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Arrêt
publié le 16 juin 2022

Extrait de l'arrêt n° 171/2021 du 25 novembre 2021 Numéro du rôle : 7491 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 91 juncto l'article 95 du décret de la Région flamande du 15 juillet 1997 « contenant le Code flamand du Logeme La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges J.-P. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 171/2021 du 25 novembre 2021 Numéro du rôle : 7491 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 91 juncto l'article 95 du décret de la Région flamande du 15 juillet 1997 « contenant le Code flamand du Logement », posée par le Juge de paix du premier canton de Louvain.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges J.-P. Moerman, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne et D. Pieters, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 22 décembre 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 4 janvier 2021, le Juge de paix du premier canton de Louvain a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 91, juncto l'article 95, du Code flamand du logement viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que l'enfant majeur du locataire de référence qui cohabite de fait depuis au moins un an avec le locataire de référence et qui satisfait aux conditions visées à l'article 93, § 1er, du Code flamand du logement ne devient pas locataire de plein droit, alors que tel est le cas après un an pour le partenaire qui cohabite de fait avec le locataire de référence et qui satisfait aux conditions visées à l'article 93, § 1er, du Code flamand du logement ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. Les questions préjudicielles portent sur les articles 91 et 95 du Code flamand du logement, qui ont tous deux été modifiés à de nombreuses reprises. Le juge a quo n'a toutefois pas précisé quelle version de ces dispositions s'applique dans le litige ayant donné lieu à la question préjudicielle.

Etant donné que, dans le litige devant le juge a quo, la définition de la notion de « locataire » est centrale, il est toutefois possible de considérer que le juge a quo vise la version des dispositions en cause qui était applicable au moment où il a prononcé le jugement de renvoi.

La notion de « locataire » n'est en effet définie dans l'article 91 du Code flamand du logement que depuis l'entrée en vigueur, le 18 mai 2019, du décret de la Région flamande du 29 mars 2019 « modifiant diverses dispositions relatives à la politique du logement » (ci-après : le décret du 29 mars 2019).

B.1.2. Avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2021, de l'arrêté du Gouvernement flamand du 17 juillet 2020 « codifiant les décrets relatifs à la politique flamande du logement » (ci-après : l'arrêté du Gouvernement flamand du 17 juillet 2020), l'article 91 du Code flamand du logement disposait : « § 1er. Aux fins du présent titre et des arrêtés pris en exécution de celui-ci, on entend par : 1° locataire : a) la personne qui s'était déclarée locataire de référence avant l'attribution;b) la personne qui est mariée au locataire de référence et qui habite dans le logement locatif social ou qui cohabite légalement avec le locataire de référence;c) le partenaire de fait du locataire de référence au début du contrat de location, qui habite dans le logement locatif social ou qui est emménagé dans le logement locatif social après le début du contrat de location et qui devient de plein droit locataire conformément à l'article 95, § 1er, alinéa 4;2° occupation rationnelle : l'occupation adéquate d'un logement, compte tenu du nombre de personnes qui occupent ou occuperont le logement locatif social de manière durable et de leur état physique;3° la structure d'aide sociale ou de santé : une structure active dans le cadre des matières relevant du domaine politique du Bien-Etre, de la Santé publique et de la Famille.Un CPAS est assimilé à une structure d'aide sociale ou de santé.

Les dispositions du présent titre s'appliquent aux habitations sociales de location, à l'exception des habitations qui : 1° qui sont mises à la disposition comme appartements-services dans le cadre de la Politique flamande du Bien-Etre;2° sont financées par des moyens de Vlabinvest apb ou ont été financées par des moyens de l'' Investeringsfonds voor Grond- en Woonbeleid voor Vlaams-Brabant ' (Fonds d'investissement pour la Politique terrienne et du logement du Brabant flamand), visé à l'article 16 du décret du 25 juin 1992 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1992;3° qui sont louées, aux conditions arrêtées par le Gouvernement flamand, aux administrations publiques, aux structures d'aide sociale ou de santé ou aux organisations agréées à cet effet par le Gouvernement flamand;4° qui sont louées aux ou mises à la disposition des catégories de personnes fixées par le Gouvernement flamand. § 2. Le Gouvernement flamand détermine les conditions de location des habitations sociales de location, dans le respect des dispositions de ce titre. Le Gouvernement flamand peut fixer des conditions spécifiques pour les habitations louées par : 1° la VMSW et les sociétés de logement social;2° le VWF, après avis du VWF;3° les communes et les accords de coopération intercommunaux, après avis de l'Association des Villes et Communes flamandes;4° les CPAS et les associations d'aide sociale, après avis de l'Association des Villes et Communes flamandes;5° les agences de location sociale. § 3. Pour ce qui concerne les aspects qui ne sont pas réglés dans ce titre ou dans les arrêtés pris en exécution de celui-ci, les dispositions du livre III, titre VIII, chapitre II, section I, du Code civil et du Décret flamand sur la location d'habitations sont d'application ».

Depuis l'entrée en vigueur de la codification précitée, la notion de « locataire » est définie dans les mêmes termes dans l'article 6.1 du Code flamand du logement de 2021.

B.1.3. Avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du Gouvernement flamand du 17 juillet 2020, l'article 95 du Code flamand du Logement disposait : « § 1er. Le candidat-locataire ne peut être admis à un logement locatif social [que] s'il répond aux conditions visées à l'article 93, § 1er.

