publié le 06 juillet 2022
Extrait de l'arrêt n° 70/2022 du 19 mai 2022 Numéro du rôle : 7696 En cause : le recours en annulation du décret de la Communauté française du 30 septembre 2021 « relatif au plan d'investissement dans les bâtiments scolaires établi dans le ca La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. (...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 70/2022 du 19 mai 2022 Numéro du rôle : 7696 En cause : le recours en annulation du décret de la Communauté française du 30 septembre 2021 « relatif au plan d'investissement dans les bâtiments scolaires établi dans le cadre du plan de reprise et résilience européen », introduit par l'ASBL « Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique en Communautés française et germanophone » et autres.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman, T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia et W. Verrijdt, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8 décembre 2021 et parvenue au greffe le 10 décembre 2021, un recours en annulation du décret de la Communauté française du 30 septembre 2021 « relatif au plan d'investissement dans les bâtiments scolaires établi dans le cadre du plan de reprise et résilience européen » (publié au Moniteur belge du 21 octobre 2021) a été introduit par l'ASBL « Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique en Communautés française et germanophone », l'ASBL « Union Francophone des Associations de Parents de l'Enseignement Catholique », l'ASBL « Pouvoir organisateur du Centre d'Enseignement secondaire catholique à Habay-la-Neuve », l'ASBL « Ecole libre Saint-Martin », l'ASBL « Centre Scolaire de la Sainte-Union Kain », l'ASBL « Groupe Sainte-Véronique », l'ASBL « Collège Saint-Augustin », l'ASBL « Enseignement secondaire diocésain du Plateau de Herve », l'ASBL « Collège Notre-Dame », l'ASBL « Centre Scolaire du Sacré-Coeur », l'ASBL « Communauté éducative Sainte-Marie de Schaerbeek Saint-Josse », l'ASBL « Collège Notre-Dame de la Tombe », l'ASBL « Comité scolaire des Ecoles fondamentales libres subventionnées de Seneffe », l'ASBL « Ecole de Commerce - Institut Notre-Dame », l'ASBL « Ecoles primaires et gardiennes libres de Messancy-Differt », l'ASBL « Collège Matteo Ricci », l'ASBL « Institut Technique Supérieur Cardinal Mercier », l'ASBL « Ecole pratique des hautes études commerciales », l'ASBL « Institut Supérieur de Musique et Pédagogie », l'ASBL « Ecole catholique de la Paroisse Saint Médard à Anderlues », l'ASBL « Centre psycho-médico-social libre Tournai-Ath », l'ASBL « Pouvoir Organisateur des Ecoles d'Enseignement Spécialisé Sainte-Gertrude », l'ASBL « Association pour la Gestion des Bâtiments de l'Enseignement Catholique de Hannut et Environs », l'ASBL « Enseignement Catholique de Hannut », Pascal Dumont, Christophe Renier, Caroline Blaffart, Jonathan Trigaux, Marianne Criminisi et Cécile Fache, assistés et représentés par Me D. Renders et Me E. Gonthier, avocats au barreau de Bruxelles.
Par la même requête, les parties requérantes demandaient également la suspension du même décret. Par l'arrêt n° 32/2022 du 24 février 2022, publié au Moniteur belge du 28 février 2022, la Cour a suspendu les articles 5 et 19 de ce décret. (...) II. En droit (...) Quant au décret attaqué et à son contexte B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation du décret de la Communauté française du 30 septembre 2021 « relatif au plan d'investissement dans les bâtiments scolaires établi dans le cadre du plan de reprise et résilience européen » (ci-après : le décret du 30 septembre 2021).
B.1.2. L'objet du décret consiste à mettre en oeuvre, en ce qui concerne la Communauté française, le volet « bâtiments scolaires » du « plan national pour la reprise et la résilience » que la Belgique a soumis à la Commission européenne conformément à l'article 18 du règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 « établissant la facilité pour la reprise et la résilience » (ci-après : le règlement (UE) 2021/241).
B.2.1. Le règlement (UE) 2021/241 accorde un soutien financier aux Etats membres par le biais de la « facilité pour la reprise et la résilience », conçue comme un outil pour affronter la crise liée à la Covid-19 et pour augmenter la résilience des Etats membres en vue de futures crises éventuelles.
B.2.2. Le champ d'application couvre des domaines d'action d'importance européenne, structurés en six piliers, dont « la transition verte » et « les politiques pour la prochaine génération, les enfants et les jeunes, telles que l'éducation et les compétences » (article 3 du règlement (UE) 2021/241).
B.2.3. Par le règlement (UE) 2021/241, les Etats membres ont été invités à présenter à la Commission européenne des plans nationaux pour la reprise et la résilience contenant leurs programmes nationaux de réforme et d'investissement.
En cas d'acceptation de son plan national, l'Etat membre reçoit une contribution financière pour la mise en oeuvre de celui-ci.
B.2.4. Le plan national belge a été validé par la Commission européenne et approuvé par le Conseil de l'Union européenne. Il s'accompagne d'une contribution financière d'un montant de 5,9 milliards d'euros.
Les travaux préparatoires du décret attaqué mentionnent que « la Communauté française a prévu d'affecter une part significative, estimée à 230 769 231 €, de l'enveloppe qui lui est octroyée par l'Union européenne pour un large plan d'investissement dans les bâtiments scolaires » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2021-2022, n° 277/1, p. 4).
B.3. Le décret attaqué organise la répartition, entre les trois réseaux d'enseignement, à savoir le réseau d'enseignement de la Communauté française, le réseau d'enseignement officiel subventionné et le réseau d'enseignement libre subventionné, des fonds européens pour la partie « bâtiments scolaires » du plan national pour la reprise et la résilience.
Par « bâtiments scolaires » au sens du décret attaqué, il faut entendre « tout bâtiment scolaire de l'enseignement fondamental ordinaire et spécialisé, de l'enseignement secondaire ordinaire, spécialisé et de promotion sociale, de l'enseignement artistique à horaire réduit, de l'enseignement supérieur hors université, de l'enseignement de promotion sociale, ou bâtiment hébergeant des centres psycho-médico-sociaux ou des internats et homes d'accueil de l'enseignement fondamental, secondaire et du supérieur, ordinaire et spécialisé, organisé ou subventionné par la Communauté française » (article 1er, 9, du décret attaqué).
B.4.1. Conformément à l'article 3, § 1er, du décret attaqué, le Gouvernement publie un appel à projets de travaux à destination de l'ensemble des pouvoirs organisateurs, en vue d'octroyer le montant du plan de reprise et de résilience affecté aux bâtiments scolaires. Cet appel est formalisé dans une circulaire du Gouvernement de la Communauté française.
B.4.2. Le 1er octobre 2021, la Communauté française a publié une circulaire n° 8291, intitulée « bâtiments scolaires : procédure d'octroi de financements et subventions exceptionnels dans le cadre du plan d'investissement dans les bâtiments scolaires établi dans le cadre du plan de reprise et de résilience (PRR) européen ».
Cette circulaire définit la procédure à suivre par les pouvoirs organisateurs désireux de soumettre un dossier de demande de subvention dans le cadre du plan de reprise et de résilience.
B.4.3. En vertu de l'article 3, § 1er, dernier alinéa, du décret attaqué, les dossiers de candidatures complets doivent être introduits dans les trois mois à dater de la publication de la circulaire. Le délai imparti aux pouvoirs organisateurs pour déposer une demande de subventionnement a donc expiré le 31 décembre 2021.
B.5.1. La répartition du subventionnement européen se fait selon une clé de répartition qui est fixée, en son principe, par le décret attaqué, mais qui est définitivement arrêtée par le Gouvernement de la Communauté française en fonction des dossiers retenus.
L'article 5, § 2, du décret attaqué définit la clé de répartition théorique comme suit : « La répartition du montant visé au § 1er s'effectue entre les bénéficiaires moyennant le respect cumulativement : a) des modalités et conditions fixées aux articles 6 à 17 du présent décret;b) de la clé de répartition théorique du montant visé au § 1er définie comme suit : 1.41,15 pour cent pour les investissements consentis au bénéfice des bâtiments scolaires dont la Communauté française à la charge de propriétaire ou de copropriétaire; 2. 34,12 pour cent pour financer les travaux relatifs aux bâtiments scolaires de l'enseignement officiel subventionné;3. 24,73 pour cent pour financer les travaux relatifs aux bâtiments scolaires de l'enseignement libre subventionné ». B.5.2. Les montants qui résultent de la clé de répartition constituent des enveloppes - une pour chaque réseau d'enseignement - qui peuvent évoluer à la hausse ou à la baisse, avec une diminution maximale de 15 % (article 6 du décret attaqué).
B.6.1. Les projets introduits par les pouvoirs organisateurs font l'objet d'une vérification quant à leur éligibilité au financement.
