Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 24 janvier 2022

Extrait de l'arrêt n° 92/2021 du 17 juin 2021 Numéro du rôle : 7419 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 4.8.11, § 1 er , alinéa 1 er , 3°, du Code flamand de l'aménagement du territoire, avant sa m La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Merc(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2021205309
pub.
24/01/2022
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 92/2021 du 17 juin 2021 Numéro du rôle : 7419 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 4.8.11, § 1er, alinéa 1er, 3°, du Code flamand de l'aménagement du territoire, avant sa modification à partir du 21 février 2017, posée par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 247.564 du 18 mai 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 14 juillet 2020, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 4.8.11, § 1er, alinéa 1er, 3°, du Code flamand de l'aménagement du territoire viole-t-il les articles 10, 11, 13 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6 et 9 de la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement et avec le droit d'accès au juge, garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que les inconvénients commerciaux ne peuvent pas être considérés comme des désagréments ou des inconvénients directs ou indirects à l'appui d'un recours devant le Conseil pour les contestations des autorisations, sauf s'ils présentent un ' aspect urbanistique ', même si le recours dirigé contre le projet autorisé repose quant au fond sur des griefs d'illégalité de nature urbanistique (par exemple, l'incompatibilité entre la construction concurrente et le plan de secteur) ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause et à son contexte B.1.1. Depuis l'entrée en vigueur de l'article 36 du décret du 27 mars 2009 « adaptant et complétant la politique d'aménagement du territoire, des autorisations et du maintien » (ci-après : le décret du 27 mars 2009), le Conseil pour les contestations des autorisations est notamment compétent, en Région flamande pour se prononcer sur les recours introduits contre des décisions d'autorisation prises en dernière instance administrative.

B.1.2. Le législateur décrétal a créé le recours devant le Conseil pour les contestations des autorisations dans le but de faire trancher les litiges portant sur les autorisations par « un collège spécialisé ayant une vision juridique et pratique de l'incidence des objectifs planologiques sur la politique des autorisations, une conception moderne de la qualité et de la capacité territoriales, des aspects architecturaux, des exigences sectorielles et des spécifications techniques qui ont des répercussions sur les autorisations, etc. » (Doc. parl., Parlement flamand, 2008-2009, n° 2011/1, p. 210). Selon le législateur décrétal, ceci requiert « une approche spatio-technique qui ne peut raisonnablement être exigée d'une juridiction dotée de compétences ' générales ' » et « seule la création d'une juridiction spécialisée peut satisfaire au niveau de spécialité requis » (ibid., p. 207). B.2.1. La question préjudicielle porte sur l'accès au Conseil pour les contestations des autorisations, tel qu'il est réglé par l'article 4.8.11, § 1er, alinéa 1er, 3°, du Code flamand de l'aménagement du territoire, dans sa version insérée par l'article 5 du décret du 6 juillet 2012 « modifiant diverses dispositions du Code flamand de l'aménagement du territoire, en ce qui concerne le Conseil pour les contestations des autorisations » (ci-après : le décret du 6 juillet 2012), avant sa modification par l'article 338 du décret du 25 avril 2014 « relatif au permis d'environnement » (ci-après : le décret du 25 avril 2014). Cette disposition prévoit : « Les recours auprès du Conseil peuvent être introduits par les personnes suivantes : [...] 3° toute personne physique ou morale à qui la décision d'autorisation, de validation ou d'enregistrement ou prise d'acte d'une déclaration peut causer, directement ou indirectement, des désagréments ou des inconvénients; [...] ».

B.2.2. La disposition en cause prévoit donc une condition de l'intérêt à l'égard des personnes physiques ou des personnes morales qui introduisent un recours devant le Conseil pour les contestations des autorisations.

B.2.3. Cette condition de l'intérêt trouve son origine dans l'article 133/71, § 1er, alinéa 1er, 3°, du décret du 18 mai 1999 « portant organisation de l'aménagement du territoire », inséré par l'article 36 du décret, précité, du 27 mars 2009.

