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Arrêt
publié le 05 octobre 2022

Extrait de l'arrêt n° 2/2022 du 13 janvier 2022 Numéro du rôle : 7470 En cause : le recours en annulation totale ou partielle de l'article 2 du décret de la Région flamande du 15 mai 2020 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges J.-P. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 2/2022 du 13 janvier 2022 Numéro du rôle : 7470 En cause : le recours en annulation totale ou partielle de l'article 2 du décret de la Région flamande du 15 mai 2020 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en ce qui concerne l'introduction d'une disposition transitoire pour la durée de validité de la date de mise en service, visée à l'article 1.1.3, 113°/2 » (insertion d'un article 15.3.5/22 dans le décret sur l'Energie du 8 mai 2009), introduit par la SA « E-Wood Energiecentrale » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges J.-P. Moerman, R. Leysen, Y. Kherbache, T. Detienne et S. de Bethune, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 novembre 2020 et parvenue au greffe le 1er décembre 2020, un recours en annulation totale ou partielle de l'article 2 du décret de la Région flamande du 15 mai 2020 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en ce qui concerne l'introduction d'une disposition transitoire pour la durée de validité de la date de mise en service, visée à l'article 1.1.3, 113°/2 » (insertion d'un article 15.3.5/22 dans le décret sur l'Energie du 8 mai 2009), publié au Moniteur belge du 29 mai 2020, a été introduit par la SA « E-Wood Energiecentrale », la SA « Slib en Co Verwerkingscentrale », la SA « SUEZ R&R Belgium » et la SA « Indaver », assistées et représentées par Me F. Vandendriessche, Me C. Degreef et Me C. Mathieu, avocats au barreau de Bruxelles. (...) II. En droit (...) Quant à la disposition attaquée et à son contexte B.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 2 du décret du 15 mai 2020 de la Région flamande « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en ce qui concerne l'introduction d'une disposition transitoire pour la durée de validité de la date de mise en service, visée à l'article 1.1.3, 113°/2 » (ci-après : le décret du 15 mai 2020), qui insère un article 15.3.5/22 dans le décret du 8 mai 2009 « portant les dispositions générales en matière de la politique de l'énergie » (ci-après : le décret sur l'Energie). Cette disposition prévoit une suspension de la durée de validité de la date de mise en service de certains projets d' « électricité verte » et de cogénération.

B.2.1. La disposition attaquée est liée aux règles, contenues dans le décret sur l'Energie, relatives aux certificats verts et aux certificats de cogénération.

B.2.2. Un « certificat d'électricité écologique », ou certificat vert, est un bien immatériel unique, négociable, électronique et transférable démontrant qu'une certaine installation de production a généré une quantité d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables dans une certaine période (article 1.1.3, 60°, du décret sur l'Energie).

Un « certificat d'énergie thermique », ou certificat de cogénération, est un bien immatériel unique, négociable, électronique et transférable démontrant qu'une certaine installation de production a généré une quantité d'économie d'énergie primaire en faisant usage de cogénération qualitative par rapport à une centrale de référence moderne et une chaudière de référence moderne (article 1.1.3, 135°, du décret sur l'énergie).

B.2.3. Le système des certificats verts et de cogénération consiste, dans les grandes lignes, en ce qui suit : - Les producteurs d'« électricité verte », c'est-à-dire d'électricité issue de sources d'énergie renouvelables, peuvent recevoir un certificat vert lorsqu'ils ont produit une certaine quantité d' « électricité verte » (article 7.1.1 du décret sur l'Energie). Les producteurs d'énergie produite dans des installations de cogénération qualitative peuvent recevoir un certificat de cogénération lorsqu'ils ont réalisé une économie d'énergie primaire déterminée (article 7.1.2 du décret sur l'Energie). Les certificats sont octroyés par le Régulateur flamand pour le marché de l'électricité et du gaz (VREG) (article 7.1.3 du décret sur l'Energie). - Les producteurs peuvent vendre leurs certificats soit sur le marché au prix du marché, soit à un gestionnaire de réseau, lequel est alors tenu d'acheter le certificat à une valeur minimale déterminée. En ce qui concerne les certificats verts, la valeur minimale varie selon la source d'énergie et la technologie de production utilisées.

L'obligation pour les gestionnaires de réseau d'acheter les certificats à une valeur minimale déterminée est dictée par le souci de garantir un certain revenu aux producteurs en question. Les gestionnaires de réseau mettent au moins une fois par an sur le marché les certificats acquis, pour en récupérer les coûts (articles 7.1.6 et 7.1.7 du décret sur l'Energie). - Les fournisseurs d'électricité (dits les « titulaires d'accès ») doivent chaque année fournir au VREG un nombre de certificats verts et de cogénération correspondant à un pourcentage d' « électricité verte » ou d'électricité produite dans une installation de cogénération proportionnel au total de l'électricité qu'ils ont fournie aux clients finaux au cours de l'année civile précédente. Ils peuvent satisfaire à cette obligation en achetant des certificats auprès des producteurs ou des gestionnaires de réseau (articles 7.1.10 et 7.1.11 du décret sur l'Energie).

