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Arrêt
publié le 16 mai 2022

Extrait de l'arrêt n° 121/2021 du 30 septembre 2021 Numéros du rôle : 7346 et 7347 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 214, 266, § 1 er , et 283 de la loi générale sur les douanes et accises, coordonné La Cour constitutionnelle, composée du président L. Lavrysen, des juges T. Giet, R. Leysen, M. P(...)

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Extrait de l'arrêt n° 121/2021 du 30 septembre 2021 Numéros du rôle : 7346 et 7347 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 214, 266, § 1er, et 283 de la loi générale sur les douanes et accises, coordonnée le 18 juillet 1977, et à l'article 1385undecies du Code judiciaire, posées par la Cour d'appel de Liège.

La Cour constitutionnelle, composée du président L. Lavrysen, des juges T. Giet, R. Leysen, M. Pâques et T. Detienne, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite F. Daoût et de la juge émérite T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président émérite F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure a. Par arrêt du 16 janvier 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 23 janvier 2020, la Cour d'appel de Liège a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 214, 283, de la loi générale du 18 juillet 1977 sur les douanes et accises et 1385undecies du Code judiciaire violent-ils les articles 12 et 13 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 14 du Pacte de New York s'ils sont interprétés comme limitant le pouvoir du juge répressif qui, après avoir prononcé l'acquittement du prévenu, ne peut exercer un contrôle effectif du fondement de l'action civile relative au payement des droits d'accises dès l'instant où une décision de retrait prise par la même administration des douanes et accises, qu'elle soit ou non contestée, conditionne ipso facto et de manière irrémédiable le sort à réserver à cette action civile, ce qui place le prévenu dans l'impossibilité de faire valoir ses moyens de défense devant le juge que la loi lui assigne ? ».b. Par arrêt du 16 janvier 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 23 janvier 2020, la Cour d'appel de Liège a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 266, § 1er, et 283 de la loi générale sur les douanes et accises interprétés comme imposant au juge répressif de statuer sur l'action en payement des droits éludés dans l'hypothèse où l'action publique du chef de contravention, fraude ou délit, visée aux articles 281 et 282 de la même loi est, dès la date de sa mise en mouvement, éteinte par l'effet de la prescription de sorte qu'une action civile portée devant le juge répressif échappe, dans ce cas de figure, à sa compétence tout en relevant, in casu, en application de l'article 569, 32°, du Code judiciaire de la compétence du juge civil nommé conformément à l'article 190, § 2ter, du même Code, viole-t-il l'article 13 de la Constitution ? ». Ces affaires, inscrites sous les numéros 7346 et 7347 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) B.1. Les questions préjudicielles portent sur les articles 214, 266, § 1er, et 283 de la loi générale sur les douanes et accises, coordonnée le 18 juillet 1977 (ci-après : la loi générale sur les douanes et accises) et sur l'article 1385undecies du Code judiciaire.

Quant aux dispositions en cause et leur contexte B.2.1. Le chapitre XXIII, intitulé « Droit de recours administratif », de la loi générale sur les douanes et accises comporte les articles 211 à 219.

En vertu de l'article 211 de la loi générale sur les douanes et accises, toute personne a le droit d'exercer un recours administratif contre une décision de l'Administration générale des douanes et accises qui la concerne directement et individuellement.

L'article 216 de la loi générale sur les douanes et accises prévoit que le recours administratif est introduit auprès du conseiller général désigné par l'administrateur général de l'Administration générale des douanes et accises.

L'article 214 de la loi générale sur les douanes et accises dispose : « Le recours administratif doit être motivé et introduit sous peine de déchéance, par lettre recommandée à la poste dans un délai de trois mois à compter du troisième jour ouvrable qui suit la date d'envoi de la décision contestée ou à compter de l'expiration du délai visé à l'article 211, § 1er, 2° ».

B.2.2. L'article 266, § 1er, de la loi générale sur les douanes et accises dispose : « Sauf disposition contraire dans des lois particulières et sans préjudice aux amendes et confiscations au profit du Trésor, les délinquants et leurs complices et les personnes responsables de l'infraction sont tenus solidairement au paiement des droits et taxes dont le Trésor a été ou aurait été frustré par la fraude ainsi que des intérêts de retard éventuellement dus ».