Par dérogation à l'alinéa 1er, les candidats-locataires ne doivent pas répondre aux conditions d'admission s'ils sont déjà locataires d'un autre logement locatif social du même bailleur au moment de l'attribution ou, en cas de relocalisation forcée pour rénovation, adaptation, démolition ou vente, d'un autre bailleur.

Lorsqu'une personne se marie ou est mariée avec un locataire de référence et lorsqu'elle veut cohabiter avec le locataire de référence dans le logement locatif social après le début du contrat de location, cela ne peut se faire que si elle satisfait aux conditions, visées à l'alinéa 1er, avec le locataire de référence, et si la cohabitation n'aboutit pas à une habitation inadaptée. Si ces conditions sont remplies, le conjoint devient de plein droit locataire. Il en va de même pour une personne qui cohabite légalement avec un locataire de référence après le début du contrat de location.

Le partenaire de fait du locataire de référence qui est venu vivre dans le logement locatif social après le début du contrat de location ne peut continuer occuper le logement après avoir vécu avec le locataire de référence pendant un an que si, avec le locataire de référence, il remplit les conditions visées à l'alinéa 1er. Si ces conditions sont remplies, le partenaire de fait devient de plein droit locataire.

Les logements locatifs sociaux sont attribués par l'organe de décision du bailleur ou par la ou les personnes qu'il désigne à cet effet, en tenant compte : 1° du choix du candidat-locataire d'un logement locatif social en ce qui concerne le type, l'implantation, le loyer et les charges locatives fixes du logement;2° l'occupation rationnelle : 3° les règles de priorité et d'attribution arrêtées par le Gouvernement flamand, en tenant compte des objectifs particuliers de la politique du logement visés à l'article 4, § 2;4° le cas échéant, le règlement d'attribution établi par la commune ou le partenariat intercommunal aux conditions fixées par le Gouvernement flamand. La préférence du candidat locataire, visée à l'alinéa 5, 1°, ne peut conduire à un choix trop restreint, sauf si le candidat locataire invoque à cet effet des raisons fondées qui ne portent pas atteinte à sa nécessité de logement.

Le Gouvernement flamand arrête les modalités de l'exécution de l'alinéa 5 et prête lors de la définition des priorités et règles en matière de l'attribution de logement locatifs sociaux une attention supplémentaire aux candidats-locataires appartenant aux familles les plus défavorisées ou aux personnes isolées et aux habitants d'un logement locatif social qui souhaitent ou doivent déménager vers une habitation adaptée.

Le Gouvernement flamand établit une procédure de recours pour le candidat locataire qui estime qu'il est lésé par une décision du bailleur. Cette procédure fixe le délai et la forme de l'introduction d'une objection par un candidat-locataire, la possibilité d'être entendu ainsi que le mode de traitement de l'objection. § 2. Lors de l'établissement du règlement d'attribution visé au paragraphe 1er, alinéa 5, 4°, la commune ou le partenariat intercommunal associe par le biais de la concertation locale de logement visée à l'article 28, § 2, alinéa 2, les bailleurs et les acteurs locaux de logement et d'aide sociale pertinents.

La commune ou le partenariat intercommunal transmet le règlement d'attribution et le dossier administratif au Gouvernement flamand par envoi sécurisé.

Le Gouvernement flamand dispose d'un délai de quarante-cinq jours calendrier, qui suit la date de notification du règlement d'attribution et du dossier administratif, pour annuler tout ou partie du règlement d'attribution s'il estime que le règlement d'attribution est contraire aux lois, décrets et arrêtés d'exécution de celui-ci ou à l'intérêt général. Si le règlement d'attribution est transmis par lettre recommandée, le délai commence à courir à compter du troisième jour ouvrable suivant la date de délivrance du règlement d'attribution à la poste.

Le Gouvernement flamand peut prolonger le délai, visé à l'alinéa 3, une fois de quinze jours calendrier. Elle en informe la commune ou le partenariat intercommunal avant l'expiration du délai initial.

Pour le calcul du délai, visé aux alinéas 3 et 4, l'échéance est comprise dans le délai. Si la date d'échéance est un samedi, un dimanche, un jour férié légal ou décrétal, elle est reportée au premier jour ouvrable suivant.

Le Gouvernement flamand transmet la décision d'annulation par envoi sécurisé à la commune ou au partenariat intercommunal.

Le règlement d'attribution peut entrer en vigueur au plus tôt après l'expiration du délai, visé à l'alinéa 3, ou du délai prolongé, visé à l'alinéa 4.

La commune ou le partenariat intercommunal transmet une copie du règlement d'attribution au contrôleur et aux bailleurs qui l'appliqueront après que le délai, visé à l'alinéa 3 ou 4, ait expiré et qu'aucune annulation n'a été prononcée. § 3. Un bailleur peut subordonner une attribution à une convention d'accompagnement entre le locataire et une structure d'aide sociale ou de santé dans les cas déterminés par le Gouvernement flamand s'il l'estime nécessaire, en concertation avec la structure d'aide sociale ou de santé sur la base de données à caractère personnel, fournie par la structure d'aide sociale ou de santé. Les données à caractère personnel concernent les caractéristiques comportementales du candidat locataire qui laissent présumer que le soutien ou l'accompagnement est nécessaire pour que le logement soit couronné de succès. Le contrat d'accompagnement a pour objet d'accompagner le locataire vers la résidence autonome. L'accompagnement se concentre au minimum sur les aspects liés au maintien du logement, tels que le soutien et l'entraînement et l'apprentissage éventuel des compétences en matière de logement. L'accompagnement est entre autres adapté en fonction de la nature, du moment, de la durée et de l'intensité des besoins et possibilités du locataire.