L'article 4 du décret attaqué fixe les conditions d'éligibilité des projets comme suit : « Sont éligibles dans le cadre de l'appel visé à l'article 3, les projets répondant aux conditions cumulatives suivantes : 1. viser des bâtiments scolaires;2. le bâtiment scolaire visé est la propriété du demandeur ou ce dernier dispose d'un droit réel propre ou l'a cédé à une société publique ou patrimoniale d'administration des bâtiments scolaires, lui permettant d'en disposer et est affecté à un usage scolaire au moins pour une durée de 30 ans à dater de l'octroi de l'accord ferme de financement;3. le demandeur s'engage à organiser la publicité prévue à l'article 34 du Règlement (UE) 2021/241;4. la ' publication ' ou la consultation en vue du marché de travaux des prestations concernées est postérieure au 1er février 2020;5. le dossier ne peut être clôturé à la date de remise des projets.La clôture du dossier est fixée à la réception provisoire de celui-ci; 6. la réception provisoire accordée des travaux concernés par le financement exceptionnel doit intervenir au plus tard à la fin du second trimestre 2026;7. les travaux réalisés répondent aux normes physiques et financières édictées en vertu de l'article 2 du décret du 5 février 1990;8. les travaux réalisés répondent aux conditions particulières relatives à chaque typologie de travaux définies aux articles 14 à 17 du présent décret;9. ni les travaux de rénovation, ni les activités réalisées dans l'infrastructure visée ne peuvent causer de préjudice environnemental important au sens de l'article 17 du Règlement (UE) 2020/852;10. les demandeurs s'engagent à répondre à toute demande provenant de la Communauté française, de la Commission européenne ou de tout organe de contrôle entrant dans l'application du plan de relance et de résilience visé par le Règlement (UE) 2021/241, et ce en vue de permettre le contrôle de l'utilisation des interventions financières perçues et le rapportage des informations nécessaires à l'attention de la Commission ». B.6.2. Les projets éligibles sont ensuite classés en quatre « pools de travaux », entre lesquels un ordre de priorité décroissant est établi.
Le premier pool regroupe les travaux de « démolitions/reconstructions de bâtiments existants », le deuxième pool vise les « rénovations moyennes a minima », le troisième pool concerne les « rénovations légères » et le quatrième pool regroupe « les interventions ponctuelles » (article 7 du décret attaqué).
B.7.1. Le décret attaqué instaure également un système de transfert de moyens entre les trois enveloppes, aussi appelé « mécanisme de vases communicants » ou « mécanisme de ponction », dans les limites des 15 % de diminution maximale d'une enveloppe.
Ce mécanisme permet de réallouer aux autres enveloppes les moyens éventuellement rendus disponibles à la suite de l'abandon ou de l'exclusion de certains dossiers (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2021-2022, n° 277/1, p. 12).
B.7.2. Les transferts ne peuvent toutefois être réalisés qu'après affectation de l'ensemble des projets dans un pool déterminé au sein d'une enveloppe et dans le respect de l'ordre de priorité des pools (article 8 du décret attaqué).
B.7.3. Le mécanisme de transfert de moyens entre enveloppes est défini à l'article 9 du décret, qui dispose : « § 1er. Au sein d'un même pool de travaux, et avant d'examiner un pool moins prioritaire, chaque enveloppe peut se réalimenter en ponctionnant dans les autres enveloppes pour autant que cette première présente des moyens insuffisants pour couvrir l'ensemble des dossiers émargeant au pool donné, et que l'une ou plusieurs autres enveloppes présentent un solde positif après attribution de ce même pool. § 2. Si deux enveloppes présentent un solde négatif après l'affectation d'un pool donné, la ponction effectuée sur la dernière enveloppe se fera, s'il échet, au prorata de la répartition théorique initiale. A l'inverse, si une seule enveloppe présente un solde négatif, la ponction sur les deux autres enveloppes se fait également au prorata de la répartition théorique initiale. § 3. Si chaque enveloppe présente un solde positif après l'affectation d'un pool, la priorisation passe au pool suivant en reprenant pour ce pool, le solde de chaque enveloppe. § 4. Si une enveloppe présente un solde négatif à l'attribution d'un pool donné et qu'aucune ponction n'est possible au sein d'une des autres enveloppes, les dossiers affectés à ce pool sont priorisés, s'il échet, au sein de celui-ci pour cette enveloppe selon les critères de priorisation et de cotation définis aux articles 12 [lire : 13] à 17 du présent décret ».
B.7.4. Les travaux préparatoires indiquent : « L'article 9, § 2, prévoit la ponction de deux enveloppes sur la troisième ou d'une seule enveloppe dans les deux autres. Pour la compréhension de ce paragraphe, l'exemple suivant peut-être donné : Si les enveloppes A et B manquent de moyens et que l'enveloppe C présente un solde disponible mais qui n'est pas suffisant pour couvrir les besoins de A et B, alors le solde disponible de C est réparti entre les deux autres enveloppes au prorata de ce que A et B aurait théoriquement comme pourcentage de l'enveloppe de départ si elles n'avaient été que deux au départ. Le même principe s'applique dans le cas inverse d'une seule enveloppe positive et de deux enveloppes négatives » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2021-2022, n° 277/1, p. 13).
B.7.5. En vertu de l'article 10 du décret attaqué, si un groupe de bénéficiaires émargeant à l'une des enveloppes ne présente pas suffisamment de dossiers pour consommer 85 % de son enveloppe, la totalité du solde laissé disponible pourra être réallouée aux autres enveloppes, selon le même mécanisme que celui qui est décrit aux articles 6 à 9.
B.7.6. Enfin, le mécanisme de vases communicants instauré à l'article 9 du décret attaqué ne s'applique pas entre les deux premiers pools de travaux : « démolitions/reconstructions de bâtiments existants » et « rénovations moyennes a minima » (article 11 du décret attaqué).
B.8. Pour chaque pool de travaux, les articles 14 à 17 du décret attaqué définissent la typologie des travaux, les critères d'éligibilité et les critères de priorisation.
Les critères de priorisation, qui sont pondérés et divisés en sous-critères dans les annexes 1 à 4 du décret attaqué, permettent de classer les dossiers appartenant à un pool déterminé en cas d'insuffisance de crédits au sein d'une même enveloppe après application des ponctions éventuelles.
B.9. En vertu de l'article 18 du décret attaqué, c'est le Gouvernement de la Communauté française qui arrête la répartition définitive des enveloppes ainsi que la liste des dossiers retenus, selon les modalités fixées aux articles 6 à 17 et 19 du décret attaqué.
B.10.1. L'article 19 du décret attaqué limite l'intervention financière accordée aux bénéficiaires pour les projets émargeant à l'une des trois enveloppes.
B.10.2. Ainsi, le taux de financement maximal pour les investissements directs sur les bâtiments dont la Communauté française a la charge de propriété ou de copropriété est de 82,5 % du montant total de l'investissement, le solde devant être financé par crédit ou capital propre.
B.10.3. Pour les projets portant sur des bâtiments scolaires du réseau officiel subventionné, les taux de financement maximum sont de (i) 60 % du montant total de l'investissement pour les dossiers émargeant aux pools « démolitions/reconstructions de bâtiments existants » et « rénovations moyennes a minima », (ii) 50 % du montant total de l'investissement pour les dossiers émargeant au pool « rénovations légères », et (iii) 35 % du montant total de l'investissement pour les dossiers émargeant au pool « interventions ponctuelles ».
B.10.4. Pour les projets portant sur des bâtiments scolaires du réseau d'enseignement libre subventionné, les taux de financement maximal sont de 65 % du montant total de l'investissement pour les dossiers visant les pouvoirs organisateurs de l'enseignement obligatoire et les centres psycho-médico-sociaux, et de 35 % du montant total de l'investissement pour les dossiers visant les pouvoirs organisateurs de l'enseignement supérieur non universitaire. Par ailleurs, pour ces projets, l'intervention financière est plafonnée à deux millions d'euros par projet.
Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen B.11. Les parties requérantes prennent un premier moyen de la violation des articles 10, 11 et 24 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 3, 4, 5, 16, 17, 18, 19, 22 et les annexes V et VI du règlement (UE) 2021/241.
Premier grief B.12. Le premier grief porte sur la clé de répartition théorique des subventionnements, fixée à l'article 5, § 2, du décret attaqué. Cette clé, qui est moins avantageuse pour le réseau libre subventionné que pour les autres réseaux d'enseignement, entraînerait une répartition inéquitable des fonds européens et serait dès lors discriminatoire.
B.13. L'article 5, § 2, détermine la clé de répartition théorique des subventionnements comme suit : - 41,15 % du montant prévu pour les bâtiments scolaires dans le cadre du plan de reprise et de résilience européen, majoré de 10 % et augmenté des montants nécessaires pour prendre en charge la taxe sur la valeur ajoutée, sont affectés aux investissements dans les bâtiments scolaires dont la Communauté française a la charge de propriété ou de copropriété; - 34,12 % du même montant global servent au financement des travaux relatifs aux bâtiments scolaires de l'enseignement officiel subventionné; et - 24,73 % du même montant global sont prévus pour le financement des travaux relatifs aux bâtiments scolaires de l'enseignement libre subventionné.
B.14. Comme il est dit en B.5.2, cette clé de répartition est susceptible d'évoluer à la hausse ou à la baisse, avec une diminution maximale de 15 % . Elle sera définitivement arrêtée par le Gouvernement de la Communauté française sur la base des dossiers retenus.
B.15. Le contrôle de la Cour porte sur la constitutionnalité de l'article 5, § 2, du décret attaqué. Dans ce cadre, il ne lui appartient pas de se prononcer sur l'opportunité du choix du législateur décrétal de privilégier une clé de répartition par rapport à une autre.
