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Arrêt
publié le 12 juillet 2022

Extrait de l'arrêt n° 185/2021 du 16 décembre 2021 Numéro du rôle : 7508 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 35 du décret de la Région flamande relatif à l'aménagement du territoire, coordonné le 22 octobre 1996, posée p La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges J.-P. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 185/2021 du 16 décembre 2021 Numéro du rôle : 7508 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 35 du décret de la Région flamande relatif à l'aménagement du territoire, coordonné le 22 octobre 1996, posée par le Tribunal de première instance d'Anvers, division Malines.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges J.-P. Moerman, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques et Y. Kherbache, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 19 octobre 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 27 janvier 2021, le Tribunal de première instance d'Anvers, division de Malines, a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 35 du décret de la Région flamande du 22 octobre 1996 relatif à l'aménagement du territoire viole-t-il l'article 16 de la Constitution et l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, lus en combinaison avec le principe d'égalité et de non-discrimination consacré par les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que le mode de calcul forfaitaire ne tient pas compte du cas mentionné dans le considérant B.12.3 de l'arrêt de la Cour constitutionnelle n° 66/2018 du 7 juin 2018, à savoir le cas dans lequel les propriétaires ont payé, pour les parcelles concernées, des droits de succession qui ne sont pas pris en compte dans l'indemnité relative aux dommages résultant de la planification spatiale, dès lors que la limitation considérable de l'indemnité n'en tient pas compte ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. L'article 35 du décret de la Région flamande relatif à l'aménagement du territoire, coordonné le 22 octobre 1996 (ci-après : le décret coordonné) règle l'indemnité qui est due lorsqu'une interdiction de bâtir ou de lotir résultant d'un plan définitif met fin à l'usage auquel un bien était initialement affecté ou normalement destiné, et dispose : « Il y a lieu à indemnité à charge, suivant le cas, de la Région flamande, de l'association intercommunale ou de la commune, lorsque l'interdiction de bâtir ou de lotir résultant d'un plan revêtu de la force obligatoire met fin à l'usage auquel un bien est affecté ou normalement destiné au jour précédant l'entrée en vigueur.

La diminution de valeur, qui est prise en considération pour l'indemnisation doit être estimée en tant que la différence entre, d'une part, la valeur du bien au moment de l'acquisition, actualisée jusqu'au jour où naît le droit à l'indemnité, majorée des charges et des frais avant l'entrée en vigueur du plan, et, d'autre part, la valeur du bien au moment où naît le droit à l'indemnisation après l'entrée en vigueur du plan. Seule la diminution de valeur résultant du plan peut être prise en considération pour l'indemnisation. La valeur du bien au moment de l'acquisition est réputée correspondre au montant ayant servi d'assise pour la perception des droits d'enregistrement ou de succession sur la pleine propriété du bien, ou, à défaut de la perception précitée, à la valeur marchande du bien en pleine propriété, au jour de l'acquisition. La valeur du bien au moment où naît le droit à l'indemnisation est réputée correspondre : 1° en cas de mutation du bien, au montant ayant servi d'assise pour la perception des droits d'enregistrement ou de succession sur la pleine propriété du bien, ou, à défaut de la perception précitée, à la valeur marchande du bien en pleine propriété au jour de l'acquisition, le montant minimum étant égal à la valeur convenue;2° en cas de refus du permis de bâtir ou de lotir ou de délivrance d'un certificat d'urbanisme négatif, à la valeur marchande à cette date. La valeur du bien au moment de l'acquisition est actualisée en la multipliant par l'indice des prix à la consommation du mois civil précédant celui au cours duquel l'indemnité est fixée et en divisant le résultat ainsi obtenu par l'indice des prix à la consommation moyen de l'année d'acquisition du bien par l'ayant droit de l'indemnité, réduit, le cas échéant, sur la même base que l'indice précité.

Ensuite, la valeur actualisée est augmentée des frais d'acquisition et des dépenses faites par l'ayant droit de l'indemnité en vue de donner au bien l'affectation qu'il avait au jour précédant l'entrée en vigueur du plan visé par l'alinéa 1 du présent article.