B.2.4. En ce qui concerne l'octroi de certificats verts, l'article 7.1.1, § 2, du décret sur l'Energie mentionne en particulier : « En ce qui concerne les installations qui produisent de l'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables avec une date de mise en service à partir du 1er janvier 2013 et sont situées en Région flamande, des certificats d'électricité écologique sont octroyés au propriétaire d'une installation de production ou à la personne physique ou morale qu'il a désignée à cette fin. [...] Une installation avec une date de mise en service à partir du 1er janvier 2013 reçoit seulement des certificats d'électricité écologique pendant la période d'amortissement utilisée dans la méthode de calcul de la partie non rentable pour cette technologie d'énergie renouvelable.

Le nombre de certificats d'électricité écologique qui est attribué pour chaque tranche de 1 000 kWh d'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables dans des installations avec une date de mise en service à partir du 1er janvier 2013 est égal à 1, multiplié par le facteur de banding en vigueur.

Le Gouvernement flamand peut également limiter l'octroi de certificats d'électricité écologique sur la base du nombre d'heures de pleine charge utilisé dans la méthodologie de calcul de la partie non rentable pour cette technologie d'énergie renouvelable. Par ailleurs, le Gouvernement flamand peut, pour les installations neuves et les demandes de prolongation, relatives aux périodes visées à l'article 7.1.1, § 1er, alinéas 4 et 5, d'installations existantes, limiter le nombre de certificats d'électricité écologique à une quantité déterminée de certificats d'électricité écologique. [...] ».

En ce qui concerne les certificats de cogénération, l'article 7.1.2, § 2, du décret sur l'Energie dispose : « En ce qui concerne les installations de cogénération qualitative ou les modifications profondes avec une date de mise en service à partir du 1er janvier 2013, situées dans la Région flamande, des certificats de cogénération sont octroyés au propriétaire d'une installation de production ou à la personne physique ou morale qu'il a désignée à cette fin.

Une installation ou une modification profonde avec une date de mise en service à partir du 1er janvier 2013 reçoit seulement des certificats de cogénération pendant la période d'amortissement qui est utilisée dans la méthode de calcul de la partie non rentable de la technologie de cogénération.

Le nombre de certificats de cogénération qui sont octroyés pour des installations ou une modification profonde avec une date de mise en service à partir du 1er janvier 2013 pour chaque tranche de 1 000 kWh d'économie d'énergie primaire, réalisée en utilisant une installation de cogénération qualitative par rapport aux installations de référence, est égal à 1, multiplié par le facteur de banding en vigueur.

Le Gouvernement flamand peut, en dérogation à l'alinéa deux, décider une méthode alternative en vue de l'octroi de certificats de cogénération sur la base d'un nombre d'heures de pleine charge utilisée dans la méthodique de calcul du maximum non rentable de cette technologie de cogénération ».

B.3. La date de mise en service des projets d' « électricité verte » et de cogénération est fixée comme suit, à l'article 1.1.3, 113°/2, du décret sur l'Energie : « date de mise en service : en ce qui concerne les projets qui ne doivent pas disposer d'un permis d'environnement, la date de mise en service de l'installation; en ce qui concerne les projets qui doivent disposer d'un permis d'environnement : la date à laquelle une demande d'attribution de certificats pour le projet est déposée ou la date à laquelle le projet dispose du permis d'environnement requis si cette dernière date est une date ultérieure. Cette date de mise en service reste valable pour les installations basées sur l'énergie solaire d'une capacité AC maximale du transformateur/des transformateurs inférieure ou égale à 10 MW pendant douze mois, pour les installations basées sur l'énergie solaire d'une capacité AC maximale du transformateur/des transformateurs supérieure à 10 MW pendant quinze mois, pour les installations de cogénération d'une capacité électrique supérieure à 25 MW pendant 48 mois et pour les autres installations pendant 36 mois après la demande.

Un projet ne peut obtenir une nouvelle date de mise en service que dans la mesure où les conditions suivantes sont réunies : a) l'installation n'a pas encore été mise en service pendant la durée de validité de la date de début et à condition que la nouvelle demande soit introduite dans la même année calendaire que l'année de la mise en service;b) elle dispose toujours d'un permis d'environnement;c) au moins douze mois se sont écoulés pour les installations à base d'énergie solaire et au moins 36 mois pour les autres installations depuis que la demande précédente d'attribution de certificats a été déposée ». Il est ainsi établi une distinction entre, d'une part, les projets qui ne doivent pas disposer d'un permis d'environnement, pour lesquels la date de mise en service est la date à laquelle l'installation est mise en service, et, d'autre part, les projets qui doivent disposer d'un permis d'environnement, pour lesquels la date de mise en service est la date à laquelle une demande d'octroi de certificats pour le projet a été introduite ou la date à laquelle le projet dispose du permis d'environnement requis, si cette dernière date est une date ultérieure. Pour cette dernière catégorie de projets, la date de mise en service reste valable durant une période déterminée, en fonction de la nature du projet.