L'exposé des motifs relatif au décret du 27 mars 2009 mentionne : « les tiers intéressés doivent donc toujours pouvoir démontrer un intérêt, c'est-à-dire qu'ils doivent être susceptibles de subir des désagréments ou des inconvénients directs ou indirects résultant de la décision attaquée. [...] Les ' aspects de nuisance ' peuvent raisonnablement se subdiviser en nuisances visuelles (mauvaise intégration urbanistique et architecturale), en nuisances dues à la mauvaise intégration fonctionnelle dans l'environnement (nuisances dues à la mauvaise exploitation de l'espace, entrave à la mobilité,...), ou consister en des nuisances sonores, en des vibrations, en des odeurs, en de la poussière, en des fumées, en des rayonnements et en des nuisances lumineuses (ces derniers aspects de nuisance constituent naturellement les subdivisions traditionnelles des nuisances environnementales) » (Doc. parl., Parlement flamand, 2008-2009, n° 2011/1, pp. 185-186).

Certes, ces considérations portent sur les conditions d'introduction d'un recours administratif auprès de la députation, mais elles s'appliquent aussi à l'introduction d'un recours juridictionnel devant le Conseil pour les contestations des autorisations. L'exposé des motifs mentionne en effet que « le Conseil pour les contestations des autorisations peut être saisi de recours introduits par les mêmes personnes et instances que celles qui sont visées dans le cadre de la procédure de recours administratif devant la députation » (ibid., p. 218), et qu'en ce qui concerne l'interprétation de la notion d'« aspects de nuisance », « il [peut] être fait entièrement référence à ce qui a été précisé à cet égard dans le cadre de la discussion sur le recours administratif dans la procédure régulière » (ibid., p. 220).

En ce qui concerne l'accès à ces possibilités de recours, l'exposé des motifs indique ce qui suit : « Il y a lieu de souligner, à titre surabondant, que la Cour européenne des droits de l'homme considère qu'il est admissible, dans le cadre du bon déroulement de la procédure, de limiter raisonnablement l'accès au juge, par exemple en fixant un délai d'appel ou la condition d'avoir suivi une procédure préalable. Dès lors que chacun a la possibilité de participer à l'enquête publique, que la possibilité d'introduire un recours administratif est définie de manière très large (à l'exclusion de l'action populaire), et qu'une clause d'excusabilité s'applique en cas de négligence dans ces cas-là, ces limitations ne sauraient être considérées comme étant disproportionnées au regard du droit d'accès au juge » (ibid., p. 220).

B.3. Ainsi qu'il ressort de l'arrêt du 6 novembre 2018, au sujet duquel le Conseil d'Etat, en tant que juridiction de cassation, doit se prononcer dans le litige a quo, le Conseil pour les contestations des autorisations interprète la disposition en cause en ce sens que les personnes physiques ou morales ne peuvent pas introduire un recours recevable contre une décision d'autorisation lorsqu'à l'appui de leur intérêt, elles se fondent uniquement sur un inconvénient commercial qui ne « découle [pas] d'un désagrément urbanistique ou [n']est [pas] lié au désagrément urbanistique qui résulte de la décision attaquée » et qu'elles ne subissent donc pas de désagréments ou d'inconvénients « de nature urbanistique ».

Selon le Conseil pour les contestations des autorisations, on ne saurait, pour justifier l'intérêt, prendre en considération « tout inconvénient ou désagrément, quels qu'ils soient », puisque « la réglementation en matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme tend essentiellement à protéger le bon aménagement du territoire et un environnement sain et qu'on ne saurait la détourner de cette finalité pour protéger des intérêts qui y sont totalement étrangers ». En particulier, le Conseil pour les contestations des autorisations « ne peut pas être saisi de manière recevable dans le cadre d'une demande de permis d'urbanisme ou de permis de lotir, lorsque la procédure est introduite dans le seul but de mettre un terme à une lutte commerciale entre concurrents ou, comme c'est le cas en l'espèce, d'empêcher des concurrents potentiels de s'implanter aux alentours de commerces existants ». A cet égard, le Conseil pour les contestations des autorisations déduit de l'exposé des motifs mentionné en B.2.3 en ce qui concerne la notion « d'aspects de nuisance » que les désagréments et les inconvénients attribués à la décision d'autorisation doivent rester dans le domaine de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme » (Conseil pour les contestations des autorisations, 6 novembre 2018, n° RvVb-A-1819-0265, pp. 36-37).

