestre précédent, et en ce que les articles 7 et 8 du décret attaqué prévoient une sanction administrative pour le non-respect de l'interdiction d'installer ou de remplacer une chaudière à mazout, ces dispositions sont indissociablement liées aux articles 1er et 3 du décret attaqué.

Par contre, les articles 5 et 6 du décret attaqué, qui portent sur la mise à jour, par la VEKA, de la banque de données de la consommation et de la production d'énergie, ne sont pas indissociablement liés aux articles 1er et 3 du décret attaqué.

B.3.3. La Cour limite par conséquent son examen aux articles 1er, 3, 4, 7 et 8 du décret attaqué.

Quant à l'intérêt B.4.1. Le Gouvernement flamand conteste l'intérêt des parties requérantes dans l'affaire n° 7707, en ce qu'elles visent, par leur recours en annulation, à protéger les intérêts des consommateurs. Il conteste également l'intérêt de la partie requérante dans l'affaire n° 7726.

B.4.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

B.4.3. La première partie requérante dans l'affaire n° 7707 se définit elle-même comme « une organisation professionnelle reconnue qui représente et défend les entreprises actives dans le commerce et la distribution de combustibles, de carburants, de lubrifiants et de produits apparentés ». Les deuxième, troisième, quatrième et cinquième parties requérantes sont des fournisseurs de produits énergétiques, notamment de mazout et de combustibles comparables.

B.4.4. Dès lors que l'article 3 du décret attaqué interdit, à partir du 1er janvier 2022, l'installation d'une chaudière à mazout et le remplacement d'une chaudière à mazout par une chaudière à mazout, les deuxième, troisième, quatrième et cinquième parties requérantes dans l'affaire n° 7707 à tout le moins justifient, en leur qualité de fournisseurs de produits à base de mazout, d'un intérêt suffisant à l'annulation de la disposition attaquée. Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner l'intérêt des autres parties requérantes.

Quant à la recevabilité du moyen unique dans l'affaire n° 7726 B.5. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.

La partie requérante dans l'affaire n° 7726 n'expose pas en quoi les dispositions attaquées violeraient les articles 15, 22 et 23 de la Constitution, les articles 1er et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 11 et 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

En ce qu'il est pris de la violation de ces dispositions, le moyen unique dans l'affaire n° 7726 est irrecevable.

Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen dans l'affaire n° 7707 B.6. Les parties requérantes dans l'affaire n° 7707 prennent un premier moyen de la violation, par le décret attaqué, de l'article 6, § 1er, II, alinéa 2, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, du principe de la loyauté fédérale, garanti par l'article 143, § 1er, de la Constitution et du principe de proportionnalité. Selon les parties requérantes, le décret attaqué instaure une interdiction quasi absolue d'installer et de remplacer des chaudières à mazout, de sorte qu'il produit un effet d'exclusion du marché et empêche l'autorité fédérale d'exercer sa compétence en matière de normes de produits.

B.7.1. L'article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, et alinéa 2, 1°, et VII, de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose : « Les matières visées à l'article 39 de la Constitution sont : [...] II. En ce qui concerne l'environnement et la politique de l'eau : 1° La protection de l'environnement, notamment celle du sol, du sous-sol, de l'eau et de l'air contre la pollution et les agressions ainsi que la lutte contre le bruit; [...] L'autorité fédérale est toutefois compétente pour : 1° L'établissement des normes de produits; [...] VII. En ce qui concerne la politique de l'énergie : Les aspects régionaux de l'énergie, et en tout cas : [...] f) Les sources nouvelles d'énergie à l'exception de celles liées à l'énergie nucléaire; [...] h) L'utilisation rationnelle de l'énergie. Toutefois, l'autorité fédérale est compétente pour les matières dont l'indivisibilité technique et économique requiert une mise en oeuvre homogène sur le plan national, à savoir : a) les études sur les perspectives d'approvisionnement en énergie;b) Le cycle du combustible nucléaire;c) Les grandes infrastructures de stockage;le transport et la production de l'énergie; d) les tarifs, en ce compris la politique des prix, sans préjudice de la compétence régionale en matière de tarifs visée à l'alinéa 1er, a) et b) ». B.7.2. Le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils n'en disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d'édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées.

En vertu de l'article 6, § 1er, II, précité, les régions sont compétentes pour prévenir et combattre les différentes formes de pollution de l'environnement. Le législateur régional trouve dans le 1° de cette disposition la compétence générale lui permettant de régler ce qui concerne la protection de l'environnement, notamment celle de l'air, contre la pollution et les agressions. B.7.3. Il ressort des travaux préparatoires de la loi spéciale du 8 août 1980 que la compétence attribuée aux régions en matière de protection de l'air porte notamment sur les matières qui étaient réglées par la loi du 28 décembre 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/12/1964 pub. 18/06/2010 numac 2010000336 source service public federal interieur Loi relative à la lutte contre la pollution atmosphérique fermer « relative à la lutte contre la pollution atmosphérique » (Doc. parl., Sénat, 1979-1980, n° 434/1, p. 13).

En vertu de l'article 2 de la loi précitée du 28 décembre 1964, on entend par « pollution de l'atmosphère » « toute émission dans l'air, quelle qu'en soit la source, de substances gazeuses, liquides ou solides, susceptibles de porter atteinte à la santé humaine, de nuire aux animaux et aux plantes ou de causer un dommage aux biens ou aux sites ».

B.7.4. Il résulte de ce qui précède que la compétence des régions en matière de protection de l'air comprend le pouvoir d'adopter des mesures afin de diminuer les émissions de gaz à effet de serre dans l'air. Ce pouvoir ne se limite pas aux installations fixes mais porte sur toutes les émissions de gaz à effet de serre, quelle que soit leur source. Eu égard à l'impact des gaz à effet de serre sur l'environnement, et particulièrement sur le climat, les régions peuvent par conséquent prendre des mesures destinées à faire diminuer les émissions de gaz à effet de serre des chaudières à mazout.

B.7.5. Une interdiction d'installer une chaudière à mazout et de remplacer une chaudière à mazout par une chaudière à mazout s'inscrit également dans la compétence régionale en matière d'utilisation rationnelle de l'énergie.