B.4. Il résulte des dispositions précitées qu'un certificat ne peut être octroyé si la durée de validité de la date de mise en service a expiré au moment de la mise en service de l'installation. La date de mise en service a en outre une incidence sur le montant de l'aide accordée. Le coefficient correcteur (dit « facteur de banding » ou « facteur de bande ») applicable dépend en effet de la date de mise en service du projet, ainsi qu'il ressort notamment de l'arrêté ministériel du 30 octobre 2020 « sur la mise à jour des facteurs de bandes actuels et l'établissement des facteurs de bandes des certificats d'énergie verte et des certificats de production combinée de chaleur et d'électricité pour les projets dont la date de début est le 1er janvier 2021 ». Le facteur de banding détermine le nombre de certificats verts ou de cogénération qui sont octroyés respectivement pour chaque tranche de 1 000 kWh d'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables et pour chaque tranche de 1 000 kWh d'économie d'énergie primaire réalisée en utilisant une installation de cogénération qualitative par rapport aux installations de référence (articles 7.1.1, § 2, alinéa 4, et 7.1.2, § 2, alinéa 3, du décret sur l'Energie). Le but du facteur de banding consiste à mieux faire correspondre l'aide financière à l'aide nécessaire pour rendre le projet suffisamment rentable (Doc. parl., Parlement flamand, 2011-2012, n° 1639/1, p. 4).

B.5. Les règles relatives aux dates de mise en service ont été instaurées par le décret du 13 juillet 2012 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en ce qui concerne la production écologique d'énergie » (ci-après : le décret du 13 juillet 2012).

L'exposé des motifs du décret du 13 juillet 2012 mentionne : « L'objectif principal de la politique d'aide consiste à investir suffisamment dans la production d'électricité verte et de cogénération pour que la Flandre atteigne sa part dans les objectifs européens 2020 en matière d'énergies renouvelables, de manière rentable sans mettre en péril l'économie flamande. Il faut augmenter la production d'énergies renouvelables pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et d'autres substances nocives et pour moins dépendre des carburants fossiles. L'aide apportée au secteur donne également à la Flandre une perspective de croissance économique orientée vers l'avenir, vers l'innovation technologique et les emplois verts.

Pour réaliser cette ambition, il est essentiel : 1. d'offrir la sécurité aux investisseurs.Cela signifie notamment qu'il faut donner suffisamment d'aides pour que les investissements dans une technologie soient rentables. Pour les entreprises, les risques d'investissement sont limités et, pour les ménages, le délai d'amortissement est raisonnable; 2. de limiter le plus possible les coûts pour la société et de les répartir judicieusement.Pour préserver l'adhésion sociale en faveur de l'énergie renouvelable et faire en sorte que la facture d'énergie des ménages et des entreprises reste raisonnable, il est très important d'éviter les frais inutiles. Cela signifie notamment qu'il convient de ne pas donner plus d'aides que nécessaire et que les coûts doivent être répartis équitablement entre les divers groupes de consommateurs. Pour la répartition des coûts, tant la compétitivité internationale de nos entreprises que le pouvoir d'achat des ménages sont des considérations importantes » (Doc. parl., Parlement flamand, 2011-2012, n° 1639/1, p. 2).

Ensuite : « Afin d'offrir une sécurité maximale en matière d'investissements, il est prévu une date de mise en service claire qui détermine les conditions d'octroi d'aides qui sont applicables à un projet déterminé. La date de mise en service est la date à laquelle un projet dispose du permis d'environnement et du permis de bâtir, si ceux-ci sont requis, et à laquelle une demande de certificat a été introduite auprès du VREG. L'investisseur reçoit la garantie que les mesures d'aide relatives à son projet ne seront pas modifiées durant trois ans. Pour la réalisation de projets d'énergie solaire, cette période est limitée à douze mois » (ibid., p. 5).

B.6. Dans le cadre de la pandémie de COVID-19, un projet d'arrêté du Gouvernement flamand « instaurant certaines mesures temporaires dans le secteur politique de l'énergie dans le cadre de l'urgence civile en matière de santé publique en raison du COVID-19 » a été soumis pour avis à la section de législation du Conseil d'Etat, le 17 avril 2020.