Lorsqu'un candidat locataire est locataire ou a été locataire d'un autre bailleur d'un logement locatif social il y a un an au maximum et qu'il a besoin d'un accompagnement tel que visé à l'alinéa 1er, le bailleur peut subordonner l'attribution d'un contrat d'accompagnement tel que visé à l'alinéa 1er, si les conditions suivantes sont remplies : 1° l'autre bailleur démontre les données à caractère personnel, visées à l'alinéa 1er, avec des pièces justificatives;2° le bailleur donne au candidat locataire la possibilité d'être entendu oralement ou par écrit;3° la structure d'aide sociale ou de santé estime que l'accompagnement et le soutien sont nécessaires. Les pièces justificatives des données à caractère personnel qui ont donné lieu à la conclusion d'un contrat d'accompagnement sont conservées jusqu'à ce que le trajet d'accompagnement soit finalisé avec succès.

La structure d'aide sociale ou de santé avec laquelle le contrat d'accompagnement a été conclu informe le bailleur si le contrat d'accompagnement avec le locataire prend fin ».

Depuis l'entrée en vigueur de la codification précitée, le droit de reprise du bail par le partenaire de fait du locataire de référence est réglé dans les mêmes termes dans l'article 6.11 du Code flamand du logement de 2021. Le renvoi aux conditions d'admission visées à l'article 93, § 1er, du Code flamand du logement y est remplacé par un renvoi à l'article 6.8 du Code flamand du logement de 2021, dont le libellé est analogue.

B.2. Le juge a quo demande à la Cour si les dispositions en cause violent les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'elles ne qualifient pas de plein droit comme locataire l'enfant majeur du locataire de référence qui a cohabité pendant au moins un an avec le locataire de référence dans l'habitation sociale de location et qui remplit, avec lui, les conditions d'admission visées à l'article 93, § 1er, du Code flamand du logement, et en ce qu'elles n'autorisent donc pas cette personne à poursuivre le bail après le décès ou le départ du locataire de référence, alors que, dans les mêmes circonstances, elles qualifient de plein droit comme locataire le partenaire qui est le cohabitant de fait du locataire de référence, de sorte qu'il peut poursuivre le bail après le décès ou le départ du locataire de référence.

B.3.1. Par le décret du 15 décembre 2006 « modifiant le décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement », le législateur décrétal a défini pour la première fois la notion de « locataire d'une habitation sociale de location ». L'article 2, alinéa 1er, 34°, du Code flamand du logement mentionnait à l'époque quatre catégories de locataires sociaux : « a) le soussigné ou les soussignés particulier(s) lors de la demande d'un contrat de location; b) la personne qui se marie ou cohabitera après le début du contrat de location, visé au point a), avec la personne visée au point a).Les personnes mentionnées sous a) et b) informent immédiatement le bailleur de l'habitation de location sociale de leur état civil; c) le partenaire qui, aux conditions à arrêter par le Gouvernement flamand, cohabite de fait avec la personne mentionnée sous a), à condition que la personne mentionnée sous a) et le bailleur consentent à cosigner le contrat de location;d) toute autre personne, à l'exception des enfants mineurs qui y ont leur domicile principal, et qui, à condition que la ou les personne(s) mentionnée(s) sous a) et le bailleur consentent à cosigner le contrat de location ». En vertu de l'ancien article 98, § 1er, alinéa 1er, du Code flamand du logement, seuls les locataires des catégories a), b) et c) disposaient d'un droit propre au bail, tandis que le locataire de la catégorie d) ne pouvait pas poursuivre le contrat de bail social après le décès ou le départ du locataire initial.

