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Arrêt
publié le 06 mars 2023

Extrait de l'arrêt n° 89/2022 du 30 juin 2022 Numéro du rôle : 7634 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 109bis du Code judiciaire, à l'article 43bis du Code pénal et aux articles 197bis et 199 à 215 du Code d'instruction La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges J.-P. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 89/2022 du 30 juin 2022 Numéro du rôle : 7634 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 109bis du Code judiciaire, à l'article 43bis du Code pénal et aux articles 197bis et 199 à 215 du Code d'instruction criminelle, posée par la Cour d'appel d'Anvers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges J.-P. Moerman, T. Giet, J. Moerman, E. Bribosia et W. Verrijdt, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 3 septembre 2021, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 15 septembre 2021, la Cour d'appel d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 109bis du Code judiciaire, l'article 43bis du Code pénal et les articles 197bis et 199 à 215 du Code d'instruction criminelle violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'ils ne règlent pas la convocation et la possibilité de contradiction des personnes morales ou instances (de droit public) (ministère public, receveur des domaines, Etat) qui peuvent être lésées par une décision d'attribution modificative (attribution à une partie civile) de sommes confisquées en vertu de l'article 43bis du Code pénal, prise par un juge d'appel, statuant en matière correctionnelle, sur le seul appel d'une partie civile contre un jugement prononçant uniquement la confiscation et l'attribution implicite à l'Etat des sommes confisquées, ces dispositions ne précisant pas si ce recours doit être traité par une chambre à conseiller unique ou par une chambre collégiale de la juridiction d'appel ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La Cour est interrogée au sujet de l'article 109bis du Code judiciaire, de l'article 43bis du Code pénal et des articles 197bis et 199 à 215 du Code d'instruction criminelle.

B.2. Il ressort de la motivation de la décision de renvoi que le juge a quo doit se prononcer sur un appel interjeté par la partie civile contre un jugement du tribunal correctionnel condamnant les prévenus notamment à la peine de la confiscation spéciale par équivalent et n'attribuant pas à la partie civile les sommes d'argent confisquées.

La non-attribution à la partie civile des sommes confisquées a pour effet que ces sommes reviennent à l'Etat belge. L'appel concerne la non-attribution à la partie civile des sommes confisquées.

B.3.1. L'appel dirigé contre les jugements correctionnels est réglé aux articles 199 à 215 du Code d'instruction criminelle.

En vertu de l'article 202, 2°, de ce Code, la partie civile a le droit d'interjeter appel des jugements rendus par les tribunaux de police et les tribunaux correctionnels, mais « quant à ses intérêts civils seulement ».

B.3.2. En vertu de l'article 109bis, § 1er, du Code judiciaire, l'appel des décisions en matière pénale est attribué en principe à une chambre à trois conseillers « sauf s'il porte exclusivement sur des actions civiles ou s'il ne porte plus que sur pareilles actions ». En vertu de l'article 109bis, § 3, de ce Code, les causes qui ne portent que sur des actions civiles ou qui ne portent plus que sur pareilles actions « sont attribuées à des chambres à un conseiller à la cour ».

Lorsque la complexité ou l'intérêt de l'affaire ou des circonstances spécifiques et objectives le requièrent, le premier président peut toutefois, en vertu de la même disposition, attribuer, d'autorité, au cas par cas, les affaires à une chambre à trois conseillers.

B.4.1. L'article 43bis du Code pénal porte sur la confiscation spéciale et dispose : « La confiscation spéciale s'appliquant aux choses visées à l'article 42, 3°, pourra toujours être prononcée par le juge, mais uniquement dans la mesure où elle est requise par écrit par le procureur du Roi.

Si les choses prévues à l'alinéa 1er et les choses qui ont servi ou qui ont été destinées à commettre l'infraction ne peuvent être trouvées dans le patrimoine du condamné, le juge procédera à leur évaluation monétaire et la confiscation portera sur une somme d'argent qui leur sera équivalente.

Lorsque les choses confisquées appartiennent à la partie civile, elles lui seront restituées. Les choses confisquées lui seront de même attribuées lorsque le juge en aura prononcé la confiscation pour le motif qu'elles constituent des biens ou des valeurs substitués par le condamné à des choses appartenant à la partie civile ou parce qu'elles constituent l'équivalent de telles choses au sens de l'alinéa 2 du présent article.

