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Arrêt
publié le 22 juin 2022

Extrait de l'arrêt n° 162/2021 du 18 novembre 2021 Numéro du rôle : 7392 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 103, § 1 er , 3°, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coor La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 162/2021 du 18 novembre 2021 Numéro du rôle : 7392 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 103, § 1er, 3°, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, tel qu'il a été modifié par l'article 109 de la loi du 26 décembre 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/12/2013 pub. 31/12/2013 numac 2013012289 source service public federal emploi, travail et concertation sociale Loi concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement fermer « concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement », posée par le Tribunal du travail francophone de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman, T. Giet, J. Moerman, M. Pâques et D. Pieters, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 22 avril 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 4 mai 2020, le Tribunal du travail francophone de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 103, § 1er, 3°, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités (tel que modifié par la loi du 26 décembre 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/12/2013 pub. 31/12/2013 numac 2013012289 source service public federal emploi, travail et concertation sociale Loi concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement fermer concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés) viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution : - dans l'interprétation selon laquelle la période couverte par l'indemnité en compensation du licenciement et celle couverte par l'indemnité compensatoire de préavis peuvent se chevaucher ? - dans l'interprétation selon laquelle ces périodes ne peuvent se chevaucher, mais doivent être additionnées ? ». (...) III. En droit (...) B.1. L'instauration du statut unique pour ouvriers et employés a en règle pour conséquence que les ouvriers ont droit à un délai de préavis plus long. Mais ce droit ne s'applique pleinement que si le contrat de travail a débuté après le 31 décembre 2013. Un ouvrier qui a acquis son ancienneté en partie jusqu'à cette date subit encore en partie les inconvénients de l'ancienne réglementation, dès lors que la durée de son délai de préavis ou de l'indemnité de congé correspondante doit, pour ce qui concerne la période située avant le 1er janvier 2014, être déterminée sur la base des anciennes règles. Le législateur a créé l'indemnité en compensation du licenciement pour supprimer ces inconvénients.

Cette indemnité est accordée par l'Office national de l'emploi (ci-après : l'ONEm) aux « travailleurs dont la durée du délai de préavis ou dont la durée de l'indemnité de congé correspondante doit, conformément à la législation, être déterminée, au moins partiellement, sur la base de l'ancienneté acquise comme ouvrier dans la période située avant le 1er janvier 2014 » (article 7, § 1er, alinéa 3, zf), de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 « concernant la sécurité sociale des travailleurs », tel qu'il a été inséré par la loi du 26 décembre 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/12/2013 pub. 31/12/2013 numac 2013012289 source service public federal emploi, travail et concertation sociale Loi concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement fermer « concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement »).

L'indemnité en compensation du licenciement compense pour ces travailleurs « la différence entre d'une part le délai de préavis ou l'indemnité de congé correspondante que l'employeur doit octroyer, et d'autre part le délai de préavis ou l'indemnité de congé correspondante que l'employeur aurait octroyé comme si l'ancienneté totale du travailleur avait été acquise après le 31 décembre 2013 » (article 7, § 1ersexies, alinéa 1er, de l'arrêté-loi précité, tel qu'il a été inséré par la loi du 26 décembre 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/12/2013 pub. 31/12/2013 numac 2013012289 source service public federal emploi, travail et concertation sociale Loi concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement fermer).

B.2. L'article 103, § 1er, 3°, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 (ci-après : la loi coordonnée du 14 juillet 1994), en cause, a été complété par l'article 109 de la loi du 26 décembre 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/12/2013 pub. 31/12/2013 numac 2013012289 source service public federal emploi, travail et concertation sociale Loi concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement fermer, en vue d'interdire le cumul, pour une même période, de l'indemnité en compensation du licenciement et des indemnités d'incapacité de travail et d'invalidité.