B.8.1. Selon l'article 6, § 1er, II, alinéa 2, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980, l'autorité fédérale est toutefois compétente pour l'établissement des normes de produits. Les gouvernements régionaux doivent être associés à l'élaboration de ces normes (article 6, § 4, 1°, de cette même loi spéciale).

Les normes de produits sont des règles qui déterminent de manière contraignante les conditions auxquelles un produit doit satisfaire, lors de la mise sur le marché, en vue, entre autres, de la protection de l'environnement. Elles fixent notamment des limites en ce qui concerne les niveaux de polluants ou de nuisances à ne pas dépasser dans la composition ou dans les émissions d'un produit et peuvent contenir des spécifications quant aux propriétés, aux méthodes d'essai, à l'emballage, au marquage et à l'étiquetage des produits.

B.8.2. Les travaux préparatoires de l'article 6, § 1er, II, alinéa 2, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 (Doc. parl., Sénat, 1992-1993, n° 558/1, p.20; Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 1063/7, pp. 37, 38, 39, 42, 43 et 44) ont souligné qu'il faut uniquement regarder comme « normes de produits » dont l'établissement est réservé à l'autorité fédérale les prescriptions auxquelles les produits doivent répondre, notamment d'un point de vue écologique, « au moment de leur mise sur le marché ». En effet, c'est précisément la nécessité de préserver l'union économique et monétaire belge (Doc. parl., Sénat, 1992-1993, n° 558/1, p. 20; Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 1063/7, p. 37) et d'éliminer les obstacles à la libre circulation des biens entre les régions (Doc.parl., Sénat, 1992-1993, n° 558/5, p. 67) qui justifie que la compétence relative aux normes de produits soit réservée à l'autorité fédérale.

B.8.3. Le décret attaqué ne contient pas en soi d'exigences auxquelles les chaudières à mazout doivent satisfaire lors de la mise sur le marché. Il en règle exclusivement l'installation et le remplacement.

Ainsi, le décret attaqué n'établit aucune norme de produits et relève de la compétence du législateur décrétal en matière de protection de l'environnement et d'utilisation rationnelle de l'énergie.

B.9.1. Dans l'exercice de ses compétences, le législateur décrétal doit néanmoins respecter la loyauté fédérale, ainsi que le prévoit l'article 143, § 1er, de la Constitution.

B.9.2. Le respect de la loyauté fédérale suppose que, lorsqu'elles exercent leurs compétences, l'autorité fédérale et les entités fédérées ne perturbent pas l'équilibre de la construction fédérale dans son ensemble. La loyauté fédérale concerne plus que le simple exercice des compétences : elle indique dans quel esprit il doit avoir lieu.

Le principe de la loyauté fédérale oblige chaque législateur à veiller à ce que l'exercice de sa propre compétence ne rende pas impossible ou exagérément difficile l'exercice de leurs compétences par les autres législateurs.

B.10.1. Le décret attaqué ne prévoit pas une interdiction de vendre des chaudières à mazout, ni une interdiction de les utiliser. Il prévoit une interdiction, pour les bâtiments résidentiels et non résidentiels, de remplacer une chaudière à mazout par une chaudière à mazout, un corps de chaudière par un corps de chaudière, ou une technologie de chauffage autre qu'une chaudière à mazout par une chaudière à mazout. Pour les bâtiments existants, ce n'est donc que lorsque la durée de vie de la chaudière à mazout, du corps de chaudière ou de l'autre technologie de chauffage a expiré que l'interdiction s'applique.

B.10.2. Par ailleurs, l'interdiction ne porte que sur le remplacement d'une chaudière à mazout, considérée dans son ensemble, par une chaudière à mazout ou du corps de chaudière par un corps de chaudière.

Il découle des travaux préparatoires du décret attaqué que le remplacement de composants individuels d'une chaudière à mazout, comme le brûleur ou la cheminée (amendement n° 1, Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/5, p. 2; ibid., n° 813/7, pp. 4, 7 et 9), la pompe (ibid., n° 813/7, pp. 4, 7 et 9) ou l'électronique (amendement n° 2, ibid., n° 813/5, p. 3; ibid., n° 813/7, p. 4), ne relève pas de l'interdiction attaquée.

B.10.3. Ensuite, la mesure attaquée ne prévoit pas d'interdiction absolue de remplacer, dans une habitation existante, une chaudière à mazout par une chaudière à mazout, un corps de chaudière par un corps de chaudière, ou une autre technologie de chauffage par une chaudière à mazout. Si, dans la rue, aucun réseau de gaz naturel n'est disponible à hauteur du bâtiment, ou si le bâtiment ne peut pas être raccordé par un forage à la canalisation de gaz située de l'autre côté de la rue, l'interdiction ne s'applique pas.

B.10.4. Enfin, il ressort de l'exposé que le délégué du gouvernement a donné à la demande de la section de législation du Conseil d'Etat que l'incidence du régime d'interdiction sur la possibilité d'installer ou de remplacer une chaudière à mazout n'est pas de nature à ce qu'il puisse être fait état d'un effet d'exclusion du marché (C.E., avis n° 69.562/3 du 12 juillet 2021, Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/3, pp.8-9) : « En effet, interrogé sur le nombre de cas dans lesquels le remplacement d'une chaudière à mazout est encore possible en cas d'absence d'un réseau de gaz naturel ainsi que sur la proportion de ce chiffre par rapport aux chiffres - déjà en forte diminution - relatifs à l'installation d'une chaudière à mazout dans le cadre de nouvelles constructions et de rénovations, le délégué a déclaré ce qui suit : ' Dans l'étude intitulée » Des effets des mesures relatives au chauffage au mazout dans les habitations et les bâtiments non affectés à la résidence, prévues dans l'accord de gouvernement », Trinomics a calculé pour la VEKA le nombre de chaudières à mazout qui ne seraient plus installées du fait de l'interdiction d'installer ou de remplacer une chaudière à mazout. Trinomics est parvenue aux résultats suivants : - A l'heure actuelle, le nombre de chaudières à mazout vendues en Flandre est estimé à 3 900 (estimation sur la base des chiffres de vente 2020 pour le marché belge résidentiel et non résidentiel, la part flamande dans le total des ventes étant estimée à 30 % ). - L'interdiction d'installer une chaudière à mazout lorsque le gaz naturel est disponible dans la rue entraînerait - selon le scénario de base de l'étude - une baisse totale annuelle des chaudières à mazout installées de l'ordre de 865 à 875 unités (à savoir, proportionnellement, environ 22 % du nombre total de chaudières vendues). . Environ 850 à la suite de l'interdiction de remplacement dans le cas où le gaz naturel est disponible dans la rue (dans l'étude : mesure 1). . Environ 10-15 à la suite de l'interdiction d'installer des chaudières à mazout dans de nouvelles constructions (dans l'étude : mesure 2). . Environ 5 à 10 à la suite de l'interdiction d'installer des chaudières à mazout dans le cadre de rénovations énergétiques substantielles (dans l'étude : mesure 2). - Tout compris, ces deux mesures provoqueraient une diminution des ventes annuelles de chaudières à mazout d'environ 22 % par rapport au nombre actuel.