Tout autre tiers prétendant droit sur la chose confisquée pourra faire valoir ce droit dans un délai et selon des modalités déterminées par le Roi. [...] Le juge diminue au besoin le montant des avantages patrimoniaux visés à l'article 42, 3°, ou de l'évaluation monétaire visée à l'alinéa 2 afin de ne pas soumettre le condamné à une peine déraisonnablement lourde ».

B.4.2. L'article 197bis du Code d'instruction criminelle règle le recouvrement de biens confisqués et dispose : « § 1er. Les poursuites en vue du recouvrement de biens confisqués, d'amendes et de frais de justice seront exercées au nom du ministère public par le fonctionnaire compétent du Service Public Fédéral Finances, selon les indications du directeur de l'Organe central pour la saisie et la confiscation.

Ce fonctionnaire accomplit les actes et introduit les demandes nécessaires au recouvrement ou à la sauvegarde des droits reconnus au Trésor par le jugement ou l'arrêt. [...] ».

B.5. Il est demandé à la Cour si les dispositions en cause sont compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution, « en ce qu' [elles] ne règlent pas la convocation et la possibilité de contradiction des personnes morales ou instances (de droit public) (ministère public, receveur des domaines, Etat) qui peuvent être lésées par une décision d'attribution modificative (attribution à une partie civile) de sommes confisquées en vertu de l'article 43bis du Code pénal, prise par un juge d'appel, statuant en matière correctionnelle, sur le seul appel d'une partie civile contre un jugement prononçant uniquement la confiscation et l'attribution implicite à l'Etat des sommes confisquées, ces dispositions ne précisant pas si ce recours doit être traité par une chambre à conseiller unique ou par une chambre collégiale de la juridiction d'appel ».

B.6. Le Conseil des ministres fait valoir que la question préjudicielle n'appelle pas de réponse car elle repose sur une prémisse manifestement erronée.

Renvoyant à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 20 mars 2019, P.17.0730.F), il fait valoir que la décision relative à l'attribution ou non à la partie civile d'avantages patrimoniaux confisqués ne constitue pas une décision civile, mais bien une modalité d'infliction de la peine de confiscation. Dès lors qu'en vertu de l'article 202, 2°, du Code d'instruction criminelle, la partie civile n'a le droit d'interjeter appel des jugements rendus par les tribunaux correctionnels que quant à ses intérêts civils, cette partie ne peut pas, selon le Conseil des ministres, interjeter appel de la décision relative à la confiscation d'une somme d'argent ni de la décision de ne pas lui attribuer cette somme.

Le Conseil des ministres estime que l'appel dont le juge a quo a été saisi est dès lors irrecevable et que la réponse à la question préjudicielle n'est donc manifestement pas utile à la solution du litige au fond.

B.7. C'est en règle à la juridiction a quo qu'il appartient d'apprécier si la réponse à la question préjudicielle est utile à la solution du litige. Ce n'est que lorsque tel n'est manifestement pas le cas que la Cour peut décider que la question n'appelle pas de réponse. De même, il appartient en règle au juge a quo d'interpréter les dispositions qu'il applique, sous réserve d'une lecture manifestement erronée des dispositions en cause.

B.8.1. Par l'arrêt n° 190/2004 du 24 novembre 2004, la Cour a jugé : « B.3.1. La confiscation spéciale visée à l'article 42 du Code pénal doit être considérée comme une peine accessoire dont la réquisition relève, sauf les exceptions déterminées par la loi, du pouvoir d'appréciation exclusif du ministère public.

Dans des cas exceptionnels, la confiscation est aussi prescrite en réparation du dommage que la personne lésée a subi à la suite de l'infraction. La confiscation comme mesure de réparation au profit de la partie civile trouve notamment une application dans l'article 43bis, alinéa 3, du Code pénal. Dans de tels cas, la confiscation a un caractère mixte.

B.3.2. Les avantages patrimoniaux dont il est question à l'article 42, 3°, du Code pénal ne doivent pas appartenir au prévenu. La confiscation s'applique également aux biens et valeurs qui ont été substitués à ces avantages primaires et qu'on appelle habituellement biens de substitution. La confiscation d'une somme équivalente peut être prononcée lorsqu'il apparaît qu'une personne déterminée a commis une infraction dont elle a retiré des avantages patrimoniaux sans qu'on puisse déterminer ce qu'il est advenu de ces avantages.

