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Arrêt
publié le 02 juin 2022

Extrait de l'arrêt n° 118/2021 du 30 septembre 2021 Numéros du rôle : 7154, 7155, 7212 et 7220 En cause : les recours en annulation partielle du décret de la Région wallonne du 4 octobre 2018 « relatif au Code wallon du Bien-être des animaux La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, des juges J.-P. Moe(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 118/2021 du 30 septembre 2021 Numéros du rôle : 7154, 7155, 7212 et 7220 En cause : les recours en annulation partielle du décret de la Région wallonne du 4 octobre 2018 « relatif au Code wallon du Bien-être des animaux », introduits par Rabah Bouazza et autres, par Albert Guigui et autres, par l'ASBL « Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique. Section belge du Congrès juif mondial et Congrès juif européen » et autres et par l'Exécutif des Musulmans de Belgique et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, des juges J.-P. Moerman, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne et D. Pieters, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite F. Daoût et de la juge émérite T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président émérite F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 1er avril 2019 et parvenue au greffe le 2 avril 2019, un recours en annulation des articles D.57, § 1er, et D.105, § 1er, 18°, contenus dans l'article 1er du décret de la Région wallonne du 4 octobre 2018 « relatif au Code wallon du Bien-être des animaux », ainsi que de l'article 26 du même décret (publié au Moniteur belge du 31 décembre 2018) a été introduit par Rabah Bouazza, l'ASBL « Mosquée Arrahma - Association de foi et pratique de la religion islamique de Marchienne-au-Pont », l'ASBL « Assakina », l'ASBL « Association de Foi et Pratique de la Religion islamique de Charleroi », l'ASBL « Association de foi et de pratique de la religion islamique », l'ASBL « Mosquée At-Touba », l'ASBL « Verli » et la SPRL « Goraya », assistés et représentés par Me I.Akrouh, avocat au barreau de Bruxelles. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 1er avril 2019 et parvenue au greffe le 3 avril 2019, un recours en annulation des articles D.4, § 1er, 2°, 16° et 26°, D.57 et D.59, contenus dans l'article 1er du même décret, ainsi que de son article 26, a été introduit par Albert Guigui, Pinkas Kornfeld, Nissan Haim Roth et le « Consistoire Central Israélite de Belgique », assistés et représentés par Me E. Jacubowitz, Me C. Caillet et Me E. Maes, avocats au barreau de Bruxelles.

Par les mêmes requêtes, les parties requérantes demandaient également la suspension des mêmes dispositions décrétales. Par l'arrêt n° 115/2019 du 18 juillet 2019, publié au Moniteur belge du 12 février 2020, la Cour a rejeté les demandes de suspension. c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 14 juin 2019 et parvenue au greffe le 17 juin 2019, un recours en annulation des articles D.57, § 1er, D.59 et D.105, § 1er, 18°, contenus dans l'article 1er du même décret, ainsi que de son article 26, a été introduit par l'ASBL « Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique. Section belge du Congrès juif mondial et Congrès juif européen », Yohan Benizri, Liliane Seidman et Jacques Grunicky, assistés et représentés par Me E. Cloots et Me S. Sottiaux, avocats au barreau d'Anvers. d. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 26 juin 2019 et parvenue au greffe le 27 juin 2019, un recours en annulation des articles D.57, § 1er, D.59 et D.105, § 1er, 18°, contenus dans l'article 1er du même décret, ainsi que de son article 26, a été introduit par l'Exécutif des Musulmans de Belgique, le Conseil de coordination des institutions islamiques de Belgique, l'AISBL « Association internationale Diyanet de Belgique », l'ASBL « Fédération islamique de Belgique », l'ASBL « Rassemblement des Musulmans de Belgique », l'ASBL « Union des mosquées de la Province de Liège », l'ASBL « Unie van Moskeeën en islamitische verenigingen van Limburg », Hasan Batakli, Tahar Chahbi et Semsettin Ugurlu, assistés et représentés par Me J. Roets, avocat au barreau d'Anvers.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 7154, 7155, 7212 et 7220 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte B.1.1. Les parties requérantes dans l'affaire n° 7154 demandent l'annulation des articles D.57, § 1er, et D.105, § 1er, 18°, du Code wallon du bien-être des animaux établi par l'article 1er du décret du 4 octobre 2018 « relatif au Code wallon du Bien-être des animaux ».

Les parties requérantes dans l'affaire n° 7155 demandent l'annulation des articles D.4, § 1er, 2°, 16° et 26°, D.57 et D.59 du même Code, ainsi que de l'article 26 du décret du 4 octobre 2018, précité.

Les parties requérantes dans les affaires nos 7212 et 7220 demandent l'annulation des articles D.57, § 1er, D.59 et D.105, § 1er, 18°, du même Code, ainsi que de l'article 26 du décret du 4 octobre 2018, précité.

Les dispositions attaquées imposent à dater du 1er septembre 2019 une interdiction d'abattage sans étourdissement préalable.

B.1.2. L'article D.4, § 1er, du Code wallon du bien-être des animaux dispose : « Pour l'application du présent Code, l'on entend par : [...] 2° l'abattage : la mise à mort d'animaux destinés à la consommation humaine; [...] 16° un étourdissement : tout procédé intentionnel qui provoque une perte de conscience et de sensibilité sans douleur, y compris tout procédé entraînant une mort immédiate; [...] 26° une mise à mort : tout procédé intentionnel qui cause la mort d'un animal; [...] ».

L'article D.57 du Code wallon du bien-être des animaux dispose : « § 1er. Un animal ne peut être mis à mort que par une personne ayant les connaissances et les capacités requises, et suivant la méthode la plus sélective, la plus rapide et la moins douloureuse pour l'animal.

Un animal est mis à mort uniquement après anesthésie ou étourdissement, sauf les cas : 1° de force majeure;2° de pratiques de la chasse ou de la pêche;3° de lutte contre les organismes nuisibles;4° d'actions de mise à mort prévues en vertu de la loi sur la conservation de la nature. Lorsque la mise à mort d'animaux fait l'objet de méthodes particulières d'abattage prescrites par des rites religieux, le procédé d'étourdissement doit être réversible et ne peut entraîner la mort de l'animal. § 2. Le Gouvernement peut autoriser l'abattage d'animaux sur leur lieu d'élevage selon les conditions et modalités qu'il détermine. § 3. Par dérogation au paragraphe 1er, les modalités de mise à mort des animaux visés au Chapitre 8 sont fixées par et en vertu de l'article D.90 ».

L'article D.59 du Code wallon du bien-être des animaux dispose : « Le Gouvernement fixe les conditions et les modalités se rapportant : 1° à la compétence du personnel travaillant dans les abattoirs et des personnes participant à la mise à mort des animaux en ce compris la mise en place de formations et d'examens ainsi que la délivrance, le retrait et la suspension de certificats délivrés dans ce cadre;2° à la qualification des personnes habilitées à pratiquer la mise à mort d'un animal;3° au contrôle et à l'autocontrôle des conditions d'abattage depuis l'arrivée des animaux à l'abattoir jusqu'à la mise à mort;4° à la construction, l'aménagement et l'équipement des abattoirs;5° à l'utilisation de produits ou matériel destinés à la mise à mort d'animaux ». L'article D.105, § 1er, du Code wallon du bien-être des animaux dispose : « Commet une infraction de deuxième catégorie au sens du Livre Ier du Code de l'Environnement, celui qui : [...] 18° met à mort ou fait mettre à mort un animal sans procéder au préalable à une anesthésie ou un étourdissement en contravention à l'article D.57 ou aux conditions fixées en vertu de ce même article; [...] ».

L'article 26 du décret du 4 octobre 2018 « relatif au Code wallon du Bien-être des animaux » dispose : « Jusqu'au 31 août 2019, l'article D.57 du Code wallon du Bien-être des animaux ne s'applique pas aux abattages prescrits par un rite religieux.

Le Gouvernement peut prévoir la procédure et les conditions de contrôles démontrant que l'abattage est entrepris dans le cadre d'un rite religieux ».

B.2.1. Ces dispositions remplacent des dispositions ayant une portée identique qui avaient été introduites dans la loi du 14 août 1986 « relative à la protection et au bien-être des animaux » par le décret du 18 mai 2017 « modifiant les articles 3, 15 et 16 et insérant un article 45ter dans la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux ».

Elles ont été prises en vertu de la compétence attribuée aux régions - depuis la sixième réforme de l'Etat (2014) - en ce qui concerne le bien-être des animaux (article 6, § 1er, XI, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles).

B.2.2. La Cour a été saisie de plusieurs recours en annulation dirigés contre les dispositions du décret du 18 mai 2017, précité. Par son arrêt n° 52/2019 du 4 avril 2019, elle a constaté que les dispositions attaquées du décret du 18 mai 2017 avaient été abrogées par l'article 24, alinéa 1er, 1°, du décret du 4 octobre 2018 « relatif au Code wallon du Bien-être des animaux » et que, compte tenu de la date qui avait été fixée pour leur entrée en vigueur, elles n'avaient jamais produit leurs effets. La Cour a dès lors constaté que ces recours avaient perdu leur objet.

B.2.3. Avant sa modification par le décret du 18 mai 2017 et par le décret attaqué, la loi du 14 août 1986 prévoyait, en ce qui concerne les abattages prescrits par un rite religieux, une exception à l'obligation de principe d'étourdir préalablement l'animal. Le décret du 18 mai 2017 et le décret attaqué abrogent cette exception.

B.2.4. Selon l'article D.4, § 1er, 16°, du Code wallon du bien-être des animaux, il y a lieu d'entendre par « étourdissement » : « tout procédé intentionnel qui provoque une perte de conscience et de sensibilité sans douleur, y compris tout procédé entraînant une mort immédiate ».

L'article D.57, § 1er, alinéa 3, du Code wallon du bien-être des animaux prévoit toutefois une modalité d'étourdissement particulière lorsque les animaux sont abattus selon des méthodes spéciales requises pour des rites religieux : le procédé d'étourdissement appliqué est réversible et ne peut entraîner la mort de l'animal.

B.2.5. En vertu de l'article D.105, § 1er, quiconque met à mort ou fait mettre à mort un animal sans procéder au préalable à une anesthésie ou un étourdissement commet une infraction de deuxième catégorie, punie d'un emprisonnement de huit jours à trois ans et d'une amende d'au moins 100 euros et au maximum de 1 000 000 euros ou d'une de ces peines seulement (article D.151, § 1er, alinéa 3, du Code de l'environnement).

B.2.6. Les travaux préparatoires du décret du 18 mai 2017, qui est à l'origine des dispositions attaquées, mentionnent : « La présente proposition de décret vise à organiser les procédures de mise à mort qui permettent d'épargner au maximum le stress et la souffrance aux animaux au moment de celle-ci. [...] [...] L'abattage d'un animal ne peut se pratiquer qu'après étourdissement.

Cependant, en l'état du dispositif actuel, il est tout de même autorisé d'abattre des animaux sans étourdissement dans le cadre de rites religieux, selon des méthodes particulières requises par ces rites. Or, la souffrance des animaux due à la pratique de l'abattage sans étourdissement est relayée tant par les citoyens que par le politique, les associations de protection des animaux, les vétérinaires, les associations représentant le secteur agricole ou encore la fédération belge des abattoirs.

Il résulte de ce qui précède que les dispositions figurant au chapitre VI de la loi du 14 août 1986 doivent être revues dans leur ensemble pour assurer une cohérence et la conformité du droit régional wallon au règlement (CE) n° 1099/2009 en ce qui concerne la pratique des abattages, en particulier ceux prescrits par un rite religieux.

Par ailleurs, le Gouvernement entend mettre fin à l'abattage des animaux d'élevage sans étourdissement pour éviter toute douleur et souffrance techniquement évitable et afin de répondre aux attentes de la société civile, sans pour autant porter atteinte de manière disproportionnée à la liberté de religion. [...] L'alinéa 3 de l'article 15 prévoit que lorsque la mise à mort d'animaux fait l'objet de méthodes particulières d'abattage prescrites par des rites religieux, le procédé d'étourdissement doit être réversible et ne peut entraîner la mort de l'animal. L'exception actuelle qui prévoit que les dispositions du chapitre VI de la loi du 14 août 1986 ne sont pas applicables aux abattages rituels est donc supprimée.

Cette mention plaide pour un équilibre en termes de balance entre le bien-être animal et la liberté de culte » (Doc. parl., Parl. wallon, 2016-2017, n° 781/1, p. 3).

Et « D'autre part, il convient de souligner que la démarche des auteurs est soutenue par le récent avis du Conseil wallon du bien-être des animaux qui indique que l'abattage sans étourdissement est inacceptable et engendre une souffrance évitable pour l'animal. A cette occasion, le Conseil a rappelé qu'en Belgique, les volailles et les lapins sont déjà étourdis par électronarcose lors de l'abattage rituel. Il ajoute que sur la base des publications scientifiques disponibles, il apparaît que la crainte des communautés religieuses que les animaux ne se vident pas complètement de leur sang lors de l'abattage halal ou lors de la Chehita, et ce, lorsque l'animal est préalablement étourdi est infondée. En effet, ces publications indiquent une même qualité et rapidité de saignement chez les animaux non étourdis et étourdis avant l'égorgement, voire même de meilleurs résultats pour ces derniers. De plus, il est démontré que lorsqu'on utilise les techniques appropriées d'étourdissement, le coeur continue à battre après celui-ci » (ibid., p. 5).