Du fait de cette modification, l'article 103, § 1er, 3°, précité, dispose : « Le travailleur ne peut prétendre aux indemnités : [...] 3° pour la période pour laquelle il peut prétendre à une indemnité due à la suite de la rupture irrégulière du contrat de travail, de la rupture unilatérale du contrat de travail pour les délégués du personnel, de la rupture unilatérale du contrat de travail pour les délégués syndicaux ou de la cessation du contrat de travail de commun accord, ou à une indemnité en compensation du licenciement visée dans l'article 7, § 1er, alinéa 3, zf), de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs ». B.3. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de cette disposition avec le principe d'égalité et de non-discrimination, d'une part dans l'interprétation selon laquelle la période couverte par l'indemnité en compensation du licenciement et la période couverte par l'indemnité compensatoire de préavis (dite également « indemnité de congé ») peuvent se chevaucher (première interprétation) et d'autre part dans l'interprétation selon laquelle ces périodes ne peuvent pas se chevaucher, mais doivent être additionnées (seconde interprétation).

B.4. Il ressort du jugement de renvoi que, dans la première interprétation, la disposition en cause fait naître une différence de traitement entre les ouvriers et les employés. Les employés, qui ne perçoivent pas d'indemnité en compensation du licenciement mais ont uniquement droit à un délai de préavis ou à une indemnité de congé, doivent attendre la fin de la période y afférente avant de pouvoir prétendre à des indemnités d'incapacité de travail. En revanche, les ouvriers qui bénéficient d'une indemnité en compensation du licenciement sur la base de l'article 7, § 1ersexies, alinéa 1er, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 précité peuvent prétendre à des indemnités d'incapacité de travail dès la fin des périodes couvertes respectivement par l'indemnité de congé et par l'indemnité en compensation du licenciement. Dès lors que, dans cette interprétation, ces périodes prennent cours au même moment et coïncident dans le temps, au moins en partie, les ouvriers concernés peuvent prétendre à des indemnités d'incapacité de travail plus rapidement que les employés.

Cette différence de traitement n'existerait pas dans la seconde interprétation, dès lors que les périodes couvertes respectivement par l'indemnité de congé et par l'indemnité en compensation du licenciement doivent se suivre et ne peuvent donc pas coïncider.

B.5. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.6. Dans l'exposé des motifs, l'introduction de l'article 7, § 1er, alinéa 3, zf), de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 par la loi du 26 décembre 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/12/2013 pub. 31/12/2013 numac 2013012289 source service public federal emploi, travail et concertation sociale Loi concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement fermer est justifiée comme suit : « L'article 97 attribue une tâche supplémentaire à l'ONEM, à savoir le paiement de l'indemnité en compensation du licenciement.

Pour les (ex-)ouvriers qui apportent la preuve d'une ancienneté située partiellement avant le 1er janvier 2014 et partiellement à partir du 1er janvier 2014, le délai de préavis ou l'indemnité de congé correspondante est en partie calculé en vertu de l'ancienne législation pour ce qui concerne l'ancienneté avant le 1er janvier 2014 et en partie en vertu de la nouvelle législation pour ce qui concerne l'ancienneté à partir du 1er janvier 2014. L'objectif n'est cependant pas que ces travailleurs subissent définitivement le ' désavantage ' de l'ancienneté avant le 1er janvier 2014. C'est pourquoi ceux-ci seront intégrés dans la nouvelle législation suivant un calendrier déterminé. A partir d'un certain moment, on va partir du principe que leur ancienneté a été entièrement acquise sous la nouvelle législation, même si celle-ci a été en partie acquise avant le 1er janvier 2014.

Dans ce cas, l'employeur n'octroiera toutefois pas un délai de préavis ou une indemnité de congé en vertu de la nouvelle législation mais continuera de faire le calcul sur la base d'une partie d'ancienneté avant le 1er janvier 2014 et d'une partie d'ancienneté à partir du 1er janvier 2014.