B.16. Sans être contredites à ce propos par le Gouvernement de la Communauté française, les parties requérantes font valoir que le réseau d'enseignement de la Communauté française scolarise 15 % des élèves, tandis que le réseau libre subventionné scolarise 50 % de la population scolaire. Quant au réseau officiel subventionné, il scolarise 35 % des élèves.
B.17.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de toutes les libertés.
B.17.2. L'article 24, § 1er, de la Constitution dispose que l'enseignement est libre. Cette liberté d'enseignement suppose que les pouvoirs organisateurs qui ne relèvent pas directement de la communauté puissent, sous certaines conditions, prétendre à des subventions à charge de celle-ci. Le droit aux subventions est limité, d'une part, par la possibilité pour la communauté de lier celles-ci à des exigences tenant à l'intérêt général, entre autres celles d'un enseignement de qualité et du respect de normes de population scolaire, et, d'autre part, par la nécessité de répartir les moyens financiers disponibles entre les diverses missions de la communauté.
L'article 24, § 4, de la Constitution énonce, dans le domaine de l'enseignement, le principe d'égalité et de non-discrimination qui se déduit des articles 10 et 11 de la Constitution.
B.17.3. Bien que l'égalité de traitement des établissements d'enseignement constitue le principe, l'article 24, § 4, de la Constitution n'exclut pas un traitement différencié de ces établissements, à la condition que celui-ci soit fondé sur des différences objectives, « notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur ». Les travaux préparatoires de la révision constitutionnelle du 15 juillet 1988 mentionnent à cet égard la possibilité de tenir compte des obligations spécifiques qui incombent aux écoles de la communauté, du régime de propriété des constructions scolaires, ou encore de la faculté pour certains pouvoirs organisateurs ou établissements de compléter le financement octroyé par la communauté par des fonds publics ou privés (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 100-1/1, pp. 5-7). Pour justifier, au regard du principe d'égalité et de non-discrimination, une différence de traitement entre les établissements d'enseignement des réseaux d'enseignement, il ne suffit cependant pas d'indiquer l'existence de différences objectives entre ces établissements. Il doit encore être démontré qu'à l'égard de la matière réglée, la distinction alléguée est pertinente pour justifier raisonnablement une différence de traitement. Par ailleurs, le principe d'égalité en matière d'enseignement ne saurait être dissocié des autres garanties contenues dans l'article 24 de la Constitution, en particulier de la liberté d'enseignement et du droit à l'enseignement.
B.18.1. Dans les travaux préparatoires, le choix de la clé de répartition est justifié comme suit : « La répartition de l'enveloppe entre ces trois types de bénéficiaires a été opérée en respectant les répartitions de financements déjà existants dans les budgets de la Communauté française sur la période allant de l'année 2016 à l'année 2020. Cela afin de tenir compte d'une moyenne et d'éviter ainsi les effets de dotations exceptionnelles qui fausseraient la répartition. Par ailleurs, suite aux réunions de concertations avec les fédérations de pouvoirs organisateurs, plusieurs éléments tels que les dotations exceptionnelles octroyées au bénéfice des bâtiments dont la Communauté française à la charge de propriétaire ont été déduites du calcul ainsi que les budgets alloués aux paiements de loyers. La répartition tient également compte du régime de propriété auquel sont soumis les bâtiments scolaires qui bénéficient du financement mis en place par le présent projet de décret.
Ainsi, les bâtiments scolaires dont la charge de propriétaire relève d'un pouvoir public bénéficient d'une part plus importante des financements de cette politique au vu du caractère public du patrimoine et donc du maintien de l'investissement consenti dans le domaine public.
Plus particulièrement, les bâtiments scolaires dont la Communauté française supporte elle-même la charge de propriétaire, ne peuvent bénéficier par ailleurs d'autres financements, hors subventions. En outre, la responsabilité de la Communauté française sur ces bâtiments est également plus grande, puisqu'elle doit en assumer toutes les normes et obligations, notamment d'entretien. Les bâtiments scolaires dont la Communauté française supporte la charge de propriétaire bénéficient donc d'une part plus importante des moyens.
Bien que l'article 61 du décret du 7 février 2019 dispose que la propriété des biens meubles et immeubles de la Communauté française, tant du domaine public que du domaine privé, indispensables à l'exercice des compétences de pouvoir organisateur est transférée, sans indemnité, à WBE, il importe de souligner qu'à ce stade, le Gouvernement n'a pas encore arrêté la liste des biens immeubles concernés ainsi que les conditions et les modalités du transfert de propriété. Aussi, la Communauté française demeure la seule propriétaire à ce jour pour bénéficier du financement lié au présent dispositif.
Les bâtiments relevant d'un propriétaire privé bénéficient d'une part moins importante des moyens dévolus à cette politique au vu du fait que les sources de financement pour ces infrastructures peuvent être autres et que l'investissement consenti reste toujours du domaine privé.
La clé de répartition des moyens financiers entre les bâtiments scolaires des différents réseaux se fonde sur le régime de propriété de ces bâtiments et ce eu égard à la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle.
A cet égard, rappelons que la Cour constitutionnelle a, dans sa jurisprudence, validé les différences de traitement à condition que celles-ci soient fondées sur des ' caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur ' lesquels constituent une ' différence objective ' qui justifie ' un traitement approprié '.
Ainsi, le régime de propriété des bâtiments scolaires, propriété privée ou propriété de personnes de droit public a été admis par la Cour comme constituant une différence objective admissible pour fonder un traitement différencié.
Plus particulièrement, dans ses arrêts n° 38/91 et n° 27/92, la Cour constitutionnelle a validé les différences en matière de financement des bâtiments scolaires et de subventions de fonctionnement.
Dans son arrêt n° 109/2014 du 17 juillet 2014, la Cour confirme sa jurisprudence en la matière et rappelle ce qui suit : ' B.8. Par son arrêt n° 27/92 du 2 avril 1992, la Cour a jugé que la différence de traitement qui en découle était justifiée : " 5.B.2. Le régime de propriété auquel sont soumis les bâtiments scolaires varie selon le pouvoir organisateur qui en est propriétaire. En effet, dans l'enseignement subventionné libre, ils appartiennent à des personnes morales de droit privé tandis que, dans l'enseignement communautaire, ils appartiennent à une personne morale de droit public, l'ARGO, qui est strictement contrôlée par la Communauté. Ces caractéristiques, propres à chacune des deux catégories de pouvoirs organisateurs, constituent une ' différence objective ' justifiant un ' traitement approprié ', non seulement pour l'octroi de crédits d'investissement, mais également en ce qui concerne l'octroi de crédits pour l'entretien des bâtiments à charge du propriétaire; en effet, les deux types de crédits, le premier en raison de son affectation à l'acquisition de la propriété d'immeubles, le second en raison de son affectation à la préservation de la valeur d'immeubles dont le pouvoir organisateur est propriétaire, sont transformés en une création de valeur immobilière ". ' La différence induite par le régime de propriété porte sur plusieurs aspects de la gestion de l'infrastructure.
Tout d'abord, la responsabilité civile et pénale de propriétaire qui est d'une part supportée par la Communauté elle-même ou par un autre pouvoir public et d'autre part par une personnalité juridique privée.
Aussi, les propriétés dépendant de personnalité juridique privée bénéficient logiquement d'apport financier de ce propriétaire, et il est donc admissible que l'apport public soit de moindre importance.
De surcroît, l'impératif pour les pouvoirs publics de maintenir un enseignement sur l'ensemble du territoire quel que soit le taux de remplissage de ses établissements, ou des moyens dont ils disposent, constitue une obligation complémentaire. En effet, les pouvoirs publics sont dans l'obligation de maintenir un enseignement partout où la demande est présente et il n'est donc pas envisageable que leurs infrastructures soient source de fermeture d'établissement, sans quoi ils se verraient pris en défaut de remplir cette obligation.
En outre, tenant compte de la priorité fixée par le plan de relance et de résilience portant sur la transition climatique et plus précisément, dans le cadre d'infrastructure, sur les économies d'énergie, il y a lieu de prendre en considération les réalités infrastructurelles des bâtiments scolaires et leurs besoins dans ce cadre.
En effet, les bâtiments et leurs types de construction justifient également qu'un traitement différencié y soit apporté. Le parc immobilier scolaire public étant proportionnellement composé d'un plus grand nombre de bâtiments préfabriqués, qui sont particulièrement problématiques sur le plan écologique mais également en termes d'hygiène et de sécurité. Par conséquent, il est opportun d'y apporter une réponse plus conséquente afin d'impacter plus considérablement la transition énergétique du parc scolaire.
Pour l'ensemble de ces raisons, la différenciation du financement des infrastructures scolaires se justifie » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2021-2022, n° 277/1, pp. 5-8).
B.18.2. Il ressort de ces extraits des travaux préparatoires que le législateur décrétal a fixé la clé de répartition contestée sur la base d'une répartition de financements des bâtiments scolaires existante dans les budgets de la Communauté française de l'année 2016 à l'année 2020. Le législateur décrétal a toutefois neutralisé des éléments qui fausseraient la moyenne de ces financements, comme des dotations exceptionnelles ou des montants destinés au paiement de loyers.