B.3. Par le décret du 7 juillet 2017 « portant modification de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en ce qui concerne les méthodes autorisées pour l'abattage des animaux », la Région flamande a adopté des règles dont le contenu est très similaire à celui des dispositions attaquées.

Le décret de la Région flamande du 7 juillet 2017 prévoit une interdiction de l'abattage sans étourdissement. Si l'abattage d'animaux fait l'objet de méthodes particulières d'abattage prescrites par un rite religieux, le procédé d'étourdissement est réversible et ne peut entraîner la mort de l'animal. L'interdiction de l'abattage sans étourdissement visée à l'article 15 de la loi du 14 août 1986, tel qu'il est remplacé par l'article 3 du décret, est applicable depuis le 1er janvier 2019.

Plusieurs recours en annulation ont été introduits devant la Cour contre ce décret de la Région flamande (affaires jointes nos 6816, 6818, 6819, 6820 et 6821). Par son arrêt n° 53/2019 du 4 avril 2019, la Cour a posé trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne dans cette affaire (affaire C-336/19), auxquelles la Cour de justice a répondu par un arrêt du 17 décembre 2020. Par son arrêt n° 117/2021 du 30 septembre 2021, la Cour a rejeté les recours.

B.4. Dans la Région de Bruxelles Capitale, c'est la loi du 14 août 1986 qui est applicable. Cette loi prévoit, en ce qui concerne l'abattage d'animaux prescrit par un rite religieux, une exception à l'obligation d'étourdir l'animal.

Quant au fond B.5. Dans leurs moyens, les parties requérantes dans les affaires nos 7154, 7155, 7212 et 7220 invoquent la violation : (1) du règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 « sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort » (ci-après : le règlement (CE) n° 1099/2009), lu en combinaison avec le principe d'égalité et de non-discrimination, en ce que les croyants juifs et islamiques seraient privés de la garantie, contenue dans l'article 4, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1099/2009, selon laquelle les abattages rituels ne peuvent être soumis à la condition d'étourdissement préalable et en ce que le décret attaqué n'aurait pas été notifié à temps à la Commission européenne, en violation de l'article 26, paragraphe 2, du règlement précité (quatrième moyen dans l'affaire n° 7155, premier moyen dans l'affaire n° 7212 et premier moyen dans l'affaire n° 7220);(2) de la liberté de religion, en ce qu'il deviendrait impossible pour les croyants juifs et pour les croyants islamiques, d'une part, d'abattre des animaux conformément aux préceptes de leur religion et, d'autre part, de se procurer de la viande provenant d'animaux abattus conformément à ces préceptes religieux (première et deuxième branches du premier moyen dans l'affaire n° 7155, première branche du premier moyen dans l'affaire n° 7154, deuxième moyen dans l'affaire n° 7212 et deuxième moyen dans l'affaire n° 7220);(3) du principe de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, en ce que les dispositions attaquées prescriraient de quelle manière un rite religieux doit être accompli et habiliteraient le Gouvernement wallon à déterminer les conditions de qualification des sacrificateurs (troisième branche du premier moyen dans l'affaire n° 7155, deuxième branche du premier moyen dans l'affaire n° 7154, troisième moyen dans l'affaire n° 7212 et troisième moyen dans l'affaire n° 7220);(4) du droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle, de la liberté d'entreprendre et de la libre circulation des marchandises et des services, en ce qu'il deviendrait impossible pour les abatteurs religieux d'exercer leur activité professionnelle, en ce qu'il deviendrait impossible pour les bouchers et pour les boucheries de proposer à leurs clients de la viande dont ils peuvent garantir qu'elle provient d'animaux abattus conformément aux préceptes religieux, et en ce qu'il y aurait une distorsion de la concurrence entre les abattoirs établis en Région wallonne et les abattoirs établis dans la Région de Bruxelles-Capitale ou dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui autorise l'abattage d'animaux sans étourdissement (deuxième moyen dans l'affaire n° 7155, troisième moyen dans l'affaire n° 7154);(5) du principe d'égalité et de non-discrimination, en ce que - les croyants juifs et les croyants islamiques seraient traités, sans qu'il existe une justification raisonnable, de la même manière que les personnes qui ne sont pas soumises aux préceptes alimentaires spécifiques d'une religion (première branche du troisième moyen dans l'affaire n° 7155, deuxième branche du deuxième moyen dans l'affaire n° 7154, premier moyen dans l'affaire n° 7212 et premier moyen dans l'affaire n° 7220); - les croyants juifs, d'une part, et les croyants islamiques, d'autre part, seraient traités de la même manière, sans qu'il existe une justification raisonnable (deuxième branche du troisième moyen dans l'affaire n° 7255); - les personnes qui tuent des animaux en pratiquant la chasse ou la pêche ou dans le cadre de la lutte contre les organismes nuisibles, d'une part, et les personnes qui tuent des animaux en recourant à des méthodes d'abattage particulières prescrites par un rite religieux, d'autre part, seraient traitées de manière différente, sans qu'il existe une justification raisonnable (troisième branche du troisième moyen dans l'affaire n° 7255, première branche du deuxième moyen dans l'affaire n° 7154, quatrième moyen dans l'affaire n° 7212, quatrième moyen dans l'affaire n° 7220).

En ce qui concerne le règlement (CE) n° 1099/2009 B.6. Le premier moyen dans les affaires nos 7212 et 7220 est pris, entre autres, de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 4, paragraphe 4, et 26, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1099/2009, en ce que les dispositions attaquées priveraient les croyants juifs et les croyants islamiques de la garantie, contenue dans le règlement précité, selon laquelle les abattages rituels ne peuvent être soumis à la condition d'étourdissement préalable.

Le quatrième moyen dans l'affaire n° 7155 est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 26, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1099/2009 et avec les articles 10, 20, 21 et 22 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en ce que le décret attaqué n'aurait pas été notifié à temps à la Commission européenne. Les parties requérantes dans les affaires nos 7212 et 7220 formulent un grief similaire dans le développement de leur premier moyen.

B.7.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de toutes les libertés, y compris ceux qui résultent des conventions internationales liant la Belgique.

B.7.2. La violation alléguée en l'espèce est celle des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec des dispositions du règlement (CE) n° 1099/2009 établissant les règles « applicables à la mise à mort des animaux élevés ou détenus pour la production de denrées alimentaires, de laine, de peau, de fourrure ou d'autres produits ainsi qu'à la mise à mort des animaux à des fins de dépeuplement et aux opérations annexes » (article 1er, paragraphe 1, premier alinéa).

B.7.3. Les considérants du règlement précité font apparaître que le législateur européen a voulu, d'une part, promouvoir le bien-être des animaux et, d'autre part, établir des règles communes afin de garantir le développement rationnel du marché intérieur pour les produits d'origine animale (considérants 4 et 5).

Le considérant 4 mentionne que « le bien-être des animaux est une valeur communautaire » et que cette valeur « est consacrée dans le protocole n° 33 sur la protection et le bien-être des animaux annexé au traité instituant la Communauté européenne (' Protocole n° 33 ') ».

Depuis lors, l'article 13 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après : le TFUE) dispose : « Lorsqu'ils formulent et mettent en oeuvre la politique de l'Union dans les domaines de l'agriculture, de la pêche, des transports, du marché intérieur, de la recherche et développement technologique et de l'espace, l'Union et les Etats membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu'êtres sensibles, tout en respectant les dispositions législatives ou administratives et les usages des Etats membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux ».

B.7.4. L'article 4, paragraphes 1 et 4, du règlement (CE) n° 1099/2009 dispose : « 1. Les animaux sont mis à mort uniquement après étourdissement selon les méthodes et les prescriptions spécifiques relatives à leur application exposées à l'annexe I. L'animal est maintenu dans un état d'inconscience et d'insensibilité jusqu'à sa mort.

Les méthodes visées à l'annexe I qui n'entraînent pas la mort instantanée (ci-après dénommées ' simple étourdissement ') sont suivies aussitôt que possible d'un procédé provoquant infailliblement la mort, comme la saignée, le jonchage, l'électrocution ou l'anoxie prolongée. [...] 4. Pour les animaux faisant l'objet de méthodes particulières d'abattage prescrites par des rites religieux, les prescriptions visées au paragraphe 1 ne sont pas d'application pour autant que l'abattage ait lieu dans un abattoir ». B.8.1. En vertu de l'article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1099/2009, les animaux doivent donc en principe être étourdis avant d'être abattus, c'est-à-dire maintenus dans un état d'inconscience et d'insensibilité jusqu'à leur mort.

Par « étourdissement », on entend « tout procédé appliqué intentionnellement qui provoque une perte de conscience et de sensibilité sans douleur, y compris tout procédé entraînant une mort immédiate » (article 2, point f), du règlement (CE) n° 1099/2009).

Il peut être déduit du considérant 20 du règlement (CE) n° 1099/2009 que le législateur européen a jugé l'étourdissement nécessaire car « beaucoup de méthodes de mise à mort sont douloureuses pour les animaux » et que l'étourdissement permet de provoquer un état d'inconscience et une perte de sensibilité de l'animal au moment de sa mise à mort.

B.8.2. L'article 4, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1099/2009 contient, en ce qui concerne l'obligation de principe d'étourdir l'animal avant de l'abattre, une exception qui vaut pour l'abattage d'animaux selon des méthodes particulières prescrites par des rites religieux. Toutefois, l'abattage rituel sans étourdissement préalable n'est autorisé que dans un abattoir, c'est-à-dire dans un « établissement utilisé pour l'abattage d'animaux terrestres qui relève du champ d'application du règlement (CE) n° 853/2004 » (article 2, point k), du règlement).

Par « rite religieux », il y a lieu d'entendre, selon l'article 2, point g), du règlement, « une série d'actes associés à l'abattage d'animaux et prescrits par une religion ».

B.8.3. Il ressort du considérant 18 du règlement que l'exception concernée est dictée par l'objectif de respecter la liberté de religion, garantie par l'article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

B.8.4. L'article 10, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites ».

L'article 52 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose : « 1. Toute limitation de l'exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui. 2. Les droits reconnus par la présente Charte qui font l'objet de dispositions dans les traités s'exercent dans les conditions et limites définies par ceux-ci.3. Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention.Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l'Union accorde une protection plus étendue ».

B.9.1. L'article 26, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1099/2009 dispose : « Les Etats membres peuvent adopter des règles nationales visant à assurer aux animaux, au moment de leur mise à mort, une plus grande protection que celle prévue par le présent règlement dans les domaines suivants : a) la mise à mort des animaux et les opérations annexes effectuées en dehors d'un abattoir; b) l'abattage de gibier d'élevage au sens du point 1.6 de l'annexe I du règlement (CE) n° 853/2004, y compris les rennes, et les opérations annexes; c) l'abattage d'animaux conformément à l'article 4, paragraphe 4, et les opérations annexes. Les Etats membres notifient à la Commission toute règle nationale de ce type. La Commission les porte à la connaissance des autres Etats membres ».

B.9.2. L'article 26, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1099/2009 permet ainsi aux Etats membres d'adopter des règles nationales visant à assurer aux animaux, au moment de leur mise à mort, une plus grande protection que celle qui est prévue par les dispositions du règlement, et ce, entre autres, dans le domaine de l'abattage d'animaux et des opérations annexes conformément à l'article 4, paragraphe 4, à savoir les abattages réalisés selon des méthodes particulières prescrites par des rites religieux.

Le considérant 57 du règlement expose ce qui suit : « Les citoyens européens attendent que des règles minimales en matière de bien-être des animaux soient respectées lors de l'abattage de ceux-ci. Dans certains domaines, les attitudes vis-à-vis des animaux sont également dictées par les perceptions nationales et, dans certains Etats membres, il est demandé de maintenir ou d'adopter des règles en matière de bien-être plus poussées que celles approuvées au niveau communautaire. Dans l'intérêt des animaux et pour autant que le fonctionnement du marché intérieur n'en soit pas affecté, il convient de permettre une certaine flexibilité aux Etats membres afin qu'ils maintiennent ou, dans certains domaines spécifiques, adoptent des règles nationales plus poussées. [...] ».

Le considérant 18 du règlement expose ce qui suit : « La directive 93/119/CE [qui a été abrogée par le règlement (CE) n° 1099/2009] prévoyait une dérogation à l'obligation d'étourdissement en cas d'abattage rituel se déroulant à l'abattoir. Etant donné que les dispositions communautaires applicables aux abattages rituels ont été transposées de manière différente selon les contextes nationaux et que les dispositions nationales prennent en considération des dimensions qui transcendent l'objectif du présent règlement, il importe de maintenir la dérogation à l'exigence d'étourdissement des animaux préalablement à l'abattage, en laissant toutefois un certain degré de subsidiarité à chaque Etat membre [...] ».