Cette interprétation de la disposition en cause était suivie dans la jurisprudence de cassation du Conseil d'Etat, ainsi qu'il ressort aussi de la décision de renvoi : « En ce qu'il juge qu'un intérêt commercial invoqué par un requérant ne peut être admis comme un intérêt suffisant qu'à la condition qu'il soit directement ou indirectement causé par des désagréments ou des inconvénients de nature urbanistique résultant de la décision d'autorisation contestée, l'arrêt attaqué n'ajoute pas de condition à la condition de l'intérêt prévue aux articles 4.7.21, § 2, 2°, et 4.8.11, § 1er, alinéa 1er, 3°, précités, du Code flamand de l'aménagement du territoire, mais contrôle, au regard de l'intérêt requis par cette dernière disposition décrétale, l'inconvénient concurrentiel invoqué ».

Par son arrêt n° 241.576 du 24 mai 2018, le Conseil d'Etat s'est déjà prononcé dans un sens analogue.

B.4. Bien que la question préjudicielle concerne exclusivement l'article 4.8.11, § 1er, alinéa 1er, 3°, du Code flamand de l'aménagement du territoire, la réponse de la Cour à cette question peut aussi avoir une incidence sur l'interprétation de l'article 4.7.21, § 2, 2°, du Code flamand de l'aménagement du territoire, avant son abrogation par l'article 335 du décret du 25 avril 2014, sur la base duquel un recours administratif organisé pouvait être introduit auprès de la députation contre une décision du collège des bourgmestre et échevins relative à une demande de permis « par toute personne physique ou morale à qui la décision attaquée peut causer, directement ou indirectement, des désagréments ou des inconvénients ». Ainsi qu'il ressort de l'exposé des motifs du décret du 27 mars 2009, la condition de l'intérêt doit être interprétée dans le même sens dans les deux dispositions. Dès lors, selon le Conseil d'Etat, « ces désagréments ou inconvénients directs ou indirects, à démontrer devant la députation et, ensuite, devant le Conseil pour les contestations des autorisations, qui résultent de la décision du collège des bourgmestre et échevins et, à la suite d'un recours administratif organisé contre cette décision, de la députation sur la même demande de permis sont de même nature » (CE, 4 avril 2019, n° 244.168).

Quant à la recevabilité de la question préjudicielle B.5. La question préjudicielle concerne la compatibilité de la disposition en cause avec les articles 10, 11, 13 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec les articles 6 et 9 de la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (ci-après : la Convention d'Aarhus), « en ce que les inconvénients commerciaux ne peuvent pas être considérés comme des désagréments ou des inconvénients directs ou indirects à l'appui d'un recours devant le Conseil pour les contestations des autorisations, sauf s'ils présentent un ' aspect urbanistique ', même si le recours dirigé contre le projet autorisé repose quant au fond sur des griefs d'illégalité de nature urbanistique (par exemple, l'incompatibilité entre la construction concurrente et le plan de secteur) ».

B.6.1. Selon le Gouvernement flamand, rejoint sur ce point par la députation du conseil provincial d'Anvers (ci-après : la députation) et par la SA « Straatsburgdok », la question préjudicielle est irrecevable, essentiellement parce que le Conseil d'Etat a déjà répondu lui-même à cette question dans la décision de renvoi et que, de ce fait, la réponse de la Cour ne peut plus influencer l'issue du litige a quo.

B.6.2. C'est en règle à la juridiction a quo qu'il appartient d'apprécier si la réponse à la question préjudicielle est utile à la solution du litige. Ce n'est que lorsque tel n'est manifestement pas le cas que la Cour peut décider que la question n'appelle pas de réponse.

B.6.3. Contrairement à ce qu'estime le Gouvernement flamand, il ne ressort pas de la décision de renvoi que la réponse à la question préjudicielle ne serait manifestement pas utile à la solution du litige a quo. La circonstance que le Conseil d'Etat demande d'apprécier la compatibilité de la disposition en cause avec les normes de contrôle citées dans la question préjudicielle implique en effet qu'il n'a pas voulu déjà apprécier lui-même définitivement cette compatibilité. Par conséquent, l'exception repose sur une lecture erronée de la décision de renvoi.