B.18.3. Il en ressort également que le législateur décrétal s'appuie principalement sur trois éléments pour justifier la différence de traitement créée par la clé de répartition entre les réseaux d'enseignement. Il s'agit, premièrement, du régime de propriété différent des bâtiments scolaires du réseau d'enseignement libre par rapport à celui des bâtiments scolaires des réseaux publics, deuxièmement, des nécessités de rénovation différentes de ces mêmes bâtiments et, troisièmement, de l'obligation à charge des seuls pouvoirs publics de maintenir une offre d'enseignement en permanence et sur tout le territoire.
Concernant le régime de propriété en particulier, les travaux préparatoires précisent que les bâtiments scolaires publics bénéficient d'une part plus importante de financement (i) afin que l'investissement soit maintenu dans le domaine public, (ii) en raison de l'absence de sources de financement extérieures et (iii) en raison d'une responsabilité plus grande de la Communauté française pour assumer toutes les obligations et normes, notamment celles d'entretien.
B.19. En ce qui concerne, premièrement, le régime de propriété, la Cour a jugé, par son arrêt n° 38/91 du 5 décembre 1991 : « B.3.9. Le régime de propriété auquel sont soumis les bâtiments scolaires varie selon le pouvoir organisateur qui en est propriétaire.
En effet, dans l'enseignement subventionné libre, ils sont la propriété de personnes privées tandis que dans l'enseignement subventionné officiel, ils appartiennent à des personnes de droit public. Ces caractéristiques, propres à deux catégories de pouvoirs organisateurs, constituent une ' différence objective ' pouvant justifier un ' traitement approprié ' ».
B.20.1. La création d'une valeur immobilière grâce à un subside public peut justifier une différence de traitement entre les pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné, d'une part, et le réseau d'enseignement de la Communauté française, d'autre part, lorsqu'il s'agit de répartir des subventions destinées à des investissements immobiliers.
B.20.2. En l'espèce, il y a toutefois lieu de tenir compte de ce que l'article 4, 2°, du décret attaqué impose que le bâtiment scolaire pour lequel le subventionnement est demandé soit affecté à un usage scolaire pour une durée de 30 ans au moins à partir de l'octroi de l'accord ferme de subventionnement. L'article 24, § 2, du décret attaqué prévoit, quant à lui, qu'en cas de non-respect de cette obligation, la subvention perçue doit être remboursée au prorata du nombre d'années restantes entre l'année de l'accord ferme de subvention et l'année du terme de 30 ans.
B.20.3. L'obligation du maintien du bâtiment ayant fait l'objet d'une subvention à un usage scolaire pendant une durée de 30 ans minimum et le mécanisme de sanction qui l'accompagne garantissent que la plus-value immobilière créée grâce au décret attaqué en faveur d'entités privées qui mettent des bâtiments scolaires à disposition de pouvoirs organisateurs ne profite réellement pendant cette durée qu'aux usagers du service public de l'enseignement.
Cette circonstance rend moins pertinente la distinction fondée sur le régime de propriété des bâtiments scolaires invoquée pour justifier la clé de répartition contestée.
B.20.4. Il en résulte que l'objectif du législateur décrétal de maintenir l'investissement consenti dans le domaine public, s'il est légitime, ne suffit pas en l'espèce à justifier la clé de répartition contestée.
B.21.1. Il est possible que des pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné bénéficient d'un soutien financier externe grâce aux propriétaires privés des bâtiments scolaires qu'ils occupent.
B.21.2. L'existence d'un tel support financier externe peut être un élément pertinent pour évaluer les besoins financiers d'un pouvoir organisateur qui souhaite rénover le bâtiment scolaire qu'il occupe.
B.21.3. Toutefois, ce critère ne peut être appliqué de manière indifférenciée à tous les pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné, c'est-à -dire tant à ceux qui bénéficient d'un tel financement extérieur qu'à ceux, en témoigne l'état de dégradation dans lequel se trouvent les bâtiments scolaires qu'ils occupent, qui n'en bénéficient pas.
B.21.4. Le critère du soutien financier externe, en ce qu'il est appliqué indistinctement à tous les pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné, ne permet pas de justifier la clé de répartition contestée.
B.22.1. Enfin, la Communauté française assume les charges, dont les obligations d'entretien, liées aux bâtiments scolaires dont elle est propriétaire ou copropriétaire.
B.22.2. Elle reste par ailleurs tenue par des obligations relatives aux bâtiments scolaires qu'elle a transférés à des Sociétés publiques d'administration des bâtiments scolaires (article 4, § 2, alinéa 4, du décret de la Communauté française du 5 juillet 1993 « portant création de six sociétés de droit public d'administration des bâtiments scolaires de l'enseignement organisé par les pouvoirs publics »; article 5, § 2, alinéa 4, du décret de la Région wallonne du 7 juillet 1993 « portant création de cinq sociétés de droit public d'administration des bâtiments scolaires de l'enseignement organisé par les pouvoirs publics »). A l'égard de ces bâtiments, la Communauté française assume également les missions prévues par le décret du 5 février 1990 « relatif aux bâtiments scolaires de l'enseignement non universitaire organisé ou subventionné par la Communauté », selon des modalités convenues entre le Gouvernement et chacune des sociétés (article 5 du décret de la Communauté française du 5 juillet 1993 précité; article 6 du décret de la Région wallonne du 7 juillet 1993 précité).
B.22.3. Conformément à l'article 61 du décret spécial du 7 février 2019 « portant création de l'organisme public chargé de la fonction de Pouvoir organisateur de l'Enseignement organisé par la Communauté française », la propriété des bâtiments scolaires de la Communauté française est transférée à WBE sans indemnité.
En vertu de l'article 62 du décret spécial du 7 février 2019, WBE succède aux droits et obligations de la Communauté française en ce qui concerne les bâtiments scolaires affectés au réseau d'enseignement organisé par la Communauté française.
B.22.4. Le transfert de la propriété des bâtiments scolaires de la Communauté française n'a pas encore eu lieu, de sorte que la Communauté française reste tenue par des charges liées à la propriété ou copropriété des bâtiments scolaires affectés au réseau d'enseignement de la Communauté française, sans possibilité pour elle de disposer de ressources de financement extérieures.
B.22.5. Il existe dès lors encore, sur ce point, une différence objective entre le réseau d'enseignement de la Communauté française et le réseau libre subventionné.
Celle-ci ne permet toutefois pas de justifier la différence importante créée par la clé, contestée, de répartition des subventionnements.
B.23.1. Deuxièmement, l'obligation d'assurer en permanence et sur tout le territoire une offre d'enseignement suffisamment large incombe à la Communauté française, en raison de sa qualité de service public au sens organique.
Cette obligation découle des articles 1.7.3.-1, § 1er et 1.7.3.-2 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire de la Communauté française, qui disposent : « Art. 1.7.3.-1. § 1er. Des écoles fondamentales et secondaires sont créées par la Communauté française, là où le besoin s'en fait sentir ». « Art. 1.7.3.-2. Le droit des parents de choisir le genre d'éducation de leurs enfants implique la possibilité de disposer à une distance raisonnable d'une école correspondant à leur choix.
Pour respecter le libre choix des parents, la Communauté française est tenue, après avoir consulté le conseil général concerné : 1° à la demande de parents qui désirent un enseignement non confessionnel et ne trouvent pas à une distance raisonnable soit une école officielle, soit une école libre de caractère non confessionnel : a) soit d'ouvrir une école organisée par la Communauté française;b) soit d'intervenir dans les frais de transport vers une telle école;c) soit d'admettre aux subventions une école libre non confessionnelle existante;2° à la demande de parents qui désirent un enseignement confessionnel et ne trouvent pas à une distance raisonnable une école confessionnelle : a) soit d'admettre aux subventions une école libre confessionnelle existante;b) soit d'intervenir dans les frais de transport vers une telle école. Le Gouvernement fixe le nombre de parents nécessaires pour que la Communauté française doive assumer les obligations prévues au présent article. Il détermine de même ce qu'il faut entendre par distance raisonnable. [...] ».
B.23.2. Cette différence entre le réseau d'enseignement de la Communauté française et le réseau libre subventionné est atténuée par la circonstance que la Communauté doit aussi assurer le libre choix des parents, de sorte que les écoles du réseau libre subventionné doivent également être suffisamment présentes sur le territoire de la Communauté française. De surcroît, cette différence n'est pas pertinente pour la répartition d'un subventionnement dont le but est de permettre la reconstruction et la rénovation des bâtiments scolaires déjà construits.
B.24.1. Troisièmement, le Gouvernement de la Communauté française s'appuie sur une étude portant sur l'état du parc immobilier des différents réseaux d'enseignement pour affirmer qu'en raison d'une présence plus importante de bâtiments préfabriqués au sein du réseau d'enseignement de la Communauté française, celui-ci peut prétendre à une part de subventionnement plus importante.
B.24.2. Il ressort de cette étude que « le réseau libre confessionnel, qui représente la majorité des PO existants, a participé à hauteur de 46 % . C'est le réseau libre non-confessionnel qui a le moins participé avec 1 PO sur 4 » (p. 10) et que « les PO non-participants concernent principalement le réseau libre confessionnel (54 %) et encore davantage les PO du libre non-confessionnel (74 %) » (p. 13).