B.10. Avant de statuer quant au fond sur la violation alléguée du règlement (CE) n° 1099/2009, lu en combinaison avec le principe d'égalité et de non-discrimination, par le décret, précité, de la Région flamande du 7 juillet 2017, en ce que les croyants juifs et islamiques seraient privés de la garantie, prévue par l'article 4, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1099/2009, selon laquelle les abattages rituels ne peuvent être soumis à la condition d'étourdissement préalable, la Cour a, par son arrêt n° 53/2019 du 4 avril 2019, rendu dans les affaires jointes nos 6816 e.a., posé à la Cour de justice de l'Union européenne les deux questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 26, paragraphe 2, premier alinéa, c), du règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort doit-il être interprété en ce sens qu'il autorise les Etats membres, par dérogation à la disposition contenue dans l'article 4, paragraphe 4, de ce règlement et en vue de promouvoir le bien-être des animaux, à adopter des règles telles que celles qui sont contenues dans le décret de la Région flamande du 7 juillet 2017 ' portant modification de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en ce qui concerne les méthodes autorisées pour l'abattage des animaux ', règles qui prévoient, d'une part, une interdiction de l'abattage d'animaux sans étourdissement applicable également à l'abattage effectué dans le cadre d'un rite religieux et, d'autre part, un procédé d'étourdissement alternatif pour l'abattage effectué dans le cadre d'un rite religieux, fondé sur l'étourdissement réversible et sur le précepte selon lequel l'étourdissement ne peut entraîner la mort de l'animal ? 2.Si la première question préjudicielle appelle une réponse affirmative, l'article 26, paragraphe 2, premier alinéa, c), du règlement précité viole-t-il, dans l'interprétation exposée dans la première question, l'article 10, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ? ».