B.6.4. L'exception d'irrecevabilité est rejetée.

B.7.1. Selon la députation, la SA « Sligro-ISPC Belgium », la SA « Straatsburgdok » et le Gouvernement flamand, la question préjudicielle serait également irrecevable parce qu'elle n'expose pas en quoi les normes de contrôle qu'elle cite sont violées.

B.7.2. Ni le libellé de la question préjudicielle, ni l'examen des motifs de la décision de renvoi ne permettent à la Cour de comprendre en quoi la disposition en cause serait incompatible avec l'article 23 de la Constitution ou avec l'article 6 de la Convention d'Aarhus.

B.7.3. En ce que la SPRL « Horeca Totaal Brugge » soutient que l'évolution de la jurisprudence du Conseil pour les contestations des autorisations, selon laquelle des inconvénients purement commerciaux étaient en effet considérés au début comme « des désagréments ou des inconvénients » au sens de la disposition en cause, n'est pas compatible avec l'obligation de standstill contenue dans l'article 23 de la Constitution, la Cour observe qu'il n'appartient pas à une partie devant la juridiction a quo de définir l'objet et l'étendue de la question préjudicielle.

En outre, le fait de permettre que soit posée une question préjudicielle dont ni le libellé ni les motifs de la décision de renvoi ne précisent en quoi une norme de contrôle déterminée serait violée compromettrait le caractère contradictoire de la procédure devant la Cour, dès lors que les parties qui, le cas échéant, souhaitent intervenir à la cause devant la Cour n'ont pas la possibilité de le faire efficacement. Ceci vaut en particulier pour la partie qui interviendrait pour défendre la disposition en cause et qui ne pourrait mener une défense utile.

B.7.4. La question préjudicielle n'est pas recevable en ce qu'elle porte sur le respect de l'article 23 de la Constitution et de l'article 6 de la Convention d'Aarhus.

B.8.1. L'article 13 de la Constitution garantit le droit d'accès au juge assigné par la loi.

L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit tout autant le droit d'accès à un juge pour les contestations sur des droits et obligations de caractère civil et pour établir le bien-fondé d'une accusation en matière pénale.

B.8.2. L'article 9 de la Convention d'Aarhus dispose : « 1. Chaque Partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que toute personne qui estime que la demande d'informations qu'elle a présentée en application de l'article 4 a été ignorée, rejetée abusivement, en totalité ou en partie, ou insuffisamment prise en compte ou qu'elle n'a pas été traitée conformément aux dispositions de cet article, ait la possibilité de former un recours devant une instance judiciaire ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi.

Dans les cas où une Partie prévoit un tel recours devant une instance judiciaire, elle veille à ce que la personne concernée ait également accès à une procédure rapide établie par la loi qui soit gratuite ou peu onéreuse, en vue du réexamen de la demande par une autorité publique ou de son examen par un organe indépendant et impartial autre qu'une instance judiciaire.

Les décisions finales prises au titre du présent paragraphe 1 s'imposent à l'autorité publique qui détient les informations. Les motifs qui les justifient sont indiqués par écrit, tout au moins lorsque l'accès à l'information est refusé au titre du présent paragraphe. 2. Chaque Partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que les membres du public concerné a) ayant un intérêt suffisant pour agir ou, sinon, b) faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le code de procédure administrative d'une Partie pose une telle condition, puissent former un recours devant une instance judiciaire et/ou un autre organe indépendant et impartial établi par loi pour contester la légalité, quant au fond et à la procédure, de toute décision, tout acte ou toute omission tombant sous le coup des dispositions de l'article 6 et, si le droit interne le prévoit et sans préjudice du paragraphe 3 ci-après, des autres dispositions pertinentes de la présente Convention. Ce qui constitue un intérêt suffisant et une atteinte à un droit est déterminé selon les dispositions du droit interne et conformément à l'objectif consistant à accorder au public concerné un large accès à la justice dans le cadre de la présente Convention. A cet effet, l'intérêt qu'a toute organisation non gouvernementale répondant aux conditions visées au paragraphe 5 de l'article 2 est réputé suffisant au sens de l'alinéa a) ci-dessus. Ces organisations sont également réputées avoir des droits auxquels il pourrait être porté atteinte au sens de l'alinéa b) ci-dessus.