Le projet d'arrêté prévoyait notamment la suspension, pour la période du 20 mars 2020 au 17 juillet 2020, de la durée de validité des dates de mise en service expirant en 2020 ou en 2021. Ce régime aurait été inscrit à l'article 12.3.19, § 1er, de l'arrêté du Gouvernement flamand du 19 novembre 2010 « portant des dispositions générales en matière de la politique de l'énergie » (ci-après : l'arrêté sur l'Energie).

La section de législation du Conseil d'Etat a observé qu'un tel régime ne trouvait pas de fondement juridique dans le décret sur l'Energie : « 4.3.3. L'article 12.3.19, § 1er, en projet, de l'arrêté sur l'Energie du 19 novembre 2010 déroge implicitement à la durée de validité - fixée à l'article 1.1.3, 113°/2, du décret sur l'énergie, du 8 mai 2009 - de la date de mise en service d'une installation ou de la date d'obtention du permis d'environnement pour pouvoir bénéficier de certificats verts ou de certificats de cogénération.

Les articles 8.2.1, 8.3.1 et 8.4.1 du décret sur l'Energie du 8 mai 2009 ne constituent pas le fondement juridique de cette disposition, vu que la définition de la date de mise en service porte sur le régime des certificats verts ou de cogénération contenu dans le titre VII de ce décret, et non sur le règlement des aides prévues au titre VIII du même décret. Ni le titre VII du décret sur l'Energie du 8 mai 2009 ni aucune autre disposition de ce décret n'habilitent le Gouvernement flamand déroger au régime de la date de mise en service contenu dans l'article 1.1.3, 113°/2, du même décret.

Etant donné que, pour le motif exposé en 4.3.1, l'article 12.3.19, § 1er, en projet, de l'arrêté sur l'Energie du 19 novembre 2010 ne trouve pas non plus un fondement juridique dans l'article 5 du décret du 20 mars 2020, et qu'aucune autre disposition décrétale n'offre un fondement juridique à cet article, l'article 12.3.19, § 1er, en projet, doit être supprimé dans l'article 2 de l'arrêté en projet (et la numérotation des autres paragraphes de cette disposition doit être adaptée) » (CE, avis n° 67.274/3 du 24 avril 2020, pp. 6-7).

Le projet d'arrêté prévoyait également un régime de suspension en ce qui concerne les subventions pour des projets relatifs à la promotion de la « chaleur verte utile », de la chaleur résiduelle, de la production et de l'injection de biométhane et de petites et moyennes éoliennes. A cet égard, l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat mentionne : « 5.1. L'article 12.3.19, § § 2 à 5, en projet, de l'arrêté sur l'Energie du 19 novembre 2010 (article 2 du projet) prévoit, pour les projets pour lesquels les délais mentionnés respectivement aux articles 7.4.3, § 4, 7.5.3, § 4, 7.6.3, § 4, et 7.11.3, § 5, de l'arrêté sur l'Energie du 19 novembre 2010 n'ont pas encore expiré le 20 mars 2020 et dont la mise en service doit avoir lieu en 2020 ou en 2021, la suspension de ces délais pour la période du 20 mars 2020 au 17 juillet 2020.

Ce régime fait naître une différence de traitement entre, d'une part, les projets pour lesquels les délais précités n'ont pas encore expiré le 20 mars 2020 et dont la mise en service doit avoir lieu en 2020 ou en 2021, qui bénéficient de cette suspension et, d'autre part, les projets pour lesquels les délais précités n'ont pas encore expiré au 20 mars 2020 mais dont la mise en service doit avoir lieu en 2022 ou ultérieurement, qui ne bénéficient pas de cette suspension. 5.2. Selon la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, une différence de traitement n'est compatible avec le principe constitutionnel d'égalité et de non-discrimination que si cette différence repose sur un critère objectif et est raisonnablement justifiée. L'existence d'une telle justification doit s'apprécier compte tenu du but et des effets de la mesure concernée et de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il n'existe pas de lien raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. [...] 5.5.1. La différence de traitement mentionnée en 5.1 repose sur un critère objectif, à savoir la date à laquelle les projets en question doivent être mis en service.

Se pose toutefois la question de savoir si ce critère est pertinent au regard de l'objectif légitime poursuivi par l'auteur du projet, à savoir permettre aux projets qui ont accumulé des retards en raison de la pandémie de COVID-19 d'être mis en service dans les délais prescrits dans l'arrêté sur l'Energie du 19 novembre 2010 et de bénéficier d'une aide.

A cet égard, force est de constater que les restrictions imposées dans le cadre de la pandémie de COVID-19 peuvent retarder tant les projets dont la mise en service doit avoir lieu en 2020 ou en 2021 que les projets dont la mise en service doit avoir lieu en 2022 ou à une date ultérieure.