Le droit à l'indemnisation naît soit au moment de la mutation du bien, soit lors du refus d'un permis de bâtir ou de lotir ou bien soit lors de la délivrance d'un certificat d'urbanisme négatif.

Toutefois, la diminution de la valeur du bien résultant de l'interdiction de bâtir ou de lotir doit être subie sans indemnité jusqu'à concurrence de vingt pour cent de cette valeur.

L'indemnité est réduite ou refusée si et dans la mesure où il est établi que le demandeur est propriétaire dans la même région d'autres biens qui tirent avantage de la mise en vigueur d'un plan d'aménagement ou des travaux exécutés aux frais des pouvoirs publics.

Il peut être satisfait à l'obligation d'indemnisation par un arrêté du Gouvernement flamand motivé qui, conformément à l'article 41, détermine de revoir ledit plan d'aménagement dans le but de rendre au bien l'affectation qu'il avait au jour précédant l'entrée en vigueur du plan.

Lorsqu'en vertu d'un plan revêtu de la force obligatoire, une interdiction de bâtir peut être opposée à celui qui a acquis une parcelle dans un lotissement, la Région flamande, l'association intercommunale ou la commune peut s'exonérer de son obligation d'indemniser en rachetant cette parcelle à l'intéressé moyennant remboursement du prix, des charges et des frais qu'il a payés.

Si l'intéressé n'est propriétaire que de la parcelle visée ci-dessus, il pourra exiger son rachat par la Région flamande, l'association intercommunale ou la commune, en signifiant sa volonté par lettre recommandée à envoyer dans les douze mois de la publication du plan prévu ci-dessus. Dans ce cas, cette parcelle devra lui être rachetée et payée dans les douze mois de la signification. Le Gouvernement flamand détermine les modalités d'application de cette disposition.

Aucune indemnité n'est due dans les cas suivants : 1° interdiction de bâtir ou de lotir résultant d'une prévision d'expropriation du bien;ce, sous réserve de l'application de l'article 33; 2° interdiction de couvrir une parcelle de constructions au-delà de ce qui est permis par le plan ou de dépasser dans un lotissement la densité d'occupation fixée par le plan;3° interdiction de continuer l'exploitation d'établissements dangereux, insalubres et incommodes au-delà de la période pour laquelle l'exploitation a été autorisée;4° interdiction de bâtir sur un terrain ne possédant pas les dimensions minimums fixées par le plan d'aménagement;5° interdiction de lotir un terrain n'ayant pas d'accès à une voie suffisamment équipée compte tenu de la situation des lieux, ou d'y bâtir;6° interdiction de bâtir ou de lotir en dehors des agglomérations en raison des nécessités impérieuses résultant de la sécurité de la circulation;7° interdiction de lotir un terrain pour lequel un permis de lotir précédemment accordé était périmé à la date de l'entrée en vigueur du plan entraînant cette interdiction;8° pour les bâtiments ou installations fixes détruits par une calamité naturelle, lorsque l'interdiction de leur reconstruction résulte de l'arrêté royal pris en exécution de l'article 12, § 3, premier alinéa, de la loi du 12 juillet 1976 relative à la réparation de certains dommages causés à des biens privés par des calamités naturelles ». B.1.2. Le décret coordonné, en ce compris l'article 35 précité, a été abrogé, avec effet au 1er septembre 2009, par l'article 104 du décret du 27 mars 2009 « adaptant et complétant la politique d'aménagement du territoire, des autorisations et du maintien ».

L'indemnité accordée pour des dommages résultant de la planification spatiale est désormais réglée de manière semblable par les articles 2.6.1 à 2.6.3 du Code flamand de l'aménagement du territoire.

Cependant, en vertu de l'article 7.4.11, alinéa 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire, les demandes de paiement d'indemnités pour des dommages résultant de la planification spatiale qui ont été formulées sur la base de plans d'aménagement antérieurs doivent toujours être réglées conformément aux dispositions du décret coordonné.