B.11. Par son arrêt du 17 décembre 2020, en cause Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a. (C-336/19), la grande chambre de la Cour de justice de l'Union européenne a répondu comme suit aux deux questions préjudicielles précitées : « 39. Par ses première et deuxième questions, qu'il convient d'examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 26, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), du règlement n° 1099/2009, lu à la lumière de l'article 13 TFUE et de l'article 10, paragraphe 1, de la Charte, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à la réglementation d'un Etat membre qui impose, dans le cadre de l'abattage rituel, un procédé d'étourdissement réversible et insusceptible d'entraîner la mort de l'animal. 40. A titre liminaire, il convient de relever que le règlement n° 1099/2009, qui trouve sa base juridique dans l'article 37 CE (devenu article 43 TFUE) et s'inscrit dans le cadre du plan d'action communautaire pour la protection et le bien-être des animaux au cours de la période 2006-2010 [COM (2006) 13 final du 23 janvier 2006], vise à définir des règles communes pour la protection du bien-être des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort dans l'Union, et se fonde, ainsi que l'énonce son considérant 4, sur l'idée que la protection des animaux au moment de leur abattage est une question d'intérêt général.41. A cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d'abord, que l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1099/2009, lu en combinaison avec le considérant 20 de ce règlement, pose le principe de l'étourdissement de l'animal préalablement à sa mise à mort et l'érige même en une obligation dès lors que des études scientifiques ont établi que l'étourdissement constitue la technique qui porte le moins atteinte au bien-être animal au moment de l'abattage (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2019, OEuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs, C-497/17, EU: C: 2019: 137, point 47).Ainsi qu'il découle du considérant 4 dudit règlement, le principe de l'étourdissement préalable prévu à cette disposition traduit cette valeur de l'Union qu'est le bien-être des animaux, tel que consacré désormais à l'article 13 TFUE, en vertu duquel l'Union et les Etats membres doivent tenir pleinement compte des exigences du bien-être des animaux lorsqu'ils formulent et mettent en oeuvre la politique de celle-ci. 42. Ce principe répond à l'objectif principal de protection du bien-être animal poursuivi par le règlement n° 1099/2009, lequel ressort de l'intitulé même de ce règlement et de son considérant 2, et ce, conformément audit article 13 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 29 mai 2018, Liga van Moskeeën en Islamitische Organisaties Provincie Antwerpen e.a., C-426/16, EU: C: 2018: 335, points 63 et 64). 43. Ensuite, l'article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1099/2009 dispose que le principe de l'étourdissement préalable n'est pas d'application concernant les animaux faisant l'objet de méthodes particulières d'abattage prescrites par des rites religieux et pour autant que l'abattage ait lieu dans un abattoir.Si cette dernière disposition, lue à la lumière du considérant 18 de ce règlement, admet la pratique de l'abattage rituel, dans le cadre duquel l'animal peut être mis à mort sans étourdissement préalable, cette forme d'abattage n'est cependant autorisée qu'à titre dérogatoire dans l'Union et uniquement afin d'assurer le respect de la liberté de religion, dès lors qu'elle n'est pas de nature à atténuer toute douleur, détresse ou souffrance de l'animal aussi efficacement qu'un abattage précédé d'un étourdissement, lequel, conformément à l'article 2, sous f), dudit règlement, lu à la lumière du considérant 20 de celui-ci, est nécessaire pour provoquer chez l'animal un état d'inconscience et de perte de sensibilité de nature à réduire considérablement ses souffrances (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2019, OEuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs, C-497/17, EU: C: 2019: 137, point 48). 44. Cette dérogation se fonde, ainsi qu'il découle du considérant 15 du règlement n° 1099/2009, sur la nécessité de respecter les dispositions législatives ou administratives ainsi que les coutumes des Etats membres, notamment en ce qui concerne les rites religieux, les traditions culturelles et le patrimoine régional, dans la formulation et la mise en oeuvre des politiques de l'Union relatives, entre autres, à l'agriculture et au marché intérieur.Elle concrétise ainsi, conformément à l'article 10, paragraphe 1, de la Charte, l'engagement positif du législateur de l'Union d'assurer le respect effectif de la liberté de religion et du droit de manifester sa religion ou ses convictions par les pratiques et l'accomplissement des rites, notamment en faveur des musulmans et des juifs pratiquants (voir, en ce sens, arrêt du 29 mai 2018, Liga van Moskeeën en Islamitische Organisaties Provincie Antwerpen e.a., C-426/16, EU: C: 2018: 335, points 56 et 57). 45. En outre, il ressort du considérant 18 dudit règlement que, compte tenu du fait que ' les dispositions [de l'Union] applicables aux abattages rituels[, issues de la directive 93/119,] avaient été transposées de manière différente selon les contextes nationaux et que les dispositions nationales prennent en considération des dimensions qui transcendent l'objectif du présent règlement ', le législateur de l'Union a décidé ' de maintenir la dérogation à l'exigence d'étourdissement des animaux préalablement à l'abattage, en laissant toutefois un certain degré de subsidiarité à chaque Etat membre '.A cet effet, l'article 26, paragraphe 1, du règlement n° 1099/2009 autorise les Etats membres à maintenir toute règle nationale, applicable à la date d'entrée en vigueur de ce règlement, visant à assurer une plus grande protection des animaux au moment de leur mise à mort, tandis que l'article 26, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), dudit règlement dispose que les Etats membres peuvent adopter des règles nationales visant à assurer aux animaux, au moment de leur mise à mort, une plus grande protection que celle prévue par ledit règlement dans le domaine, notamment, de ' l'abattage d'animaux conformément à l'article 4, paragraphe 4, et [d]es opérations annexes ', étant précisé que, conformément à l'article 2, sous b), de ce même règlement, les opérations annexes ainsi visées incluent l'étourdissement. 46. Enfin, l'article 26, paragraphe 4, du règlement n° 1099/2009 précise qu'un Etat membre ne peut pas interdire ou entraver la mise en circulation sur son territoire de produits d'origine animale provenant d'animaux qui ont été mis à mort dans un autre Etat membre au motif que les animaux concernés n'ont pas été mis à mort d'une manière conforme à sa réglementation nationale qui vise à assurer une plus grande protection des animaux au moment de leur mise à mort.47. Ainsi, le cadre dressé par le règlement n° 1099/2009 reflète le prescrit de l'article 13 TFUE, selon lequel ' l'Union et les Etats membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu'êtres sensibles, tout en respectant les dispositions législatives ou administratives et les usages des Etats membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux '.Ce cadre fait apparaître que ce règlement ne procède pas lui-même à la conciliation nécessaire entre le bien-être des animaux et la liberté de manifester sa religion, mais se borne à encadrer la conciliation qu'il incombe aux Etats membres d'effectuer entre ces deux valeurs. 48. Il découle des considérations exposées aux points 44 à 47 du présent arrêt que, d'une part, l'article 26, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), du règlement n° 1099/2009 ne méconnaît pas la liberté de manifester sa religion, telle que garantie à l'article 10, paragraphe 1, de la Charte, et, d'autre part, dans le cadre de la possibilité qui leur est reconnue, au titre de cette disposition, d'adopter des règles supplémentaires visant à assurer aux animaux une plus grande protection que celle prévue par ce règlement, les Etats membres peuvent, notamment, imposer une obligation d'étourdissement préalable à la mise à mort des animaux qui s'applique également dans le cadre d'un abattage prescrit par des rites religieux, sous réserve, toutefois, du respect des droits fondamentaux consacrés par la Charte.49. En effet, conformément à l'article 51, paragraphe 1, de la Charte, les Etats membres sont tenus de respecter les droits fondamentaux consacrés par celle-ci lorsqu'ils mettent en oeuvre cette possibilité.50. En ce qui concerne la compatibilité de mesures nationales prises sur le fondement de l'article 26, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), du règlement n° 1099/2009 avec la liberté de manifester sa religion, il convient de rappeler que l'article 10, paragraphe 1, de la Charte prévoit que toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, et précise que ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.51. A cet égard, une réglementation nationale adoptée sur le fondement de l'article 26, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de ce règlement et imposant, dans le cadre d'un abattage rituel, un étourdissement réversible et insusceptible d'entraîner la mort de l'animal relève du champ d'application de la liberté de manifester sa religion, garantie à l'article 10, paragraphe 1, de la Charte. 52. En effet, la Charte retient une acception large de la notion de ' religion ' visée à cette disposition, susceptible de couvrir tant le forum internum, à savoir le fait d'avoir des convictions, que le forum externum, à savoir la manifestation en public de la foi religieuse, et la Cour a déjà jugé que l'abattage rituel relève de la liberté de manifester sa religion, garantie à l'article 10, paragraphe 1, de la Charte (arrêt du 29 mai 2018, Liga van Moskeeën en Islamitische Organisaties Provincie Antwerpen e.a., C-426/16, EU: C: 2018: 335, points 44 et 49). 53. Ainsi que le soutiennent les requérants au principal, en imposant l'obligation d'étourdissement préalable de l'animal lors de l'abattage rituel, tout en prescrivant que cet étourdissement soit réversible et qu'il ne provoque pas la mort de l'animal, le décret en cause au principal, adopté sur le fondement de l'article 26, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), du règlement n° 1099/2009, apparaît incompatible avec certains préceptes religieux juifs et islamiques.54. A cet égard, il ressort de la demande de décision préjudicielle que, pour les requérants au principal, l'abattage rituel répond à des préceptes religieux spécifiques exigeant, en substance, que les croyants ne consomment que de la viande d'animaux abattus sans étourdissement préalable, aux fins d'assurer qu'ils ne soient soumis à aucun procédé de nature à entraîner la mort avant l'abattage et qu'ils se vident de leur sang.55. Partant, ce décret emporte une limitation à l'exercice du droit à la liberté des croyants juifs et musulmans de manifester leur religion, telle que garantie à l'article 10, paragraphe 1, de la Charte.56. A cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article 52, paragraphe 3, de la Charte vise à assurer la cohérence nécessaire entre les droits contenus dans cette dernière et les droits correspondants garantis par la CEDH, sans porter atteinte à l'autonomie du droit de l'Union et de la Cour de justice de l'Union européenne.Il convient donc de tenir compte des droits correspondants de la CEDH en vue de l'interprétation de la Charte, en tant que seuil de protection minimale [voir, en ce sens, arrêts du 21 mai 2019, Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles), C-235/17, EU: C: 2019: 432, point 72 et jurisprudence citée, ainsi que du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a., C-511/18, C-512/18 et C-520/18, EU: C: 2020: 791, point 124]. Dans la mesure où il ressort des explications relatives à l'article 10 de la Charte que la liberté garantie au paragraphe 1 de cette disposition correspond à la liberté garantie à l'article 9 de la CEDH, il y a lieu de tenir compte de cette liberté en vue de l'interprétation de l'article 10, paragraphe 1, de la Charte. 57. Or, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la liberté de pensée, de conscience et de religion protégée par l'article 9 de la CEDH représente l'une des assises d'une ' société démocratique ' au sens de cette convention, dans la mesure où le pluralisme, consubstantiel à pareille société, dépend de cette liberté (voir, en ce sens, Cour EDH, 18 février 1999, Buscarini e.a. c. Saint-Marin, CE: ECHR: 1999: 0218JUD 002464594, § 34 et jurisprudence citée, ainsi que du 17 février 2011, Wasmuth c. Allemagne, CE: ECHR: 2011: 0217JUD 001288403, § 50). Ainsi, l'article 9, paragraphe 2, de la CEDH dispose que ' [l]a liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publique, ou à la protection des droits et libertés d'autrui '. 58. Dans le même sens, conformément à l'article 52, paragraphe 1, première phrase, de la Charte, toute limitation de l'exercice des droits et des libertés reconnus par celle-ci doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés.Dans sa seconde phrase, cette disposition énonce que, dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées à ces droits et libertés que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d'autrui. 59. C'est à la lumière de ces considérations qu'il convient d'examiner si une réglementation nationale, qui prévoit une obligation d'étourdissement préalable de l'animal lors de l'abattage rituel tout en prescrivant que cet étourdissement soit réversible et qu'il ne provoque pas la mort de cet animal, satisfait aux conditions prévues à l'article 52, paragraphes 1 et 3, de la Charte, lues en combinaison avec l'article 13 TFUE.60. En premier lieu, dans la mesure où elle découle du décret en cause au principal, la limitation à l'exercice du droit à la liberté de manifester sa religion identifiée au point 55 du présent arrêt est prévue par la loi, au sens de l'article 52, paragraphe 1, de la Charte.61. En deuxième lieu, une réglementation nationale qui impose l'obligation d'étourdissement préalable de l'animal lors de l'abattage rituel tout en prescrivant que cet étourdissement soit réversible et qu'il ne provoque pas la mort de l'animal respecte le contenu essentiel de l'article 10 de la Charte dès lors que, selon les indications figurant dans le dossier dont dispose la Cour, énoncées au point 54 du présent arrêt, l'ingérence résultant d'une telle réglementation se limite à un aspect de l'acte rituel spécifique que constitue ledit abattage, ce dernier n'étant en revanche pas prohibé en tant que tel.62. En troisième lieu, en ce qui concerne la question de savoir si la limitation du droit garanti à l'article 10 de la Charte résultant d'une réglementation nationale telle que celle en cause au principal répond à un objectif d'intérêt général, il ressort des indications figurant dans la demande de décision préjudicielle que le législateur flamand a entendu promouvoir le bien-être animal.Ainsi, dans les travaux préparatoires du décret en cause au principal, il est indiqué que ' [l]a Flandre attache une grande importance au bien-être animal ', que ' [l]'objectif est donc de bannir en Flandre toute souffrance animale évitable ', que ' [l]'abattage sans étourdissement des animaux est incompatible avec ce principe ', et que, ' [b]ien que d'autres mesures, moins drastiques qu'une interdiction de l'abattage sans étourdissement préalable, pourraient limiter quelque peu l'incidence négative de cette méthode d'abattage sur le bien-être des animaux, de telles mesures ne peuvent pas empêcher que subsiste une très grave atteinte à ce bien-être '. 63. Or, il ressort tant de la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 2008, Viamex Agrar Handel et ZVK, C-37/06 et C-58/06, EU: C: 2008: 18, point 22;du 19 juin 2008, Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, C-219/07, EU: C: 2008: 353, point 27; du 10 septembre 2009, Commission/Belgique, C-100/08, non publié, EU: C: 2009: 537, point 91, ainsi que du 23 avril 2015, Zuchtvieh-Export, C-424/13, EU: C: 2015: 259, point 35), que de l'article 13 TFUE que la protection du bien-être des animaux constitue un objectif d'intérêt général reconnu par l'Union. 64. En quatrième lieu, s'agissant du respect du principe de proportionnalité, celui-ci exige que les limitations que le décret en cause au principal apporte à la liberté de manifester sa religion ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par cette réglementation, étant entendu que, lorsqu'un choix s'offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés par celle-ci ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 2018, Menci, C-524/15, EU: C: 2018: 197, point 46 et jurisprudence citée, ainsi que du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l'espadon méditerranéen), C-611/17, EU: C: 2019: 332, point 55].65. Lorsque plusieurs droits fondamentaux et principes consacrés par les traités sont en cause, tels que, en l'occurrence, le droit garanti à l'article 10 de la Charte et le bien-être des animaux consacré à l'article 13 TFUE, l'appréciation du respect du principe de proportionnalité doit s'effectuer dans le respect de la conciliation nécessaire des exigences liées à la protection des différents droits et principes en cause et d'un juste équilibre entre eux (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Deutsche Umwelthilfe, C-752/18, EU: C: 2019: 1114, point 50 et jurisprudence citée).66. A cet égard, il convient de constater qu'une réglementation nationale qui impose l'obligation d'étourdissement préalable de l'animal lors de l'abattage rituel, tout en prescrivant que cet étourdissement soit réversible et qu'il ne provoque pas la mort de l'animal, est apte à réaliser l'objectif de la promotion du bien-être animal visé au point 62 du présent arrêt.67. Il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que, lorsque des questions de politique générale, telles que la détermination des rapports entre l'Etat et les religions, sont en jeu, sur lesquelles de profondes divergences peuvent raisonnablement exister dans un Etat démocratique, il y a lieu d'accorder une importance particulière au rôle du décideur national.Aussi convient-il, en principe, de reconnaître à l'Etat, dans le champ d'application de l'article 9 de la CEDH, une ample marge d'appréciation pour décider si et dans quelle mesure une restriction au droit de manifester sa religion ou ses convictions est ' nécessaire '. La marge d'appréciation ainsi reconnue aux Etats membres en l'absence de consensus au niveau de l'Union doit toutefois aller de pair avec un contrôle européen consistant notamment à rechercher si les mesures prises au niveau national se justifient dans leur principe et si elles sont proportionnées (voir, en ce sens, Cour EDH, 1er juillet 2014, S.A.S. c. France, CE: ECHR: 2014: 0701JUD 004383511, § § 129 et 131 ainsi que jurisprudence citée). 68. Or, ainsi qu'il ressort des considérants 18 et 57 du règlement n° 1099/2009, c'est précisément l'absence de consensus entre les Etats membres quant à leur façon d'appréhender l'abattage rituel qui a inspiré l'adoption des articles 4 et 26 de ce règlement.69. Le considérant 18 du règlement n° 1099/2009 énonce en effet, ainsi qu'il a été rappelé au point 45 du présent arrêt, qu'il importe de maintenir la dérogation à l'exigence d'étourdissement des animaux préalablement à l'abattage, en laissant toutefois un certain degré de subsidiarité à chaque Etat membre.70. Quant au considérant 57 de ce règlement, celui-ci, après avoir évoqué le fait que les citoyens européens attendent que des règles minimales en matière de bien-être des animaux soient respectées lors de l'abattage, souligne que, dans certains domaines, les attitudes vis-à-vis des animaux sont également dictées par les perceptions nationales et que, dans certains Etats membres, il est demandé de maintenir ou d'adopter des règles en matière de bien-être plus poussées que celles approuvées au niveau de l'Union.Ainsi, toujours selon ledit considérant, dans l'intérêt des animaux et pour autant que le fonctionnement du marché intérieur n'en soit pas affecté, il convient de permettre une certaine flexibilité aux Etats membres afin qu'ils maintiennent ou, dans certains domaines spécifiques, adoptent des règles nationales plus poussées. 71. Dès lors, en faisant référence à l'existence de ' perceptions nationales ' différentes vis-à-vis des animaux ainsi qu'à la nécessité de laisser ' une certaine flexibilité ' ou encore ' un certain degré de subsidiarité ' aux Etats membres, le législateur de l'Union a entendu préserver le contexte social propre à chaque Etat membre à cet égard et reconnaître à chacun d'entre eux une ample marge d'appréciation dans le cadre de la conciliation nécessaire de l'article 13 TFUE et de l'article 10 de la Charte, aux fins d'assurer un juste équilibre entre, d'un côté, la protection du bien-être des animaux lors de leur mise à mort et, de l'autre, le respect de la liberté de manifester sa religion.72. S'agissant, plus particulièrement, du caractère nécessaire de l'ingérence dans la liberté de manifester sa religion résultant du décret en cause au principal, il convient de relever qu'il ressort des avis scientifiques de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) cités au considérant 6 du règlement n° 1099/2009, qu'un consensus scientifique s'est formé quant au fait que l'étourdissement préalable constitue le moyen optimal pour réduire la souffrance de l'animal au moment de sa mise à mort.73. C'est en se plaçant dans cette perspective que le législateur flamand a indiqué, dans les travaux préparatoires du décret en cause au principal, que ' [l]a marge entre l'élimination de la souffrance animale, d'une part, et l'abattage sans étourdissement préalable, d'autre part, sera toujours très grande, même si des mesures moins radicales étaient prises pour limiter au maximum l'atteinte au bien-être animal '.74. Il s'ensuit que le législateur flamand a pu, sans excéder la marge d'appréciation visée au point 67 du présent arrêt, considérer que les limitations que le décret en cause au principal apporte à la liberté de manifester sa religion, en imposant un étourdissement préalable réversible et insusceptible d'entraîner la mort de l'animal, satisfont à la condition de nécessité.75. En ce qui concerne, enfin, le caractère proportionné de l'ingérence dans la liberté de manifester sa religion résultant du décret en cause au principal, premièrement, ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires de ce décret, tels que cités au point 13 du présent arrêt, le législateur flamand s'est fondé sur des recherches scientifiques qui ont démontré que la crainte selon laquelle l'étourdissement affecterait négativement la saignée n'est pas fondée. En outre, il ressort de ces mêmes travaux que l'électronarcose est une méthode d'étourdissement non létale et réversible, de sorte que, si l'animal est égorgé immédiatement après avoir été étourdi, son décès sera purement dû à l'hémorragie. 76. Par ailleurs, en imposant, dans le cadre de l'abattage rituel, un étourdissement préalable réversible et insusceptible d'entraîner la mort de l'animal, le législateur flamand a également entendu s'inspirer du considérant 2 du règlement n° 1099/2009, à la lumière duquel l'article 4 de ce règlement, pris dans son entièreté, doit être lu, et qui énonce, en substance, que, afin d'épargner aux animaux une douleur, une détresse ou une souffrance évitables lors de la mise à mort, il convient de privilégier la méthode de mise à mort autorisée la plus moderne, lorsque des progrès scientifiques significatifs permettent de réduire leur souffrance lors de leur mise à mort.77. Deuxièmement, à l'instar de la CEDH, la Charte est un instrument vivant à interpréter à la lumière des conditions de vie actuelles et des conceptions prévalant de nos jours dans les Etats démocratiques (voir, par analogie, Cour EDH, 7 juillet 2011, Bayatyan c.Arménie [GC], CE: ECHR: 2011: 0707JUD 002345903, § 102 et jurisprudence citée), de sorte qu'il convient de tenir compte de l'évolution des valeurs et des conceptions, sur les plans tant sociétal que normatif, dans les Etats membres. Or, le bien-être animal, en tant que valeur à laquelle les sociétés démocratiques contemporaines attachent une importance accrue depuis un certain nombre d'années, peut, au regard de l'évolution de la société, être davantage pris en compte dans le cadre de l'abattage rituel et contribuer ainsi à justifier le caractère proportionné d'une réglementation telle que celle en cause au principal. 78. Troisièmement, conformément à la règle prévue à l'article 26, paragraphe 4, du règlement n° 1099/2009, ledit décret n'interdit ni n'entrave la mise en circulation sur le territoire dans lequel il s'applique de produits d'origine animale provenant d'animaux qui ont été abattus rituellement et sans étourdissement préalable dans un autre Etat membre.La Commission a d'ailleurs souligné, à cet égard, dans ses observations écrites déposées devant la Cour, que la majorité des Etats membres autorisent, au titre de l'article 4, paragraphe 4, de ce règlement, l'abattage sans étourdissement préalable. De surcroît, ainsi que l'ont fait valoir en substance les gouvernements flamand et wallon, une réglementation nationale telle que le décret en cause au principal n'interdit ni n'entrave la mise en circulation de produits d'origine animale provenant d'animaux qui ont été abattus rituellement lorsque ces produits sont originaires d'un Etat tiers. 79. Ainsi, dans un contexte en évolution sur les plans tant sociétal que normatif, qui se caractérise, ainsi qu'il a été souligné au point 77 du présent arrêt, par une sensibilisation croissante à la problématique du bien-être animal, le législateur flamand a pu adopter, à l'issue d'un vaste débat organisé à l'échelle de la Région flamande, le décret en cause au principal, sans excéder la marge d'appréciation que le droit de l'Union confère aux Etats membres quant à la conciliation nécessaire entre l'article 10, paragraphe 1, de la Charte et l'article 13 TFUE.80. Il y a donc lieu de considérer que les mesures que comporte le décret en cause au principal permettent d'assurer un juste équilibre entre l'importance attachée au bien-être animal et la liberté de manifester leur religion des croyants juifs et musulmans et, par conséquent, sont proportionnées.81. Dans ces conditions, il convient de répondre aux première et deuxième questions que l'article 26, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), du règlement n° 1099/2009, lu à la lumière de l'article 13 TFUE et de l'article 10, paragraphe 1, de la Charte, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à la réglementation d'un Etat membre qui impose, dans le cadre de l'abattage rituel, un procédé d'étourdissement réversible et insusceptible d'entraîner la mort de l'animal ». B.12.1. Il ressort de cet arrêt que l'article 26, paragraphe 2, premier alinéa, point c), du règlement (CE) n° 1099/2009, lu à la lumière de l'article 13 TFUE et de l'article 10, paragraphe 1, de la Charte, ne s'oppose pas à la réglementation d'un Etat membre qui prévoit, dans le cadre de l'abattage rituel, un procédé d'étourdissement réversible et insusceptible d'entraîner la mort de l'animal.

B.12.2. Il s'ensuit que le premier moyen dans les affaires nos 7212 et 7220 n'est pas fondé dans cette mesure.

B.13.1. En vertu du second alinéa de l'article 26, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1099/2009, les Etats membres notifient à la Commission européenne les mesures nationales qu'ils adoptent en vertu du premier alinéa de cette disposition et la Commission porte ces mesures à la connaissance des autres Etats membres.

B.13.2. Le Gouvernement wallon a fait savoir à la Cour que les dispositions attaquées ont été notifiées à la Commission européenne le 28 janvier 2019, conformément à l'article 26, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1099/2009.