En comparaison avec la première catégorie de projets, la seconde catégorie de projets dispose indubitablement d'une plus longue période pour rattraper le retard accumulé en raison des restrictions précitées. Le Conseil d'Etat ne connaît toutefois pas suffisamment les faits pour vérifier si ces retards sont d'une nature telle qu'ils peuvent être rattrapés, de manière générale, au fil des années ou s'ils continuent de peser en permanence sur un projet. Dans la première hypothèse, le critère de distinction prévu dans le projet serait pertinent à la lumière du but poursuivi par le régime en projet, mais dans la seconde, il ne le serait pas. 5.5.2. A supposer que, pour les projets qui doivent être mis en service en 2022 ou à une date ultérieure, les retards causés par les restrictions imposées dans le cadre de la pandémie de COVID-19 puissent, en règle, être rattrapés, il reste à démontrer que le régime en projet est proportionné au but poursuivi.

Il peut être admis que tel est le cas, comme le délégué l'a exposé, lorsqu'il est possible, pour les projets individuels qui doivent être mis en service en 2022 ou à une date ultérieure, mais qui, par suite des restrictions imposées dans le cadre de la pandémie de COVID-19, ne parviennent pas à respecter cette date de mise en service, d'invoquer la force majeure et d'obtenir une prolongation du délai comparable à celle qui est prévue dans le régime en projet » (ibid., pp. 7-10).

B.7. Du fait de l'avis, précité, de la section de législation du Conseil d'Etat, le régime relatif à la suspension de la durée de validité des dates de mise en service des projets d' « électricité verte » et de cogénération n'a pas été repris dans l'arrêté sur l'Energie, mais bien dans le décret sur l'Energie (Doc. parl., Parlement flamand, 2019-2020, n° 298/1, pp. 2-3). Le législateur décrétal a en outre prévu, toujours du fait de cet avis, un régime de suspension ad hoc pour les projets dont la validité de la date de mise en service expire à partir de 2022 (ibid., p. 5).

Ainsi, l'article 2, attaqué, du décret du 15 mai 2020 a inséré, dans le décret sur l'Energie, un article 15.3.5/22, libellé comme suit : « Pour les projets disposant le 20 mars 2020 d'une date de mise en service valable, dont cette date de mise en service échoit en 2020 ou en 2021, la durée de validité de la date de mise en service applicable au projet est suspendue pour la période du 20 mars 2020 au 17 juillet 2020. Le Gouvernement flamand peut prolonger la période de suspension trois fois d'un mois. Par dérogation à l'alinéa 1er, le Gouvernement flamand peut, à la demande du développeur de projets, pour des projets disposant le 20 mars 2020 d'une date de mise en service valable, dont cette date de mise en service échoit à partir du 1er janvier 2022, suspendre la durée de validité de la date de mise en service applicable au projet pour la période du 20 mars 2020 au 17 juillet 2020, à condition que le développeur de projets puisse démontrer que le projet ne peut pas être réalisé pendant cette durée de validité en raison d'une situation de force majeure due au COVID-19.

Si le Gouvernement flamand décide de prolonger la suspension de la durée de validité de la date de mise en service conformément à l'alinéa 1er, deuxième phrase, la suspension accordée conformément à l'alinéa 2 est prolongée du même délai ».

B.8. L'exposé des motifs du décret du 15 mai 2020 précise : « La date de mise en service, mentionnée à l'article 1.1.3, 113°/2, du décret sur l'Energie du 8 mai 2009, est contraignante pour le développeur de projet. La notion de date de mise en service a en effet été définie comme suit dans le décret sur l'énergie du 8 mai 2009 : [...] Cela signifie que les projets de cogénération et d'énergies renouvelables doivent être mis en service avant la date butoir de la période de validité pour pouvoir bénéficier des certificats de cogénération ou des certificats verts.

Il est possible que des projets dont la date de mise en service expirera dans un délai relativement court accumulent un retard en raison de la pandémie de COVID-19. Les restrictions imposées peuvent en effet constituer un obstacle à la concertation, aux travaux, à la période de construction et aux délais de livraison de matériaux.

Les projets qui auraient bientôt dû être mis en service et dont la date de mise en service expirera dans un avenir proche conformément à l'article 1.1.3, 113°/2, peuvent de ce fait rencontrer des problèmes pour mettre en service l'installation de cogénération ou d'énergie renouvelable dans les délais impartis.

Cela signifierait que la réalisation de ces projets devrait encore être abandonnée en raison de la crise sanitaire parce que la date de mise en service ne peut être respectée. Cette circonstance a, à son tour, des conséquences sur l'objectif européen d'énergies renouvelables pour 2020 et ultérieurement. Du fait de la directive 2009/28/UE, de la directive 2018/2001/UE et du règlement 2018/1999, la Belgique doit en effet atteindre en 2020 une part de 13 % d'énergies renouvelables et elle doit continuer à atteindre ces 13 % dans les années qui suivent. Selon les prévisions, la Belgique n'atteindra pas ces objectifs en 2020 et en 2021. Par ailleurs, il est prévu, sur la base d'une répartition interne des charges fondée sur l'accord de coopération du 12 février 2018, que la Région flamande doit également porter à 2,156 Mtep sa production d'énergie à partir de sources renouvelables et sa consommation d'énergie produite à partir de sources renouvelables en matière de transport. Les installations qui seront mises en service à court terme jouent donc un rôle crucial dans la réalisation des objectifs pour 2020 et 2021, ou du moins dans la limitation du 'déficit' pour ces objectifs.