B.3.3. La confiscation des avantages patrimoniaux peut aller à l'encontre des intérêts des personnes préjudiciées. En 1990, le législateur a voulu empêcher qu'il soit porté atteinte au droit de la victime d'obtenir la restitution du bien dont elle avait été privée par le fait de l'infraction. Dans ce but, il a décidé en outre d'affecter les biens confisqués à la réparation du dommage subi par la victime lorsque ces biens constituent le bien de substitution ou l'équivalent des biens dont la victime a été privée par l'infraction.

Une telle modification législative était nécessaire, compte tenu de l'interprétation restrictive donnée par la Cour de cassation à l'article 42, 2°, du Code pénal. La Cour de cassation considérait en effet que l'article 42, 2°, du Code pénal ne visait que ce qui a été produit matériellement par l'infraction ».

B.8.2. Par cet arrêt, la Cour a donc jugé que la confiscation spéciale revêt en soi un caractère pénal, que le législateur, lorsqu'il a adopté l'article 43bis, alinéa 3, du Code pénal, voulait empêcher qu'il soit porté atteinte au droit de la victime d'obtenir la restitution du bien dont elle avait été privée par le fait de l'infraction et que le législateur a voulu affecter les biens confisqués à la réparation du dommage subi par la victime lorsque ces biens constituent le bien de substitution ou l'équivalent des biens dont la victime a été privée par l'infraction. C'est la raison pour laquelle la Cour a jugé que la confiscation spéciale, combinée avec les mesures décrites à l'article 43bis, alinéa 3, du Code pénal, présente un « caractère mixte » (en partie pénal et en partie civil).

B.8.3. Il ressort de la décision de renvoi que le juge a quo a déclaré l'appel interjeté par la partie civile recevable et qu'il a jugé qu'il était compétent pour en connaître.

Compte tenu de l'article 202, 2°, du Code d'instruction criminelle, le juge a quo considère donc qu'une décision relative à la non-attribution à la partie civile d'une somme d'argent confisquée revêt un caractère civil. Cette prémisse repose sur une interprétation de l'article 43bis, alinéa 3, du Code pénal qui, compte tenu de ce qui précède, ne saurait être considérée comme étant manifestement erronée.

B.8.4. L'exception est rejetée.

B.9. Le Conseil des ministres fait également valoir que la question préjudicielle est irrecevable parce qu'elle n'est pas claire. Selon lui, ni la question préjudicielle ni la décision de renvoi ne permettent de déduire en quoi les dispositions en cause violeraient les articles 10 et 11 de la Constitution, ni quelles seraient les catégories de personnes à comparer. Il soutient en outre que la Cour n'est pas compétente pour répondre à une question relative à l'interprétation qu'il y a lieu de donner à des normes législatives.

B.10. Pour qu'un contrôle au regard des articles 10 et 11 de la Constitution puisse être exercé, la question préjudicielle doit préciser en quoi les dispositions en cause violeraient ces articles constitutionnels et quelles seraient les catégories de personnes à comparer. Ces éléments doivent à tout le moins ressortir de la motivation de la décision de renvoi. Si tel n'est pas le cas, la Cour ne peut pas juger si le principe d'égalité et de non-discrimination est violé.

B.11.1. En ce que la Cour est interrogée sur la question de savoir si les dispositions en cause violent les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'elles « ne [précisent] pas » si « le seul appel d'une partie civile contre un jugement prononçant uniquement la confiscation et l'attribution implicite à l'Etat des sommes confisquées » doit être traité « par une chambre à conseiller unique ou par une chambre collégiale de la juridiction d'appel », la question préjudicielle ne répond pas aux exigences précitées. En effet, ni la question préjudicielle ni la décision de renvoi ne font apparaître en quoi les dispositions en cause, en ce qui concerne ce point, violeraient les articles 10 et 11 de la Constitution et quelles seraient les catégories de personnes à comparer. Il appartient en outre au juge a quo, et non à la Cour, de juger, sur la base des dispositions législatives applicables, si l'affaire dont il est saisi doit être traitée par un conseiller unique ou par une chambre collégiale de la Cour d'appel.

La question préjudicielle est irrecevable sur ce point.