En raison de la couverture étendue du réseau de gaz naturel en Flandre, de l'émergence de nouvelles technologies (notamment les pompes à chaleur) et des coûts plus avantageux du gaz naturel par rapport au mazout, les ventes actuelles de nouvelles chaudières à mazout en Région flamande sont relativement limitées par rapport aux ventes de chaudières au gaz naturel. Voy. l'étude de Trinomics figurant en annexe pp. 5 et 6. ' ».

Par conséquent, il n'est aucunement question d'un effet d'exclusion du marché. Le décret attaqué ne viole ni le principe de la loyauté fédérale garanti par l'article 143, § 1er, de la Constitution, ni les règles répartitrices de compétences.

B.11. Eu égard à ce qui précède, le décret attaqué ne viole pas à l'article 6, § 1er, II, alinéa 2, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980, ni le principe de la loyauté fédérale garanti par l'article 143, § 1er, de la Constitution, ni le principe de proportionnalité.

B.12. Le premier moyen dans l'affaire n° 7707 n'est pas fondé.

Quant au deuxième moyen dans l'affaire n° 7707 B.13. Les parties requérantes dans l'affaire n° 7707 prennent un deuxième moyen de la violation, par le décret attaqué, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 34 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et avec la liberté d'entreprendre, garantie par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique.

Dans la première branche, les parties requérantes font valoir que le décret attaqué crée une double différence de traitement. Premièrement, les personnes qui possèdent une chaudière à mazout moins polluante seraient affectées par le décret attaqué, alors que les personnes qui font usage d'autres techniques de chauffage également moins polluantes ne relèveraient pas du décret attaqué. Deuxièmement, le propriétaire d'un bâtiment chauffé au mazout qui peut être connecté au réseau de gaz naturel pourrait uniquement passer au gaz naturel, parfois plus polluant, ou à une pompe à chaleur, alors que le propriétaire d'un bâtiment chauffé au mazout qui ne peut pas être connecté au réseau de gaz naturel serait entièrement libre de garder sa chaudière à mazout ou de la remplacer par n'importe quelle installation de chauffage.

Selon les parties requérantes, aucune de ces différences de traitement ne repose sur un critère de distinction pertinent.

Dans la seconde branche, les parties requérantes font valoir qu'en interdisant l'installation et le remplacement de chaudières à mazout et en ne prévoyant pas d'exception à cette interdiction pour les chaudières à mazout moins polluantes, le décret attaqué comporte une mesure d'effet équivalent, qui est interdite, ainsi qu'une restriction disproportionnée de leur liberté d'entreprendre. Selon les parties requérantes, une interdiction fondée sur la performance de la chaudière à mazout aurait atteint de manière aussi efficace l'objectif poursuivi par le législateur décrétal, tout en étant moins attentatoire aux échanges commerciaux entre les Etats membres.

B.14.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.14.2. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions internationales liant la Belgique.

B.15. Lorsqu'il détermine sa politique en matière d'énergie, le législateur décrétal dispose d'un pouvoir d'appréciation étendu. Dans cette matière, la Cour ne peut censurer les choix politiques du législateur décrétal et les motifs qui les fondent que s'ils reposent sur une erreur manifeste ou ne sont pas raisonnablement justifiés.

Elle doit toutefois tenir compte des limites fixées par le droit de l'Union européenne au pouvoir d'appréciation du législateur décrétal.

B.16. La Cour examine d'abord la compatibilité du décret attaqué avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 34 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

En ce qui concerne la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'interdiction des mesures d'effet équivalent (seconde branche) B.17. En vertu de l'article 34 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes « mesures d'effet équivalent » sont interdites entre les Etats membres.

Les dispositions législatives imposant une interdiction de principe d'installer une chaudière à mazout et de remplacer une chaudière à mazout par une chaudière à mazout, un corps de chaudière par un corps de chaudière ou une autre technologie de chauffage par une chaudière à mazout sont de nature à entraver, tout du moins indirectement, le commerce intracommunautaire de tels produits et elles doivent dès lors être considérées comme une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative, mesure qui est en principe interdite par l'article 34 du TFUE (CJCE, 10 avril 2008, C-265/06, Commission/Portugal, points 32-36; 10 février 2009, C-110/05, Commission/Italie, points 56-58; 4 juin 2009, C-142/05, Mickelsson et Roos, points 16-17).

La Cour doit dès lors examiner si l'interdiction de principe peut être justifiée sur la base de l'article 36 du TFUE ou sur la base d'autres impératifs, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.

B.18. Il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.2.1 que la mesure attaquée vise, d'une part, à lutter contre la pollution du sol et, d'autre part, à mettre en oeuvre l'objectif flamand, belge et européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

La protection de l'environnement et celle du climat sont des buts légitimes d'intérêt général, dont l'importance a déjà été relevée, notamment dans la législation de l'Union européenne, comme, en ce qui concerne la protection du climat, dans le règlement (UE) 2018/842, mentionné en B.2.2, et dans la « loi européenne sur le climat », qui chargent les Etats membres de prendre les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Conformément à l'article 36 du TFUE, les dispositions des articles 34 et 35 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions justifiées par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux.

Conformément à la jurisprudence constante de la Cour de justice, il est en outre possible de justifier des restrictions à la libre circulation des biens par des impératifs tels que la protection de l'environnement (CJCE, 14 juillet 1998, C-341/95, Bettati, point 62; 12 octobre 2000, C-314/98, Snellers, point 55; 19 juin 2008, C-219/07, Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers VZW e.a., point 29; 11 décembre 2008, C-524/07, Commission/Autriche, point 57; 4 juin 2009, C-142/05, Mickelsson et Roos, point 32).