Etant donné que les enfants majeurs du locataire de référence relevaient de la catégorie d), le Code flamand du logement contenait déjà aussi à l'époque la différence de traitement en cause entre le partenaire de fait du locataire initial et les enfants majeurs du locataire initial. Cette différence de traitement a été justifiée comme suit dans les travaux préparatoires : « Le projet fait ainsi la clarté quant à la question de savoir qui est visé en ce qui concerne les droits et obligations. Les enfants mineurs du ' soussigné particulier ' ne sont pas considérés comme des locataires. Ils pourront cependant habiter avec leurs parents dans l'habitation sociale de location et ces derniers veilleront, par leur autorité parentale, à ce que les enfants ne compromettent pas la finalité du contrat de bail social. Dès que les enfants mineurs deviendront majeurs, ils devront aussi signer le bail et les enfants majeurs seront considérés comme les locataires visés au point d) du projet de décret. [...] Du fait que tant le ' soussigné particulier ' que le bailleur doivent donner leur consentement avant que le cohabitant de fait (visé au point c) du projet de décret) ou un tiers (visé au point d) du projet de décret) puisse (continuer à) occuper durablement les lieux, les mouvements qui s'opèrent entre les résidents font l'objet d'un contrôle accru. Le Gouvernement flamand fixe les conditions applicables au cohabitant de fait du locataire. Il s'agit d'une personne qui a déjà cohabité auparavant de manière non durable avec le ' soussigné particulier ' dans l'habitation sociale de location. Après un certain temps, ce qui est déterminé par le Gouvernement flamand, il est question d'une cohabitation de fait (durable). Dès que les conditions fixées par le Gouvernement flamand concernant la cohabitation de fait sont remplies, le cohabitant de fait peut adhérer au contrat de bail. Le cohabitant de fait devra cosigner le contrat de bail, étant donné que l'article 215, § 2, du Code civil n'intervient pas ici. Il est important que le cohabitant de fait cosigne le contrat de bail le plus rapidement possible, étant donné que cela assure la sécurité juridique notamment en ce qui concerne le séjour, ainsi que la faculté de reprendre l'habitation sociale de location lors du décès du ' soussigné particulier ' (voir infra). En plus de devoir signer le contrat de bail, le cohabitant de fait devra, lorsqu'il adhérera au contrat, satisfaire aux conditions d'admission, prévues dans l'article 95, § 1er, du Code flamand du logement. Dès que le cohabitant de fait satisfait à toutes les conditions, il est subrogé aux droits et obligations du locataire. Le cohabitant de fait pourra, par exemple, reprendre l'habitation sociale de location lors du décès du ' soussigné particulier ' (voir article 98, § 1er, du Code flamand du logement).

Cette faculté de reprise n'est pas prévue pour le locataire mentionné au point d). Cela évite ainsi de créer ' des habitations dont on hérite artificiellement ', où l'habitation est transmise, lors du décès du ' soussigné particulier ', au soi-disant tiers (par exemple, une tante, un ami, un (petit-)enfant majeur) qui vient d'emménager » (Doc. parl., Parlement flamand, 2005-2006, n° 824/1, pp. 8-9).

B.3.2. Par le décret du 31 mai 2013 « portant modification de divers décrets relatifs au logement », le législateur décrétal a modifié la définition du locataire d'une habitation sociale de location qui était visée à l'article 2, alinéa 1er, 34°, du Code flamand du logement : « a) la personne qui, lors de l'inscription pour une habitation sociale de location, s'est présentée comme locataire de référence, et la personne qui, au début du contrat de location, est mariée ou cohabite légalement avec cette personne ou qui, au début du contrat de location, est le/la partenaire de fait de cette personne; b) la personne qui, après que le contrat de location prend cours, se marie ou cohabite légalement avec la personne, visée au point a), et qui cosigne le contrat de location ou le/la partenaire de fait qui cohabite pendant une année en tant que locataire tel/telle que visé(e) au point c) avec la personne, visée au point a);c) toute autre personne que les personnes, visées aux points a) et b), à l'exception des enfants mineurs qui ont leur domicile principal dans l'habitation sociale de location, et qui cosignent le contrat de location ». Depuis cette modification, les enfants majeurs du locataire de référence relevaient de la catégorie c). Cependant, en vertu de l'article 98, § 1er, du Code flamand du logement, seuls les locataires sociaux des catégories a) et b), parmi lesquels le cohabitant de fait du locataire de référence, disposaient d'un droit propre au bail, alors que le contrat de bail social était dissous d'office si plus aucun locataire de ces catégories ne se trouvait dans l'habitation sociale de location. La même disposition garantissait néanmoins que la dissolution du bail à l'égard des locataires de catégorie c) ne prenait cours que le dernier jour du sixième mois qui suit la date à laquelle le bailleur a appris le décès ou la résiliation du dernier locataire des catégories a) et b). Pour des raisons d'équité, le bailleur pouvait prolonger ce délai jusqu'à cinq ans au maximum.

Par la modification de la notion de « locataire d'une habitation sociale de location », le législateur décrétal entendait formuler plus clairement l'objectif initial des dispositions en cause. Cette modification a été justifiée comme suit dans les travaux préparatoires : « Les catégories sont donc surtout importantes dans le cadre des conditions d'admission (article 95 du Code flamand du logement), de la ' transmission de l'habitation ' (article 98 du Code flamand du logement) et du droit d'achat décrétal du locataire occupant (article 43 du Code flamand du logement).

Les catégories actuelles de locataires d'une habitation sociale de location entraînent toutefois une inégalité de traitement des enfants de locataires d'une habitation sociale de location, lors du décès ou du départ du parent survivant. Les enfants qui sont majeurs lors de conclusion du contrat de bail sont des locataires de catégorie A et ont donc droit à l'habitation sociale de location si le parent survivant décède ou s'il quitte l'habitation sociale de location et ils peuvent acheter l'habitation sociale de location. Les enfants qui sont mineurs lors de la conclusion du contrat de bail et qui, au moment où ils deviennent majeurs, cosignent le contrat de bail en tant que locataire de catégorie D, n'ont pas ces droits. Pourtant, l'intention n'a jamais été de modifier le principe qui a toujours prévalu dans le passé, à savoir que les habitations sociales de location ne peuvent pas constituer des ' habitations dont on hérite artificiellement '. Ceci signifie que seul le locataire principal initial ainsi que son ou sa partenaire en droit ou en fait sont les derniers à pouvoir résider dans l'habitation. Il ne devrait pas être permis aux parents de transmettre l'habitation sociale de location à leurs enfants ou à des tiers. Ce principe est dicté par le souci de garantir l'égalité entre les candidats-locataires, plus précisément entre les candidats-locataires qui se trouvent sur liste d'attente et les enfants majeurs et tiers résidants qui sont venus cohabiter ultérieurement dans l'habitation sociale de location. Au décès ou au départ du locataire initial et de son partenaire en droit ou en fait, les enfants résidants et les autres tiers résidants doivent se porter candidat en leur nom propre pour obtenir une habitation sociale de location.