B.13.3. Eu égard à la nature de l'obligation de notification prévue à l'article 26, paragraphe 2, second alinéa, du règlement (CE) n° 1099/2009, et au fait que l'article 26, paragraphe 2, second alinéa, ne prévoit pas de délai en ce qui concerne la notification visée, et compte tenu du fait que la « règle nationale » visant à assurer aux animaux une plus grande protection au moment de leur mise à mort que celle qui est prévue par le règlement est entrée, en l'espèce, en vigueur le 1er septembre 2019 (article 26 du décret attaqué du 4 octobre 2018), il n'apparaît pas que le décret attaqué a été notifié tardivement à la Commission européenne.

B.13.4. Il s'ensuit que le quatrième moyen dans l'affaire n° 7155 et le premier moyen dans les affaires nos 7212 et 7220 ne sont pas fondés dans cette mesure.

En ce qui concerne la liberté de religion B.14.1. Le premier moyen dans l'affaire n° 7155, en ses première et deuxième branches, le premier moyen dans l'affaire n° 7154, en sa première branche, le deuxième moyen dans l'affaire n° 7212 et le deuxième moyen dans l'affaire n° 7220 sont pris de la violation de la liberté de religion, garantie par l'article 19 de la Constitution, lu en combinaison ou non avec l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec les articles 18 et 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avec l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et avec les articles 10 et 22 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Les dispositions attaquées porteraient une atteinte disproportionnée à la liberté de religion, en ce qu'il deviendrait impossible pour les croyants juifs et islamiques, d'une part, d'abattre des animaux conformément aux préceptes de leur religion et, d'autre part, de se procurer de la viande provenant d'animaux abattus conformément à ces préceptes religieux.

B.14.2. En lien avec ce qui précède, le premier moyen dans l'affaire 7155, en sa première branche, est pris de la violation du droit à l'épanouissement culturel et social, garanti par l'article 23, alinéa 3, 5°, de la Constitution, lu en combinaison ou non avec l'article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et avec l'article 27 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, en ce que les dispositions attaquées entraîneraient une réduction considérable du degré de protection du droit à l'épanouissement culturel de la communauté religieuse juive, sans qu'elle soit justifiée par un motif d'intérêt général.

B.15.1. La liberté de religion, garantie à l'article 19 de la Constitution, comprend, entre autres, la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.

B.15.2. En ce qu'ils reconnaissent le droit de manifester sa religion, individuellement ou collectivement, l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ont une portée analogue à celle de l'article 19 de la Constitution. Dès lors, les garanties offertes par ces dispositions forment, dans cette mesure, un ensemble indissociable.

B.15.3. L'article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques concerne la protection de personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses et linguistiques et interdit aux Etats contractants, entre autres, de priver ces personnes du droit d'avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, ou de professer et de pratiquer leur propre religion.

B.15.4. A défaut d'inscription des règles de la Déclaration universelle des droits de l'homme dans un texte normatif de valeur contraignante, la Cour ne peut contrôler le respect des dispositions de cette Déclaration dont la violation est invoquée.

B.15.5. En ce que les moyens sont pris de la violation de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la grande chambre de la Cour de Justice de l'Union européenne a jugé, par son arrêt du 17 décembre 2020 en cause Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a. (C-336/19), que l'article 10, paragraphe 1, de la Charte ne s'oppose pas à la réglementation d'un Etat membre qui « impose », dans le cadre de l'abattage rituel, un procédé d'étourdissement réversible et insusceptible d'entraîner la mort de l'animal (voy. supra B.11).

B.16.1. La liberté de pensée, de conscience et de religion représente l'une des assises d'une société démocratique. Elle figure, dans sa dimension religieuse, parmi les éléments les plus essentiels de l'identité des croyants et de leur conception de la vie, mais elle est aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques, les sceptiques et les indifférents. Cette liberté est en effet essentielle au pluralisme consubstantiel à une société démocratique (CEDH, 25 mai 1993, Kokkinakis c. Grèce, § 31; grande chambre, 18 février 1999, Buscarini e.a. c. Saint-Marin, § 34; 15 janvier 2013, Eweida e.a. c.

Royaume-Uni, § 79).

B.16.2. La liberté religieuse relève avant tout de la pensée et de la conscience de chacun. Le droit d'avoir une conviction religieuse et de changer de religion ou de conviction, le forum internum, est absolu et inconditionnel. La liberté de religion comporte toutefois également celle de manifester ou de pratiquer, aussi bien en public qu'en privé, sa religion ou sa conviction, le forum externum. Elle peut se manifester par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. Le témoignage, en paroles et en actes, se trouve étroitement lié à l'existence de convictions religieuses (CEDH, 25 mai 1993, Kokkinakis c. Grèce, § 31; grande chambre, 10 novembre 2005, Leyla Sahin c. Turquie, § 105; 15 janvier 2013, Eweida e.a. c.

Royaume-Uni, § 80).

B.16.3. Le droit de manifester sa conviction religieuse pouvant avoir des conséquences pour autrui, ce volet de la liberté de religion peut être assorti de restrictions. Ces restrictions doivent toutefois être prévues par la loi et être nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (CEDH, 15 janvier 2013, Eweida e.a. c. Royaume-Uni, § 80; voy. dans le même sens CE, avis nos 59.484/3 et 59.485/3 du 29 juin 2016, point 11).

B.17.1. La liberté de pensée, de conscience et de religion s'applique à des vues atteignant un certain degré de force, de sérieux, de cohérence et d'importance. Lorsqu'il est satisfait à cette condition, l'obligation de neutralité et d'impartialité de l'Etat exclut toute appréciation de la part de celui-ci sur la légitimité des croyances religieuses ou sur les modalités d'expression de celles-ci (CEDH, 26 septembre 1996, Manoussakis e.a. c. Grèce, § 47; 26 octobre 2000, Hassan et Tchaouch c. Bulgarie, § 78; 15 janvier 2013, Eweida e.a. c.

Royaume-Uni, § 81; voy. dans le même sens CE, avis nos 59.484/3 et 59.485/3 du 29 juin 2016, point 10).

B.17.2. A supposer même que la conviction en question atteigne le degré de force et d'importance requis, tout acte inspiré, motivé ou influencé par elle ne peut toutefois passer pour en constituer une manifestation. Ainsi, les actions ou omissions n'étant pas des expressions directes d'une conviction ou n'ayant qu'un rapport lointain avec un principe de foi échappent au champ d'application de la liberté de religion. Pour être considéré comme une manifestation d'une conviction religieuse, l'acte en question doit être étroitement lié à la religion ou à la conviction (CEDH, 15 janvier 2013, Eweida e.a. c. Royaume-Uni, § 82).

B.17.3. Les méthodes particulières d'abattage prescrites par des rites religieux ainsi que le respect de préceptes alimentaires religieux et la possibilité de se procurer de la viande provenant d'animaux abattus conformément à ces préceptes religieux doivent être considérés comme des manifestations d'une conviction religieuse et relèvent du champ d'application de la liberté de religion (voy. arrêt n° 53/2019, B.20.4; CEDH, grande chambre, 27 juin 2000, Cha'are Shalom Ve Tsedek c. France, § 74;7 décembre 2010, Jakóbski c. Pologne, § 45; 17 décembre 2013, Vartic c. Roumanie, § 35; CJUE, grande chambre, 29 mai 2018, C-426/16, Liga van Moskeeën en Islamitische Organisaties Provincie Antwerpen VZW e.a., point 45; grande chambre, 17 décembre 2020, C-336/19, Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a., point 52; CE, avis n° 40.350/AV du 16 mai 2006, point 4.2.1; avis nos 59.484/3 et 59.485/3 du 29 juin 2016, point 9).

B.18.1. Les dispositions attaquées abrogent, à compter du 1er septembre 2019, l'exception applicable à l'interdiction de l'abattage sans étourdissement. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal est conscient du fait que le décret attaqué touche à la liberté de religion (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 781/1, pp. 3-5).

B.18.2. Selon les parties requérantes, les abattages rituels répondent à des préceptes religieux spécifiques exigeant, en substance, que les croyants juifs et islamiques ne consomment que de la viande d'animaux abattus sans étourdissement préalable, aux fins d'assurer qu'ils ne soient soumis à aucun procédé de nature à les endommager ou à entraîner leur mort avant l'abattage et qu'ils se vident de leur sang.

Bien qu'il existe, aussi bien au sein des communautés religieuses juives qu'islamiques, ainsi qu'il ressort notamment des pièces de procédure, des conceptions différentes de l'abattage rituel, l'abattage avec étourdissement n'est pas autorisé à tout le moins selon une partie de ces communautés. La Cour utilise cet élément comme point de départ de son contrôle, sans examiner la justesse ou la légitimité de cet acte au regard du moindre dogme juif ou islamique ni son importance précise au sein de ces religions.

B.18.3. Par conséquent, il y a lieu de considérer que le décret attaqué restreint le droit de certains croyants de manifester une conviction religieuse. Comme il est dit en B.16.3, ce volet de la liberté de religion ne peut être soumis à d'autres restrictions que celles qui sont prévues par la loi, qui poursuivent un objectif légitime et qui sont nécessaires dans une société démocratique, ce qui implique que la restriction doit répondre à un besoin social impérieux et qu'elle soit proportionnée à l'objectif légitime poursuivi.

B.19.1. L'obligation d'étourdir les animaux préalablement à leur abattage constitue une restriction de la liberté de religion, prévue par voie décrétale, par laquelle le législateur décrétal a voulu promouvoir le bien-être animal. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.2.5 que le législateur décrétal a considéré que l'abattage sans étourdissement cause à l'animal une souffrance évitable.

B.19.2. La protection du bien-être animal est un but légitime d'intérêt général, dont l'importance a déjà été relevée, notamment lors de l'adoption, par les Etats membres européens, du Protocole n° 33 « sur la protection et le bien-être des animaux », annexé au Traité instituant la Communauté européenne (JO 1997, C-340, p. 110), dont le contenu a été reproduit en grande partie dans l'article 13 du TFUE. Il ressort aussi bien de la jurisprudence de la Cour de Justice que de l'article 13 du TFUE, selon lequel l'Union et les Etats membres sont tenus, lorsqu'ils formulent et mettent en oeuvre leur politique dans les domaines énumérés dans cet article, de tenir « pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu'êtres sensibles », que la protection du bien-être animal constitue un objectif d'intérêt général reconnu par l'Union (CJCE, 17 janvier 2008, C-37/06 et C-58/06, Viamex Agrar Handel et ZVK, point 22; 19 juin 2008, C-219/07, Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, point 27; 10 septembre 2009, C-100/08, Commission c. Belgique, point 91; CJUE, 23 avril 2015, C-424/13, Zuchtvieh-Export, point 35). Selon la Cour de Justice, le règlement (CE) n° 1099/2009, qui trouve sa base dans l'article 43 du TFUE, se fonde sur l'idée que la protection des animaux au moment de leur abattage est une question d'intérêt général (CJUE, grande chambre, 17 décembre 2020, C-336/19, Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a., point 40).

B.19.3. La promotion, dans le cadre de l'abattage, de la protection et du respect du bien-être des animaux en tant qu'êtres sensibles peut être considérée comme une valeur morale qui est partagée par de nombreuses personnes en Région wallonne. Dès lors, l'objectif d'éviter, lors de l'abattage, toute souffrance évitable aux animaux destinés à la consommation relève, d'une part, de la protection de la morale et, d'autre part, de la protection des droits et libertés des personnes qui tiennent au bien-être des animaux dans leur conception de la vie. Il en résulte que l'objectif poursuivi par le décret attaqué est un objectif légitime d'intérêt général permettant de justifier une ingérence dans les droits garantis par l'article 19 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.20.1. Par ailleurs, il ressort des travaux préparatoires que les dispositions attaquées visent à répondre à la sensibilisation croissante au bien-être animal au sein de la société : « Or, la souffrance des animaux due à la pratique de l'abattage sans étourdissement est relayée tant par les citoyens que par le politique, les associations de protection des animaux, les vétérinaires, les associations représentants le secteur agricole ou encore la fédération belge des abattoirs. [...] Par ailleurs, le Gouvernement entend mettre fin à l'abattage d'animaux d'élevage sans étourdissement pour éviter toute douleur et souffrance techniquement évitable et afin de répondre aux attentes de la société civile, sans pour autant porter atteinte de manière disproportionnée à la liberté de religion » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 781/1, p. 3).

B.20.2. La protection du bien-être animal constitue une valeur éthique à laquelle la société belge attache une importance accrue, ainsi que d'autres sociétés démocratiques contemporaines. Il convient de tenir compte de ces évolutions sociales dans l'appréciation du bien-être animal en tant que motif justifiant une restriction de droits et libertés (voy. dans le même sens CJUE, grande chambre, 17 décembre 2020, C-336/19, Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a., point 77), et, notamment, la restriction apportée à la manifestation extérieure des convictions religieuses.

B.20.3. Ni la liberté de pensée, de conscience et de religion, ni la séparation de l'Eglise et de l'Etat, pas plus que le devoir de neutralité des pouvoirs publics n'obligent ces derniers à prévoir dans leur réglementation des accommodements par rapport à tout précepte philosophique - religieux ou non.

B.21.1. Il ressort des avis scientifiques de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), mentionnés dans le considérant 6 du règlement (CE) n° 1099/2009, qu'un consensus scientifique s'est formé quant au fait que l'étourdissement préalable constitue le moyen optimal pour réduire la souffrance de l'animal au moment de sa mise à mort (CJUE, grande chambre, 17 décembre 2020, C-336/19, Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a., points 41 et 72).

