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Arrêt
publié le 20 juillet 2021

Extrait de l'arrêt n° 54/2021 du 1 er avril 2021 Numéros du rôle : 7356, 7357 et 7358 En cause: les questions préjudicielles relatives à l'article 35ter, § 1 er et § 2, alinéa 1 er , a), b) et c),de la l La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Merc(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 54/2021 du 1er avril 2021 Numéros du rôle : 7356, 7357 et 7358 En cause: les questions préjudicielles relatives à l'article 35ter, § 1er et § 2, alinéa 1er, a), b) et c),de la loi du 26 mars 1971 « sur la protection des eaux de surface contre la pollution », posées par le Tribunal de première instance de Flandre orientale, division Gand.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Merckx-Van Goey, T. Giet, R. Leysen, M. Pâques et T. Detienne, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par trois jugements du 20 janvier 2020, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour le 6 février 2020, le Tribunal de première instance de Flandre orientale, division Gand, a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 35ter, § 1er, et 35ter, § 2, alinéa 1er, a) à c), de la loi du 26 mars 1971 sur la protection des eaux de surface contre la pollution, dans lesquels la taxe sur la pollution des eaux est calculée, sur la base de la formule ordinaire, pour les redevables, visés à l'article 35quinquies et à l'article 35septies de la loi du 26 mars 1971, (1) qui sont raccordés à un réseau hydrographique public et qui sont obligés d'épurer eux-mêmes et de déverser dans les eaux de surface, ou bien (2) qui disposent d'une autorisation de déversement comportant des normes pour le déversement dans des eaux de surface ordinaires et qui déversent dans les égouts publics non reliés à une installation publique opérationnelle d'épuration des eaux usées, dans une voie d'évacuation artificielle pour eaux pluviales ou dans une conduite d'effluents de droit privé ou public qui débouche dans une eau de surface, ou encore (3) dont l'établissement n'est pas situé dans la zone de cinquante mètres autour du système des égouts publics et des collecteurs, qui est relié à une installation publique opérationnelle d'épuration des eaux usées ou qui est relié à une installation publique d'épuration des eaux usées sur la base du plan de zonage, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 170 et 172 de la Constitution, en ce qu'aucune distinction n'est établie entre, d'une part, l'exploitant qui dispose d'un permis d'environnement dont toutes les composantes relatives à la situation de déversement ont été exécutées et, d'autre part, l'exploitant qui dispose d'un permis d'environnement mais dont la partie du permis relative à la situation de déversement n'est, durant la période de taxe concernée, pas encore opérationnelle et n'est dès lors pas exécutoire ? ».

Ces affaires, inscrites sous les numéros 7356, 7357 et 7358 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur l'article 35ter, § 1er, et § 2, alinéa 1er, a) à c), de la loi du 26 mars 1971 « sur la protection des eaux de surface contre la pollution », tel qu'il s'appliquait en Région flamande pour les années d'imposition 2014 à 2016. Cette disposition déterminait les modalités de fixation de la taxe sur la pollution des eaux.

B.2.1. Pour ce qui concerne la Région flamande, les taxes d'environnement sur la pollution des eaux étaient réglées au chapitre IIIbis de la loi précitée du 26 mars 1971, intitulé « Dispositions particulières pour la Région flamande en matière de redevances [lire : taxes] sur la pollution des eaux ».

L'article 35bis, § 1er, de cette loi prévoyait que la « Vlaamse Milieumaatschappij » (ci-après : la Société flamande pour l'environnement) était chargée de l'établissement, de la perception et du recouvrement de la taxe sur la pollution des eaux, et du contrôle du respect des obligations afférentes à la taxe. Conformément à l'article 35bis, § 3, alinéa 1er, de la même loi, était redevable de la taxe toute personne qui, en Flandre, consommait de l'eau fournie par une société publique de distribution d'eau et/ou disposait d'un captage d'eau privé et/ou déversait des eaux usées, indépendamment de la provenance de l'eau.

L'article 35ter, § 1er, disposait que le montant de la taxe était fixé comme suit : H = N x T, H étant égal au montant de la taxe due pour la pollution des eaux, N étant égal à la charge polluante exprimée en unités polluantes, calculée selon une des méthodes fixées dans les sections 3, 4, 5 et 6 de la loi, produite dans l'année précédant l'année d'imposition, et T étant égal au montant mentionné au paragraphe 2 du tarif unitaire de la taxe.

B.2.2. L'article 35ter, § 2, de la loi prévoyait deux tarifs unitaires différents : un tarif unitaire réduit pour les catégories de redevables mentionnées dans le premier alinéa, a) à c), qui disposent d'un permis prévoyant des normes de déversement dans les eaux de surface et assimilées, et un tarif unitaire majoré pour « tous les autres redevables » (alinéa 2).