B.11.2. En ce qui concerne la question de savoir si les dispositions en cause violent les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'elles « ne règlent pas la convocation et la possibilité de contradiction des personnes morales ou instances (de droit public) (ministère public, receveur des domaines, Etat) qui peuvent être lésées par une décision d'attribution modificative (attribution à une partie civile) de sommes confisquées en vertu de l'article 43bis du Code pénal, prise par un juge d'appel, statuant en matière correctionnelle, sur le seul appel d'une partie civile contre un jugement prononçant uniquement la confiscation et l'attribution implicite à l'Etat des sommes confisquées », on peut déduire de manière concluante tant du libellé même de la question préjudicielle que de la motivation de la décision de renvoi quelles sont les catégories de personnes à comparer.

Plus précisément, la Cour est invitée à comparer les situations, d'une part, des parties qui, dans le cadre d'une telle affaire portée devant une juridiction, ont la possibilité d'exposer leurs points de vue et, d'autre part, les instances et personnes morales mentionnées dans la question préjudicielle - l'Etat belge, le ministère public et le fonctionnaire compétent du SPF Finances - qui, dans le cadre d'une telle affaire, ne sont pas convoquées et n'auraient pas la possibilité d'exposer leurs points de vue. Il ressort des mémoires transmis à la Cour par le Conseil des ministres que ce dernier a pu mener une défense utile sur ce point.

L'exception d'irrecevabilité est rejetée sur ce point.

B.12.1. Selon la SA « PostNL Pakketten België », la question préjudicielle peut être interprétée non seulement en ce sens qu'il est demandé à la Cour s'il est question ou non d'une discrimination au détriment de l'Etat belge, en ce que ni celui-ci ni ses représentants ne sont convoqués à la cause, mais aussi en ce sens qu'il est demandé à la Cour s'il est question ou non d'une discrimination au détriment de la partie civile, en ce que le conseiller unique qui se prononce sur l'appel interjeté par la partie civile ne serait pas compétent pour statuer sur la demande de la partie civile de lui attribuer la somme d'argent confisquée.

B.12.2. Les parties ne peuvent modifier ou faire modifier la portée de la question préjudicielle posée par le juge a quo.

B.12.3. Comme le Conseil des ministres le fait valoir, la seconde interprétation de la question préjudicielle retenue par la SA « PostNL Pakketten België » n'est pas compatible avec le libellé de cette question et elle ne trouve pas appui dans la décision de renvoi.

En ce que la SA « PostNL Pakketten België » demande à la Cour d'examiner la question préjudicielle dans cette interprétation, cette demande est rejetée.

B.13. Comme il est dit en B.2, l'affaire pendante devant le juge a quo concerne un appel interjeté par la partie civile contre un jugement du tribunal correctionnel condamnant les prévenus notamment à la peine de la confiscation spéciale par équivalent et n'attribuant pas à la partie civile la somme d'argent confisquée, de sorte que cette dernière revient à l'Etat belge.

Comme il est dit en B.3.1, la partie civile a, en vertu de l'article 202, 2°, du Code d'instruction criminelle, le droit d'interjeter appel des jugements rendus par les tribunaux de police et par les tribunaux correctionnels, mais « quant à ses intérêts civils seulement ».

B.14.1. L'article 4, dernier alinéa, du titre préliminaire du Code de procédure pénale dispose que, lorsque le juge est saisi uniquement quant aux intérêts civils, la présence du ministère public à l'audience n'est pas obligatoire.

Il ressort des travaux préparatoires que le législateur a considéré que, lorsque le juge pénal se prononce sur les intérêts civils d'un dossier, la présence du ministère public à l'audience n'a « pas de réelle utilité » et que les magistrats du ministère public, du fait de leur présence obligatoire à l'époque, perdaient un temps précieux, qui « pourra désormais être consacré à des tâches prioritaires » (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1273/002, p. 3; DOC 51-1273/008, p. 26).

B.14.2. En ce que la décision relative à la non-attribution à la partie civile de la somme d'argent confisquée revêt un caractère civil, la partie civile peut, en vertu de l'article 202, 2°, du Code d'instruction criminelle, interjeter appel de cette décision et, en vertu de l'article 4, dernier alinéa, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, la présence du ministère public lors de l'examen de cet appel n'est pas requise.