B.2. La Cour est interrogée sur la compatibilité de l'article 35 du décret coordonné avec les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, « en ce que le mode de calcul forfaitaire ne tient pas compte du cas mentionné dans le considérant B.12.3 de l'arrêt de la Cour constitutionnelle n° 66/2018 du 7 juin 2018, à savoir le cas dans lequel les propriétaires ont payé, pour les parcelles concernées, des droits de succession qui ne sont pas pris en compte dans l'indemnité relative aux dommages résultant de la planification spatiale, dès lors que la limitation considérable de l'indemnité n'en tient pas compte ».

B.3.1. L'arrêt n° 66/2018 du 7 juin 2018 mentionné dans la question préjudicielle a été rendu à la suite d'une question préjudicielle posée par le même juge que le juge qui pose la question préjudicielle présentement examinée, et ce, dans le cadre de la même affaire pendante devant ce juge.

B.3.2. Par l'arrêt n° 66/2018, la Cour a jugé : « B.7.1. L'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dispose : ' Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.

Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes '.

B.7.2. L'article 1 du Premier Protocole additionnel offre une protection non seulement contre l'expropriation ou la privation de propriété (alinéa 1er, seconde phrase) mais également contre toute ingérence dans le droit au respect des biens (alinéa 1er, première phrase) et contre toute réglementation de l'usage des biens (alinéa 2).

La restriction du droit de propriété découlant d'une modification du plan ' réglemente l'usage des biens conformément à l'intérêt général ', au sens du second alinéa de l'article 1 du Premier Protocole additionnel, et relève donc de l'application de cette disposition conventionnelle, combinée avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.7.3. Toute ingérence dans le droit de propriété doit réaliser un juste équilibre entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens. Il faut qu'existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi.

B.7.4. Le seul fait que l'autorité impose des restrictions au droit de propriété dans l'intérêt général n'a pas pour conséquence qu'elle est tenue à indemnisation.

Une indemnité n'est requise que lorsque et dans la mesure où les effets de la servitude d'utilité publique excèdent la charge qui peut être imposée à un particulier dans l'intérêt général.

B.7.5. Une mesure restrictive du droit de propriété qui consiste à interdire toute construction sur des parcelles qui étaient constructibles antérieurement affecte fondamentalement le propriétaire dans son droit de propriété. Une telle mesure ne saurait généralement être imposée sans une indemnisation raisonnable de la moins-value de la parcelle (CEDH, 13 juillet 2006, Housing Association of War Disabled and Victims of War of Attica e.a. c. Grèce, § 39; 19 juillet 2011, Varfis c. Grèce, § 30; 1er octobre 2013, Hüseyin Kaplan c.

Turquie, § 46; 11 octobre 2016, Barcza e.a. c. Hongrie, § 47).

Lorsque, dans un tel cas, aucune indemnité n'est accordée, la décision doit être justifiée sur la base des particularités du cas, telles que les comportements antérieurs du propriétaire ou l'attente raisonnable qu'une telle mesure restrictive du droit de propriété soit imposée (CEDH, 13 juillet 2006, Kortessi c. Grèce, § 40; 6 octobre 2016, Malfatto et Mielle c. France, § 69).

B.7.6. C'est au législateur compétent qu'il appartient de déterminer les cas dans lesquels une limitation du droit de propriété peut donner lieu à une indemnité et les conditions auxquelles cette indemnité peut être octroyée, sous réserve du contrôle exercé par la Cour quant au caractère raisonnable et proportionné de la mesure prise. Le législateur décrétal dispose d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'il arrête sa politique en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire.

Les plans d'exécution spatiaux et les plans d'aménagement peuvent à tout moment être remplacés, en tout ou en partie (article 2.2.2, § 2, alinéa 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire et article 2, § 1er, alinéa 3, du décret coordonné), de sorte que les justiciables ne peuvent pas légitimement tabler sur le maintien sans modification, dans le futur, des prescriptions urbanistiques qu'ils contiennent (voir, entre autres, CE, 17 mars 2010, n° 202.011).