En modifiant les catégories de locataires, ce principe peut être restauré. Les enfants qui sont majeurs au début du contrat de bail sont classés dans la nouvelle catégorie C (qui correspond à l'actuelle catégorie D). Les locataires de catégorie C ne peuvent pas continuer à vivre dans l'habitation lorsque le dernier locataire de catégorie A et B décède ou a quitté l'habitation. La catégorie A ne comprendra désormais plus que la personne qui, lors de l'inscription en vue d'obtenir une habitation sociale de location, s'est présentée comme locataire de référence et la personne avec qui elle cohabite légalement ou est mariée ou son partenaire de fait au début du contrat de bail. Seuls les locataires de catégorie B (partenaires de fait et légaux, ainsi que les cohabitants légaux qui sont venus cohabiter dans l'habitation après le début du contrat de bail) peuvent continuer à demeurer dans l'habitation si le locataire de catégorie A décède ou quitte l'habitation (voyez également le commentaire de l'article 50 en projet).

En outre, l'actuelle catégorie B (cohabitants légaux et conjoints après le début du bail) est fusionnée avec l'actuelle catégorie C (partenaire de fait) pour former la nouvelle catégorie B. Il n'y aura donc plus de distinction entre ces deux catégories. Les cohabitants légaux et les conjoints après le début du contrat de bail devront désormais remplir eux aussi les conditions imposées aux personnes en manque de logement (voyez aussi le commentaire de l'article 48 en projet).

La protection juridique du logement familial, prévue par le droit civil (article 215 du Code civil, ci-après : CC), et le droit de la cohabitation légale (article 1475 CC) ne sont pas un obstacle pour soumettre aux conditions d'admission dans une habitation sociale de location les candidats-locataires mariés ou cohabitants légaux qui, après le début du contrat de bail, souhaitent être admis à un contrat de bail en cours. L'offre de location de logements à des conditions sociales doit en effet être qualifiée de mission de service public (= service du logement social) qui est proposée pour permettre à des personnes répondant à certaines caractéristiques et conditions d'exercer de manière effective leur droit fondamental. Relève de ces dernières conditions le respect des obligations correspondantes, qui font partie, selon une jurisprudence constante de plus d'une décennie, de l'essence du logement social. Ainsi, il convient de fournir des informations sur le revenu, d'habiter le logement de manière strictement personnelle, de fournir des informations sur toute modification de la composition du ménage. [...] [...] La disposition actuelle relative à la catégorie C prévoit que le Gouvernement flamand fixe les conditions auxquelles il faut satisfaire pour avoir, en tant que partenaire de fait, les mêmes droits que le cohabitant légal et le conjoint (après le début du bail). L'arrêté du Gouvernement flamand du 12 octobre 2007 réglementant le régime de location sociale et portant exécution du titre VII du Code flamand du Logement (ci-après : arrêté-cadre sur le logement social) prévoit qu'une personne est considérée comme partenaire de fait après un an de cohabitation avec le locataire de catégorie A. Dans la définition projetée, on a choisi de fixer cette durée dans le décret : ' le partenaire de fait qui cohabite, en tant que locataire, mentionné en c), avec la personne mentionnée sous a) pendant un an '. Les cohabitants légaux et les conjoints qui emménagent après le début du contrat de bail doivent eux aussi cosigner le bail. A ce moment, le bailleur peut communiquer également les obligations qui s'imposent au locataire social. Puisque les partenaires de fait ont déjà signé le contrat de bail en tant que locataire de la nouvelle catégorie C, ils ne doivent plus le faire s'ils deviennent, après un an, locataire de la nouvelle catégorie B » (Doc. parl., Parlement flamand, 2012-2013, n° 1848/1, pp.7-9).

B.3.3. Depuis l'entrée en vigueur, le 18 mai 2019, du décret du 29 mars 2019, la notion de « locataire d'une habitation sociale de location » n'est plus définie dans l'article 2, alinéa 1er, 34°, du Code flamand du logement. Depuis lors, c'est l'article 91, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code flamand du logement, cité en B.1.2, qui définit la notion de « locataire ».