B.19.1. Ainsi qu'il apparaît des travaux préparatoires mentionnés en B.2.1, l'étude scientifique que le législateur décrétal a fait réaliser préalablement à l'adoption du décret attaqué démontre qu'en 2019, le mazout représentait 35 % des émissions de gaz à effet de serre des bâtiments résidentiels et non résidentiels ainsi que 10 % des émissions de gaz à effet de serre hors SEQE en Région flamande, et que la suppression progressive des chaudières à mazout peut contribuer significativement à l'objectif flamand de réduction des émissions de gaz à effet de serre hors SEQE à court terme (2030) et à long terme (2050).

Par ailleurs, il n'est pas déraisonnable de considérer que la mesure attaquée peut contribuer à l'amélioration de la qualité du sol, en ce que, comme il est indiqué également dans les travaux préparatoires précités, l'utilisation des chaudières à mazout peut aller de pair avec un risque de pollution du sol accru, par exemple en raison d'écoulements de mazout lors de livraisons ou de fuites dans les cuves à mazout.

Le législateur décrétal a pu considérer que la simple incitation des propriétaires concernés, par une sensibilisation et l'octroi de primes, ne suffirait pas pour réaliser les objectifs de réduction précités et que, compte tenu des limites de ses compétences, telles qu'elles ont été mentionnées dans l'examen du premier moyen, une interdiction d'installer et de remplacer des chaudières à mazout était nécessaire.

B.19.2. Les parties requérantes dans l'affaire n° 7707 contestent la nécessité de la mesure attaquée, au motif que plusieurs études démontreraient que les chaudières à mazout modernes émettent nettement moins de gaz à effet de serre, en comparaison non seulement des chaudières à mazout plus anciennes, mais aussi des chaudières au gaz naturel.

A la lumière des objectifs imposés par l'Union européenne consistant à réaliser une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030 et même parvenir à la neutralité climatique totale à l'horizon 2050, une interdiction qui dépend de la performance de la chaudière à mazout n'aurait un effet qu'à court terme et ne dispenserait pas le législateur décrétal de l'obligation de prendre, à plus long terme, des mesures d'interdiction telles que la mesure attaquée. Conformément à l'article 7bis de la Constitution, l'Etat fédéral, les communautés et les régions poursuivent, dans l'exercice de leurs compétences respectives, les objectifs d'un développement durable, dans ses dimensions sociale, économique et environnementale, en tenant compte de la solidarité entre les générations. Au cours des travaux préparatoires de la révision de la Constitution en vue d'y insérer un titre Ierbis et un article 7bis relatif au développement durable comme objectif de politique générale, il a été souligné que la dimension environnementale du développement durable comprenait également le « réchauffement climatique que d'autres devront supporter » (Doc. parl., Sénat, 2005-2006, n° 3-1778/2, p. 54). En prévoyant d'ores et déjà une interdiction de principe d'installer et de remplacer des chaudières à mazout, le législateur décrétal tient compte des conséquences de sa politique pour les générations futures.

Les objectifs de réduction flamands, belges et européens pourraient sans nul doute être atteints de manière plus efficace encore si la mesure attaquée interdisait non seulement l'installation et le remplacement des chaudières à mazout, mais aussi l'installation et le remplacement des chaudières au gaz naturel. Compte tenu des répercussions d'une telle interdiction, principalement sur les propriétaires d'installations existantes, il n'est toutefois pas déraisonnable d'opter pour une suppression progressive et partielle des installations de chauffage fonctionnant à l'énergie fossile, les installations les plus polluantes étant visées en premier lieu et une solution de remplacement économiquement viable étant par la même occasion proposée à ces propriétaires.

Etant donné qu'il ressort de l'étude citée dans les travaux préparatoires mentionnés en B.2.1 que le facteur d'émission de CO2 du mazout est environ 32 % plus élevé que celui du gaz naturel et 15 à 18 % plus élevé que celui du gaz propane et butane, tandis que les émissions de NOx d'une nouvelle chaudière à mazout sont encore environ 45 % plus élevées que celles d'une nouvelle chaudière au gaz naturel et étant donné qu'en Région flamande, en 2018, plus de 90 % des bâtiments pouvaient être connectés au réseau de gaz naturel, le législateur décrétal a pu opter, dans une première phase, pour une interdiction d'installer des chaudières à mazout et de remplacer une chaudière à mazout par une autre chaudière à mazout, si un réseau de gaz naturel est disponible dans la rue.

Compte tenu de la marge d'appréciation qu'il convient de reconnaître en la matière au législateur compétent et du caractère a priori raisonnable des éléments sur lesquels il s'appuie, il n'appartient pas à la Cour de remettre en cause l'analyse du législateur décrétal au seul motif que d'autres études, invoquées par les parties requérantes dans l'affaire n° 7707, indépendamment de la question de savoir si ces études sont représentatives, permettraient d'aboutir à une conclusion différente.

Il ressort d'ailleurs de ce qui est dit en B.2.3 que le législateur décrétal a déjà commencé l'exécution de la phase suivante de la suppression progressive des installations de chauffage fonctionnant à l'énergie fossile. L'article 4.1.16/2 du décret sur l'énergie interdit en effet le raccordement au réseau de distribution de gaz naturel pour les bâtiments résidentiels et les bâtiments non résidentiels pour lesquels une demande de permis d'environnement pour des actes urbanistiques relatifs à une nouvelle construction est introduite à partir du 1er janvier 2025.

B.20. Il résulte de ce qui précède que les dispositions attaquées répondent aux conditions fixées par l'article 36 du TFUE et par la jurisprudence de la Cour de justice concernant les restrictions à la libre circulation des biens.

Le fait que d'autres Etats membres de l'Union européenne appliquent des règles moins strictes que celles qui sont appliquées en Région flamande ne signifie pas en soi que l'interdiction de principe est disproportionnée et, partant, incompatible avec le droit de l'Union européenne. La seule circonstance qu'un Etat membre ait choisi, pour atteindre les objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre, une mesure différente de celle qui a été adoptée par un autre Etat membre est sans incidence sur l'appréciation de la nécessité et de la proportionnalité des dispositions attaquées (CJCE, 1er mars 2001, C-108/96, Mac Quen e.a., points 33-34; 19 juin 2008, C-219/07, Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers VZW e.a., point 31).