B.8. L'indemnité accordée pour des dommages résultant de la planification spatiale est calculée, selon l'article 35 du décret coordonné, comme étant la différence entre ' d'une part, la valeur du bien au moment de l'acquisition, actualisée jusqu'au jour où naît le droit à l'indemnité, majorée des charges et des frais avant l'entrée en vigueur du plan et, d'autre part, la valeur du bien au moment où naît le droit à l'indemnisation après l'entrée en vigueur du plan '.

Comme valeur du bien au moment de l'acquisition, il faut prendre en compte ' le montant ayant servi d'assise pour la perception des droits d'enregistrement ou de succession sur la pleine propriété du bien, ou, à défaut de la perception précitée, [...] la valeur marchande du bien en pleine propriété, au jour de l'acquisition ' (article 35, alinéa 2, du décret coordonné).

On actualise cette valeur d'acquisition ' en la multipliant par l'indice des prix à la consommation du mois civil précédant celui au cours duquel l'indemnité est fixée et en divisant le résultat ainsi obtenu par l'indice des prix à la consommation moyen de l'année d'acquisition du bien par l'ayant droit de l'indemnité, réduit, le cas échéant, sur la même base que l'indice précité ' (article 35, alinéa 3, du décret coordonné). La valeur ainsi obtenue est ensuite encore majorée ' des frais d'acquisition et des dépenses faites par l'ayant droit de l'indemnité en vue de donner au bien l'affectation qu'il avait au jour précédant l'entrée en vigueur du plan ' (article 35, alinéa 3, du décret coordonné).

La valeur du bien au moment où naît le droit à l'indemnisation est réputée correspondre : ' 1° en cas de mutation du bien, au montant ayant servi d'assise pour la perception des droits d'enregistrement ou de succession sur la pleine propriété du bien, ou, à défaut de la perception précitée, à la valeur marchande du bien en pleine propriété au jour de l'acquisition, le montant minimum étant égal à la valeur convenue; 2° en cas de refus du permis de bâtir ou de lotir ou de délivrance d'un certificat d'urbanisme négatif, à la valeur marchande à cette date ' (article 35, alinéa 2, du décret coordonné). Le propriétaire reçoit pour réparation des dommages résultant de la planification spatiale 80 % de la différence ainsi obtenue entre la valeur d'acquisition et la valeur au moment où naît le droit à l'indemnisation. La diminution de valeur doit en effet être subie sans indemnité jusqu'à concurrence de 20 % (article 35, alinéa 5, du décret coordonné). Par son arrêt n° 140/2016 du 10 novembre 2016, la Cour a jugé que le régime similaire contenu dans l'article 2.6.2, § 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire est compatible avec les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

B.9. Selon les travaux préparatoires du décret du 19 décembre 1998 ' contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1999 ', le calcul des dommages résultant de la planification spatiale ' selon les titres d'acquisition s'inscrit [...] entièrement dans la philosophie de l'indemnité pour les dommages résultant du plan, qui constitue une indemnité forfaitaire ' (Doc. parl., Parlement flamand, 1998-1999, n° 1214-1, p. 13).

Les travaux préparatoires mentionnent en outre : ' La réglementation prévue par l'arrêté royal du 24 octobre 1978 n'a pas pour objectif d'indemniser intégralement les dommages résultant de la planification spatiale mais bien de calculer, dans les limites définies par les articles 35 et 36 du décret relatif à l'aménagement du territoire, l'indemnité que le législateur souhaite octroyer du fait de la limitation du droit de propriété résultant de la servitude d'utilité publique qui grève ce droit en faveur de la collectivité.

Une telle indemnité exceptionnelle peut ainsi être forfaitaire et limitée sans aller à l'encontre d'aucune prescription légale ou constitutionnelle. [...] Le fait que l'indemnité pour les dommages résultant de la planification spatiale soit une indemnité forfaitaire se justifie déjà en ce qu'il s'agit d'une exception au principe selon lequel les servitudes d'utilité publique ne donnent pas lieu à dédommagement pour le justiciable. Par conséquent, on peut dire que la modification décrétale envisagée actuellement est efficace, objective, sérieuse, adéquate et proportionnée au but fixé ' (ibid., p. 14).