Cette notion est limitée actuellement aux catégories de personnes qui peuvent faire valoir un droit propre au bail, à savoir le locataire de référence et son partenaire, qu'il s'agisse d'un conjoint, d'un cohabitant légal ou d'un partenaire de fait. En revanche, les autres personnes qui ont leur résidence principale dans l'habitation sociale de location, comme les enfants majeurs du locataire de référence, ne relèvent plus de la notion de « locataire ». Cette modification est justifiée comme suit dans les travaux préparatoires: « Il ressort du rapport d'enquête que la répartition actuelle en catégories de locataires est perçue comme étant très complexe. Il s'agit cependant de notions essentielles qui sont liées à la sécurité de logement (le fait de disposer ou non d'un droit propre au logement) et au caractère abordable du logement (notamment le recouvrement et le calcul du loyer). L'obligation pour les locataires de catégorie C de cosigner le contrat de bail créerait en outre la fausse illusion qu'ils disposent d'un droit propre au logement. Les bailleurs soulignent en outre que le contrôle des conditions d'inscription, d'admission et d'adhésion pour toutes les catégories de locataires entraîne d'importantes charges administratives. Il en va en particulier ainsi pour le locataire de catégorie C : bien qu'il s'agisse de personnes qui ne disposent pas d'un droit propre au logement dans l'habitation sociale de location, elles doivent adhérer au contrat de bail et satisfaire en outre aux conditions d'admission.

En plus du contrôle des conditions, les bailleurs doivent également assurer le suivi de l'obligation de signer un avenant aux contrats.

Pour répondre à ces préoccupations, la répartition en catégories de locataires est fortement simplifiée. [...] [...] Seules ces personnes ont un droit propre au logement et sont soumises aux conditions d'inscription et d'admission (flux entrant du logement social). En ce qui concerne le contrôle du plafond des revenus également dans le cadre de la prolongation éventuelle des contrats de bail temporaires, il n'est tenu compte que du revenu de ces personnes (flux sortant du logement social).

Toutes les autres personnes qui ont leur résidence principale ou leur domicile dans l'habitation sociale de location sont des ' occupants ' et ne sont pas considérées comme locataires. Etant donné que les occupants n'ont pas de droit propre au logement, ils ne sont pas soumis aux conditions d'inscription et d'admission. Leurs revenus ne sont pas pris en compte non plus dans le cadre du contrôle du plafond des revenus, effectué lors de la prolongation des contrats temporaires. Les revenus de tous les membres de la famille, à l'exception de celui des enfants pour lesquels des allocations familiales sont encore perçues, seront toutefois aussi pris en compte dans le cadre du calcul du loyer, puisqu'ils ont aussi la jouissance du bien loué.

Le ménage est défini comme étant ' plusieurs personnes habitant de manière durable dans une même habitation et y ayant leur résidence principale ' (article 2, § 1er, alinéa 1er, 8°, du Code flamand du logement). La résidence principale est définie comme étant ' l'habitation où un ménage ou un isolé réside effectivement et habituellement ' (article 2, § 1er, alinéa 1er, 10°, du Code flamand du logement). Cela signifie que les revenus des personnes qui cohabitent de manière durable sont comptabilisés également, compte tenu de l'exception précitée. Le revenu des personnes qui ne résident que temporairement n'est pas comptabilisé en raison d'une charge administrative trop importante pour le bailleur (les coûts sont disproportionnés par rapport au bénéfice qui en résulterait).

Les personnes qui résident durablement (les locataires actuels de catégorie C) ne devront plus signer le contrat de bail. Cette manière d'opérer permet aussi de ne pas susciter d'attentes non fondées à l'égard du droit propre au logement.

Dès lors que les ' résidents ' ne sont plus considérés comme des locataires, les obligations des locataires ne leur seront pas applicables. Le locataire de référence et son conjoint, son cohabitant légal ou son partenaire de fait seront responsables du paiement du loyer, ainsi que des frais et des charges. Ils seront aussi responsables des personnes qui résident chez eux, sur la base de l'article 1735 du Code civil. Cet article s'applique par l'effet supplétif du droit commun du bail par rapport à la réglementation en matière de location de logements sociaux (voyez l'article 91, § 3, du Code flamand du logement). L'obligation de connaissance linguistique s'appliquera donc désormais aussi exclusivement aux habitants qui disposent d'un droit propre au logement. La communication avec le bailleur se déroule par le biais des locataires.

L'obligation pour le locataire d'informer le bailleur des personnes qui viennent vivre avec lui après le début du contrat de bail, reste d'application. De même, l'interdiction de venir vivre dans l'habitation sociale de location si cela la rend inadaptée, reste d'application également » (Doc. parl., Parlement flamand, 2018-2019, n° 1842/1, pp.6-7).

B.3.4. En vertu de l'article 95, § 1er, du Code flamand du logement, remplacé par l'article 27 du décret du 29 mars 2019, le candidat-locataire ne peut être admis dans une habitation sociale de location que s'il remplit les conditions visées à l'article 93, § 1er, du même Code. L'article 95, § 1er, alinéa 3, du Code flamand du logement précise que la personne qui se marie ou qui est mariée avec le locataire de référence ou qui cohabite légalement avec lui ne peut emménager dans l'habitation sociale de location que si elle satisfait, avec le locataire de référence, à ces conditions d'admission et pour autant que la cohabitation ne rende pas l'habitation inadaptée.

L'article 95, § 1er, alinéa 4, du Code flamand du logement prévoit que le partenaire de fait du locataire de référence qui a emménagé dans l'habitation sociale de location après le début du contrat de bail ne peut continuer à occuper l'habitation après avoir vécu avec le locataire de référence pendant un an que si, avec le locataire de référence, il satisfait aux mêmes conditions d'admission.

L'article 95, § 1er, alinéas 3 et 4, du Code flamand du logement, dispose que les partenaires qui satisfont à ces conditions deviennent locataires de plein droit.