Pour que l'on puisse parler de force majeure, il faut, selon la doctrine et la jurisprudence, qu'il s'agisse d'un événement imprévisible, que l'événement invoqué ne soit pas dû à une faute personnelle et qu'il empêche d'intervenir pour soit éviter l'événement soit exécuter l'obligation malgré l'événement, même dans des conditions plus difficiles. L'événement doit donc rendre totalement impossible l'exécution d'une obligation. L'actuelle crise du COVID-19 fait que, pour les dossiers qui doivent être mis en service à court terme, en raison de l'expiration imminente de leur date de mise en service, il s'agit d'un cas de force majeure qui rend impossible toute intervention dans ces dossiers pour éviter l'événement.

Il est de ce fait proposé - compte tenu des conséquences économiques de la crise sanitaire - de prolonger exceptionnellement le délai de validité des projets qui seraient mis en service en 2020 et en 2021 et pour lesquels une situation de force majeure peut être admise. Eu égard aux avis rendus par le Conseil d'Etat, cette circonstance peut être considérée comme un but légitime.

On ne peut toutefois suivre un raisonnement similaire en ce qui concerne les dossiers dont la date de mise en service expire en 2022 ou ultérieurement. Cette distinction est pertinente, même si les restrictions qui ont été imposées dans le cadre de la pandémie de COVID-19 peuvent ralentir non seulement les projets qui sont mis en service en 2020 ou en 2021, mais également les projets dont la mise en service n'a lieu qu'en 2022 ou ultérieurement. Contrairement à ce qui est le cas pour les projets relevant de la première catégorie, la période pour résorber les retards éventuellement accumulés par suite des restrictions précitées est sans aucun doute plus longue pour les projets relevant de la seconde catégorie.

Il convient également d'observer à cet égard que les délais imposés par le législateur décrétal prévoient déjà une certaine marge. En effet, la date de mise en service est valable pour un délai fixé par voie décrétale et la durée de cette validité dépend de la technologie utilisée : pour l'énergie solaire, par exemple, la période de validité est de 12 à 15 mois (en fonction de la puissance) et pour les éoliennes et les installations de biomasse, elle est de 36 moins. Les périodes de validité fixées par voie décrétale tiennent déjà compte d'une large marge en faveur du développeur de projets : le délai moyen de mise en service après la fixation de la date de mise en service est de 13 mois pour les éoliennes et de 24 mois pour les projets de biomasse.

Pour les dossiers dont la date de mise en service n'expire qu'en 2022 ou ultérieurement, cela signifie donc, soit que cette date n'est pas encore fixée s'il s'agit d'énergie solaire (et le développeur de projets peut lui-même fixer le timing via le permis et la date à laquelle une demande d'octroi de certificats a été introduite pour le projet), soit que le délai est encore long, de sorte qu'il ne peut être actuellement question d'une situation de force majeure qui empêcherait de respecter la date de mise en service en 2022 ou ultérieurement. Pour ces années-là, le développeur de projets dispose en effet encore d'une période suffisamment longue pour prendre lui-même les mesures adéquates afin de respecter le délai de réalisation et les critères liés à la 'force majeure' ne sont donc pas actuellement remplis : il reste encore suffisamment de possibilités pour intervenir dans la gestion des projets pour éviter l'événement.

Pour les dossiers dont la date de mise en service expire à bref délai, ce n'est raisonnablement pas le cas. Le but n'est pas non plus de couvrir une mauvaise gestion de projets : un autre critère d'existence de la force majeure est que l'événement invoqué ne peut être imputé à une faute personnelle.

Pour que la mesure reste proportionnée, il est cependant prévu un régime ad hoc spécifique pour les projets en cours dont la date de mise en service expire en 2022 ou ultérieurement, afin que de tels projets qui, en raison des restrictions imposées dans le cadre de la pandémie de COVID-19, ne respectent pas les délais impartis puissent tout de même bénéficier d'une prolongation du délai sur une base ad hoc. Dans son avis n° 67.274/3, le Conseil d'Etat suggère également au Gouvernement flamand un tel régime ad hoc complémentaire en guise d'alternative, en ce qui concerne l'arrêté du Gouvernement flamand du 30 avril 2020, précité. Dans l'intervalle, le Gouvernement flamand a mis ce régime en oeuvre dans ledit arrêté.