B.21. En ce qu'il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'interdiction des mesures d'effet équivalent contenue dans l'article 34 du TFUE, le deuxième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec la liberté d'entreprendre (seconde branche) B.22.1. La loi du 28 février 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/02/2013 pub. 29/03/2013 numac 2013011134 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi introduisant le Code de droit économique type loi prom. 28/02/2013 pub. 19/06/2013 numac 2013000376 source service public federal interieur Loi introduisant le Code de droit économique. - Traduction allemande fermer, qui a introduit l'article II.3 du Code de droit économique, a abrogé le décret d'Allarde des 2-17 mars 1791. Ce décret, qui garantissait la liberté de commerce et d'industrie, a régulièrement servi de norme de référence à la Cour dans son contrôle du respect des articles 10 et 11 de la Constitution. B.22.2. La liberté d'entreprendre, visée à l'article II.3 du Code de droit économique, doit s'exercer « dans le respect des traités internationaux en vigueur en Belgique, du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité monétaire tel qu'établi par ou en vertu des traités internationaux et de la loi » (article II.4 du même Code).

La liberté d'entreprendre doit par conséquent être lue en combinaison avec les dispositions de droit de l'Union européenne applicables, ainsi qu'avec l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, au regard duquel la Cour peut effectuer directement un contrôle, en tant que règle répartitrice de compétences.

Enfin, la liberté d'entreprendre est également garantie par l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

B.23. La liberté d'entreprendre ne peut être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que le législateur compétent règle l'activité économique des personnes et des entreprises. Celui-ci n'interviendrait de manière déraisonnable que s'il limitait la liberté d'entreprendre sans aucune nécessité ou si cette limitation était disproportionnée au but poursuivi.

B.24. Il ressort de ce qui est dit en B.19.1 à B.20 que la mesure attaquée est proportionnée aux objectifs qu'elle poursuit.

B.25. En ce qu'il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec la liberté d'entreprendre, le deuxième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne la violation du principe d'égalité et de non-discrimination (première branche) B.26. Il ressort de ce qui est dit en B.19.1 à B.20 que le choix du législateur décrétal d'instaurer une interdiction générale et de principe d'installer une chaudière à mazout et de remplacer une chaudière à mazout par une chaudière à mazout, au lieu d'une interdiction qui dépend de la performance de la chaudière à mazout, est raisonnablement justifié.

B.27. En ce qu'il est pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination, le deuxième moyen n'est pas fondé.

Quant au troisième moyen dans l'affaire n° 7707 et au moyen unique dans l'affaire n° 7726 B.28. Les parties requérantes dans l'affaire n° 7707 prennent un troisième moyen de la violation, par le décret attaqué, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme. Selon les parties requérantes, les dispositions attaquées créent une différence de traitement entre des propriétaires de chaudières à mazout selon que leur habitation est située ou non dans une rue dans laquelle un réseau de gaz naturel est disponible.

B.29.1. La partie requérante dans l'affaire n° 7726 prend un moyen unique de la violation, par les dispositions attaquées, des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 3 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, avec le principe du raisonnable, avec le principe de proportionnalité et avec « le principe qui en découle selon lequel nul n'est tenu à l'impossible ». Selon la partie requérante, les dispositions attaquées établissent une différence de traitement qui n'est pas raisonnablement justifiée entre, d'une part, le propriétaire d'une habitation chauffée par une chaudière à mazout et dont le raccordement au gaz naturel se trouve du côté de l'habitation et, d'autre part, le propriétaire d'une habitation chauffée de la même manière mais dont le raccordement au gaz naturel se trouve de l'autre côté de la rue.

B.29.2. L'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit également le principe d'égalité et de non-discrimination, mais n'ajoute rien aux articles 10 et 11 de la Constitution.

B.29.3. L'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

On doit entendre par torture ou par traitement cruel ou inhumain tout acte par lequel une douleur aiguë ou des souffrances graves, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées, par exemple dans le but d'obtenir des renseignements ou des aveux de la victime, de la punir, de faire pression sur elle ou sur des tiers ou d'intimider.

Quant aux traitements dégradants, ils s'entendent de tout acte qui cause à celui qui y est soumis, aux yeux d'autrui ou aux siens, une humiliation ou un avilissement graves.

L'interdiction d'installer une chaudière à mazout et de remplacer une chaudière à mazout par une chaudière à mazout n'est manifestement pas constitutive des actes prohibés par la disposition conventionnelle précitée. En ce qu'il est allégué, dans le moyen, que la mesure attaquée porte une atteinte discriminatoire à cette disposition conventionnelle, ce moyen n'est pas fondé.

B.29.4. Il n'existe pas de principe général de droit selon lequel « nul n'est tenu à l'impossible ». La Cour interprète toutefois le moyen comme étant pris de la violation du principe général de droit selon lequel la rigueur de la loi peut être tempérée en cas de force majeure ou d'erreur invincible.

B.30.1. L'article 16 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».

L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.

Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».

B.30.2. L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ayant une portée analogue à celle de l'article 16 de la Constitution, les garanties qu'il contient forment un ensemble indissociable avec celles qui sont inscrites dans cette disposition constitutionnelle, de sorte que la Cour en tient compte lors de son contrôle des dispositions attaquées.

B.30.3. L'article 1er du Protocole précité offre une protection non seulement contre l'expropriation ou la privation de propriété (premier alinéa, seconde phrase), mais également contre toute ingérence dans le droit au respect des biens (premier alinéa, première phrase) et contre toute réglementation de l'usage des biens (second alinéa).

B.30.4. Comme il est dit en B.8.3 et en B.10.1, la mesure attaquée n'interdit pas l'utilisation d'une chaudière à mazout, mais elle en règle seulement l'installation ou le remplacement. La mesure attaquée réglemente dès lors l'usage de biens au sens du second alinéa du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et relève donc du champ d'application de cette disposition conventionnelle, lue en combinaison avec l'article 16 de la Constitution.

B.30.5. Selon l'article 1er du Premier Protocole additionnel, la protection du droit de propriété ne porte pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général. Il y a lieu d'établir un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et celles de la protection du droit de propriété. Il faut qu'existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi.