B.2.3. Les articles 280 à 282 de la loi générale sur les douanes et accises disposent : «

Art. 280.Les causes purement civiles qui ne sont accompagnées d'aucune action en application d'emprisonnement, d'amende ou de confiscation, sont jugées suivant les règles prévues par le Code judiciaire en matière de compétence et de procédure.

Art. 281.§ 1er. Toutes actions du chef de contraventions, fraudes ou délits, contre lesquels les lois en matière de douanes et accises prononcent des peines seront portées en première instance devant les tribunaux correctionnels, et, en cas d'appel, devant la cour d'appel du ressort, pour y être instruites et jugées conformément au Code d'instruction criminelle. [...]

Art. 282.Tous délits ou crimes, prévus et punis par le Code pénal, lesquels, quoique commis relativement aux douanes et accises, seront poursuivis et jugés de la manière ordinaire, conformément aux lois générales existantes en matière correctionnelle ».

L'article 283 de la loi générale sur les douanes et accises dispose : « Lorsque les contraventions, fraudes, délits ou crimes dont il s'agit dans les articles 281 et 282 donnent lieu au paiement de droits ou accises, et par conséquent à une action civile, indépendamment de la poursuite d'une peine, le juge compétent soit criminel, soit correctionnel, connaîtra de l'affaire sous ce double rapport et jugera d'une et l'autre cause ».

B.2.4. L'article 1385undecies du Code judiciaire prévoit, en ce qui concerne les contestations concernant l'application d'une loi d'impôt : « Contre l'Administration fiscale, et dans les contestations visées à l'article 569, alinéa 1er, 32°, l'action n'est admise que si le demandeur a introduit préalablement le recours administratif organisé par ou en vertu de la loi.

L'action est introduite au plus tôt six mois après la date de réception du recours administratif au cas où ce recours n'a pas fait l'objet d'une décision et, à peine de déchéance, au plus tard dans un délai de trois mois à partir de la notification de la décision relative au recours administratif. [...] ».

Quant au fond B.3. Les questions préjudicielles portent, d'une part, sur la compétence du juge répressif pour se prononcer sur l'action civile en matière de douanes et accises (affaire n° 7347) et, d'autre part, sur l'étendue du pouvoir d'appréciation du juge répressif lorsqu'il se prononce sur cette action civile (affaire n° 7346).

En ce qui concerne l'affaire n° 7347 B.4. La question préjudicielle dans l'affaire n° 7347 porte sur les articles 266, § 1er, et 283 de la loi générale sur les douanes et accises.

La Cour est invitée à examiner la compatibilité avec l'article 13 de la Constitution de ces dispositions si elles sont interprétées « comme imposant au juge répressif de statuer sur l'action en payement des droits éludés dans l'hypothèse où l'action publique du chef de contravention, fraude ou délit, visée aux articles 281 et 282 de la même loi est, dès la date de sa mise en mouvement, éteinte par l'effet de la prescription de sorte qu'une action civile portée devant le juge répressif échappe, dans ce cas de figure, à sa compétence tout en relevant, in casu, en application de l'article 569, 32°, du Code judiciaire de la compétence du juge civil nommé conformément à l'article 190, § 2ter, du même Code ».

B.5. En vertu de l'article 569, 32°, du Code judiciaire, le tribunal de première instance connaît « des contestations relatives à l'application d'une loi d'impôt ».