B.10.1. En vertu de la disposition en cause, le juge doit arrêter la valeur d'acquisition des parcelles concernées à partir du montant ayant servi de base à la perception des droits d'enregistrement ou de succession sur la pleine propriété du bien. Ce n'est qu'en l'absence d'une telle perception que le juge a la possibilité de tenir compte de la valeur vénale réelle du bien en pleine propriété au jour de l'acquisition.

La disposition en cause a donc pour effet que, notamment dans les cas où le bien appartient à un même propriétaire depuis plusieurs années, la plus-value réelle du bien avant l'entrée en vigueur du plan d'aménagement obligatoire n'est bien souvent pas prise en compte.

L'actualisation de la valeur d'acquisition initiale sur la base de l'indexation des prix à la consommation ne reflète en effet pas la plus-value réelle que le bien a acquise entre-temps.

Etant donné que la valeur du bien est arrêtée à deux moments distincts, les valeurs obtenues peuvent donc être considérablement différentes à mesure que ces moments s'éloignent dans le temps.

B.10.2. Le mode de calcul précité de la valeur d'acquisition du bien lésé par des dommages résultant de la planification spatiale fait donc naître de grandes différences entre les propriétaires en ce qui concerne le montant versé pour l'indemnisation de dommages résultant de la planification spatiale. Certains propriétaires recevront donc une part substantielle de la moins-value réelle, tandis que d'autres propriétaires ne recevront qu'un montant symbolique, voire ne se verront pas accorder la moindre indemnité pour des dommages résultant de la planification spatiale. Pourtant, ces propriétaires peuvent se trouver dans des situations comparables, étant donné qu'il peut s'agir de parcelles de même superficie et qu'ils pouvaient avoir des projets similaires par rapport à ces parcelles.

B.11. Il ressort de la genèse de l'indemnité accordée pour des dommages résultant de la planification spatiale que le législateur et, après lui, le législateur décrétal n'ont pas voulu tenir compte de l'évolution des prix sur le marché de l'immobilier et n'ont pas voulu, pour cette raison, autoriser le juge à fixer la valeur réelle du bien à partir de points de comparaison.

Le régime prévu initialement dans la loi organique de l'urbanisme visait à ce que ' le droit à indemnité [soit] en tout cas limité au cas de dommage certain, actuel et objectivement déterminable ' (Doc. parl., Sénat, 1959-1960, n° 275, p. 57).

Dans les travaux préparatoires des modifications législatives qui ont succédé à cette réglementation, il a été souligné que ' le législateur [...] a formellement exclu de l'indemnisation le manque à gagner ' (Doc. parl., Sénat, 1968-1969, n° 559, p. 24), étant donné que la réglementation ne vise pas à contribuer à ' réaliser des plus-values de nature occasionnelle ou spéculative ' (Doc. parl., Chambre, 1977-1978, n° 113/1, p. 55). L'indemnité pour les dommages résultant de la planification spatiale doit pour cette raison être calculée sur la base de ' la moins-value effective du bien ' (Doc. parl., Sénat, 1977-1978, n° 181-2, p. 97).

Il ressort des travaux préparatoires du décret du 19 décembre 1998 que le législateur décrétal a expressément rejeté l'option visant à ' fixer les valeurs d'acquisition sur la base de points de comparaison '. Le calcul, pour les dommages résultant du plan, de l'indemnité selon les titres d'acquisition ' s'inscrit d'ailleurs entièrement dans la philosophie de l'indemnité pour les dommages résultant du plan, qui constitue une indemnité forfaitaire ' (Doc. parl., Parlement flamand, 1998-1999, n° 1214/1, pp. 13-14).

B.12.1. La Cour doit encore examiner si le mode de calcul de l'indemnité pour les dommages résultant de la planification spatiale n'a pas de conséquences manifestement déraisonnables pour les propriétaires concernés.

B.12.2. En instaurant l'indemnité pour les dommages résultant de la planification spatiale, le législateur décrétal a choisi de faire participer la collectivité aux frais inhérents à la modification de la politique de l'aménagement du territoire et d'alléger les charges imposées dans l'intérêt général aux propriétaires concernés. En même temps, le législateur décrétal a uniquement voulu indemniser le dommage effectif et non les augmentations de prix sur le marché de l'immobilier.