Selon la situation du redevable, la loi prévoyait plusieurs formules de calcul du nombre d'unités polluantes. Pour les « petits consommateurs », la charge polluante était en principe calculée sur la base de la consommation d'eau (article 35quater). Pour les « grands consommateurs », le calcul se faisait sur la base des résultats de mesurage et d'échantillonnage des eaux usées qu'ils déversaient, c'est-à-dire en fonction de la charge polluante effective de l'eau (article 35quinquies). Si les données relatives aux eaux usées déversées qui étaient nécessaires pour l'application de cette méthode n'étaient pas disponibles ou étaient incomplètes, la charge polluante était calculée sur la base de coefficients de conversion (article 35septies). Cette méthode de calcul forfaitaire tenait compte, pour le calcul de la charge polluante, de la consommation d'eau facturée ainsi que de l'eau obtenue d'une autre manière.

B.2.3. L'article 35ter, § 10, de la loi du 26 mars 1971, tel qu'il a été inséré par l'article 65 du décret flamand du 21 décembre 2012 et remplacé par l'article 10 du décret flamand du 23 décembre 2016, prévoyait, en cas de déversement non autorisé, une formule adaptée pour calculer la taxe relative à la période au cours de laquelle ce déversement a eu lieu. L'application de cette disposition requerrait soit une communication écrite du redevable contenant la date du début du déversement, adressée à la Société flamande pour l'environnement ou au contrôleur compétent pour le « maintien environnemental » (protection de l'environnement), soit un procès-verbal de contravention ou un constat mentionnant la date de constat du déversement. Ensuite, la cessation du déversement non autorisé devait être constatée par les agents compétents de la Société flamande pour l'environnement ou par le contrôleur compétent pour la protection de l'environnement, le redevable ayant la possibilité d'apporter la preuve d'une autre date.

B.2.4. Les dispositions précitées de la loi du 26 mars 1971 « sur la protection des eaux de surface contre la pollution » et du décret du 24 janvier 1984 « portant des mesures en matière de gestion des eaux souterraines » ont été abrogées, à partir du 1er janvier 2019, par les articles 4 et 6 du décret du 30 novembre 2018 « ratifiant la coordination de la réglementation relative à l'eau dans le décret du 18 juillet 2003 relatif à la politique intégrée de l'eau, et abrogeant la réglementation coordonnée ».

Cette abrogation n'a pas d'incidence sur l'objet de la question préjudicielle.

B.3. Il ressort des décisions de renvoi que sont visés en l'espèce des redevables qui ont déversé des eaux usées sans permis au cours des années d'imposition concernées et vis-à-vis desquels, dans le cadre de la détermination du montant de la taxe sur la pollution des eaux, la Société flamande pour l'environnement a constaté qu'il n'était pas possible de faire application de l'article 35ter, § 10, à défaut de données objectives quant à la date de début et de cessation du déversement non autorisé, et qu'il a dès lors été fait application de la méthode de calcul forfaitaire de l'article 35septies de la loi du 26 mars 1971, au motif que les données de mesurage et d'échantillonnage font défaut ou sont incomplètes.

La Cour limite son examen à cette hypothèse.

B.4.1. Le juge a quo demande à la Cour si l'article 35ter, § 1er, et § 2, alinéa 1er, a) à c), de la loi du 26 mars 1971 est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 170 et 172 de la Constitution, « en ce qu'aucune distinction n'est établie entre, d'une part, l'exploitant qui dispose d'un permis d'environnement dont toutes les composantes relatives à la situation de déversement ont été exécutées et, d'autre part, l'exploitant qui dispose d'un permis d'environnement mais dont la partie du permis relative à la situation de déversement n'est, durant la période de taxe concernée, pas encore opérationnelle et n'est dès lors pas exécutoire ».

B.4.2. Dans l'interprétation du juge a quo, l'article 35ter, § § 1er et 2, en cause, de la loi du 26 mars 1971 n'établit, pour le calcul de la taxe sur la pollution des eaux, aucune distinction entre les redevables qui disposent d'un permis d'environnement pour le déversement d'eaux usées, selon que cette partie du permis est exécutoire ou non.

B.5.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.5.2. L'article 172, alinéa 1er, de la Constitution constitue une application particulière, en matière fiscale, du principe d'égalité et de non-discrimination inscrit aux articles 10 et 11 de la Constitution.

B.5.3. Ni le libellé de la question préjudicielle, ni l'examen des motifs des décisions de renvoi ne permettent de déduire en quoi la disposition en cause porterait atteinte à l'article 170 de la Constitution.

En ce qu'elle porte sur le respect de cette disposition de la Constitution, la question préjudicielle est dès lors irrecevable.

B.5.4. La Cour ne peut critiquer un traitement identique que si deux catégories de personnes se trouvant dans des situations essentiellement différentes au regard de la mesure considérée font l'objet d'un traitement identique, sans qu'existe une justification raisonnable.

B.6.1. Les taxes d'environnement sur la pollution des eaux visent, d'une part, à limiter la pollution de l'eau et, d'autre part, à financer et répartir les charges financières résultant de la pollution de l'environnement, conformément au principe du « pollueur-payeur ».