B.31. Comme il est dit en B.18, la mesure attaquée poursuit des objectifs légitimes d'intérêt général, à savoir, d'une part, la diminution du nombre de cas de pollution des sols et, d'autre part, la mise en oeuvre de l'objectif flamand, belge et européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

B.32.1. L'article 23, alinéa 3, 2° et 4°, de la Constitution charge les législateurs compétents de garantir le droit à la protection de la santé et le droit à la protection d'un environnement sain. Afin de protéger la santé humaine et l'environnement, il est particulièrement important d'éviter, de prévenir ou de réduire les émissions de polluants atmosphériques nocifs.

B.32.2. L'article 23 de la Constitution charge les législateurs compétents de garantir, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels et de déterminer les conditions de leur exercice.

Il ressort du texte et des travaux préparatoires de l'article 23 de la Constitution que le Constituant entendait non seulement garantir des droits, mais également instituer des obligations, partant de l'idée que « le citoyen a pour devoir de collaborer au progrès social et économique de la société dans laquelle il vit » (Doc. parl., Sénat, S.E., 1991-1992, n° 100-2/4°, p. 17). C'est pourquoi les législateurs, lorsqu'ils garantissent les droits économiques, sociaux et culturels, doivent prendre en compte, aux termes de l'alinéa 2 de l'article 23, les « obligations correspondantes ».

B.32.3. Bien que la Convention européenne des droits de l'homme ne mentionne pas formellement le droit à un environnement sain, sa protection relève d'une préoccupation sociale essentielle (CEDH, 27 novembre 2007, Hamer c. Belgique, § 79). De plus, il y a atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale lorsque la pollution atmosphérique affecte des personnes directement et très gravement. Des impératifs économiques et même certains droits fondamentaux, comme le droit de propriété, ne doivent pas nécessairement se voir accorder la primauté face à des considérations relatives à la protection de l'environnement et de la santé publique. Ainsi, des contraintes sur le droit de propriété peuvent être admises, à condition certes de respecter un juste équilibre entre les intérêts individuels en cause et ceux de la société dans son ensemble (CEDH, 27 novembre 2007, Hamer c. Belgique, §§ 79-80;18 novembre 2010, Consorts Richet et Le Ber c.

France, §§ 115 et 124; 16 mars 2021, Gavrilova e.a. c. Russie, §§ 74 et 87; 21 septembre 2021, Berzins e.a. c. Lettonie, § 90).

La Partie contractante dispose à cet égard d'une grande marge d'appréciation, tant pour choisir la meilleure manière d'atteindre l'objectif de protection de l'environnement que pour juger si les conséquences de la réglementation concernée se trouvent légitimées par le souci d'atteindre cet objectif. Cette appréciation ne peut être censurée que si elle est manifestement dépourvue de base raisonnable (CEDH, 25 novembre 2014, Plachta e.a. c. Pologne, § 101; 28 juillet 1999, Immobiliare Saffi c. Italie, § 49; 20 novembre 2003, Koustelidou e.a. c. Grèce).

A cet égard, il convient d'accorder une importance particulière à la circonstance que la réglementation de l'usage des biens entend mettre en oeuvre des obligations imposées par l'Union européenne en matière de protection de l'environnement (CEDH, 7 juin 2018, O'Sullivan McCarthy Mussel Development Ltd. c. Irlande, § 125).

B.33. Comme il est dit en B.19.1, l'interdiction de principe d'installer et de remplacer des chaudières à mazout constitue, en raison de ses effets positifs sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la protection du sol, une mesure pertinente pour assurer une protection efficace de l'environnement et du climat.

En ce que les parties requérantes dans l'affaire n° 7707 critiquent, dans le cadre de leur grief relatif au manque de pertinence du critère de distinction, le choix du législateur décrétal de ne pas moduler la mesure attaquée en fonction de la performance de la chaudière à mazout, ce grief n'est pas fondé, pour les motifs mentionnés en B.19.1.

B.34.1. En ce qui concerne la proportionnalité de la mesure attaquée, le législateur décrétal, comme il est dit en B.19.2, a, en optant pour une suppression progressive et partielle des installations de chauffage à l'énergie fossile, tenu compte des répercussions d'une telle interdiction, principalement sur les propriétaires d'installations existantes. C'est pourquoi la mesure attaquée se borne aux installations qui, selon l'étude scientifique que le législateur décrétal a fait réaliser, sont les plus polluantes et vise, par la même occasion, à proposer aux propriétaires concernés une solution de remplacement économiquement viable, en leur donnant la possibilité de passer au gaz naturel et en ne les obligeant pas à passer immédiatement à des installations de chauffage fonctionnant sans énergie fossile, telles qu'une pompe à chaleur.

B.34.2. A cet égard, les parties requérantes dans l'affaire n° 7707 concèdent qu'en Région flamande, la vaste majorité des bâtiments peuvent être raccordés au réseau de gaz naturel et que l'article 4.1.13 du décret sur l'énergie limite à 250 euros le coût du raccordement d'une unité d'habitation ou d'un bâtiment existant, raccordable ou non, au réseau de distribution de gaz naturel.

En revanche, il ressort des travaux préparatoires du décret attaqué qu'il est moins évident pour les propriétaires d'habitations existantes de passer à des installations de chauffage fonctionnant sans énergie fossile, telles qu'une pompe à chaleur. Interrogés sur la raison pour laquelle l'exception relative à la disponibilité d'un réseau de gaz naturel se limite aux bâtiments existants, les auteurs du décret attaqué ont répondu : « Les bâtiments existants ont une structure et un emplacement déjà établis, de sorte qu'il n'est pas toujours possible de remplacer le mazout par une autre option, quelle qu'elle soit, de manière rentable.

Cependant, pour les nouveaux bâtiments et les rénovations énergétiques substantielles, l'architecte peut toujours faire les choix nécessaires durant la phase de conception et adapter le projet en fonction des autres solutions de chauffage disponibles. Une telle méthode n'est pas ou est moins évidente lors du remplacement d'une chaudière à mazout dans un bâtiment existant. Dans ces situations, le gaz naturel joue encore un rôle prépondérant pour remplacer le mazout, ce qui implique que l'absence d'un réseau de distribution de gaz naturel comme solution de remplacement emporterait une charge disproportionnée pour les propriétaires de chaudières à mazout existantes qui doivent être remplacées » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/5, p. 3).