B.21.2. Le législateur décrétal s'est fondé sur l'avis du Conseil wallon du bien-être des animaux pour décider de ne plus autoriser d'exceptions à l'étourdissement obligatoire préalable à l'abattage (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 781/1, p. 5).

Il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.2.6 que le législateur décrétal a considéré que « tout procédé d'abattage, n'entraînant pas une mort immédiate, est incontestablement douloureux pour les animaux » et qu'il est arrivé à la conclusion que « l'étourdissement est donc nécessaire pour provoquer un état d'inconscience et une perte de sensibilité avant la mise à mort ou au moment de celle-ci » (ibid., p. 4).

B.21.3. Il s'ensuit que le législateur décrétal a pu considérer que les restrictions que le décret attaqué apporte à la liberté de pensée, de conscience et de religion, en imposant un étourdissement préalable réversible et insusceptible d'entraîner la mort de l'animal, sont nécessaires et qu'aucune mesure moins radicale n'est envisageable pour réaliser l'objectif poursuivi (voy. dans le même sens CJUE, grande chambre, 17 décembre 2020, C-336/19, Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a., point 74).

B.22.1. Il ressort également des travaux préparatoires que, conscient du fait que le décret attaqué touche à la liberté de pensée, de conscience et de religion, le législateur décrétal a recherché un équilibre entre, d'une part, l'objectif de promouvoir le bien-être animal qu'il poursuit et, d'autre part, le respect de la liberté de pensée, de conscience et de religion : « Il suit de ce qui précède que les auteurs de la présente proposition de décret entendent interdire l'abattage sans étourdissement tout en proposant une alternative proportionnée aux communautés concernées.

Lorsque la mise à mort fait l'objet de méthodes particulières prescrites par un rite religieux, le procédé d'étourdissement doit être réversible et ne peut donc entraîner la mort de l'animal » (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 781/1, p. 5).

B.22.2. Les dispositions attaquées n'interdisent pas l'abattage rituel en tant que tel, mais touchent néanmoins à l'acte rituel spécifique que constitue ledit abattage, en exigeant que cet acte rituel ne soit accompli qu'après que l'animal a été étourdi de manière réversible. La liberté de pensée, de conscience et de religion n'est donc restreinte que dans la mesure où cet acte rituel concerne l'objectif de protection du bien-être animal poursuivi par le décret attaqué.

B.22.3. Afin de répondre autant que possible aux préoccupations des communautés religieuses concernées (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 781/1, p. 5), l'article D.57, § 1er, alinéa 3, du Code wallon du bien-être des animaux dispose que l'étourdissement est réversible et ne peut entraîner la mort de l'animal, lorsque la mise à mort fait l'objet de méthodes particulières d'abattage prescrites par un rite religieux.

B.22.4. Bien que, selon les parties requérantes, cette méthode alternative d'étourdissement ne réponde pas aux préceptes religieux des communautés juive et islamique ou d'au moins une partie de celles-ci, affirmation dont la Cour ne peut pas apprécier la justesse, cette concession peut toutefois être prise en considération pour apprécier le caractère proportionné de la restriction à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

A cet égard, la Cour de Justice a jugé : « En ce qui concerne, enfin, le caractère proportionné de l'ingérence dans la liberté de manifester sa religion résultant du décret en cause au principal, premièrement, ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires de ce décret, tels que cités au point 13 du présent arrêt, le législateur flamand s'est fondé sur des recherches scientifiques qui ont démontré que la crainte selon laquelle l'étourdissement affecterait négativement la saignée n'est pas fondée.

En outre, il ressort de ces mêmes travaux que l'électronarcose est une méthode d'étourdissement non létale et réversible, de sorte que, si l'animal est égorgé immédiatement après avoir été étourdi, son décès sera purement dû à l'hémorragie.

Par ailleurs, en imposant, dans le cadre de l'abattage rituel, un étourdissement préalable réversible et insusceptible d'entraîner la mort de l'animal, le législateur flamand a également entendu s'inspirer du considérant 2 du règlement n° 1099/2009, à la lumière duquel l'article 4 de ce règlement, pris dans son entièreté, doit être lu, et qui énonce, en substance, que, afin d'épargner aux animaux une douleur, une détresse ou une souffrance évitables lors de la mise à mort, il convient de privilégier la méthode de mise à mort autorisée la plus moderne, lorsque des progrès scientifiques significatifs permettent de réduire leur souffrance lors de leur mise à mort » (CJUE, grande chambre, 17 décembre 2020, C-336/19, Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a., points 75 et 76).

B.22.5. La Cour de justice a également jugé qu'à l'instar de la Convention européenne des droits de l'homme, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est un instrument vivant à interpréter à la lumière des conditions de vie actuelles et des conceptions prévalant de nos jours dans les Etats démocratiques, de sorte qu'il convient de tenir compte de l'évolution des valeurs et des conceptions, sur les plans tant sociétal que normatif, dans les Etats membres. Selon la Cour, le bien-être animal, en tant que valeur à laquelle les sociétés démocratiques contemporaines attachent une importance croissante depuis un certain nombre d'années, peut, au regard des évolutions de la société, être davantage pris en compte dans le cadre de l'abattage rituel et contribuer ainsi à justifier le caractère proportionné d'une réglementation telle que celle du décret attaqué (CJUE, grande chambre, 17 décembre 2020, C-336/19, Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a., point 77).

B.23.1. Par ailleurs, il peut être souligné qu'il n'y a pas d'incidence sur la possibilité, pour les croyants, de se procurer de la viande provenant d'animaux abattus conformément aux préceptes religieux, étant donné qu'aucune disposition n'interdit l'importation d'une telle viande en Région wallonne.

A cet égard, certaines parties requérantes remettent en question la pertinence des dispositions attaquées, dès lors qu'on pourrait aisément contourner celles-ci en important de l'étranger de la viande d'animaux abattus sans étourdissement.

B.23.2. Les règles juridiques en matière d'abattage d'animaux applicables dans d'autres pays et dans les autres régions, et sur lesquelles le législateur décrétal wallon n'a aucune prise, ne peuvent toutefois pas jouer un rôle dans l'appréciation de la pertinence ou du caractère proportionné des dispositions attaquées.

Les autres pays et les autres régions sont libres de prévoir ou non une exception à l'interdiction de l'abattage sans étourdissement pour les rites religieux. Le législateur décrétal ne peut pas non plus, en vertu de l'article 26, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1099/2009, interdire l'importation de viande d'animaux abattus sans étourdissement en provenance d'autres Etats membres de l'Union européenne. Cette disposition vise à établir un équilibre entre le bien-être animal et la libre circulation des marchandises.

Le fait que le législateur décrétal wallon ne soit pas en mesure, dans ce contexte, de protéger pleinement le bien-être animal en restreignant la vente et la consommation de viande d'animaux abattus sans étourdissement ne peut toutefois pas l'empêcher de poursuivre cet objectif à l'aide des mesures qu'il est habilité à prendre.

B.24. Il résulte de ce qui précède que les limitations que les dispositions attaquées apportent à la liberté de pensée, de conscience et de religion en autorisant un étourdissement préalable réversible et insusceptible d'entraîner la mort de l'animal, lorsque la mise à mort fait l'objet de méthodes d'abattage particulières prescrites par un rite religieux, répondent à un besoin social impérieux et sont proportionnées à l'objectif légitime poursuivi consistant à promouvoir le bien-être animal. Les dispositions attaquées ne comportent dès lors pas une restriction injustifiée de la liberté de pensée, de conscience et de religion.

B.25. Les parties requérantes dans l'affaire no 7155 font encore valoir que l'interdiction de l'abattage sans étourdissement entraînerait une réduction significative du degré de protection du droit à l'épanouissement culturel de la communauté religieuse juive et serait ainsi contraire à l'obligation de standstill garantie par l'article 23, alinéa 3, 5°, de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

B.26.1. En vertu de l'article 23 de la Constitution, chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine et les législateurs garantissent à cette fin, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice. Ces droits comprennent notamment le droit à l'épanouissement culturel et social.

B.26.2. En vertu de l'article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, chacun a le droit de participer à la vie culturelle et les mesures que les Etats parties à ce Pacte prendront en vue d'assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre celles qui sont nécessaires pour assurer le maintien, le développement et la diffusion de la science et de la culture.

B.26.3. L'épanouissement culturel fait référence à toutes les manières dont des individus, des groupes d'individus et des communautés expriment leur humanité, donnent du sens à leur existence et construisent leur vision du monde. Cela comprend notamment la religion ou les croyances et les rites et cérémonies y afférents (voy. dans ce sens Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n° 21 sur le droit de chacun de participer à la vie culturelle, paragraphe 13).

B.27.1. L'article 23 de la Constitution contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement le degré de protection offert par la législation applicable, sans qu'existent pour ce faire des motifs d'intérêt général.

B.27.2. Il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.2.6 que le législateur décrétal a considéré que l'abattage sans étourdissement cause à l'animal une souffrance évitable. Comme il est dit en B.19.2 et en B.19.3 en ce qui concerne la liberté de religion, la protection du bien-être animal constitue un objectif légitime d'intérêt général.

B.27.3. Sans qu'il soit nécessaire de vérifier si l'obligation de l'étourdissement préalable réversible et insusceptible d'entraîner la mort de l'animal, lorsque la mise à mort fait l'objet de méthodes particulières d'abattage prescrites par un rite religieux, entraîne un recul significatif du degré de protection du droit à l'épanouissement culturel des croyants juifs, il suffit de constater que les dispositions attaquées s'appuient sur des motifs d'intérêt général.

B.27.4. L'obligation de standstill contenue dans l'article 23 de la Constitution, lu ou non en combinaison avec l'article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, n'est dès lors pas violée.

B.28. Le premier moyen dans l'affaire n° 7155, en ses première et deuxième branches, le premier moyen dans l'affaire n° 7154, en sa première branche, le deuxième moyen dans l'affaire n° 7212 et le deuxième moyen dans l'affaire n° 7220 ne sont pas fondés.

En ce qui concerne le principe de séparation de l'Eglise et de l'Etat B.29.1. Le premier moyen dans l'affaire n° 7155, en sa troisième branche, le premier moyen dans l'affaire n° 7154, en sa deuxième branche, le troisième moyen dans l'affaire n° 7212, en sa première branche, et le troisième moyen dans l'affaire n° 7220, en sa première branche, sont pris de la violation du principe de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, garanti par les articles 19, 21 et 27 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 9 et 11 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec les articles 18 et 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec les articles 10 et 12 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en ce que les dispositions attaquées prescriraient la manière dont un rite religieux doit être accompli.

B.29.2. Le troisième moyen dans les affaires nos 7212 et 7220, en sa deuxième branche, est pris de la violation du principe de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, en ce que l'article D.59 du Code wallon du bien-être des animaux, habiliterait le Gouvernement wallon à déterminer les conditions de qualification des sacrificateurs.

B.30.1. Le principe de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, déduit notamment des articles 19 et 21, alinéa 1er, de la Constitution, comprend notamment l'obligation de neutralité et d'impartialité de l'Etat quant à la légitimité des convictions religieuses ou des modalités de manifestation de celles-ci (CE, avis nos 59.484/3 et 59.485/3 du 29 juin 2016, point 10).

B.30.2. En ce qu'ils reconnaissent l'obligation de neutralité et d'impartialité de l'Etat dans les matières religieuses, l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 18 et 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ont une portée analogue à celle de l'article 19 de la Constitution, qui reconnaît notamment la liberté de religion (CEDH, 26 septembre 1996, Manoussakis e.a. c. Grèce, § 47; 26 octobre 2000, Hassan et Tchaouch c. Bulgarie, § 78;9 octobre 2007, Hasan et Eylem Zengin c. Turquie, § 54). Dès lors, les garanties fournies par ces dispositions forment, dans cette mesure, un ensemble indissociable.

B.31.1. Comme il est dit en B.22.1, afin de répondre autant que possible aux préoccupations des communautés religieuses concernées (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 781/1, p. 5), le législateur décrétal a inclus, dans le Code wallon du Bien-être des animaux, une disposition selon laquelle le procédé d'étourdissement est réversible et ne peut entraîner la mort de l'animal, lorsque la mise à mort fait l'objet de méthodes particulières d'abattage prescrites par un rite religieux (article D.57, § 1er, alinéa 3).

Il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal a considéré que cette disposition répondait aux préoccupations des communautés religieuses, en ce que lorsqu'il est fait application de la technique de l'étourdissement réversible, les préceptes religieux imposant que l'animal ne soit pas mort au moment de son abattage et qu'il se vide complètement de son sang sont respectés (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 781/1, p. 5).

B.31.2. Compte tenu des objectifs poursuivis par le législateur décrétal et contrairement à ce que les parties requérantes dans l'affaire n° 7155 font valoir, la disposition contenue dans l'article D.57, § 1er, alinéa 3, du Code wallon du bien-être des animaux ne saurait raisonnablement être comprise en ce sens qu'il est permis d'attendre que l'effet de l'étourdissement réversible s'estompe avant d'abattre l'animal.

B.31.3. Etant donné l'intention du législateur décrétal de satisfaire autant que possible aux préoccupations de certaines communautés religieuses, cette disposition ne saurait davantage être interprétée en ce sens qu'elle oblige toutes les communautés religieuses à appliquer la technique de l'étourdissement réversible lors de l'abattage d'animaux effectué dans le cadre d'un rite religieux.