L'article 190 du Code judiciaire prévoit les conditions pour pouvoir être nommé, notamment juge au tribunal de première instance. Cet article dispose : « § 1er. Pour pouvoir être nommé juge au tribunal de première instance, au tribunal du travail ou au tribunal de l'entreprise, le candidat doit être docteur ou licencié en droit et avoir réussi l'examen d'aptitude professionnelle prévu par l'article 259bis-9, § 1er ou être détenteur du certificat attestant qu'il a achevé avec fruit le stage judiciaire prévu par l'article 259octies. § 2. Le candidat qui a réussi l'examen d'aptitude professionnelle doit en outre : 1° soit, avoir suivi le barreau pendant au moins dix années sans interruption;2° soit, avoir, pendant au moins cinq années, exercé les fonctions de magistrat du ministère public ou celles de juge ou les fonctions de conseiller, d'auditeur, d'auditeur adjoint, de référendaire près la Cour de cassation, de référendaire, de référendaire adjoint au Conseil d'Etat ou des fonctions de référendaire à la Cour constitutionnelle ou des fonctions de référendaire ou de juriste de parquet près les cours et tribunaux;3° soit, avoir, pendant au moins douze années, suivi le barreau, exercé la profession de notaire ou des fonctions académiques ou scientifiques en droit ou exercé des fonctions juridiques dans un service public ou privé. Le cas échéant, la durée d'exercice de la fonction visée au 2° est prise en compte pour le calcul de la période de douze années prévue au 3°. [...] § 2ter. A l'égard du candidat aux fonctions de juge dans une chambre fiscale d'un tribunal de première instance, porteur d'un diplôme attestant une formation spécialisée en droit fiscal, délivré par une université belge ou par un établissement d'enseignement supérieur non universitaire visé à l'article 357, § 1er, alinéa 2, le délai prévu au § 2, alinéa 1er, 3°, est réduit à dix ans. [...] ».

B.6. Il ressort des faits de la cause et de la décision de renvoi que le juge a quo interprète les dispositions en cause comme imposant au juge répressif de se prononcer sur l'action civile en paiement des droits et accises, lorsque l'action publique est prescrite au moment de sa mise en mouvement, ce qui, selon le juge a quo, priverait ainsi le justiciable concerné de son « juge naturel », qui serait le juge d'une chambre fiscale du tribunal de première instance, nommé conformément à l'article 190, § 2ter, du même Code.

En l'espèce, l'action publique a été jugée prescrite au moment de sa mise en mouvement, à l'égard de certains prévenus, mais n'était pas, au moment de sa mise en mouvement, prescrite à l'égard des autres prévenus dans la même affaire.

La Cour limite son examen à cette situation.

B.7.1. L'article 13 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne ».

B.7.2. Cette disposition garantit à toutes les personnes qui se trouvent dans la même situation le droit d'être jugées selon les mêmes règles en ce qui concerne la compétence et la procédure. Une différence de traitement à cet égard doit donc être raisonnablement justifiée.

Elle garantit aussi que la compétence des juridictions découle de « la loi » et que le justiciable peut toujours savoir, sur la base de critères objectifs, quel est le juge compétent pour connaître des litiges dans lesquels il est impliqué.

B.8. L'article 266, § 1er, de la loi générale sur les douanes et accises est étranger à la règle, applicable en matière de douanes et accises, selon laquelle le juge saisi de l'action pénale statue sur l'action civile en paiement des droits et accises éludés. En conséquence, la Cour écarte cette disposition de son examen.

B.9.1. L'article 283 de la loi générale sur les douanes et accises prévoit que, lorsque les contraventions, fraudes, délits ou crimes visés dans les articles 281 et 282 donnent lieu à une action civile en vue du paiement des droits et accises éludés, indépendamment de la poursuite d'une peine, le juge pénal compétent connaîtra de l'affaire sous ce double rapport et jugera « d'une et l'autre cause ».

Cette disposition reprend le contenu de l'article 249 de la loi générale du 26 août 1822 « relative aux douanes et accises ».

B.9.2. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l'action civile en paiement des droits et accises visée à l'article 283 de la loi générale sur les douanes et accises ne découle pas de l'infraction mais trouve directement son fondement dans la loi qui impose le paiement des droits et accises, de sorte que l'action pénale et l'action civile sont indépendantes l'une de l'autre.