B.3.5. En vertu de l'article 98, § 1er, du Code flamand du logement, le contrat de bail prend fin de plein droit en cas de décès du dernier locataire, si un locataire n'occupe plus l'habitation comme résidence principale sans avoir résilié le contrat de bail ou s'il déménage dans une autre habitation sociale de location du même bailleur.

Si, dans l'habitation sociale de location, il subsiste d'autres occupants qui n'ont pas le statut de locataire, ils peuvent occuper l'habitation après la fin du contrat de bail jusqu'au dernier jour du sixième mois qui suit la date à laquelle le bailleur a appris le décès ou le départ du dernier locataire. Pour des raisons d'équité, le bailleur peut décider de prolonger ce délai jusqu'à cinq ans au maximum.

B.4.1. En ce qu'elles ne confèrent pas le statut de « locataire » aux enfants majeurs du locataire de référence et qu'elles ne confèrent qu'aux locataires le droit de poursuivre le contrat après le décès ou le départ du locataire de référence, les dispositions en cause font naître une différence de traitement entre ces enfants majeurs et le partenaire de fait du locataire de référence.

Le partenaire de fait du locataire de référence peut en effet poursuivre le bail s'il remplit deux conditions. Premièrement, il doit avoir cohabité dans les faits avec le locataire de référence dans l'habitation sociale de location pendant au moins un an. Deuxièmement, il doit satisfaire, avec le locataire de référence, aux conditions d'admission visées à l'article 93, § 1er, du Code flamand du logement, y compris aux conditions en matière de propriété immobilière et de revenus arrêtées par le Gouvernement flamand.

Les enfants majeurs du locataire de référence ne peuvent en revanche pas poursuivre le bail, qu'ils remplissent ou non, avec le locataire de référence, les conditions d'admission visées à l'article 93, § 1er, du Code flamand du logement, et qu'ils aient cohabité ou non pendant au moins un an avec le locataire de référence dans l'habitation sociale de location.

B.4.2. Selon le Gouvernement flamand, ces catégories de personnes ne sont pas comparables parce que les enfants majeurs du locataire de référence ne disposent pas du droit à la protection du logement principal de la famille, visé aux articles 215, § 2, et 1477, § 2, de l'ancien Code civil.

B.4.3. Il ne faut pas confondre différence et non-comparabilité. S'il est vrai que le droit à la protection du logement principal de la famille peut constituer un critère d'appréciation du caractère raisonnable et proportionné d'une différence de traitement entre les enfants majeurs et le partenaire du locataire de référence, il n'est pas suffisant pour conclure à la non-comparabilité de ces catégories de personnes, sous peine de priver de toute substance le contrôle exercé au regard du principe d'égalité et de non-discrimination.

B.5.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.5.2. Sans doute la Cour doit-elle, en ce qui concerne la politique du logement, respecter l'appréciation des législateurs régionaux quant à l'intérêt général, sauf si cette appréciation est manifestement déraisonnable, mais ce pouvoir d'appréciation est moins large lorsque cette politique de logement risque d'entraîner pour une catégorie déterminée de personnes la perte de leur logement, ce qui est effectivement considéré comme une des ingérences les plus extrêmes dans le droit au respect du logement (CEDH, 13 mai 2008, McCann c.

Royaume-Uni, § 50; 17 octobre 2013, Winterstein c. France, § 148).

B.6.1. Par la différence de traitement en cause, le législateur décrétal vise à établir un équilibre entre différents objectifs, droits fondamentaux et intérêts en cause.

B.6.2. En rendant impossible, pour les non-locataires qui ont leur résidence principale dans une habitation sociale de location, la poursuite du contrat de bail après le décès ou le départ du locataire de référence, le législateur décrétal défend certains principes fondamentaux de la politique du logement social, à savoir l'égalité entre les candidats-locataires et l'occupation rationnelle des habitations sociales de location. Dans un contexte de pénurie d'habitations sociales disponibles, ces principes impliquent que les habitations sociales doivent être attribuées aux personnes nécessitant le plus un logement, en tenant compte des caractéristiques de chaque logement. A cet effet, les habitations sociales de location doivent, après le départ du locataire social, être réattribuées sur la base de critères objectifs.

Ces objectifs seraient compromis si les habitations sociales de location devenaient des « habitations dont on hérite artificiellement » (Doc. parl., Parlement flamand, 2005-2006, n° 824/1, p. 9; Doc. parl., Parlement flamand, 2012-2013, n° 1848/1, p. 6), pour lesquelles le droit au bail pourrait être transmis de génération en génération.

Une telle situation aurait en effet pour conséquence que les habitations sociales ne soient pas attribuées aux personnes nécessitant le plus un logement après le décès ou le départ du locataire et qu'il ne soit pas suffisamment tenu compte de la capacité de chaque habitation sociale.

B.6.3. En prévoyant la possibilité pour le conjoint, le cohabitant légal et le partenaire de fait du locataire de référence de poursuivre le contrat de bail après le décès ou le départ de celui-ci, le législateur décrétal garantit le droit à la protection du logement principal de la famille garanti par les articles 215, § 2, et 1477, § 2, de l'ancien Code civil. Il a étendu cette protection au partenaire de fait du locataire de référence, même si celui-ci n'a emménagé chez le locataire de référence qu'après le début du contrat de location.