Les dispositions du présent paragraphe 2 n'excluent pas la possibilité de former un recours préliminaire devant une autorité administrative et ne dispensent pas de l'obligation d'épuiser les voies de recours administratif avant d'engager une procédure judiciaire lorsqu'une telle obligation est prévue en droit interne. 3. En outre, et sans préjudice des procédures de recours visées aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, chaque Partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d'autorités publiques allant à l'encontre des dispositions du droit national de l'environnement.4. En outre, et sans préjudice du paragraphe 1, les procédures visées aux paragraphes 1, 2 et 3 ci-dessus doivent offrir des recours suffisants et effectifs, y compris un redressement par injonction s'il y a lieu, et doivent être objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif.Les décisions prises au titre du présent article sont prononcées ou consignées par écrit. Les décisions des tribunaux et, autant que possible, celles d'autres organes doivent être accessibles au public. 5. Pour rendre les dispositions du présent article encore plus efficaces, chaque Partie veille à ce que le public soit informé de la possibilité qui lui est donnée d'engager des procédures de recours administratif ou judiciaire, et envisage la mise en place de mécanismes appropriés d'assistance visant à éliminer ou à réduire les obstacles financiers ou autres qui entravent l'accès à la justice ». B.8.3. Ainsi, l'article 9, paragraphe 2, de la Convention d'Aarhus garantit aux membres du « public concerné » qui ont un intérêt suffisant pour agir ou qui font valoir l'atteinte à un droit, lorsque le code de procédure administrative d'un Etat partie à la Convention pose une telle condition, la possibilité de « former un recours devant une instance judiciaire et/ou un autre organe indépendant et impartial établi par loi pour contester la légalité, quant au fond et à la procédure, de toute décision, tout acte ou toute omission tombant sous le coup des dispositions de l'article 6 et, si le droit interne le prévoit et sans préjudice du paragraphe 3 ci-après, des autres dispositions pertinentes de [cette] Convention ». Ce qui constitue un intérêt suffisant et une atteinte à un droit est déterminé selon les dispositions du droit interne et conformément à l'objectif consistant à accorder au public concerné un large accès à la justice dans le cadre de cette Convention. En vertu de l'article 6, paragraphe 1, points a) et b), le processus décisionnel relatif à l'environnement, fixé par cet article, doit être appliqué aux décisions portant, d'une part, sur le fait d'autoriser ou non les activités énumérées à l'annexe I de cette Convention et, d'autre part, sur les activités proposées non énumérées à l'annexe I précitée qui peuvent avoir un effet important sur l'environnement. L'article 9, paragraphe 2, de la Convention d'Aarhus a donc pour objet, non pas de conférer un droit de recours contre les décisions et autres actes entrant dans le champ d'application de l'article 6 de celle-ci, relatifs aux projets faisant l'objet d'une participation du public au processus décisionnel, au public en général, mais de garantir ce droit aux seuls membres du « public concerné » qui remplissent certaines conditions (CJUE, 14 janvier 2021, C-826/18, Stichting Varkens in Nood e.a., point 36).

B.8.4. L'article 9, paragraphe 3, de la Convention d'Aarhus exige encore que chaque Etat partie à la Convention permette aux « membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne » d'engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester notamment les actes des autorités publiques contraires au droit national de l'environnement. Dès lors, de tels recours peuvent être assujettis à des « critères », ce dont il découle que les Etats membres peuvent, dans le cadre du pouvoir d'appréciation qui leur est laissé à cet égard, fixer des règles de procédure relatives aux conditions devant être réunies pour exercer de tels recours (CJUE, 20 décembre 2017, C-664/15, Protect Natur-, Arten- und Landschaftsschutz Umweltorganisation, point 86).