Dans l'exposé des motifs du projet devenu le décret du 21 décembre 1990 « contenant des dispositions budgétaires techniques ainsi que des dispositions accompagnant le budget 1991 », qui a inséré le chapitre IIIbis relatif aux taxes sur la pollution des eaux dans la loi du 26 mars 1971, il a été déclaré à ce sujet : « Les taxes d'environnement ne sont donc pas seulement un moyen de financer totalement ou partiellement les mesures collectives de lutte contre la pollution de l'environnement, mais aussi et surtout un instrument politique pour inciter les pollueurs à limiter à la source la pollution dont ils sont responsables » (Doc. parl., Conseil flamand, 1990-1991, n° 424/1, p. 10).

B.6.2. Lorsqu'elle s'inspire du principe du « pollueur-payeur », une taxe n'obéit au principe d'égalité et de non-discrimination que si elle atteint ceux qui polluent et si elle tient compte de la mesure dans laquelle chaque redevable contribue à la nuisance contre laquelle la taxation s'efforce de lutter.

B.6.3. Dès lors, s'il n'était pas tenu compte, dans le calcul de la taxe, de la mesure dans laquelle le redevable contribue à la nuisance, la mesure serait disproportionnée au regard de l'objectif de protection d'un environnement sain poursuivi par cette taxe.

B.7.1. Contrairement à ce que considère le juge a quo, l'article 35ter, en cause, de la loi du 26 mars 1971 établit effectivement une distinction entre les redevables qui disposent d'un permis d'environnement pour le déversement d'eaux usées selon que cette partie du permis est exécutoire ou non.

Pour les redevables qui disposent d'un permis d'environnement exécutoire pour le déversement d'eaux usées, la taxe est donc calculée selon la formule générale contenue dans l'article 35ter, § 1er, de la loi du 26 mars 1971, suivant laquelle la charge polluante exprimée en unités polluantes est multipliée par le montant du tarif unitaire de la taxe. Ces redevables bénéficient du tarif unitaire réduit prévu par l'article 35ter, § 2, alinéa 1er, dès lors qu'ils relèvent des catégories de redevables mentionnées dans cette disposition - auxquelles la question préjudicielle fait référence - qui disposent d'un permis contenant des normes de déversement dans les eaux de surface et assimilées.

Pour les redevables qui ne disposent pas d'un permis d'environnement exécutoire pour le déversement d'eaux usées, il convient d'appliquer en principe la formule de calcul dérogatoire prévue par l'article 35ter, § 10, de la loi du 26 mars 1971 pour les « déversements non autorisés ». Cette formule ne peut toutefois être appliquée qu'en présence d'une communication écrite du redevable précisant la date de début du déversement, adressée à la Société flamande pour l'environnement ou au contrôleur compétent pour la protection de l'environnement, ou d'un procès-verbal de contravention ou d'un constat mentionnant la date de constat du déversement. Ensuite, la cessation du déversement non autorisé doit avoir été constatée par les agents compétents de la Société flamande pour l'environnement ou par le contrôleur compétent pour la protection de l'environnement, le redevable ayant la possibilité d'apporter la preuve d'une autre date.

En l'absence de ces données, il convient d'appliquer la formule générale prévue par l'article 35ter, § 1er. Dans ce cas, ce n'est pas le tarif unitaire prévu à l'article 35ter, § 2, alinéa 1er, pour les catégories de redevables mentionnées, auxquelles il est fait référence dans la question préjudicielle, qui s'applique, mais le tarif unitaire majoré qui s'applique en vertu de l'article 35ter, § 2, alinéa 2, aux autres redevables. Le calcul des unités polluantes s'opère en principe sur la base des résultats de mesurage et d'échantillonnage des eaux usées qu'ils déversent, c'est-à-dire en fonction de la charge polluante effective de l'eau (article 35quinquies). Les redevables qui souhaitent l'application de cette méthode de calcul doivent fournir eux-mêmes les résultats de mesurage et d'échantillonnage provenant d'une campagne de mesurage effectuée de leur propre initiative par un laboratoire agréé par le Gouvernement. Ce n'est que si ces données indispensables relatives aux eaux usées déversées ne sont pas disponibles ou sont incomplètes que la charge polluante est calculée sur la base des coefficients de conversion (article 35septies), en recourant aux formules forfaitaires qui se basent sur la consommation d'eau facturée ainsi que sur l'eau prélevée d'une autre manière.

B.7.2. Par conséquent, les catégories de redevables mentionnées dans la question préjudicielle ne sont pas traitées de manière identique et, pour le calcul de la taxe, il est en principe tenu compte de la mesure dans laquelle le redevable contribue à la nuisance.

B.8. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 35ter, § 1er et § 2, alinéa 1er, a) à c), de la loi du 26 mars 1971 « sur la protection des eaux de surface contre la pollution », tel qu'il s'appliquait en Région flamande pour les années d'imposition 2014 à 2016, ne viole pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 1er avril 2021.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, L. Lavrysen

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