Selon la même jurisprudence, « [la] compétence du juge pénal pour statuer sur l'action civile en paiement des droits éludés suppose qu'au moment de sa saisine, les contraventions, fraudes, délits ou crimes visés aux articles 281 et 282 de la loi générale sur les douanes et accises ont été régulièrement portés à sa connaissance et que le contribuable est régulièrement impliqué dans le procès » (Cass., 24 mai 2016, P.15.1559.N; voy. aussi Cass., 29 avril 2003, P.02.1461.N; Cass., 14 juin 2005, P.05.0123.N; Cass., 8 octobre 2013, P.12.1043.N).

Pour cette raison, selon la même jurisprudence, lorsqu'il a été régulièrement saisi, « le juge pénal, même en cas d'acquittement ou d'extinction de l'action publique par la prescription, est appelé à se prononcer sur [l'action civile concomitante à l'action publique] » (Cass., 10 novembre 2015, P.14.1257.N).

La disposition en cause n'attribue dès lors au juge répressif la compétence de se prononcer sur l'action civile de l'administration, en recouvrement des droits éludés, que « pour autant qu'il ait été valablement saisi de l'action publique », ce qui ne serait pas le cas si l'action publique était déjà éteinte par la prescription (Cass., 27 juillet 1944, Pas., 1944, I, p. 440). Il en va ainsi, à tout le moins, en l'absence de saisine régulière du juge répressif à l'égard d'autres prévenus dans la procédure pénale relative à la même affaire.

La Cour de cassation a en effet jugé : « La fin de non-recevoir opposée à l'action publique exercée à charge d'un débiteur en matière de douanes et accises n'empêche pas le juge pénal, pour autant qu'il ait été régulièrement saisi des infractions visées aux articles 281 et 282 de la loi générale sur les douanes et accises mises à charge d'autres prévenus poursuivis dans la procédure pénale, de prendre connaissance, en vertu de l'article 283 de cette même loi générale, de l'action civile en paiement des droits et accises dirigée contre ce débiteur en matière de douanes et accises » (Cass., 24 mai 2016, P.15.1559.N).

B.10.1. En adoptant les dispositions de la loi générale sur les douanes et accises, le législateur entendait établir un système spécifique de recherche et de poursuites pénales, en raison de l'ampleur et de la fréquence des fraudes en cette matière, particulièrement technique, relative à des activités souvent transfrontalières et régie en grande partie par une abondante réglementation européenne.

B.10.2. En prévoyant que le juge saisi de l'action publique en matière de douanes et accises se prononce également sur l'action civile de l'administration, en recouvrement des droits éludés, dans le cadre de l'affaire dont il est saisi, la disposition en cause est justifiée par un objectif d'efficacité et d'économie de procédure. Elle tend à simplifier et accélérer la procédure.

B.11. La disposition en cause désigne le juge compétent pour se prononcer tant sur le volet pénal que sur le volet civil d'une même affaire en matière de douanes et accises, en tenant compte du fait que ce juge, régulièrement saisi de l'action publique, sera en mesure de statuer rapidement sur l'action civile. Ainsi, cette compétence judiciaire découle de la loi et le justiciable peut déterminer, sur la base de critères objectifs, quel juge est compétent, conformément à l'article 13 de la Constitution.

Cette règle légale de compétence ne saurait dès lors méconnaître le principe de légalité des attributions des différents juges, déduit de l'article 13 de la Constitution, et que le juge a quo qualifie de droit au « juge naturel ».

Enfin, il n'existe pas de droit à ce qu'un juge d'une chambre fiscale statue sur l'action civile en matière de douanes et accises, et il n'est pas établi que le juge pénal compétent pour statuer sur l'action publique en matière de douanes et accises serait moins apte que le juge d'une chambre fiscale pour statuer sur l'action civile en cette matière. L'article 190, § 2ter, du Code judiciaire, auquel se réfère la décision de renvoi, ne conduit pas à une autre conclusion. Cette disposition prévoit en effet uniquement une réduction de la durée minimale d'expérience professionnelle visée à l'article 190, § 2, 3°, de ce Code, exigée pour pouvoir être nommé juge dans une chambre fiscale du tribunal de première instance lorsque le candidat est porteur d'un diplôme attestant une formation spécialisée en droit fiscal.