Cette justification a également été rappelée au cours des travaux préparatoires du décret précité du 18 mars 2022 : « La distinction est ainsi justifiée par la circonstance objective, d'une part, que, dans les habitations existantes, il n'est pas toujours possible d'installer rapidement d'autres solutions de chauffage, lesquelles nécessitent parfois des rénovations particulièrement lourdes (pompe à chaleur basse température, haut degré d'isolation nécessaire, systèmes d'émission de chaleur différents, etc.), et aussi que le gaz naturel est mis en avant comme remplacement du mazout dans ces autres mesures, et, d'autre part, que le maître d'ouvrage et l'architecte tiennent compte beaucoup plus facilement d'autres options de chauffage dans le cadre de la conception et du design de nouveaux bâtiments » (Doc. parl., Parlement flamand, 2021-2022, n° 1154/1, p. 21).

Ainsi, le coût d'une pompe à chaleur, indépendamment des autres investissements qui vont de pair avec un passage à une telle installation de chauffage, est nettement plus élevé que celui d'une chaudière à condensation au gaz naturel.

Dans ces circonstances, le fait d'interdire au propriétaire d'une habitation existante chauffée par une chaudière à mazout de remplacer la chaudière ou le corps de chaudière si un réseau de gaz naturel est disponible dans la rue ne procède pas d'une appréciation manifestement erronée.

A cet égard, il y a lieu de rappeler que, comme il est dit en B.10.1 et en B.30.4, la mesure attaquée n'interdit pas l'utilisation d'une chaudière à mazout, mais qu'elle ne s'applique que si la durée de vie de la chaudière à mazout, du corps de chaudière ou d'une autre technologie de chauffage a expiré ou si le propriétaire décide de sa propre initiative de ne plus chauffer son habitation avec une chaudière à mazout. En outre, le décret attaqué autorise le remplacement d'autres composants de la chaudière à mazout, tels que le brûleur, la cheminée, la pompe ou l'électronique.

B.34.3. Contrairement à ce que fait valoir la partie requérante dans l'affaire n° 7726, les cas dans lesquels une habitation peut être raccordée à une conduite de gaz naturel, même dans la situation dans laquelle le réseau de distribution de gaz naturel se trouve de l'autre côté de la rue, ont en outre été déterminés d'une manière objective et garante de la sécurité juridique.

En prévoyant une exception à l'interdiction « si aucun réseau de gaz naturel n'est disponible dans la rue », le décret attaqué renvoie aux articles 1.1.3, 4.1.13 et 4.1.15 du décret sur l'énergie, qui décrivent les cas dans lesquels une habitation doit ou peut être raccordée au réseau de gaz naturel.

L'article 1.1.3 du décret sur l'énergie dispose : « Dans le présent décret, on entend par : [...] 3° unité d'habitation ou bâtiment raccordable : une unité d'habitation ou un bâtiment qui n'est pas encore raccordé au réseau de distribution de gaz naturel, et qui répond à l'une des conditions suivantes : a) une conduite à basse pression est présente le long de la voie publique du même côté de la voie et à la hauteur de l'unité d'habitation ou du bâtiment;b) l'unité d'habitation ou le bâtiment n'est pas situé dans une zone destinée à l'habitat, et une conduite à basse pression est présente le long de la voie publique à la hauteur de l'unité d'habitation ou du bâtiment, du même côté, ou non, que l'unité d'habitation ou le bâtiment concerné;c) une conduite à moyenne pression de catégorie A ou B est présente le long de la voie publique du même côté de la voie que l'unité d'habitation ou le bâtiment et cette conduite a été réalisée spécifiquement pour le raccordement respectivement des unités de logement ou des bâtiments; [...] ».

L'article 4.1.13 du décret sur l'énergie, modifié en dernier lieu par le décret du 18 mars 2022 « modifiant le Décret sur l'Energie du 8 mai 2009 », dispose : « § 1er. Pour le raccordement au réseau de distribution de gaz naturel d'une unité d'habitation ou d'un bâtiment raccordable dans la zone géographique pour laquelle il a été désigné, le gestionnaire du réseau de distribution de gaz naturel peut facturer un prix maximal de 250 euros, si les conditions suivantes sont satisfaites de manière cumulative : 1° la capacité de la conduite de gaz naturel le long de la voie publique, où l'unité d'habitation ou le bâtiment raccordable est situé, est suffisante;2° la distance entre la conduite de gaz naturel et le futur point de prélèvement ne dépasse pas 20 mètres;3° la capacité de raccordement demandée est inférieure ou égale à 10 m3(n) par heure;4° la pression de fourniture demandée est de 21 ou de 25 mbar. § 2. Si le gestionnaire de réseau de distribution de gaz naturel décide néanmoins, pour des raisons d'ordre technique ou économique, de raccorder un bâtiment non raccordable situé dans une zone destinée à l'habitation, par forage sous voirie à une conduite de gaz naturel située de l'autre côté de la rue, dans la zone géographique pour laquelle il a été désigné, il peut facturer un prix maximal de 250 euros, si les conditions suivantes sont satisfaites de façon cumulative : 1° la capacité de la conduite de gaz naturel le long de la voie publique, où l'unité d'habitation ou le bâtiment non raccordable est situé, est suffisante;2° la distance entre la conduite de gaz naturel et le futur point de prélèvement ne dépasse pas 20 mètres;3° la capacité de raccordement demandée est inférieure ou égale à 10 m3(n) par heure;4° la pression de fourniture demandée est de 21 ou de 25 mbar ». L'article 4.1.15 du décret sur l'énergie, modifié en dernier lieu par le décret du 10 mars 2017 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en ce qui concerne le raccordement à un réseau de distribution de gaz naturel et portant confirmation de la continuité de la prise de sanctions de la réglementation de la performance énergétique », dispose : « Chaque gestionnaire de réseau de gaz naturel est tenu de raccorder chaque client qui achète du gaz naturel pour sa propre utilisation domestique et non pas pour des activités commerciales ou professionnelles au réseau de distribution de gaz naturel en conformité avec les règles du règlement technique applicable s'il y est invité, à condition que : a) le demandeur puisse produire un permis d'environnement pour les actes urbanistiques valable en cas de construction neuve;b) l'habitation soit principalement autorisée ou réputée autorisée en cas d'unités d'habitation existantes ou d'habitations existantes ». Il résulte de ces dispositions du décret sur l'énergie qu'il appartient au gestionnaire du réseau de distribution de gaz naturel d'examiner si, pour des raisons d'ordre technique ou économique, et sur la base des critères objectifs contenus dans ces dispositions, une habitation qui, comme celle de la partie requérante dans l'affaire n° 7726, se trouve de l'autre côté de la rue par rapport au réseau de distribution de gaz naturel, peut être raccordée. Dans l'exposé des motifs de la proposition de décret qui a donné lieu au décret attaqué, il est observé à cet égard qu'on « peut facilement vérifier, sur le site internet de Fluvius, si un bâtiment ou un immeuble d'habitation est raccordable ou non au réseau de distribution de gaz naturel » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/1, p. 16).