Les développeurs de projets qui se trouvent dans le cas précité devront démontrer concrètement qu'au moment de la demande de suspension, ils se trouvent dans une situation de force majeure en raison de la pandémie de COVID-19, ce qui les met dans l'impossibilité de respecter le délai imposé à l'article 1.1.3, 113°/2, du décret sur l'Energie du 8 mai 2009. En effet, le COVID-19 ne peut être un alibi pour récompenser une mauvaise gestion des projets. La question de savoir s'il est question d'une telle situation de force majeure admissible en raison du COVID-19, dans le cadre de laquelle une suspension peut être accordée, constitue évidemment une question de fait qui doit faire l'objet d'un examen au cas par cas » (Doc. parl., Parlement flamand, 2019-2020, n° 298/1, pp. 3-5).

Quant au fond B.9. Le moyen unique, qui est subdivisé en deux branches, est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution. Les parties requérantes critiquent la différence de traitement entre, d'une part, les entreprises dont les projets disposent au 20 mars 2020 d'une date de mise en service valable et dont la validité de cette date expire en 2020 ou en 2021, et, d'autre part, les entreprises dont les projets disposent au 20 mars 2020 d'une date de mise en service valable et dont la validité de cette date expire à partir du 1er janvier 2022. En ce qui concerne la première catégorie d'entreprises, la durée de validité de la date de mise en service est automatiquement suspendue durant la période du 20 mars 2020 au 17 juillet 2020. En ce qui concerne la seconde catégorie d'entreprises, la durée de validité de la date de mise en service peut être suspendue au cours de cette période s'il est démontré que le projet ne peut être réalisé durant la période de validité initiale, pour cause de force majeure liée au COVID-19.

Dans la première branche, les parties requérantes font valoir que la différence de traitement précitée ne poursuit pas un but légitime et que le critère de distinction employé n'est pas pertinent. Dans la seconde branche, elles soutiennent que la disposition attaquée produit des effets disproportionnés pour les développeurs de projets dont la validité de la date de mise en service expire à partir du 1er janvier 2022. Dès lors que les deux branches sont étroitement liées, la Cour les examine conjointement. B.10. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d'égalité et de non-discrimination.

Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.11. Lorsqu'il détermine sa politique en matière d'énergie, le législateur décrétal dispose d'un pouvoir d'appréciation étendu. Dans cette matière, la Cour ne peut censurer les choix politiques du législateur décrétal et les motifs qui les fondent que s'ils reposent sur une erreur manifeste ou ne sont pas raisonnablement justifiés.

Compte tenu de la technicité de la matière, il ne peut par ailleurs être reproché au législateur décrétal d'avoir appréhendé la diversité des situations de manière simplifiée et approximative.

B.12.1. Ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.8, le but du législateur décrétal était d'éviter que les projets d' « électricité verte » et de cogénération soient compromis, en ce que, du fait des retards accumulés en raison de la pandémie de COVID-19, ils n'auraient pas pu être mis en service à temps et ne seraient donc pas susceptibles de bénéficier des certificats. Le législateur décrétal est parti du principe qu'en ce qui concerne les projets dont la validité de la date de mise en service expirerait « dans un délai relativement bref », à savoir en 2020 ou en 2021, les retards ne pourraient sans doute plus être rattrapés. Il a également fait référence aux objectifs en matière d'énergies renouvelables qui s'appliquent au niveau de l'Union européenne. Aux termes des travaux préparatoires, « les installations qui seront mises en service à court terme jouent un rôle crucial dans la réalisation des objectifs 2020 et 2021, ou du moins dans la limitation du ' déficit ' pour ces objectifs ». Pour cette raison, le législateur décrétal a prévu une suspension automatique de la durée de validité de la date de mise en service des projets en question pour la période du 20 mars 2020 au 17 juillet 2020 (Doc. parl., Parlement flamand, 2019-2020, n° 298/1, pp. 3-4). Ces objectifs sont légitimes.

B.12.2. La différence de traitement entre les projets disposant au 20 mars 2020 d'une date de mise en service valable et ceux dont la validité de cette date de mise en service expire à partir du 1er janvier 2022, à l'égard desquels le développeur de projets doit, pour obtenir la suspension, démontrer que « le projet ne peut pas être réalisé pendant cette durée de validité en raison d'une situation de force majeure due au COVID-19 », est, selon les travaux préparatoires du décret du 15 mai 2020, dictée par la considération que de tels projets « disposent indubitablement d'une plus longue période pour résorber l'éventuel retard accumulé en raison des restrictions précitées ». Ces mêmes travaux préparatoires mentionnent que la durée de validité des dates de mise en service « tient compte d'une large marge en faveur du développeur de projets » et que, pour ces projets, vu le long laps de temps qui s'écoule entre l'octroi du permis et la mise en service, « est exclue à ce stade une situation de force majeure qui empêcherait absolument le respect de la date de mise en service en 2022 ou ultérieurement. En effet, pour ces années-là, le développeur de projets dispose d'une période suffisamment longue pour prendre lui-même les mesures adéquates pour que le délai de réalisation soit encore respecté et les critères de la 'force majeure' ne sont actuellement pas remplis : il est en effet toujours possible d'intervenir suffisamment dans la gestion du projet pour éviter l'événement » (ibid., pp. 4-5).