L'ONEM compensera la différence entre le montant payé par l'employeur et le montant auquel le travailleur a droit en vertu de la nouvelle législation, sous la forme d'une indemnité en compensation du licenciement. [...] Il a également été ajouté que les travailleurs qui tombent dans un régime dérogatoire temporaire ou définitif quant aux délais de préavis, n'ont pas droit à l'indemnité en compensation du licenciement.

Cette indemnité en compensation du licenciement est assimilée à une indemnité de congé ordinaire, ce qui signifie, d'une part que celle-ci ouvrira des droits dans l'assurance chômage mais d'autre part qu'elle n'est pas cumulable avec une allocation de chômage.

L'indemnité payée par l'ONEM est un montant calculé en net sur lequel par conséquent ni l'ONEM, ni le travailleur ne sont redevables de cotisations ou de retenues fiscales ou sociales.

L'indemnité en compensation du licenciement ne sera pas cumulable avec l'indemnité de reclassement dont bénéficie l'(ex-)ouvrier lorsque, dans le cadre d'une restructuration, il est inscrit dans une cellule pour l'emploi. En effet, dans ce cas, il bénéficie déjà suite à son licenciement d'une indemnité supérieure à l'indemnité de congé légale normale.

Les règles qui s'appliquent en matière de contrôle et de récupération de l'indemnité, sont les mêmes règles que les règles habituelles en matière d'allocations de chômage ordinaires » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3144/001, pp. 56-57).

B.7. L'amendement qui est à l'origine de la modification de la disposition en cause est justifié en ces termes : « La section XVI vise, au sein de l'assurance maladie [...] à fixer une interdiction de cumul entre les indemnités de maladie et l'indemnité en compensation du licenciement. [...] L'indemnité en compensation du licenciement ne peut pas être cumulée avec des revenus de remplacement. Afin d'introduire cette interdiction de cumul, par analogie avec les autres revenus de remplacement, entre l'indemnité en compensation du licenciement et les indemnités d'incapacité de travail et d'invalidité, l'article 103 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, est modifié » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3144/002, pp. 4-5).

B.8. Eu égard à ce qui précède, l'indemnité en compensation du licenciement se rattache nécessairement à une période différente de la période couverte par l'indemnité de congé. En effet, l'indemnité en compensation du licenciement compense, à l'égard du travailleur concerné, un délai de préavis ou une indemnité de congé insuffisants du fait de l'application de l'ancienne législation. Elle correspond donc nécessairement à une période distincte de la période couverte par le délai de préavis ou par l'indemnité de congé correspondante. Les périodes couvertes respectivement par l'indemnité de congé et par l'indemnité en compensation du licenciement doivent se suivre sans pouvoir coïncider pour qu'il soit déterminé à partir de quand le travailleur concerné peut prétendre à des indemnités d'incapacité de travail et d'invalidité. En conclure autrement reviendrait à amoindrir considérablement l'effet utile de l'interdiction, par la disposition en cause, du cumul de l'indemnité en compensation du licenciement avec les indemnités d'incapacité de travail et d'invalidité et irait à l'encontre de l'intention du législateur.

B.9. L'interprétation selon laquelle les périodes couvertes par l'indemnité de congé et par l'indemnité en compensation du licenciement peuvent coïncider est manifestement erronée.

Dans cette interprétation, la question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

B.10. Dans l'interprétation selon laquelle la période couverte par l'indemnité en compensation du licenciement et la période couverte par l'indemnité de congé doivent se suivre sans pouvoir coïncider, la disposition en cause ne fait pas naître la différence de traitement mentionnée en B.4 entre les employés et les ouvriers concernés.

Dans cette interprétation, la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 103, § 1er, 3°, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, tel qu'il a été modifié par l'article 109 de la loi du 26 décembre 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/12/2013 pub. 31/12/2013 numac 2013012289 source service public federal emploi, travail et concertation sociale Loi concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement fermer « concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement », dans l'interprétation selon laquelle la période couverte par l'indemnité en compensation du licenciement et la période couverte par l'indemnité de congé doivent se suivre sans pouvoir coïncider, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 18 novembre 2021.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, P. Nihoul

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