WBE, qui est l'unique pouvoir organisateur pour le réseau d'enseignement de la Communauté française, a participé à l'enquête pour le réseau d'enseignement de la Communauté française.
Il ressort également de l'étude que le parc immobilier du réseau d'enseignement de la Communauté française est composé de 26,87 % de bâtiments préfabriqués de type « pavillon ».
B.24.3. Le type et l'état des bâtiments scolaires susceptibles de donner lieu à l'octroi d'une subvention sont pertinents pour fonder une distinction en matière de financement de la reconstruction ou de la rénovation de bâtiments scolaires. Il est en effet raisonnablement justifié de réserver une plus large part de financement aux établissements qui occupent des bâtiments préfabriqués, en ce que ceux-ci peuvent être particulièrement problématiques sur le plan écologique et en termes d'hygiène et de sécurité. A cet égard, il y a lieu de tenir compte de ce que les fonds européens alloués à la Communauté française sur la base du règlement (UE) 2021/241 le sont au titre de la « facilité pour la reprise et la résilience », dont le champ d'application recouvre, en vertu de l'article 3 du règlement, la transition verte et les politiques pour la prochaine génération, les enfants et les jeunes, telles que l'éducation et les compétences.
Cependant, le seul fait que le parc immobilier du réseau d'enseignement de la Communauté française serait, en comparaison avec le parc immobilier des autres réseaux d'enseignement, constitué de davantage de pavillons préfabriqués - à le supposer établi - ne permet pas de justifier l'octroi à ce réseau d'enseignement d'une enveloppe globale proportionnellement plus importante, sans qu'il soit tenu compte des besoins effectifs des pouvoirs organisateurs, indépendamment de leur appartenance à un réseau.
B.24.4. Dans son avis portant sur l'avant-projet de décret qui est devenu le décret attaqué, la section de législation du Conseil d'Etat a d'ailleurs rappelé sa légisprudence constante selon laquelle : « le principe d'égalité serait mieux assuré si les crédits étaient attribués aux établissements scolaires exclusivement en fonction des nécessités et indépendamment de leur appartenance à un réseau » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2021-2022, n° 277/1, p. 61).
B.25. Quatrièmement, il ressort du mémoire en réplique du Gouvernement de la Communauté française qu'il existe une différence objective entre les réseaux d'enseignement, dès lors que les subsides alloués sur la base du décret attaqué en faveur des bâtiments affectés à l'enseignement du réseau libre subventionné ou du réseau officiel subventionné constituent, au niveau comptable, une dépense pour la Communauté française qui réduit son résultat comptable annuel.
Cette différence est inhérente au fait que la Communauté française est une autorité publique investie de la compétence en matière d'enseignement et, à ce titre, chargée de la distribution des fonds alloués sur la base du décret attaqué aux différents pouvoirs organisateurs concernés.
Cette différence ne justifie donc pas la clé de répartition contestée.
B.26.1. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la clé de répartition fixée dans l'article 5, § 2, du décret attaqué n'est pas raisonnablement justifiée.
Le caractère disproportionné de la clé de répartition est accentué par le fait que la Communauté française a réservé 41,15 % des subventions accordées sur la base du décret attaqué au réseau d'enseignement qui scolarise 15 % de la population scolaire en Communauté française.
B.26.2. Le grief est fondé.
Deuxième grief B.27.1 Le deuxième grief porte sur l'article 19 du décret attaqué, qui fixe des taux de financement différents par réseau d'enseignement pour les projets d'investissement dans les bâtiments scolaires.
Ainsi, les projets relatifs aux bâtiments scolaires dont la Communauté française est propriétaire ou copropriétaire peuvent bénéficier d'une subvention à concurrence de 82,5 %, sans plafond, alors que le subventionnement pour les bâtiments scolaires du réseau libre subventionné est limité à 65 % (pour l'enseignement obligatoire et les centres psychomédicosociaux) et à 35 % (pour l'enseignement supérieur) du montant total de l'investissement, avec un plafond de deux millions d'euros.
B.27.2. Si le taux de financement n'a pas d'incidence sur l'ampleur de l'enveloppe budgétaire ou sur sa répartition entre les différents réseaux d'enseignement, il reste que la différence de traitement est créée au détriment des pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné et doit à ce titre être objectivement et raisonnablement justifiée au regard des articles 10 et 11 de la Constitution.
En effet, la fixation d'un taux de financement inférieur pour les projets liés à des bâtiments scolaires de l'enseignement libre subventionné crée un désavantage pour les pouvoirs organisateurs de ce réseau. D'une part, il ne peut être exclu que certains d'entre eux n'ont pas été en mesure de déposer des projets susceptibles de bénéficier des fonds européens destinés à la relance, à défaut de disposer de fonds propres suffisants ou de pouvoir contracter des emprunts pour compléter le financement accordé sur la base du décret attaqué. D'autre part, l'article 20 du décret attaqué prévoit certes que les intérêts de ces emprunts sont pris en charge par le Fonds de garantie des bâtiments scolaires visé au chapitre IV du décret de la Communauté française du 5 février 1990 « relatif aux bâtiments scolaires de l'enseignement non universitaire organisé ou subventionné par la Communauté française », mais il n'en reste pas moins qu'un taux de financement plus faible nécessite soit de dégager une part de fonds propres plus importante soit de recourir à un emprunt, dont à tout le moins le capital doit être remboursé par le pouvoir organisateur.
B.28.1. Le commentaire de l'article 19 indique : « [...] Les taux sont fixés de manière différente pour chaque enveloppe et ce afin de tenir compte des réalités et capacités financières propres de l'ensemble des bénéficiaires.
En effet, les capacités de financement ne sont pas les mêmes pour tous les types de pouvoirs organisateurs et il a donc été convenu avec l'ensemble des Fédérations de pouvoirs organisateurs et Wallonie-Bruxelles enseignement, de fixer des taux d'intervention en fonction de leurs priorités et réalités propres. [...] » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2021-2022, n° 277/1, p.14).
B.28.2. En invoquant les « capacités de financement » différentes et les « priorités et réalités propres » des pouvoirs organisateurs des trois réseaux d'enseignement, le législateur décrétal fait principalement allusion aux sources de financement externes dont peuvent bénéficier des pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné.
B.29.1. Or, comme il est dit en B.21.3, le critère de l'existence d'un support financier externe ne peut être appliqué de manière indifférenciée à tous les pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné, dont les fonds propres et les capacités financières pour contracter des emprunts peuvent être différents les uns des autres.
B.29.2. Enfin, le fait qu'en vertu de l'article 20 du décret attaqué, le solde de l'investissement non couvert par le décret attaqué pour les projets des réseaux d'enseignement subventionné peut bénéficier d'une garantie d'emprunt du Fonds de garantie des bâtiments scolaires, qui, en outre, prend en charge la totalité des intérêts de l'emprunt, ne permet pas de compenser la disproportion entre les taux de financement prévus à l'article 19 du décret attaqué.
B.30. En revanche, s'il s'agit de tenir compte des besoins réels des différents établissements pour déterminer les taux de financement des projets, ce qui constitue, comme il est dit en B.24.3, un critère pertinent au regard de l'objectif de la transition verte et de celui de mener des politiques pour la prochaine génération, une différenciation par enveloppe et donc par réseau n'est pas, en tant que telle, pertinente.
B.31.1. Il résulte de ce qui précède que la différence entre les taux de financement des projets des réseaux d'enseignement de la Communauté française et du réseau libre subventionné n'est pas objectivement et raisonnablement justifiée.
B.31.2. Le grief est fondé.
Troisième grief B.32.1. Les parties requérantes soutiennent que le décret attaqué fait naître un conflit d'intérêts dans le chef du Gouvernement de la Communauté française, en ce qu'il lui confère la compétence de sélectionner les projets à subventionner pour les trois réseaux d'enseignement, alors que la Communauté française est le pouvoir organisateur d'un de ces trois réseaux.
B.32.2. En vertu de l'article 18 du décret attaqué, le Gouvernement de la Communauté française arrête la répartition définitive des enveloppes entre les trois réseaux d'enseignement, ainsi que la liste des dossiers retenus parmi les dossiers introduits par les pouvoirs organisateurs, selon les modalités fixées aux articles 6 à 17 et 19 du décret attaqué.
B.33. Il résulte de l'ensemble du décret attaqué qu'après réception des demandes de subventionnement, l'administration de la Communauté française vérifie si les demandes de subventionnement introduites par les pouvoirs organisateurs répondent aux conditions d'éligibilité fixées à l'article 4 du décret attaqué. Ensuite, les projets éligibles sont affectés à un des quatre pools de travaux, compte tenu de la définition des travaux et des critères d'éligibilité spécifiques du pool. S'il apparaît que les crédits revenant à un réseau d'enseignement sont insuffisants pour couvrir tous les projets afférents à un pool déterminé, l'administration met en oeuvre le mécanisme de « vases communicants », visé aux articles 8 à 12 du décret attaqué, entre les pools C « rénovations légères » et D « interventions ponctuelles ». Si, ensuite, ce mécanisme n'a pas permis de financer tous les projets au sein d'un pool, l'administration procède à la priorisation des dossiers sur la base de critères pondérés qui sont fixés dans le décret attaqué et ses annexes (articles 14 à 17 du décret attaqué). La clé de répartition finale des enveloppes des trois réseaux d'enseignement est fixée après transferts éventuels de montants entre enveloppes et priorisation des dossiers (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2021-2022, n° 277/1, p. 14).