B.8.5. Dans l'hypothèse où la décision d'autorisation attaquée relèverait du champ d'application de l'article 9, paragraphe 2, de la Convention d'Aarhus, il y a lieu d'observer que cette disposition permet que l'accès au juge soit limité aux « membres du public concerné ayant un intérêt suffisant pour agir ». La notion de « public concerné » est définie à l'article 2, paragraphe 5, de la Convention comme visant « le public qui est touché ou qui risque d'être touché par les décisions prises en matière d'environnement ou qui a un intérêt à faire valoir à l'égard du processus décisionnel ». Les personnes qui se prévalent uniquement d'un intérêt commercial ne sauraient être considérées comme correspondant à cette description.

Dans l'hypothèse où la décision d'autorisation attaquée relèverait du champ d'application de l'article 9, paragraphe 3, de la Convention d'Aarhus, il y a lieu d'observer qu'une restriction du droit d'accès au juge peut être justifiée « dans la mesure où elle est prévue par la loi, respecte le contenu essentiel dudit droit, est nécessaire, dans le respect du principe de proportionnalité, et répond effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union européenne ou au besoin de protection des droits et des libertés d'autrui » (CJUE, 14 janvier 2021, C-826/18, Stichting Varkens in Nood e.a., point 64).

B.9. La question préjudicielle peut être interprétée en ce sens que le Conseil d'Etat demande si la disposition en cause, interprétée en ce sens que les inconvénients commerciaux qui ne sont pas de nature urbanistique ne peuvent pas être considérés comme « des désagréments ou des inconvénients directs ou indirects » au sens de cette disposition, est compatible avec le droit d'accès au juge compétent, garanti par l'article 13 de la Constitution et par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ou avec le droit, garanti par l'article 9 de la Convention d'Aarhus, de former un recours devant une instance judiciaire et/ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi. Dans cette interprétation, la disposition en cause entrave en effet l'accès au Conseil pour les contestations des autorisations pour les personnes physiques ou morales qui justifient d'un intérêt purement commercial à attaquer une décision d'autorisation.

B.10. L'accès au juge, tel qu'il est garanti par l'article 13 de la Constitution et par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, peut être soumis à des conditions de recevabilité, comme une condition d'intérêt. Ces conditions ne peuvent restreindre l'accès au juge d'une manière qui porte atteinte à sa substance même. Tel serait le cas d'une restriction qui ne serait pas raisonnablement proportionnée à un but légitime.

La compatibilité d'une telle restriction avec le droit d'accès à un tribunal dépend des particularités de la procédure en cause et s'apprécie au regard de l'ensemble du procès (CEDH, 24 février 2009, L'Erablière A.S.B.L. c. Belgique, § 36; 29 mars 2011, RTBF c.

Belgique, § 70; 18 octobre 2016, Miessen c. Belgique, § 64; 17 juillet 2018, Ronald Vermeulen c. Belgique, § 58).

B.11. Il appartient au Conseil pour les contestations des autorisations, le cas échéant sous le contrôle du Conseil d'Etat en tant que juge de cassation, de juger dans quelles circonstances une partie requérante justifie d'un intérêt à son recours. Les deux juridictions doivent toutefois veiller à ce que la condition de l'intérêt ne soit pas appliquée de manière excessivement restrictive ou formaliste (voy. dans ce sens : CEDH, 20 avril 2004, Bulena c.

République tchèque, § § 28, 30 et 35; 24 février 2009, L'Erablière A.S.B.L. c. Belgique, § 38; 5 novembre 2009, Nunes Guerreiro c.

Luxembourg, § 38; 22 décembre 2009, Sergey Smirnov c. Russie, § § 29-32; 11 juillet 2017, Dakir c. Belgique, § 81; 17 juillet 2018, Ronald Vermeulen c. Belgique, § 54). En outre, l'interprétation de cette exigence ne peut pas être contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

B.12. Selon le Conseil pour les contestations des autorisations et le Conseil d'Etat, la condition de l'intérêt qui est prévue par la disposition en cause doit être comprise de manière telle qu'aucun recours recevable devant le Conseil pour les contestations des autorisations n'est ouvert pour les personnes physiques ou morales qui justifient d'un intérêt purement commercial.