B.15. La question préjudicielle repose sur la prémisse selon laquelle l'Etat belge, auquel la somme d'argent confisquée revient en cas de non-attribution de cette somme à la partie civile, pourrait être « lésé » par une décision de la juridiction qui doit se prononcer sur l'appel interjeté par la partie civile contre cette non-attribution de la somme confisquée. C'est la raison pour laquelle il est demandé s'il est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution que l'Etat belge lui-même ou une autre instance qui défend les intérêts de l'Etat - le ministère public ou le fonctionnaire compétent du SPF Finances visé à l'article 197bis du Code d'instruction criminelle - ne soient pas convoqués à la cause pendante devant la juridiction qui doit se prononcer sur l'appel interjeté par la partie civile.

B.16.1. La confiscation spéciale visée à l'article 42 du Code pénal est une peine accessoire. La demande de cette peine relève de l'application de la loi pénale et touche donc aux intérêts de l'Etat.

Comme la Cour l'a jugé par l'arrêt n° 190/2004 - cité en B.8.1 -, la confiscation des éléments patrimoniaux peut toutefois aller à l'encontre des intérêts des personnes préjudiciées. Si les éléments patrimoniaux reviennent à l'Etat, la personne préjudiciée peut en effet être confrontée à l'insolvabilité de l'auteur.

Sur cette base, le législateur a voulu empêcher qu'il soit porté atteinte au droit de la victime d'obtenir la restitution du bien dont elle avait été privée par le fait de l'infraction et il a décidé d'affecter les biens confisqués à la réparation du dommage subi par la victime lorsque ces biens constituent le bien de substitution ou l'équivalent des biens dont la victime a été privée par le fait de l'infraction.

B.16.2. Il s'ensuit que le législateur a considéré que les intérêts de l'Etat dans le cadre de la demande et du prononcé de la peine accessoire de la confiscation spéciale portent exclusivement sur l'application de la loi pénale et ne sont pas de nature patrimoniale.

Du reste, l'intérêt de l'Etat défendu par le ministère public dans un procès pénal n'est en principe pas non plus de nature patrimoniale.

B.16.3. Lorsqu'une partie civile interjette appel d'une décision relative à la non-attribution d'une somme d'argent confisquée, la juridiction saisie de cet appel, dans l'interprétation des dispositions en cause soumise à la Cour, se prononce exclusivement sur des intérêts civils, et non donc sur l'action publique. Dans cette situation, en effet, cette juridiction est exclusivement saisie de la question de savoir à qui revient la somme d'argent confisquée et n'est donc pas appelée à se prononcer sur la peine, infligée, de confiscation spéciale.

B.17. Les intérêts de l'Etat dans le cadre de la demande et du prononcé de la peine accessoire de confiscation n'étant pas de nature patrimoniale, l'Etat ne peut en principe pas être directement lésé par une décision d'une juridiction qui doit statuer sur l'appel interjeté par la partie civile contre la décision judiciaire relative à la non-attribution d'une somme d'argent confisquée. Pour cette raison, il n'est pas sans justification raisonnable que les dispositions en cause ne prévoient pas une convocation de l'Etat belge à une telle cause pendante devant une juridiction. Les intérêts défendus par le ministère public et par le fonctionnaire du SPF Finances visé à l'article 197bis du Code d'instruction criminelle n'étant pas différents, dans ce contexte, de ceux de l'Etat, il n'est pas non plus sans justification raisonnable que les dispositions en cause ne prévoient pas une convocation de ces instances.

B.18. La circonstance qu'il n'est pas prévu de convocation ne place du reste pas le ministère public dans l'impossibilité d'exposer ses points de vue en ce qui concerne l'application correcte de la loi.

Il résulte en effet de la jurisprudence de la Cour de cassation que l'article 4, dernier alinéa, du titre préliminaire du Code de procédure pénale n'empêche pas « que le ministère public soit présent à l'audience à laquelle le juge pénal examine la demande civile ni qu'il fasse connaître son avis sur l'appréciation de cette demande », « les parties pouvant contredire cet avis » (Cass., 29 septembre 2020, P.20.0527.N).

B.19. Compte tenu de ce qui précède, les dispositions en cause sont compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 43bis du Code pénal et les articles 197bis et 199 à 215 du Code d'instruction criminelle ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 30 juin 2022.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, L. Lavrysen

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