B.12.3. Il n'est toutefois pas exclu que le mode de calcul décrétal porte dans certains cas atteinte aux droits des propriétaires concernés. Tel peut entre autres être le cas lorsque l'autorité a déjà délivré un permis et a ainsi suscité une attente légitime que la parcelle concernée pouvait être bâtie ou lotie. Tel peut également être le cas lorsque la nouvelle affectation des parcelles ne permet plus aucun aménagement et les rend quasi invendables ou si les propriétaires ont payé, pour les parcelles concernées, des droits de succession qui ne sont pas pris en compte dans l'indemnité pour les dommages résultant de la planification spatiale.

B.12.4. C'est toutefois au législateur décrétal qu'il appartient de préciser à quelles conditions il peut être dérogé au mode de calcul décrétal.

B.13. La question préjudicielle appelle une réponse négative ».

B.3.3. Sur la base des considérants précités, la Cour a dit pour droit que l'article 35 du décret coordonné ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme. Par son arrêt n° 57/2019 du 8 mai 2019, la Cour a statué dans le même sens.

B.4. Il ressort des motifs de la décision de renvoi que le juge a quo considère que l'on n'aperçoit pas clairement si la disposition en cause, en ce qu'elle ne prévoit pas de régime dérogatoire à l'indemnité relative aux dommages résultant de la planification spatiale dans le cas où le propriétaire d'une parcelle a payé des droits de succession dans le cadre de l'acquisition de cette parcelle, comporte une lacune à laquelle le juge judiciaire peut remédier en accordant aux parties concernées une indemnisation fondée sur le principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ou sur la doctrine de la quasi-expropriation.

B.5.1. Lorsque le constat d'une lacune est exprimé en des termes suffisamment précis et complets qui permettent l'application de la disposition en cause dans le respect des normes de référence sur la base desquelles la Cour exerce son contrôle, la Cour indique qu'il appartient au juge de mettre fin à la violation de ces normes.

Tel n'est pas le cas en ce qui concerne ce qui est dit en B.12.3 de l'arrêt n° 66/2018. En effet, la Cour ne pouvait pas préciser davantage le constat de lacune, dès lors qu'elle ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation équivalent à celui du législateur décrétal.

Ainsi qu'il est dit expressément en B.12.4 de l'arrêt n° 66/2018, c'est au législateur décrétal, et à lui seul, qu'il appartient de préciser à quelles conditions il peut être dérogé au mode de calcul décrétal.

B.5.2. En B.12.3 de l'arrêt n° 66/2018, la Cour a par ailleurs jugé qu'« il n'est pas exclu » que le mode de calcul décrétal porte « dans certains cas » atteinte aux droits des propriétaires concernés et que tel « peut » entre autres être le cas si les propriétaires ont payé, pour les parcelles concernées, des droits de succession qui ne sont pas pris en compte dans le calcul de l'indemnité relative aux dommages résultant de la planification spatiale. La Cour n'a dès lors pas jugé que le mode de calcul décrétal porte toujours atteinte aux droits des propriétaires concernés lorsque ceux-ci ont payé des droits de succession pour les parcelles concernées.

En renvoyant en termes généraux au cas relatif au paiement des droits de succession mentionné en B.12.3 de l'arrêt n° 66/2018, la question préjudicielle posée ne contient aucun élément que la Cour n'a pas déjà examiné par cet arrêt.

B.6. Selon l'article 28, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la juridiction qui a posé la question préjudicielle ainsi que toute autre juridiction appelée à statuer dans la même affaire sont tenues, pour la solution du litige à l'occasion duquel ont été posées les questions visées à l'article 26 de la même loi, de se conformer à l'arrêt rendu par la Cour.

B.7. Dès lors que la question préjudicielle ne contient aucun élément que la Cour n'a pas déjà examiné dans l'arrêt n° 66/2018, cette question n'appelle pas de réponse.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : La question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 16 décembre 2021.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, L. Lavrysen

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