B.13. Conformément au texte de la disposition en cause, un recours devant le Conseil pour les contestations des autorisations peut être introduit par « toute personne physique ou morale à qui la décision d'autorisation, de validation ou d'enregistrement ou prise d'acte d'une déclaration peut causer, directement ou indirectement, des désagréments ou des inconvénients ». Cette disposition ne fait pas de distinction selon la nature des désagréments ou des inconvénients requis et, plus précisément, elle ne prévoit pas l'exclusion des personnes à qui la décision d'autorisation attaquée ne cause qu'un inconvénient commercial. En outre, il peut être déduit de la précision selon laquelle tant des désagréments ou des inconvénients directs qu'indirects peuvent suffire que le législateur décrétal a conçu de manière large la condition de l'intérêt prévue par la disposition en cause.

B.14. Certes, il peut être déduit du passage de l'exposé des motifs du décret du 27 mars 2009 mentionné en B.2.3 que le législateur décrétal n'aurait visé, par la notion de « désagréments », que les conséquences négatives sur le plan de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Doc. parl., Parlement flamand, 2008-2009, n° 2011/1, p. 186).Cela n'empêche pas que, conformément à la disposition en cause, outre des « désagréments », des « inconvénients » peuvent aussi être pris en considération à l'appui de l'intérêt. Puisque le législateur décrétal a donc prévu deux catégories d'éléments distinctes, qui peuvent chacune séparément étayer l'intérêt, il convient de considérer que ces deux catégories n'ont pas totalement la même portée.

Il ne ressort d'aucun élément des travaux préparatoires que le législateur décrétal aurait également voulu limiter la portée de la notion d'« inconvénients » à la matière de l'aménagement du territoire et de l'environnement et, plus précisément, que les inconvénients de nature commerciale ne pourraient pas être pris en considération à l'appui de l'intérêt.

B.15. Il ressort du même exposé des motifs que l'objectif du législateur décrétal consistait à définir de manière très large l'accès au recours administratif et, partant, au Conseil pour les contestations des autorisations, et à n'exclure que l'action populaire (Doc. parl., Parlement flamand, 2008-2009, n° 2011/1, p. 207).

Au regard de cet objectif, il n'est pas raisonnablement justifié qu'une catégorie de justiciables donnée à qui une décision d'autorisation de nature urbanistique peut également causer des effets préjudiciables, même si ces inconvénients sont de nature purement commerciale, soit ensuite privée de manière générale de l'accès à cette juridiction. Compte tenu de ces effets préjudiciables, il ne saurait en effet être admis a priori que ces justiciables ne seraient pas personnellement affectés dans leur situation par une décision d'autorisation de nature urbanistique, et donc que leur recours contre cette décision équivaudrait à une action populaire.

Dans l'interprétation du juge a quo, la disposition en cause empêche le Conseil pour les contestations des autorisations de juger que de tels justiciables ont rempli la condition de l'intérêt, de sorte que cette disposition n'est pas compatible avec les articles 10, 11 et 13 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.16. Il ressort de ce qui est mentionné en B.13 à B.15 que ni le texte de la disposition en cause ni les travaux préparatoires de celle-ci ne permettent de conclure que le législateur décrétal a voulu priver de manière générale de l'accès au Conseil pour les contestations des autorisations les personnes qui justifient d'un intérêt purement commercial.

La disposition en cause doit dès lors être interprétée en ce qu'elle n'empêche pas le Conseil pour les contestations des autorisations de juger que ces personnes satisfont à la condition de l'intérêt. Il appartient au Conseil pour les contestations des autorisations, le cas échéant sous le contrôle du Conseil d'Etat en tant que juge de cassation, d'apprécier s'il y a un lien de causalité suffisamment individualisé entre les inconvénients commerciaux invoqués et la décision d'autorisation attaquée. Dans cette interprétation, la disposition en cause est compatible avec les articles 10, 11 et 13 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.17.1. La considération mentionnée en B.3 selon laquelle « la réglementation en matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme tend essentiellement à protéger le bon aménagement du territoire et un environnement sain et qu'on ne saurait la détourner de cette finalité pour protéger des intérêts qui y sont totalement étrangers » ne conduit pas à une autre conclusion.