La critique formulée par la partie requérante dans l'affaire n° 7726 n'est dès lors pas fondée, d'autant que le décret attaqué permet au demandeur, si le gestionnaire du réseau de distribution de gaz naturel estime que son habitation ne peut pas être raccordée à un réseau de gaz naturel, de remplacer sa chaudière à mazout ou le corps de chaudière par une autre chaudière à mazout ou par un autre corps de chaudière. Vu ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'examiner si les dispositions attaquées violent le principe général de droit selon lequel la rigueur de la loi peut être tempérée en cas de force majeure ou d'erreur invincible.

En ce que la critique de la partie requérante dans l'affaire n° 7726 est dirigée contre les critères que le gestionnaire du réseau de distribution de gaz doit prendre en compte dans son contrôle ou contre la manière dont celui-ci effectue son contrôle, elle porte sur des dispositions pour lesquelles le délai d'introduction d'un recours en annulation est déjà écoulé depuis longtemps ou sur l'application de ces dispositions, pour laquelle la Cour n'est pas compétente.

B.34.4. Par ailleurs, le décret attaqué vise, certes, à proposer au propriétaire d'une habitation existante chauffée par une chaudière à mazout une solution de remplacement économiquement viable et réalisable dans la pratique, mais il ne l'oblige pas à passer au gaz naturel. Le décret attaqué ne l'empêche pas, à la lumière des évolutions récentes sur le marché du gaz, de remplacer sa chaudière à mazout par une installation de chauffage fonctionnant sans énergie fossile, telle qu'une pompe à chaleur.

Ainsi qu'il a été relevé dans l'exposé des motifs de la proposition à l'origine du décret attaqué (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/1, p.16), la Région flamande ne fait pas qu'offrir la possibilité de passer à des installations de chauffage respectueuses de l'environnement, elle la facilite aussi.

D'une part, l'arrêté du Gouvernement flamand du 19 novembre 2010 « portant des dispositions générales en matière de la politique de l'énergie » prévoit diverses primes pour promouvoir, notamment, les installations de chauffage respectueuses de l'environnement, telles que les pompes à chaleur, et l'isolation des bâtiments afin de diminuer la demande d'énergie destinée au chauffage. Ces primes ont d'ailleurs été augmentées : par exemple, les primes pour les pompes à chaleur air-eau et les pompes à chaleur hybrides placées dans des bâtiments résidentiels et autres ont été augmentées par l'arrêté du Gouvernement flamand du 4 février 2022 « créant un guichet unique pour la demande et l'examen de certaines primes au logement et primes énergie et modifiant l'arrêté relatif à l'énergie du 19 novembre 2010 et l'arrêté Code flamand du Logement de 2021 ».

D'autre part, seuls les clients protégés et le groupe-cible prioritaire du prêt énergie peuvent encore bénéficier d'une prime pour l'installation d'une nouvelle chaudière de chauffage central à condensation au gaz naturel, au butane ou au propane (article 6.4.1/4 de l'arrêté du Gouvernement flamand du 19 novembre 2010 « portant des dispositions générales en matière de la politique de l'énergie », tel qu'il a été modifié par l'arrêté du 18 septembre 2020 « modifiant l'arrêté relatif à l'énergie du 19 novembre 2010 en ce qui concerne l'instauration d'une prime à l'installation de panneaux solaires photovoltaïques et contenant des modifications relatives aux primes URE »). La Région flamande entend ainsi modérer les effets de la mesure attaquée sur les personnes vulnérables, définies à l'article 1.1.1, § 2, 7° et 81/1°, de l'arrêté du 19 novembre 2010 (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/1, p. 16), mais incite par la même occasion à opter pour le remplacement d'une chaudière à mazout par une installation de chauffage fonctionnant sans énergie fossile.

B.34.5. Enfin, il ressort du B.10.4 que les répercussions de la mesure attaquée sur la vente (et donc aussi sur l'installation et le remplacement) des chaudières à mazout peuvent être considérées comme étant limitées. Dans l'étude scientifique mentionnée dans le considérant précité, il est d'ailleurs relevé à cet égard qu'avant l'adoption de la mesure attaquée, la vente de chaudières à mazout était déjà en baisse, en raison du réseau de gaz naturel bien développé en Région flamande et de l'émergence de nouvelles technologies telles que les pompes à chaleur. Les parties requérantes dans l'affaire n° 7707, qui sont des fournisseurs professionnels de produits de mazout, devaient donc déjà être conscientes des répercussions liées à l'émergence de technologies de chauffage respectueuses de l'environnement sur leurs activités et du fait que les obligations en matière de protection de l'environnement et du climat imposées par le droit de l'Union européenne aux Etats membres étaient susceptibles de renforcer ces répercussions.

B.35. Il ressort de ce qui précède qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. Les dispositions attaquées ménagent un juste équilibre entre les exigences de la protection du droit de propriété, d'une part, et les exigences de l'intérêt général et d'autres intérêts individuels en cause, d'autre part.

B.36. Le troisième moyen dans l'affaire n° 7707 et le moyen unique dans l'affaire n° 7726 ne sont pas fondés, en ce qu'ils sont pris de la violation des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

B.37. Dès lors que la partie requérante dans l'affaire n° 7726 ne tire du principe du raisonnable et du principe de proportionnalité aucun argument autre que ceux qu'elle puise dans l'article 16 de la Constitution et de l'article 1er du Premier Protocole additionnel, le moyen n'est pas davantage fondé en ce qu'il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec ces principes.

Par ces motifs, la Cour rejette les recours.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 10 novembre 2022.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, L. Lavrysen

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