B.34.1. Le décret attaqué traite de la même manière les pouvoirs organisateurs du réseau de l'enseignement organisé par la Communauté française, ceux du réseau de l'enseignement officiel subventionné et ceux de l'enseignement libre subventionné, en ce que les projets qu'ils ont introduits sont examinés par les services de la Communauté française.
B.34.2. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.35. Les travaux préparatoires mentionnent : « Enfin, l'appel à projet prévu par le présent décret est géré par la Direction générale des Infrastructures et plus particulièrement par le Service général des Infrastructures Scolaires Subventionnées. A cet égard, dans son avis du 11 août 2021 n° 63.693/2, le Conseil d'Etat indique que l'Administration étant chargée d'analyser les appels à projets et de proposer au Gouvernement la répartition définitive des enveloppes, le principe d'égalité et de non-discrimination serait mieux préservé si la proposition dont question émanait d'un organe distinct de l'Administration. Cette remarque est en lien avec le fait que les bâtiments du réseau officiel organisé sont toujours propriété de la Communauté française.
Cette observation du Conseil d'Etat appelle les remarques suivantes.
Il importe tout d'abord de rappeler que l'Administration et ses agents sont tenus par une obligation de neutralité et de respect des prescrits légaux. Un manque d'impartialité de l'Administration dans le cadre de la gestion de l'appel précité serait donc par nature contraire à ses obligations. De plus, les critères de priorisation ne s'appliquent pas de manière inter-réseaux. Par conséquent, les dossiers relatifs aux propriétés de la Communauté française ne sont donc pas comparés sur base de ces critères aux dossiers relatifs à un autre réseau. Seuls les critères d'éligibilité servant au classement par POOL s'appliquent de manière inter-réseaux. Ces derniers étant basés sur les règlements européens, une interprétation divergente d'un réseau à l'autre engendrerait des pénalités de la part de la Commission européenne lors de la demande de remboursement » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2021-2022, n° 277/1, pp. 8-9).
B.36.1. La compétence du Gouvernement de la Communauté française pour examiner et sélectionner les projets des pouvoirs organisateurs postulant l'octroi d'une subvention, y compris des projets qui concernent le réseau d'enseignement de la Communauté française, n'a pas pour effet de faire naître d'office un conflit d'intérêts dans le chef de ce Gouvernement.
Le Gouvernement de la Communauté française et son administration sont en effet tenus par le principe d'impartialité.
B.36.2. Une autorité administrative doit respecter les principes de bonne administration, en ce compris le principe d'impartialité, dans la mesure où le permettent la nature propre et la structure particulière de l'administration.
B.36.3. C'est au juge compétent qu'il appartient, le cas échéant, de vérifier que le Gouvernement de la Communauté française et son administration ont correctement appliqué ce principe lors de la mise en oeuvre du décret attaqué.
B.37. Le grief n'est pas fondé.
En ce qui concerne le deuxième moyen B.38. Les parties requérantes prennent un deuxième moyen de la violation des articles 10, 11, 16, 23 et 24 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 22 et les annexes V et VI du règlement (UE) 2021/241, en ce que l'article 26 du décret attaqué oblige les pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné, qui organisent un enseignement fondamental ou secondaire, à céder ou à faire céder à une société de gestion patrimoniale, constituée sous la forme d'une ASBL, gratuitement, pour 30 ans au moins, la propriété ou le droit réel portant sur le bâtiment scolaire qui bénéficie d'une subvention supérieure à 383 805 euros indexés.
B.39. L'article 26 du décret attaqué dispose : « § 1er. Pour bénéficier d'une subvention, supérieure à 383 805 euros indexés à l'indice général des prix à la consommation de janvier 2021, dans le cadre du présent dispositif, un pouvoir organisateur de l'enseignement libre subventionné, à l'exception des pouvoirs organisateurs organisant un établissement d'enseignement supérieur, doit céder ou faire céder par le propriétaire s'il ne l'est pas lui-même, sans contrepartie, le droit réel des bâtiments scolaires qui vont bénéficier du présent dispositif à une société de gestion patrimoniale, constituée sous forme d'ASBL, commune à l'ensemble des propriétaires d'écoles du même caractère soit unique pour la Communauté, soit constituée dans la Région bilingue de Bruxelles-Capitale et dans chaque province de la Région wallonne, et ce pour une durée de 30 ans minimum à dater de l'octroi de la subvention.
Chaque société de gestion patrimoniale a pour objet exclusif d'affecter les biens transférés à l'enseignement et établit son siège social dans son ressort territorial. La société de gestion patrimoniale ne peut aliéner que les bâtiments qui ont été désaffectés aux fins d'enseignement par les pouvoirs organisateurs et affecte le produit de la vente à l'entretien, à l'achat ou à la construction de biens pour l'enseignement.
Chacune de ces sociétés est soumise au contrôle d'un commissaire du Gouvernement nommé par le Gouvernement. Celui-ci a pour mission de vérifier l'affectation à un usage scolaire des bâtiments gérés par la société. Toute aliénation d'un bâtiment ayant fait l'objet d'une subvention dans le cadre du présent dispositif est soumise à son accord.
En cas de dissolution, leur patrimoine est cédé sans frais à une autre société de même caractère répondant aux conditions définies dans le présent article.
Le commissaire du Gouvernement dispose d'un droit de veto à l'encontre des décisions prises en violation des dispositions légales applicables à ces ASBL en matière d'affectation à l'enseignement des bâtiments transférés. § 2. Lorsque des dispositions légales relevant de l'autorité fédérale ou décrétales relevant de l'autorité régionale interdisent au propriétaire visé au § 1er, du présent article, de céder certains des biens visés ou soumet cette aliénation à autorisation des pouvoirs publics, et qu'en outre il s'avère impossible d'obtenir modification des dispositions légales ou décrétales susdites ou autorisation des pouvoirs publics, le Gouvernement peut, sur proposition de la société patrimoniale concernée, autoriser l'intervention du présent dispositif, moyennant conclusion d'un bail emphytéotique de la plus longue durée légalement autorisée avec la société patrimoniale ».
B.40.1. L'article 16 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».
L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.
Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».
B.40.2. L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ayant une portée analogue à celle de l'article 16 de la Constitution, les garanties qu'il contient forment un ensemble indissociable avec celles qui sont inscrites dans cette disposition constitutionnelle, de sorte que la Cour en tient compte lors de son contrôle des dispositions attaquées.
B.40.3. L'article 1er du Protocole précité offre une protection non seulement contre l'expropriation ou la privation de propriété (premier alinéa, seconde phrase), mais également contre toute ingérence dans le droit au respect des biens (premier alinéa, première phrase) et contre toute réglementation de l'usage des biens (second alinéa).
B.41.1. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
B.41.2. Les parties requérantes n'exposent pas en quoi la disposition attaquée violerait l'article 23 de la Constitution. Le deuxième moyen est irrecevable en ce qu'il est pris de la violation de cette disposition.
B.42. L'article 26 du décret attaqué oblige uniquement les pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné qui désirent obtenir une subvention supérieure à 383 805 euros indexés, à l'exception de ceux qui organisent un établissement de l'enseignement supérieur, à céder ou à faire céder le droit réel portant sur le bâtiment scolaire pour lequel la subvention est sollicitée, à une société de gestion patrimoniale, constituée sous la forme d'une ASBL, commune aux propriétaires d'écoles du même réseau d'enseignement. La cession se fait sans contrepartie et est réalisée pour une durée de 30 ans minimum à partir de l'octroi de la subvention.
B.43. La disposition attaquée fait naître deux différences de traitement.
Elle crée tout d'abord une différence de traitement entre les pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné, d'une part, et les pouvoirs organisateurs des autres réseaux d'enseignement, d'autre part. Elle crée ensuite une différence de traitement entre les pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné, selon qu'ils organisent ou non un établissement d'enseignement supérieur, étant entendu que le décret attaqué ne s'applique pas à l'enseignement universitaire (article 2 du décret attaqué).
Concrètement, tandis que les pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné qui organisent un enseignement autre que supérieur doivent céder ou faire céder à une société de gestion patrimoniale, propre au réseau libre, le droit réel portant sur les bâtiments scolaires qu'ils occupent, pour obtenir une subvention supérieure à 383 805 euros indexés sur la base du décret attaqué, les pouvoirs organisateurs des autres réseaux d'enseignement, ainsi que les pouvoirs organisateurs du réseau libre qui organisent un enseignement supérieur non universitaire ne doivent pas céder le droit réel portant sur les bâtiments scolaires pour lesquels ils sollicitent une subvention supérieure à 383 805 euros indexés.
B.44. Les critères de distinction, à savoir l'appartenance du pouvoir organisateur à un réseau d'enseignement déterminé et le fait, pour le pouvoir organisateur, d'organiser ou non un enseignement supérieur sont objectifs.