L'article D.57, § 1er, alinéa 3, du Code wallon du bien-être des animaux, doit ainsi être compris en ce sens qu'il autorise une méthode d'étourdissement alternative.

B.31.4. Etant donné que cette disposition offre uniquement la possibilité d'utiliser la technique de l'étourdissement réversible lors de l'abattage d'animaux dans le cadre d'un rite religieux, elle ne saurait être interprétée en ce sens qu'elle définirait les procédés d'abattage particuliers requis pour les rites religieux. Une telle interprétation ne serait pas conciliable avec l'obligation de neutralité et d'impartialité du législateur décrétal quant à la légitimité des convictions religieuses ou des modalités de manifestation de celles-ci. L'existence de différents courants au sein des communautés religieuses juive et islamique concernant les préceptes religieux à respecter lors de l'abattage rituel n'a pas d'influence sur ce constat. L'article D.57, § 1er, alinéa 3, du Code wallon du bien-être des animaux, doit donc être interprété en ce sens qu'il prévoit, pour les croyants juifs et islamiques, une méthode alternative d'étourdissement des animaux, sans nullement se prononcer sur le contenu et la portée des préceptes religieux relatifs à l'abattage d'animaux.

B.32. Les parties requérantes dans les affaires nos 7212 et 7220 font valoir en outre que l'article D.59 du Code wallon du bien-être animal viole le principe de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, en ce qu'il habiliterait le Gouvernement wallon à déterminer les conditions de qualification des sacrificateurs.

B.33. La simple circonstance que le Gouvernement wallon est habilité à déterminer les « conditions et les modalités se rapportant à la compétence du personnel travaillant dans les abattoirs et des personnes participant à la mise à mort des animaux en ce compris la mise en place de formations et d'examens ainsi que la délivrance, le retrait et la suspension de certificats délivrés dans ce cadre » ainsi que les conditions et les modalités se rapportant « à la qualification des personnes habilitées à pratiquer la mise à mort d'un animal » ne saurait être considérée comme une ingérence de l'Etat dans l'autonomie des communautés religieuses en ce que le niveau de compétence et le certificat de compétence sont également requis pour les sacrificateurs qui effectuent des abattages prescrits par un rite religieux.

L'article D.59 du Code wallon du bien-être animal vise en effet uniquement à ce que la mise à mort d'animaux et les opérations annexes soient effectuées uniquement par du personnel possédant le niveau de compétence approprié à cet effet sans causer aux animaux de douleur, détresse ou souffrance évitables, conformément à l'article 7 du règlement (CE) n° 1099/2009.

B.34. Sous réserve des interprétations mentionnées en B.31.3 et B.31.4, le décret attaqué ne viole pas le principe de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Le premier moyen dans l'affaire n° 7155, en sa troisième branche, le premier moyen dans l'affaire n° 7154, en sa deuxième branche, le troisième moyen dans l'affaire n° 7212 et le troisième moyen dans l'affaire n° 7220 ne sont donc pas fondés.

En ce qui concerne le droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle, la liberté d'entreprendre et la libre circulation des biens et services B.35. Le deuxième moyen dans l'affaire n° 7155 et le troisième moyen dans l'affaire n° 7154 sont pris de la violation des articles 10, 11, 19, 21 et 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, avec les articles 8, 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec les articles 18, 26 et 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avec les articles 10, 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec les articles 26, 28 à 37 et 56 à 62 du TFUE. Les dispositions attaquées violeraient le droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle, la liberté d'entreprendre et la libre circulation des biens et services en ce qu'elles empêcheraient les abatteurs religieux d'exercer leur activité professionnelle, en ce qu'il deviendrait impossible pour les bouchers et les boucheries de proposer à leurs clients de la viande dont ils peuvent garantir qu'elle provient d'animaux abattus conformément aux préceptes religieux, et en ce qu'il y aurait une distorsion de la concurrence entre les abattoirs établis en Région wallonne et les abattoirs établis dans la Région de Bruxelles-Capitale ou dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui autorise l'abattage d'animaux sans étourdissement.

B.36. L'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution dispose : « Ces droits comprennent notamment : 1° le droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle dans le cadre d'une politique générale de l'emploi, visant entre autres à assurer un niveau d'emploi aussi stable et élevé que possible, le droit à des conditions de travail et à une rémunération équitables, ainsi que le droit d'information, de consultation et de négociation collective ». Cette disposition, qui inclut le droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle parmi les droits économiques, sociaux et culturels, prévoit qu'il appartient au législateur compétent de déterminer les conditions d'exercice de ces droits. Le législateur compétent peut donc imposer des limites au droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle. Ces restrictions ne seraient inconstitutionnelles que si le législateur les introduisait sans nécessité ou si ces restrictions avaient des effets manifestement disproportionnés au but poursuivi.

B.37.1. Il ressort des travaux préparatoires de l'article 23 de la Constitution que le Constituant n'a pas entendu consacrer la liberté de commerce et d'industrie ou la liberté d'entreprendre dans les notions de « droit au travail » et de « libre choix d'une activité professionnelle » (Doc. parl., Sénat, SE 1991-1992, n° 100-2/3°, p. 15; n° 100-2/4°, pp. 93 à 99; n° 100-2/9°, pp. 3 à 10). Une telle approche découle également du dépôt de différentes propositions de « révision de l'article 23, alinéa 3, de la Constitution, en vue de le compléter par un 6° garantissant la liberté de commerce et d'industrie » (Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n° 3-1930/1; Sénat, SE 2010, n° 5-19/1; Chambre, 2014-2015, DOC 54-0581/001).

B.37.2. La loi du 28 février 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/02/2013 pub. 29/03/2013 numac 2013011134 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi introduisant le Code de droit économique fermer, qui a introduit l'article II.3 du Code de droit économique, a abrogé le décret dit d'Allarde des 2-17 mars 1791. Ce décret, qui garantissait la liberté de commerce et d'industrie, a régulièrement servi de norme de référence à la Cour dans son contrôle du respect des articles 10 et 11 de la Constitution.

B.37.3. La liberté d'entreprendre, visée par l'article II.3 du Code de droit économique, doit s'exercer « dans le respect des traités internationaux en vigueur en Belgique, du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité monétaire tel qu'établi par ou en vertu des traités internationaux et de la loi » (article II.4 du même Code).

La liberté d'entreprendre doit par conséquent être lue en combinaison avec les dispositions de droit de l'Union européenne applicables, ainsi qu'avec l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, au regard duquel la Cour peut effectuer directement un contrôle, en tant que règle répartitrice de compétences.

Enfin, la liberté d'entreprendre est également garantie par l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

B.37.4. Par conséquent, la Cour doit contrôler la disposition attaquée au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec la liberté d'entreprendre.

B.37.5. La liberté d'entreprendre ne peut être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que le législateur compétent règle l'activité économique des personnes et des entreprises. Le législateur n'interviendrait de manière déraisonnable que s'il limitait la liberté d'entreprendre sans aucune nécessité ou si cette limitation était disproportionnée au but poursuivi.

B.38.1. Comme il est dit en B.19 à B.21, le législateur décrétal, en instaurant une interdiction de l'abattage sans étourdissement en Région wallonne, entend promouvoir la protection du bien-être animal, qui est un objectif d'intérêt général. Pour les motifs exposés dans les considérants qui précèdent, le législateur décrétal a pu juger que les restrictions apportées par le décret attaqué au droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle et à la liberté d'entreprendre sont nécessaires et qu'aucune mesure moins radicale n'est envisageable pour réaliser l'objectif poursuivi.

B.38.2. Comme il est dit en B.23, le décret attaqué n'interdit ni n'entrave la mise en circulation en Région wallonne de produits d'origine animale provenant d'animaux abattus dans une autre région ou dans un autre pays de manière rituelle et sans étourdissement préalable. Les boucheries ne se trouvent donc pas dans l'impossibilité de s'approvisionner en viande provenant d'animaux abattus rituellement.

B.38.3. En ce qui concerne le droit au travail, il y a lieu de souligner que les dispositions attaquées autorisent un procédé d'étourdissement alternatif, qui vise à répondre autant que possible aux préoccupations des croyants juifs et islamiques. Comme il est dit en B.22.2, le Code wallon du bien-être des animaux n'interdit pas l'abattage rituel en tant que tel, mais a uniquement des conséquences sur un aspect de l'acte rituel spécifique que constitue ledit abattage, à savoir l'aspect qui porte sur les modalités de mise à mort de l'animal et qui concerne la protection du bien-être animal. Le décret ne touche pas aux autres aspects du rite de l'abattage, qui peut être effectué par les abatteurs conformément aux préceptes des religions juive et islamique.

B.39.1. En ce que les parties requérantes dans l'affaire n° 7155 font valoir en outre que le décret attaqué perturberait la concurrence entre, d'une part, les abattoirs établis en Région wallonne et, d'autre part, les abattoirs établis dans la Région de Bruxelles-Capitale ou dans un autre Etat membre de l'Union européenne où l'abattage d'animaux sans étourdissement est autorisé, il y a lieu d'observer qu'elles n'exposent pas en quoi les articles 26, 28 à 37 et 56 à 62 du TFUE, ni l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 seraient violés. Le deuxième moyen dans l'affaire n° 7155 n'est dès lors pas recevable en ce qu'il fait valoir la violation de ces dispositions.

B.39.2. Enfin, les parties requérantes font encore valoir que les dispositions attaquées créent une différence de traitement injustifiée entre les abattoirs établis en Région wallonne et les abattoirs établis dans la Région de Bruxelles-Capitale ou dans un autre Etat membre de l'Union européenne où l'abattage d'animaux sans étourdissement est autorisé.

B.39.3. Une différence de traitement dans des matières où les communautés et les régions disposent de compétences propres est la conséquence possible de politiques distinctes permises par l'autonomie qui leur est accordée par la Constitution ou en vertu de celle-ci; une telle différence ne peut en soi être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Cette autonomie serait dépourvue de signification si le seul fait qu'il existe des différences de traitement entre les destinataires de règles s'appliquant à une même matière dans les diverses communautés et régions était jugé contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

B.39.4. Cette autonomie serait également dépourvue de signification si une différence de traitement entre les destinataires de règles s'appliquant à une même matière dans d'autres Etats membres de l'Union européenne était jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

Le fait que d'autres Etats membres de l'Union européenne appliquent des règles moins strictes que celles qui sont appliquées en Belgique ou la seule circonstance qu'un Etat membre a choisi un système de protection différent de celui adopté par un autre Etat membre ne saurait avoir d'incidence sur l'appréciation de la nécessité et de la proportionnalité des dispositions attaquées (CJUE, 1er mars 2001, C-108/96, Mac Quen e.a., points 33 et 34; 19 juin 2008, C-219/07, Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, point 31).

B.40. Le deuxième moyen dans l'affaire n° 7155 et le troisième moyen dans l'affaire n° 7154 ne sont pas fondés.

En ce qui concerne le principe d'égalité et de non-discrimination B.41. Le troisième moyen dans l'affaire n° 7155, en sa première branche, le deuxième moyen dans l'affaire n° 7154, en sa deuxième branche, le premier moyen dans l'affaire n° 7212 et le premier moyen dans l'affaire n° 7220 sont pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination, en ce que les croyants juifs et les croyants islamiques seraient traités, sans justification raisonnable, de la même manière que les personnes qui ne sont pas soumises aux préceptes alimentaires spécifiques d'une religion.

B.42.1. Tout d'abord, il y a lieu d'observer que les dispositions attaquées ne traitent pas les croyants juifs et islamiques de la même manière que les personnes qui ne sont pas soumises à des préceptes alimentaires religieux. En effet, les dispositions attaquées prévoient une méthode d'étourdissement alternative, dont le procédé d'étourdissement est réversible et ne peut entraîner la mort de l'animal, lorsque la mise à mort fait l'objet de méthodes particulières d'abattage prescrites par des rites religieux (article D.57, § 1er, alinéa 3, du Code wallon du bien-être des animaux). Comme il est dit en B.22.1, le législateur décrétal, en prévoyant cette méthode, vise à rencontrer autant que possible les préoccupations des communautés religieuses concernées (Doc. parl., Parlement wallon, 2016-2017, n° 781/1, p. 5).

B.42.2. A supposer que les croyants juifs et islamiques se trouvent dans des situations fondamentalement différentes de celles de personnes qui ne sont pas soumises à des préceptes alimentaires religieux, alors que les deux catégories sont soumises à l'obligation d'étourdissement préalable des animaux lors de l'abattage, la critique formulée par les parties requérantes revient en substance à alléguer la violation de la liberté de religion des croyants juifs et islamiques.

B.42.3. Le troisième moyen dans l'affaire n° 7155, en sa première branche, le deuxième moyen dans l'affaire n° 7154, en sa deuxième branche, le premier moyen dans l'affaire n° 7212 et le premier moyen dans l'affaire n° 7220 ne sont pas fondés, pour les motifs exposés en B.18 à B.24.

B.43. Le troisième moyen dans l'affaire n° 7155, en sa deuxième branche est pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination, en ce que les croyants juifs, d'une part, et les croyants islamiques, d'autre part, seraient traités de la même manière, sans justification raisonnable.