Au vu des objectifs mentionnés en B.12.1, la différence de traitement critiquée repose dès lors sur un critère de distinction objectif et pertinent. La seule circonstance qu'en 2022 aussi, et par la suite, des objectifs européens en matière d'énergies renouvelables devront également être atteints n'oblige par ailleurs pas le législateur décrétal à traiter de la même manière les catégories de projets en cause, comme le soutiennent les parties requérantes.

B.12.3. Les parties requérantes, qui participent à la construction d'une installation de biomasse, font valoir, en ce qui concerne la pertinence du critère de distinction employé, que la réalisation d'un projet d'éoliennes prend en moyenne moins de temps que la réalisation d'un projet de biomasse, alors que la durée de validité de la date de mise en service est la même pour les deux catégories de projets, à savoir 36 mois. Elles en déduisent que le développeur d'un projet d'éoliennes dont la date de mise en service expire en 2021 disposera, dans la pratique, d'une période nettement plus longue pour réaliser son projet que le développeur d'un projet de biomasse dont la date de mise en service expire en 2022, et qu'il n'a donc pas besoin d'une suspension de la durée de validité de la date de mise en service pour pouvoir mettre son installation en service dans le délai imparti.

Cette critique formulée par les parties requérantes est dirigée non pas contre la disposition attaquée, mais contre la durée de validité de la date de mise en service telle qu'elle a été fixée, par le décret du 13 juillet 2012, à l'article 1.1.3, 113°/2, du décret sur l'Energie et ne peut donc être examinée par la Cour dans le cadre du recours en annulation qui lui est soumis.

B.12.4. La disposition attaquée ne produit pas non plus des effets disproportionnés pour les développeurs de projets qui disposent, au 20 mars 2020, d'une date de mise en service valable et dont la validité de cette date expire à partir du 1er janvier 2022. En vertu de l'article 15.3.5/22, alinéa 2, du décret sur l'Energie, les développeurs de tels projets peuvent en effet demander au Gouvernement flamand une suspension de la durée de validité de la date de mise en service pour la période du 20 mars 2020 au 17 juillet 2020, à condition de pouvoir démontrer que le projet ne peut pas être réalisé pendant cette durée de validité, en raison d'une situation de force majeure due au COVID-19. Le fait que le développeur de projets doive lui-même prouver la situation de force majeure dans laquelle il se trouve ne limite pas ses droits de manière disproportionnée. Il en va de même du fait qu'un simple retard dans la réalisation d'un projet dû à la pandémie de COVID-19, sans qu'il soit démontré que ce retard ne peut plus être rattrapé en temps utile, ne suffit pas pour prétendre à une suspension.

B.12.5. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.8 qu'il appartient au Gouvernement flamand d'apprécier dans chaque situation concrète s'il est satisfait à la condition de force majeure et, si tel est le cas, de faire droit à la demande de suspension. Il découle de la disposition attaquée que la situation de force majeure invoquée doit être la conséquence de la pandémie de COVID-19 et doit avoir pour effet que le projet ne pourra pas être réalisé au cours de la durée de validité initiale de la date de mise en service. Cette disposition ne précise pas davantage la condition de force majeure, de sorte que la critique formulée par les parties requérantes quant à la manière dont la preuve de la force majeure devrait être apportée ne saurait conduire à l'annulation de la disposition attaquée.

Pour le surplus, le Gouvernement flamand, lorsqu'il examine une demande de suspension fondée sur l'article 15.3.5/22, alinéa 2, du décret sur l'Energie, doit respecter les principes généraux de bonne administration, dont le devoir de minutie, le principe de motivation, le principe du raisonnable et l'exigence d'un délai raisonnable. Ces principes empêchent le Gouvernement flamand de reporter pour une période déraisonnablement longue la décision concernant une demande de suspension ou de refuser arbitrairement une suspension lorsque la force majeure requise est démontrée, ce qu'il appartient au juge compétent de vérifier, le cas échéant. Par conséquent, la circonstance que la disposition attaquée n'impose pas de délai de décision explicite au Gouvernement flamand ou qu'elle prévoit que le Gouvernement flamand « peut » suspendre la durée de validité de la date de la mise en service s'il est satisfait aux conditions applicables ne saurait davantage conduire à l'annulation de cette disposition.

B.13. Il découle de ce qui précède que l'article 2 du décret du 15 mai 2020 ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.14. Le moyen unique n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 13 janvier 2022.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, L. Lavrysen

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