B.45.1. A propos de l'article 26 du décret attaqué, les travaux préparatoires indiquent : « Pour les pouvoirs organisateurs issus du réseau libre, il est prévu que les bâtiments bénéficiant de l'intervention subventionnée par la Communauté française et dépassant un certain montant, soient versés dans une société patrimoniale d'administration des bâtiments scolaires, au sein de laquelle est désigné un commissaire du Gouvernement.
Cette mesure est proportionnée au regard du but poursuivi.
Ce mécanisme déjà existant dans le programme prioritaire de travaux, vise à offrir à la Communauté française la garantie d'une vue via les Commissaires du Gouvernement sur la gestion des bâtiments concernés et de leur maintien à une affectation scolaire. Sans ce mécanisme, la Communauté n'a aucune vue sur la gestion des bâtiments faisant l'objet de travaux qu'elle finance partiellement et ne peut s'assurer de leur bon entretien et de leur bonne utilisation.
La circonstance que l'une des conditions d'éligibilité à la subvention est d'affecter le bâtiment à l'usage scolaire pour une durée de 30 ans ne rend pas la mesure commentée disproportionnée ou inutile.
Premièrement, elle permet de contrôler le respect de la condition de subventionnement. Deuxièmement, elle permet de s'assurer de la bonne gestion et utilisation des bâtiments scolaires, qui est indépendante de la condition relative à l'affectation. Enfin, elle ne s'impose qu'aux pouvoirs organisateurs qui font le choix de bénéficier de subventions importantes et qui acceptent, partant, de se soumettre à ce régime qui n'a d'autre but que de s'assurer de la bonne gestion des bâtiments dans lesquels des investissements sont faits sur financement de la Communauté française.
Au vu des missions des Commissaires déjà existantes auprès des établissements d'enseignement supérieur, ceux-ci ne sont pas concernés par le présent mécanisme. Il s'agit de la raison pour laquelle le mécanisme s'applique aux pouvoirs organisateurs de l'enseignement obligatoire, dans lesquels aucun Commissaire n'est désigné, mais pas aux pouvoirs organisateurs d'un établissement d'enseignement supérieur.
Les établissements de l'enseignement officiel subventionné et de l'enseignement organisé par la Communauté française ne sont pas soumis à ce mécanisme. La Communauté contrôle la gestion des bâtiments dont elle est propriétaire. Les pouvoirs organisateurs de l'enseignement officiel subventionné sont quant à eux des autorités publiques, dont les décisions sont publiées et soumises au régime de la transparence administrative. Il n'est donc pas nécessaire de leur imposer le mécanisme commenté afin d'avoir une vue sur la gestion des bâtiments concernés et leur affectation scolaire » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2021-2022, n° 277/1, p. 16).
B.45.2. Il en ressort qu'en instaurant le mécanisme de cession de droits réels contesté, le législateur décrétal a poursuivi deux objectifs.
II a voulu instaurer un contrôle, d'une part, de la gestion des bâtiments scolaires du réseau libre subventionné qui ont bénéficié d'une subvention importante et, d'autre part, du maintien à une affectation scolaire des mêmes bâtiments scolaires, par l'intermédiaire des commissaires du gouvernement qui siègent au sein des sociétés patrimoniales d'administration des bâtiments scolaires du réseau d'enseignement libre subventionné auxquelles ces bâtiments scolaires sont cédés.
B.46.1. Toutefois, contrairement à ce qu'indiquent les travaux préparatoires, la mission des commissaires du gouvernement qui siègent au sein des sociétés de gestion patrimoniale du réseau d'enseignement libre subventionné est limitée au contrôle de l'affectation à un usage scolaire des bâtiments scolaires cédés à la société. En effet, l'article 26, § 1er, alinéa 3, du décret attaqué définit la mission des commissaires comme suit : « Celui-ci [lire : Le Commissaire du Gouvernement] a pour mission de vérifier l'affectation à un usage scolaire des bâtiments gérés par la société. Toute aliénation d'un bâtiment ayant fait l'objet d'une subvention dans le cadre du présent dispositif est soumise à son accord ».
Par ailleurs, en vertu de l'article 26, § 1er, alinéa 5, du même décret, le commissaire du gouvernement « dispose d'un droit de veto à l'encontre des décisions prises en violation des dispositions légales applicables à ces ASBL en matière d'affectation à l'enseignement des bâtiments transférés ».
Le contrôle exercé par les commissaires ne porte donc pas sur la gestion globale des bâtiments scolaires dont le droit réel a été transféré à des sociétés de gestion patrimoniale de l'enseignement libre subventionné.
B.46.2. Il s'ensuit que le mécanisme contesté n'est pas pertinent pour atteindre le but qui consiste à instaurer un contrôle sur toute la gestion des bâtiments scolaires.
En revanche, ce même mécanisme est pertinent pour permettre à la Communauté française de contrôler le maintien à un usage scolaire des bâtiments scolaires du réseau libre subventionné qui ont bénéficié d'une subvention supérieure à 383 805 euros indexés.
B.47.1. La Cour doit encore déterminer si, au regard de ce dernier objectif, le mécanisme contesté est proportionné.
B.47.2. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.45.1. que ni la Communauté française ni les pouvoirs organisateurs relevant de l'enseignement officiel subventionné, à savoir les communes et les provinces, ne sont soumis au mécanisme contenu dans l'article 26 du décret attaqué, étant donné que la Communauté française peut contrôler elle-même « la gestion » des bâtiments dont elle est propriétaire et que les pouvoirs organisateurs de l'enseignement officiel subventionné sont des autorités publiques soumises au régime de la publicité administrative.
B.47.3. Les décisions des communes et des provinces organisant un enseignement sur le territoire de la région de langue française de la Région wallonne ou en Région de Bruxelles-Capitale sont effectivement soumises à différentes exigences de publicité et de transparence.
Il peut être admis que cette réglementation, bien que conçue dans l'intérêt des administrés, puisse servir à la Communauté française pour accéder à toute décision d'une commune ou d'une province relative à l'affectation à un usage scolaire des bâtiments de l'enseignement officiel subventionné qui auraient bénéficié d'une subvention supérieure à 383 805 euros indexés, sur la base du décret attaqué.
B.47.4. Par ailleurs, la Communauté française peut contrôler l'affectation à un usage scolaire des bâtiments scolaires qui sont affectés à l'enseignement qu'elle organise.
B.47.5. Il est donc raisonnablement justifié que la mesure contestée ne s'applique ni à la Communauté française ni aux pouvoirs organisateurs du réseau officiel subventionné.
B.48.1. Ensuite, il ressort des travaux préparatoires cités en B.45.1 que les pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné qui organisent un enseignement supérieur autre qu'universitaire ne sont pas visés par la mesure de cession d'un droit réel contestée, parce qu'ils sont déjà soumis à un contrôle exercé par des commissaires ou délégués du Gouvernement.
B.48.2. En effet, les dispositifs de contrôle instaurés notamment par le décret de la Communauté française du 9 septembre 1996 « relatif au financement des Hautes Ecoles organisées ou subventionnées par la Communauté française » et par le décret de la Communauté française du 20 décembre 2001 « fixant les règles spécifiques à l'Enseignement supérieur artistique organisé en Ecoles supérieures des Arts (organisation, financement, encadrement, statut des personnels, droits et devoirs des étudiants) » comportent des mécanismes de contrôle pouvant être mis en oeuvre par des commissaires ou des délégués du Gouvernement sur les pouvoirs organisateurs et les autorités des hautes écoles et écoles supérieures des arts en Communauté française.
Ceux-ci exercent un contrôle de légalité sur les décisions prises par les pouvoirs organisateurs ou par les autorités de ces écoles, avec la possibilité d'introduire un recours auprès du Gouvernement de la Communauté française. Les commissaires et les délégués du Gouvernement font par ailleurs rapport au Gouvernement de la Communauté française sur le fonctionnement de chaque établissement d'enseignement supérieur.
B.48.3. Il peut être admis que le contrôle exercé par les commissaires et les délégués du Gouvernement sur les hautes écoles et les écoles supérieures des arts implique un contrôle du maintien à un usage scolaire des bâtiments scolaires concernés.
Il est donc raisonnablement justifié de ne pas appliquer le mécanisme contenu dans l'article 26 du décret attaqué aux pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné organisant un enseignement supérieur autre qu'universitaire.
B.49.1. La Cour doit encore examiner si la mesure contestée, en ce qu'elle ne s'applique qu'aux seuls pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné qui organisent un enseignement autre que supérieur, produit des effets disproportionnés pour ces pouvoirs organisateurs, eu égard à l'objectif qu'elle poursuit.
B.49.2. La disposition attaquée impose une cession de droit réel pour une durée de 30 ans minimum pour pouvoir bénéficier d'une subvention supérieure à 383 805 euros indexés, et ce quelle que soit la valeur du bâtiment dont les pouvoirs organisateurs se dessaisissent. La cession est réalisée sans contrepartie, en vertu de l'article 26, § 1er, alinéa 1er, du décret attaqué.
B.49.3.1. Au vu de ces différents éléments, la disposition attaquée constitue une ingérence d'une certaine gravité dans le droit au respect des biens des propriétaires des bâtiments scolaires pour lesquels un pouvoir organisateur de l'enseignement libre subventionné sollicite une subvention supérieure à 383 805 euros indexés.