B.44.1. La seule circonstance que les préceptes alimentaires de la communauté religieuse juive et de la communauté religieuse islamique sont de nature différente ne suffit pas pour considérer que les croyants juifs et les croyants islamiques se trouvent dans des situations fondamentalement différentes par rapport à la mesure attaquée. En effet, il ressort des requêtes qu'au moins une partie des deux communautés religieuses considère que l'interdiction de l'abattage sans étourdissement est incompatible avec l'abattage rituel conformément à leurs préceptes religieux et que cette interdiction pourrait avoir pour effet qu'il leur serait plus difficile de se procurer de la viande provenant d'animaux abattus conformément à leurs préceptes religieux.

B.44.2. Le troisième moyen dans l'affaire n° 7155, en sa deuxième branche, n'est pas fondé.

B.45.1. Le troisième moyen dans l'affaire n° 7155, en sa troisième branche, le deuxième moyen dans l'affaire n° 7154, en sa première branche, le quatrième moyen dans l'affaire n° 7212 et le quatrième moyen dans l'affaire n° 7220 sont également pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination. Les parties requérantes font valoir une violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'en prévoyant une exception à l'obligation d'étourdir l'animal pour la chasse, la pêche et la lutte contre les organismes nuisibles, l'article D.57, § 1er, alinéa 2, 2° et 3°, du Code wallon du bien-être des animaux, attaqué, traiterait de manière différente, sans justification raisonnable, les personnes qui tuent les animaux dans le cadre de la chasse ou de la pêche ou dans la lutte contre les organismes nuisibles, d'une part, et les personnes qui tuent des animaux conformément à des méthodes d'abattages particulières prescrites par un rite religieux, d'autre part.

B.45.2. Corrélativement, les parties requérantes dans les affaires nos 7212 et 7220 font entre autres valoir, dans leur premier moyen, que l'article 26, paragraphe 2, premier alinéa, point c), du règlement (CE) n° 1099/2009, interprété en ce sens qu'il autorise les Etats membres de l'Union européenne à prendre des mesures telles que celles qui sont contenues dans le décret attaqué, viole le principe d'égalité et de non-discrimination, garanti par les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et le principe de la diversité religieuse, garanti par l'article 22 de cette Charte, en ce que le règlement ne prévoit qu'une exception conditionnelle à l'obligation de l'étourdissement préalable pour l'abattage d'animaux conformément à des méthodes rituelles (article 4, paragraphe 4, juncto l'article 26, paragraphe 2), alors qu'il dispense complètement de cette même obligation la mise à mort d'animaux dans le cadre de la chasse, de la pêche récréative et de manifestations culturelles et sportives (article 1er, paragraphe 3).

B.46.1. Le règlement (CE) n° 1099/2009 n'est pas applicable, en vertu de son article 1er, paragraphe 3, lorsque des animaux sont mis à mort dans le cadre de la chasse ou de la pêche récréative ou lors de manifestations culturelles ou sportives. Cela suppose que l'obligation d'étourdir l'animal lors de son abattage, contenue dans l'article 4, paragraphe 1, n'est pas applicable dans le cadre des activités précitées. En vertu de l'article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement (CE) n° 1099/2009, l'obligation d'étourdir l'animal ne s'applique ni à la pêche récréative, ni à d'autres formes de pêche.

B.46.2. Les considérants du règlement (CE) n° 1099/2009 exposent, en la matière : « (11) Les poissons sont physiologiquement très différents des animaux terrestres, et les poissons d'élevage sont abattus et mis à mort dans un contexte très différent, notamment en ce qui concerne la procédure d'inspection. En outre, la recherche sur l'étourdissement des poissons est beaucoup moins avancée que pour les autres espèces d'élevage. Il conviendrait d'établir des normes distinctes pour la protection des poissons au moment de leur mise à mort. Par conséquent, les dispositions applicables aux poissons devraient pour le moment se limiter aux principes clés. [...] ». « (14) Les activités de chasse ou de pêche récréative se déroulent dans un contexte où les conditions de mise à mort sont très différentes de celles que connaissent les animaux d'élevage, et la chasse fait l'objet d'une législation spécifique. Il y a donc lieu d'exclure du champ d'application du présent règlement les mises à mort se déroulant lors d'activités de chasse ou de pêche récréative. (15) Le protocole (n° 33) souligne aussi la nécessité de respecter les dispositions législatives ou administratives ainsi que les coutumes des Etats membres, notamment en ce qui concerne les rites religieux, les traditions culturelles et le patrimoine régional, dans la formulation et la mise en oeuvre des politiques communautaires relatives, entre autres, à l'agriculture et au marché intérieur.Dès lors, il convient d'exclure du champ d'application du présent règlement les manifestations culturelles lorsque le respect des exigences en matière de bien-être animal altérerait la nature même de la manifestation concernée. (16) En outre, les traditions culturelles se rapportent à un mode de pensée, d'action ou de comportement hérité, établi ou coutumier, qui implique en fait la notion de transmission par un prédécesseur.Elles contribuent à entretenir les liens sociaux qui existent de longue date entre les générations. Dès lors que ces activités n'ont pas d'incidence sur le marché des produits d'origine animale et ne sont pas motivées par des objectifs de production, il y a lieu d'exclure du champ d'application du présent règlement la mise à mort d'animaux se déroulant au cours de ce type de manifestations ».

B.47.1. Avant de statuer quant au fond dans les affaires jointes nos 6816 e.a., la Cour a posé à la Cour de Justice, par son arrêt n° 53/2019 du 4 avril 2019, la question préjudicielle suivante : « 3. Si la première question préjudicielle appelle une réponse affirmative, l'article 26, paragraphe 2, premier alinéa, c), lu en combinaison avec l'article 4, paragraphe 4, du règlement précité viole-t-il, dans l'interprétation exposée dans la première question, les articles 20, 21 et 22 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en ce qu'il ne prévoit, pour l'abattage d'animaux conformément à des méthodes particulières prescrites par des rites religieux, qu'une exception conditionnelle à l'obligation d'étourdir l'animal (article 4, paragraphe 4, juncto l'article 26, paragraphe 2), alors qu'il est prévu, pour la mise à mort d'animaux dans le cadre de la chasse, de la pêche et de manifestations culturelles et sportives, pour les raisons exposées dans les considérants du règlement, des dispositions selon lesquelles ces activités ne relèvent pas du champ d'application du règlement ou ne sont pas soumises à l'obligation d'étourdir l'animal lors de sa mise à mort (article 1, paragraphe 1, deuxième alinéa, et paragraphe 3) ? ».

B.47.2. Par son arrêt du 17 décembre 2020 en cause Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a. (C-336/19), la grande chambre de la Cour de Justice a répondu à la troisième question préjudicielle précitée comme suit : « 82. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi s'interroge en substance sur la validité de l'article 26, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), du règlement n° 1099/2009 au regard des principes d'égalité, de non-discrimination et de diversité culturelle, religieuse et linguistique, tels que garantis, respectivement, aux articles 20, 21 et 22 de la Charte. En effet, dans l'hypothèse où cette disposition autoriserait les Etats membres à prendre des mesures telles que l'étourdissement obligatoire pour la mise à mort des animaux dans le cadre de l'abattage rituel, ledit règlement ne contiendrait aucune disposition semblable pour la mise à mort des animaux dans le cadre des activités de chasse et de pêche ou lors de manifestations culturelles ou sportives. 83. Il découle du libellé de cette question que la juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à la conformité de cette disposition du règlement n° 1099/2009 aux articles 20, 21 et 22 de la Charte, en ce que, tandis qu'il ne prévoit qu'une exception conditionnelle à l'étourdissement préalable de l'animal dans le cadre de l'abattage rituel, ce règlement exclut de son champ d'application ou exonère de l'obligation d'étourdissement préalable qu'il prévoit la mise à mort d'animaux intervenant dans le cadre de la chasse, de la pêche ainsi que de manifestations culturelles et sportives.84. A cet égard, en premier lieu, il convient d'apprécier l'argument tiré de ce que l'abattage rituel ferait l'objet d'un traitement discriminatoire dans le règlement n° 1099/2009 par rapport à la mise à mort d'animaux dans le cadre de manifestations culturelles et sportives. 85. A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l'interdiction de discrimination n'est que l'expression spécifique du principe général d'égalité qui appartient aux principes fondamentaux du droit de l'Union, et que ce principe impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, en ce sens, arrêts du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a., 117/76 et 16/77, EU: C: 1977: 160, point 7, ainsi que du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C-127/07, EU: C: 2008: 728, point 23). 86. En l'occurrence, le règlement n° 1099/2009 énonce, à son article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, qu'il a pour objet d'établir ' des règles applicables à la mise à mort des animaux élevés ou détenus pour la production de denrées alimentaires, de laine, de peau, de fourrure ou d'autres produits ainsi qu'à la mise à mort des animaux à des fins de dépeuplement et aux opérations annexes ', et précise, à son article 1er, paragraphe 3, sous a), iii), qu'il ne s'applique pas à un certain nombre d'activités, parmi lesquelles figure la mise à mort d'animaux lors de manifestations culturelles ou sportives.87. Or, l'article 2, sous h), de ce règlement définit les ' manifestations culturelles ou sportives ' comme ' les manifestations qui sont essentiellement et de façon prédominante associées à des traditions culturelles établies de longue date ou à des activités sportives comprenant les courses ou d'autres formes de compétitions lorsqu'il n'y a pas de production de viande ou de produits d'origine animale ou que cette production est marginale par rapport à la manifestation proprement dite et n'est pas significative au plan économique '.88. Il ressort de cette définition que les manifestations culturelles et sportives, au sens de l'article 2, sous h), dudit règlement, aboutissent, tout au plus, à une production marginale de viande ou de produits d'origine animale par rapport à la manifestation proprement dite et qu'une telle production n'est pas significative au plan économique.89. Cette interprétation est corroborée par le considérant 16 du règlement n° 1099/2009, selon lequel le fait que ces manifestations n'ont pas d'incidence sur le marché des produits d'origine animale et ne sont pas motivées par des objectifs de production justifie leur exclusion du champ d'application de ce règlement.90. Dans ces conditions, une manifestation culturelle ou sportive ne saurait raisonnablement être appréhendée comme une activité de production de denrée alimentaire, au sens de l'article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1099/2009.C'est donc, eu égard à cette différence, sans méconnaître l'interdiction de discrimination que le législateur de l'Union n'a pas assimilé les manifestations culturelles ou sportives à une opération d'abattage devant, comme telle, être soumise à un étourdissement et qu'il a, ce faisant, traité de manière différente ces situations. 91. En deuxième lieu, sauf à vider de leur substance les notions de ' chasse ' et de ' pêche récréative ', il ne saurait être soutenu que ces activités sont susceptibles d'être pratiquées sur des animaux préalablement étourdis.En effet, ainsi que l'énonce le considérant 14 du règlement n° 1099/2009, lesdites activités se déroulent dans un contexte où les conditions de mise à mort sont très différentes de celles que connaissent les animaux d'élevage. 92. Dans ces conditions, c'est également sans méconnaître le principe de non-discrimination que le législateur de l'Union a exclu du champ d'application de ce règlement les situations de mises à mort non comparables visées au point précédent.93. En troisième lieu, que ce soit à l'article 27, paragraphe 1, du règlement n° 1099/2009 ou aux considérants 6, 11 et 58 de ce règlement, le législateur de l'Union a abondamment souligné que les avis scientifiques relatifs aux poissons d'élevage étaient insuffisants et qu'il convenait également approfondir l'évaluation économique dans ce domaine, ce qui justifiait de disjoindre le traitement des poissons d'élevage.94. En quatrième lieu, eu égard aux considérations exposées aux points 84 à 93 du présent arrêt, il convient de constater que c'est sans méconnaître la diversité culturelle, religieuse et linguistique garantie à l'article 22 de la Charte que le règlement n° 1099/2009, tandis qu'il ne prévoit qu'une exception conditionnelle à l'étourdissement préalable de l'animal dans le cadre de l'abattage rituel, exclut de son champ d'application ou exonère de l'obligation d'étourdissement préalable qu'il prévoit la mise à mort d'animaux intervenant dans le cadre de la chasse, de la pêche et de manifestations culturelles et sportives.95. Il s'ensuit que l'examen de la troisième question préjudicielle n'a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l'article 26, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), du règlement n° 1099/2009 ». B.48.1. Il ressort de l'arrêt précité que l'article 26, paragraphe 2, premier alinéa, c), du règlement (CE) n° 1099/2009 est valable au regard des principes d'égalité, de non-discrimination et de diversité culturelle, religieuse et linguistique, tels qu'ils sont garantis, respectivement, aux articles 20, 21 et 22 de la Charte, en ce que ce règlement ne contient aucune disposition semblable pour la mise à mort des animaux dans le cadre des activités de chasse et de pêche ou lors de manifestations culturelles ou sportives.

B.48.2. Il s'ensuit que le premier moyen dans les affaires nos 7212 et 7220 n'est pas fondé dans cette mesure.

B.48.3. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés dans l'arrêt précité de la Cour de Justice, le troisième moyen dans l'affaire n° 7155, en sa troisième branche, le deuxième moyen dans l'affaire n° 7154, en sa première branche, le quatrième moyen dans l'affaire n° 7212 et le quatrième moyen dans l'affaire n° 7220 ne sont pas non plus fondés.

Par ces motifs, la Cour, sous réserve des interprétations mentionnées en B.31.3 et B.31.4, rejette les recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 30 septembre 2021.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, F. Daoût

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