B.12. Pour le surplus, le maintien de la compétence du juge pénal pour statuer sur l'action civile en matière de douanes et accises, même en cas d'acquittement ou de prescription de l'action publique à l'égard de certains des prévenus, est raisonnablement justifié par l'objectif, mentionné en B.10.2, d'efficacité et d'économie de procédure, dès lors que ce juge pénal a été régulièrement saisi de l'action publique qui n'était pas, au moment de sa mise en mouvement, prescrite à l'égard d'autres prévenus dans la procédure pénale relative à la même affaire.

Par ailleurs, en cas d'application de l'article 283 de la loi générale sur les douanes et accises, le justiciable jouit des mêmes garanties et droits que le justiciable contre lequel une action en paiement des droits et accises est portée devant le juge civil (article 280 de la loi générale sur les douanes et accises).

B.13. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

En ce qui concerne l'affaire n° 7346 B.14. La question préjudicielle dans l'affaire n° 7346 porte sur les articles 214 et 283 de la loi générale sur les douanes et accises et sur l'article 1385undecies du Code judiciaire.

La Cour est invitée à examiner la compatibilité de ces dispositions avec les articles 12 et 13 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, si elles sont interprétées « comme limitant le pouvoir du juge répressif qui, après avoir prononcé l'acquittement du prévenu, ne peut exercer un contrôle effectif du fondement de l'action civile relative au payement des droits d'accises dès l'instant où une décision de retrait prise par la même administration des douanes et accises, qu'elle soit ou non contestée, conditionne ipso facto et de manière irrémédiable le sort à réserver à cette action civile, ce qui place le prévenu dans l'impossibilité de faire valoir ses moyens de défense devant le juge que la loi lui assigne ».

B.15.1. Contrairement au litige qui a donné lieu à la question préjudicielle posée dans l'affaire n° 7347, le juge a quo ne conteste pas en l'espèce sa compétence pour se prononcer sur l'action civile, mais interroge la Cour sur l'étendue de son pouvoir d'appréciation en tant que juge pénal.

B.15.2. Dans le litige porté devant le juge a quo, le prévenu acquitté n'a pas exercé le recours administratif contre la décision de retrait de l'autorisation qui lui avait été délivrée conformément à l'article 31 de l'arrêté royal du 28 juin 2015 « concernant la taxation des produits énergétiques et de l'électricité ».

Il ressort de la décision de renvoi que le juge a quo interroge la Cour sur l'incidence que produit l'absence d'exercice d'un tel recours administratif contre la décision de retrait sur le jugement de l'action civile en recouvrement des droits éludés, exercée par l'administration des douanes et accises.

En l'espèce, le juge a quo constate que la demande se fonde sur le caractère rétroactif de la décision de retrait.

La Cour limite son examen à cette situation.

B.16.1. Dans ses mémoires, le prévenu devant le juge a quo invite la Cour à répondre à une autre question préjudicielle.

B.16.2. Il n'appartient pas aux parties de modifier ou de faire modifier le contenu des questions préjudicielles.

B.17.1. L'article 12 de la Constitution dispose : « La liberté individuelle est garantie.

Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit.

Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu'en vertu d'une ordonnance motivée du juge qui doit être signifiée au plus tard dans les quarante-huit heures de la privation de liberté et ne peut emporter qu'une mise en détention préventive ».

Comme il est dit en B.9.2, l'action civile en paiement des droits et accises visée à l'article 283 de la loi générale sur les douanes et accises ne découle pas de l'infraction mais trouve directement son fondement dans la loi qui impose le paiement des droits et accises.

Cette action est indépendante de l'action publique et est, conformément à l'article 280 de la même loi, jugée suivant les règles prévues par le Code judiciaire en matière de compétence et de procédure.

L'article 12 de la Constitution n'étant pas applicable à une telle action civile, même si celle-ci est jugée par le juge répressif, la Cour ne tient pas compte de cette disposition dans son examen.