B.49.3.2. Une telle ingérence doit réaliser un juste équilibre entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens. Il faut qu'existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi.
B.49.4. L'octroi d'une subvention à une personne privée, même si celle-ci est investie d'un service public fonctionnel, implique un contrôle de la part de l'autorité publique quant à la bonne affectation des sommes allouées.
B.49.5. La Communauté française, en tant qu'autorité publique chargée de distribuer des subventionnements européens alloués pour le volet « bâtiments scolaires » du plan belge pour la reprise et la résilience, doit pouvoir s'assurer que ces subventions servent au but d'intérêt général pour lequel elles ont été versées.
B.49.6. L'article 24, § 2, du décret attaqué dispose : « En cas de non maintien à usage scolaire durant la durée minimale de 30 ans prévue à l'article 4, 2°, du bâtiment ayant bénéficié de la subvention, le pouvoir organisateur rembourse la subvention perçue au prorata du nombre d'année restantes entre l'année de l'accord ferme de subvention et l'année du terme du délai de 30 ans ».
L'article 4, 2°, du décret attaqué dispose : « Sont éligibles dans le cadre de l'appel visé à l'article 3, les projets répondant aux conditions cumulatives suivantes : [...] 2. le bâtiment scolaire visé est la propriété du demandeur ou ce dernier dispose d'un droit réel propre ou l'a cédé à une société publique ou patrimoniale d'administration des bâtiments scolaires, lui permettant d'en disposer et est affecté à un usage scolaire au moins pour une durée de 30 ans à dater de l'octroi de l'accord ferme de financement ». Ces articles 4, 2°, et 24, § 2, du décret attaqué subordonnent l'octroi et le maintien des subventions au respect, par les pouvoirs organisateurs et par les propriétaires des bâtiments scolaires concernés, quel que soit le réseau d'enseignement auquel ils appartiennent, de la condition selon laquelle les bâtiments scolaires qui ont bénéficié de subventionnements sur la base du décret attaqué doivent être affectés à un usage scolaire pendant une durée minimale de 30 ans à dater de l'octroi de l'accord ferme de financement.
B.49.7. Afin de permettre à la Communauté française de contrôler de manière effective le respect de cette condition d'éligibilité, il n'est pas manifestement disproportionné de soumettre les pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné qui organisent un enseignement autre que supérieur au mécanisme contenu dans l'article 26 du décret attaqué.
Il y a lieu d'abord d'observer que la cession s'opère au profit d'une société de gestion patrimoniale « commune à l'ensemble des propriétaires d'écoles du même caractère ».
Un tel mécanisme est au demeurant déjà prévu dans l'article 10, § 1er, du décret de la Communauté française du 16 novembre 2007 « relatif au programme prioritaire de travaux en faveur des bâtiments scolaires de l'enseignement fondamental ordinaire et spécialisé, de l'enseignement secondaire ordinaire, spécialisé et de promotion sociale, de l'enseignement artistique à horaire réduit; des centres psycho-médico-sociaux ainsi que des internats de l'enseignement fondamental et secondaire, ordinaire et spécialisé, organisés ou subventionnés par la Communauté française ».
B.49.8. Par ailleurs, le mécanisme de cession contesté ne s'applique que lorsqu'un pouvoir organisateur du réseau libre subventionné souhaite obtenir une subvention importante, c'est-à -dire une subvention supérieure à 383 805 euros indexés.
B.49.9. En outre, contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, la décision d'un pouvoir organisateur du réseau libre subventionné de céder le droit réel portant sur un bâtiment scolaire à une société de gestion patrimoniale en application de la disposition attaquée ne peut pas faire l'objet d'un droit de veto de la Communauté française, dès lors que ce pouvoir organisateur a contracté un emprunt garanti par le Fonds de garantie des bâtiments scolaires visé au chapitre IV du décret de la Communauté française du 5 février 1990 « relatif aux bâtiments scolaires de l'enseignement non universitaire organisé ou subventionné par la Communauté française ». En juger autrement reviendrait à supposer que la Communauté française commet un abus de pouvoir.
B.49.10. La disposition attaquée doit être interprétée en ce sens que le droit réel cédé doit revenir au titulaire du droit réel initial, à l'expiration du délai prévu par le décret, sauf convention contraire conclue à ce moment-là .
B.49.11. Enfin, contrairement à ce qu'indiquent les parties requérantes, les pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné qui ne sont pas propriétaires des bâtiments scolaires qu'ils occupent ne sont pas privés de la possibilité d'obtenir, sur la base du décret attaqué, des subventions supérieures à 383 805 euros indexés. En effet, le mécanisme de cession contesté n'empêche pas les propriétaires de ces bâtiments de céder le droit réel portant sur ces immeubles à une société de gestion patrimoniale pour que le pouvoir organisateur qui les occupe puisse solliciter une subvention supérieure à 383 805 euros indexés.
Cette opération peut certes impliquer une nouvelle organisation ou une nouvelle construction juridique en vue de la gestion des bâtiments scolaires mis à la disposition de certains pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné, par exemple la liquidation des associations dont le seul but statutaire est de détenir des bâtiments scolaires pour les mettre à la disposition de pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné. Elle n'empêche toutefois pas les pouvoirs organisateurs de dispenser librement leur enseignement, ni de bénéficier des subventions européennes allouées sur la base du décret.
B.49.12. En conséquence, la mesure contenue dans l'article 26 du décret attaqué n'est pas disproportionnée à l'objectif poursuivi.
B.50. Le deuxième moyen n'est pas fondé.
En ce qui concerne le troisième moyen B.51. Les parties requérantes prennent un troisième moyen de la violation des articles 10, 11 et 24 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 12 et 22 du règlement (UE) 2021/241, en ce que les articles 3 et 30 du décret attaqué obligent les pouvoirs organisateurs à déposer leur demande de subvention, qui doit comprendre toutes les informations énoncées dans le décret, pour le 31 décembre 2021 au plus tard, sous peine d'irrecevabilité.
B.52.1. Le Gouvernement de la Communauté française excipe de l'irrecevabilité du moyen en ce que la date butoir du 31 décembre 2021 n'est pas indiquée dans le décret attaqué, mais résulte de la publication, le 1er octobre 2021, de la circulaire du Gouvernement de la Communauté française n° 8291 précitée.
B.52.2. Si la date du 31 décembre 2021 n'est effectivement pas inscrite dans le décret attaqué mais dans la circulaire, le principe selon lequel le délai dans lequel les dossiers de candidatures complets doivent être déposés auprès de la Communauté française est de trois mois à dater de l'envoi de la circulaire, se trouve inscrit à l'article 3, § 1er, dernier alinéa, du décret attaqué.
Par ailleurs, le décret attaqué, qui date du 30 septembre 2021, n'a été publié que le 21 octobre 2021 au Moniteur belge, bien qu'il déploie ses effets avec effet rétroactif depuis le 1er octobre 2021 en vertu de l'article 30 du décret attaqué. La circulaire, quant à elle, date du 1er octobre 2021, date qui marque le point de départ du délai de trois mois contesté.
Les parties requérantes ont donc pu comprendre dès le 1er octobre 2021 qu'elles avaient jusqu'au 31 décembre 2021 pour déposer un dossier de candidature complet.
B.52.3. Contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement de la Communauté française, les parties requérantes critiquent bel et bien le délai réduit qui leur a été imparti pour déposer un dossier de candidature complet, en vertu de l'article 3, combiné à l'article 30 du décret attaqué. Elles estiment que ce délai est discriminatoire pour les pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné.
En conséquence, le moyen est recevable.
B.52.4. L'exception est rejetée.
B.53. Le délai de trois mois pour déposer un dossier de candidature complet a été identique pour tous les pouvoirs organisateurs des trois réseaux d'enseignement.
B.54.1. Les contraintes temporelles imposées au niveau européen par le règlement (UE) 2021/241 et par la décision d'exécution du Conseil de l'Union européenne n° 10161/21, justifient suffisamment que le délai ait été fixé à trois mois.
B.54.2. Ensuite, à supposer même que l'administration de la Communauté française, en ce qu'elle est l'auteure de la circulaire n° 8291, ait pu préparer les dossiers de candidature pour les bâtiments scolaires de la Communauté française avant le 1er octobre 2021, le délai de trois mois, bien que court, a néanmoins pu permettre aux pouvoirs organisateurs de tous les réseaux d'enseignement de déposer un dossier de candidature complet.
Le fait que la plupart des parties requérantes aient été en mesure d'introduire un dossier de candidature démontre qu'il n'a pas été impossible ou exagérément difficile d'introduire un dossier dans les délais.
B.54.3. Par conséquent, l'identité de traitement est objectivement et raisonnablement justifiée.
B.55. Le troisième moyen n'est pas fondé.
Par ces motifs, la Cour - annule les articles 5 et 19 du décret de la Communauté française du 30 septembre 2021 « relatif au plan d'investissement dans les bâtiments scolaires établi dans le cadre du plan de reprise et résilience européen »; - sous réserve des interprétations mentionnées en B.49.9 et B.49.10, rejette le recours pour le surplus.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 mai 2022.
Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux P. Nihoul