B.17.2. L'existence d'une condition de l'intérêt comme condition d'accès à une juridiction qui se prononce, comme le Conseil pour les contestations des autorisations, dans un contentieux objectif, suppose en effet qu'une distinction soit faite entre les intérêts poursuivis par une partie requérante, qui ont un rapport avec les conséquences de l'acte juridique attaqué sur sa situation personnelle, et les intérêts qui sont protégés par la réglementation dont le respect est garanti par la juridiction concernée La question de savoir dans quelle mesure une violation de la réglementation relative à l'aménagement du territoire et à l'urbanisme peut être invoquée devant le Conseil pour les contestations des autorisations par une partie requérante qui poursuit des intérêts qui sont étrangers à la protection du bon aménagement du territoire et d'un environnement sain n'est donc pas en cause dans le cadre de l'appréciation de la condition de l'intérêt au recours comme condition d'accès au Conseil pour les contestations des autorisations, mais elle est liée à l'appréciation de l'intérêt qu'a la partie requérante aux moyens qu'elle invoque. Le législateur décrétal a réglé cette matière dans l'article 35, alinéa 3, du décret du 4 avril 2014, au sujet duquel la Cour n'est pas interrogée en l'espèce.

B.17.3. Du reste, il y a lieu de relever qu'à la suite du décret du 15 juillet 2016 « relatif à la politique d'implantation commerciale intégrale », l'autorisation d'exercer des activités de commerce de détail a été intégrée dans le permis d'environnement, à partir du 1er août 2018.

Aux termes de l'article 11 de ce décret, un permis d'environnement pour des activités de commerce de détail est requis pour exercer les activités de commerce de détail précisées dans cette disposition. Aux termes de l'article 13 de ce décret, un permis d'environnement pour exercer des activités de commerce de détail peut être refusé si la demande est inconciliable avec les objectifs de la politique d'implantation commerciale intégrale, visés à l'article 4 de ce décret. En vertu de cette disposition, la Région flamande mène, en coopération avec les communes et les provinces, une politique d'implantation commerciale intégrale axée sur : 1° la création de possibilités durables d'implantation pour le commerce de détail, y compris la prévention de rubans de commerces de détail non désirés; 2° la garantie d'une offre accessible pour les consommateurs; 3° la garantie et le renforcement de la viabilité dans l'environnement urbain, y compris le renforcement de noyaux commerciaux principaux; 4° la réalisation d'une mobilité durable.

Bien que l'article 13 de ce décret dispose que l'évaluation d'une demande de permis d'environnement pour exercer des activités de commerce de détail ne peut pas s'effectuer sur la base de l'application au cas par cas de critères économiques dans le cadre desquels la délivrance du permis est subordonnée à la preuve qu'il existe un besoin économique ou une demande du marché, d'une évaluation des conséquences économiques possibles ou actuelles de l'activité ou d'une évaluation de l'adéquation de l'activité aux objectifs de planification économique fixés par l'instance compétente, cette intégration a néanmoins pour effet d'élargir le champ d'application du permis d'environnement par rapport au permis d'urbanisme, sur lequel porte le litige a quo.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 4.8.11, § 1er, alinéa 1er, 3°, du Code flamand de l'aménagement du territoire, dans sa version insérée par l'article 5 du décret du 6 juillet 2012 « modifiant diverses dispositions du Code flamand de l'aménagement du territoire, en ce qui concerne le Conseil pour les contestations des autorisations », avant sa modification par l'article 338 du décret du 25 avril 2014 « relatif au permis d'environnement », viole les articles 10, 11 et 13 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans l'interprétation selon laquelle les inconvénients purement commerciaux ne peuvent être considérés comme des « désagréments ou des inconvénients directs ou indirects » au sens de cette disposition. - La même disposition ne viole pas les articles 10, 11 et 13 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans l'interprétation selon laquelle les inconvénients purement commerciaux peuvent être considérés comme des « désagréments ou des inconvénients directs ou indirects » au sens de cette disposition.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 juin 2021.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, L. Lavrysen

^