B.17.2. L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme - et, de manière analogue, l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques - protège le droit à un procès équitable. Bien que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ne soit pas applicable aux litiges fiscaux non pénaux (CEDH, grande chambre, 12 juillet 2001, Ferrazzini c. Italie), le droit à un procès équitable est également garanti par un principe général de droit.

B.18. L'article 214 de la loi générale sur les douanes et accises organise le recours administratif contre une décision de l'Administration générale des douanes et accises. L'article 283 de la même loi prévoit que le juge saisi de l'action pénale statue sur l'action civile en paiement des droits et accises éludés. Ces dispositions sont étrangères aux griefs portant sur l'incidence que produit l'absence d'exercice du recours administratif sur le jugement de l'action civile en recouvrement des droits éludés. En conséquence, la Cour écarte ces dispositions de son examen et limite son examen à l'article 1385undecies du Code judiciaire.

Pour le surplus, la Cour constate que le fait que les règles prévues par le Code judiciaire en matière de compétence et de procédure s'appliquent au juge saisi de l'action publique, lorsqu'il statue sur l'action civile en paiement des droits et accises éludés, découle de l'article 280 de la loi générale sur les douanes et accises, qui ne fait cependant pas l'objet de la question préjudicielle posée. La Cour n'examine dès lors pas ce grief.

B.19.1. L'article 1385undecies du Code judiciaire prévoit que l'action introduite par le contribuable contre l'administration fiscale « n'est admise que si le demandeur a introduit préalablement le recours administratif organisé par ou en vertu de la loi ».

L'exercice préalable de ce recours administratif s'inscrit dans l'objectif, poursuivi par le législateur, de désengorger les tribunaux par la mise en place d'un « filtre administratif » (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1341/23, p. 15).

Les travaux préparatoires de la loi du 30 juin 2000Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/2000 pub. 12/08/2000 numac 2000003434 source ministere des finances Loi modifiant la loi générale sur les douanes et accises et le Code des impôts sur les revenus 1992 fermer « modifiant la loi générale sur les douanes et accises et le Code des impôts sur les revenus 1992 », qui a remplacé l'article 214 de la loi générale sur les douanes et accises, indiquent également : « L'objectif ainsi visé est que le contribuable ne puisse s'adresser au juge fiscal qu'après avoir épuisé son droit de recours administratif » (Doc. parl., Chambre, 1999-2000, DOC 50-0438/001, p. 4). « L'instauration de ce droit de recours aura pour conséquence qu'un certain nombre de litiges seront résolus lors de la phase administrative, ce qui permettra le désengorgement des tribunaux qui ont à connaître des litiges fiscaux » (Doc. parl., Chambre, 1999-2000, DOC 50-0438/003, p. 5).

B.19.2. L'exigence d'un recours administratif préalable prévu par la disposition en cause ne s'applique pas à l'action civile introduite par l'administration contre le contribuable, en vue du recouvrement des droits éludés.

Cette disposition ne limite dès lors pas, pour le juge saisi, la possibilité d'examiner le fondement de cette action civile.

La disposition en cause ne saurait davantage être interprétée comme limitant, dans la situation mentionnée en B.15.2, la possibilité du prévenu acquitté de faire valoir ses moyens de défense dans le cadre du jugement de cette action civile, conformément aux règles prévues par le Code judiciaire.

B.20. Dès lors qu'elle procède d'une prémisse erronée, la question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - Interprété comme imposant au juge répressif de statuer sur l'action en payement des droits éludés dans l'hypothèse où l'action publique du chef de contravention, fraude ou délit, visée aux articles 281 et 282 de la loi générale sur les douanes et accises, coordonnée le 18 juillet 1977, est, dès la date de sa mise en mouvement, éteinte par l'effet de la prescription à l'égard de certains prévenus, alors que ce juge répressif a été régulièrement saisi de l'action publique qui, au moment de sa mise en mouvement, n'était pas prescrite à l'égard d'autres prévenus dans la procédure pénale relative à la même affaire, l'article 283 de la même loi ne viole pas l'article 13 de la Constitution. - La question préjudicielle dans l'affaire n° 7346 n'appelle pas de réponse.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 30 septembre 2021.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, F. Daoût

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