Ainsi, dans le contexte du logement social, il a voulu traiter sur un pied d'égalité les relations institutionnalisées et les partenariats de fait (Doc. parl., Parlement flamand, 2018-2019, n° 1842/1, p. 8).

B.7. Les dispositions en cause sont pertinentes pour atteindre l'équilibre poursuivi par le législateur décrétal. Elles limitent en effet le droit de transfert du contrat de bail au partenaire du locataire de référence afin que celui-ci puisse poursuivre dans la même habitation la vie familiale qu'il a construite avec le locataire de référence, sans étendre ce droit à une catégorie de personnes à ce point large que la mobilité des habitations sociales et l'égalité des candidats-locataires seraient compromises.

En ce qui concerne spécifiquement le partenaire de fait du locataire de référence, l'article 95, § 1er, alinéa 4, du Code flamand du logement délimite aussi le droit de transfert du contrat de bail en exigeant une relation suffisamment durable. Ce partenaire de fait doit en effet avoir cohabité pendant au moins un an avec le locataire de référence dans l'habitation sociale de location.

Les dispositions en cause sont en outre pertinentes pour éviter des « habitations dont on hérite artificiellement », étant donné que le locataire de référence et son partenaire appartiennent le plus souvent à la même génération. Après le décès ou le départ du partenaire survivant, l'habitation concernée se trouve à nouveau sur le marché du logement social, sans que personne d'autre ne dispose encore du droit de reprendre le contrat de bail.

B.8.1 Les obligations qui s'appliquent aux locataires d'une habitation sociale en vertu du Code flamand du logement, du droit des baux à loyer et du contrat-type de bail n'incombent pas aux enfants majeurs du locataire de référence, qui ne sont pas qualifiés de « locataire ».

Même s'ils établissent leur résidence principale dans l'habitation sociale de location, ils ne doivent pas signer le bail, n'assurent pas le paiement du loyer ou des frais et des charges et ne sont pas soumis à l'obligation de connaissance linguistique visée à l'article 92, § 3, 6° et 7°, du Code flamand du logement.Les locataires doivent se porter garants envers le bailleur des autres résidents de l'habitation sociale de location (Doc. parl., Parlement flamand, 2018-2019, n° 1842/1, p. 7).

Les biens et revenus des enfants majeurs du locataire de référence ne sont du reste pas pris en compte pour l'application des conditions d'admission visées à l'article 93, § 1er, du Code flamand du logement.

Pour autant que la capacité de l'habitation sociale de location le permette, ils peuvent donc y établir leur résidence principale, qu'ils aient ou non besoin d'un logement social. Etant donné que ce droit découle du droit au respect de la vie familiale qui existe entre le locataire de référence et eux, il n'est pas déraisonnable que ce droit ne puisse plus être exercé lorsque la vie familiale prend fin à la suite du décès ou du départ du locataire de référence.

B.8.2. Si les enfants majeurs du locataire de référence ne satisfont pas aux conditions de propriété immobilière et de revenus fixées en vertu de l'article 93, § 1er, alinéa 2, 2°, du Code flamand du logement, ils doivent se diriger vers le marché du logement ordinaire après le décès ou le départ du locataire de référence. Sinon, ils occuperaient une habitation sociale de location qui doit être attribuée à des personnes ayant davantage besoin d'un logement social.

Par contre, s'ils satisfont à ces conditions de propriété immobilière et de revenus, ils peuvent s'inscrire pour obtenir une habitation sociale de location, aux mêmes conditions que toutes les autres personnes majeures qui se trouvent dans la même situation. Etant donné qu'ils ne sont pas prioritaires pour l'attribution de l'habitation sociale de location dans laquelle ils avaient établi leur résidence principale, cette habitation peut être attribuée aux personnes qui ont le plus besoin d'un logement, en tenant compte des règles objectives d'attribution, telles que les listes d'attente, les besoins spécifiques d'autres candidats et les caractéristiques du logement concerné.

B.8.3. Enfin, l'article 98, § 1er, alinéa 2, du Code flamand du logement garantit que les enfants majeurs du locataire de référence ne soient pas expulsés du logement concerné dans un délai déraisonnablement court. Cette disposition leur permet en effet de résider dans l'habitation sociale de location jusqu'au dernier jour du sixième mois qui suit la date à laquelle le bailleur a appris le décès ou le départ du dernier locataire. Pour des raisons d'équité, le bailleur peut même prolonger ce délai jusqu'à cinq ans. Cette période transitoire leur permet d'acquérir une habitation sur le marché privé ou d'accéder à leur propre habitation sociale de location en s'inscrivant sur la liste d'attente.

B.9. Eu égard à ce qui précède, les articles 91 et 95 du Code flamand du logement, tels qu'ils étaient applicables avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2021, de l'arrêté du Gouvernement flamand du 17 juillet 2020, sont compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'ils ne permettent pas aux enfants majeurs du locataire de référence d'une habitation sociale de location de poursuivre le contrat de bail après son décès ou son départ.

La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 91 et 95 du Code flamand du logement ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils ne permettent pas que les enfants majeurs du locataire de référence d'une habitation sociale de location poursuivent le contrat de bail après son décès ou son départ.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 25 novembre 2021.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, L. Lavrysen

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