publié le 04 août 2021
Extrait de l'arrêt n° 38/2021 du 4 mars 2021 Numéro du rôle : 7319 En cause : le recours en annulation de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 16 mai 2019 « relative au Contrat Ecole », introduit par l'ASBL « Vlaams Komitee voor La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges J.-P. M(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 38/2021 du 4 mars 2021 Numéro du rôle : 7319 En cause : le recours en annulation de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 16 mai 2019 « relative au Contrat Ecole », introduit par l'ASBL « Vlaams Komitee voor Brussel ».
La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques et Y. Kherbache, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 2 décembre 2019 et parvenue au greffe le 4 décembre 2019, l'ASBL « Vlaams Komitee voor Brussel », assistée et représentée par Me L. van Caneghem, avocat au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 16 mai 2019 « relative au Contrat Ecole » (publiée au Moniteur belge du 11 juin 2019, deuxième édition). (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. L'ordonnance attaquée de la Région de Bruxelles-Capitale du 16 mai 2019 « relative au Contrat Ecole » vise à mettre en place le « Contrat Ecole », qui est défini comme étant un « programme régional de rénovation urbaine visant à améliorer l'intégration urbaine des établissements scolaires et leur ouverture vers le quartier » (article 2, 1°, de l'ordonnance attaquée).
En vertu de l'article 3 de l'ordonnance attaquée, le Contrat Ecole poursuit trois objectifs : améliorer l'intégration urbaine des établissements scolaires, accroître l'offre d'équipements collectifs aux habitants du quartier via une ouverture des établissements scolaires en dehors du temps scolaire (accès aux infrastructures sportives, au réfectoire, ouverture des cours d'école, etc.) et favoriser l'ouverture de l'école vers le quartier via des actions socio-économiques et des opérations de requalification de l'espace public.
B.1.2. A la suite d'un appel à candidatures, les établissements scolaires sont sélectionnés par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale en fonction des moyens budgétaires disponibles et conformément aux critères applicables. Ces critères sont la localisation de l'établissement scolaire en Région de Bruxelles-Capitale dans une zone de revitalisation urbaine et le fait d'accueillir un public scolaire fragilisé. Le Gouvernement peut en outre fixer des critères complémentaires dans l'appel à candidatures (article 4).
Pour chaque établissement scolaire sélectionné, le Bureau bruxellois de la planification (BBP) élabore un projet de programme, qui comporte notamment une fiche descriptive de chacune des opérations d'investissement et actions envisagées dans le cadre du Contrat Ecole ainsi que le plan financier provisoire et prévisionnel du projet du Contrat Ecole pour toute sa durée (article 5). Chaque programme de Contrat Ecole est approuvé par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, après avoir été soumis à l'avis du comité d'accompagnement (articles 6 et 7). Ce comité est un groupe de travail réunissant au minimum le ministre chargé de l'Aménagement du territoire et de la Statistique ou son délégué, un représentant du BBP, la commune qui a un Contrat Ecole sur son territoire, le pouvoir organisateur de l'établissement scolaire et les autres bénéficiaires du Contrat Ecole (article 2, 14°).
B.1.3. En vertu de l'article 11 de l'ordonnance attaquée, le programme du Contrat Ecole est réalisé notamment au moyen d'une ou plusieurs opérations et d'un ou plusieurs programmes suivants : « 1° opérations d'investissement ayant pour objet de construire, de reconstruire, de maintenir, de réhabiliter, d'accroître, d'assainir ou d'améliorer l'établissement scolaire et son environnement immédiat afin de le mettre à disposition des habitants du quartier et du public scolaire; 2° opérations destinées à requalifier l'espace public : - aménagements en vue de l'embellissement des abords; - améliorations fonctionnelles quant à l'accès aux établissements scolaires; 3° actions socioéconomiques visant à favoriser la cohésion sociale et l'insertion socioprofessionnelle, notamment par la mise à disposition d'équipements collectifs et par l'incitation à la participation des habitants à des activités;4° actions de coordination relatives aux opérations visées aux 1° à 3° ». Pour la réalisation d'opérations d'investissement et d'actions relevant d'un programme de Contrat Ecole, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale peut octroyer des subventions aux bénéficiaires qui participent à la réalisation d'un Contrat Ecole (articles 2, 4°, et 16). Ces bénéficiaires sont les pouvoirs organisateurs des établissements scolaires, les communes, les associations sans but lucratif, les sociétés à finalité sociale et les fondations d'utilité publique et, enfin, les organismes de droit public (article 9).
L'article 10, § 2, de l'ordonnance attaquée dispose que la gestion et l'exploitation des équipements collectifs subventionnés sont soumises au respect des conditions fixées par le Gouvernement. Ces conditions peuvent varier en fonction de la nature des équipements concernés, sans pouvoir être incompatibles avec l'organisation de l'enseignement.
Cette gestion et cette exploitation des équipements collectifs « visent principalement à offrir aux citoyens l'accès le plus large possible à ces équipements et aux services qui y sont proposés dans des conditions financières abordables » (article 10, § 2, alinéa 2).
L'article 24 de l'ordonnance attaquée dispose que le bénéficiaire des subventions ne peut pas modifier l'affectation du bien concerné par la subvention ou céder des droits réels autres qu'une servitude sur celui-ci, excepté pour de justes motifs et moyennant accord préalable et exprès du Gouvernement ou de son délégué, avant l'expiration d'un délai de quinze ans à dater de la décision de la réception provisoire des travaux, ni violer les conditions d'exploitation des équipements collectifs arrêtées par le Gouvernement. En cas d'infraction à cette disposition, le bénéficiaire est tenu de rembourser la partie de la subvention attribuée à l'opération ou à l'action concernée par cette infraction, conformément à la formule déterminée à l'article 25 de l'ordonnance.
Quant à la recevabilité du recours en annulation B.2.1. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale conteste la recevabilité du recours en annulation, en ce que la partie requérante n'a pas joint à la requête la copie de la décision d'agir prise par l'association concernée conformément à ses statuts.
B.2.2. L'article 7, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle prévoit que la preuve de la décision d'agir en justice de l'organe compétent de la personne morale doit être produite « à la première demande ». Cette formulation permet à la Cour de renoncer à une telle demande, notamment lorsque la personne morale est représentée par un avocat.
Cette interprétation n'empêche pas qu'une partie ait le droit de soulever que la décision d'agir en justice n'a pas été prise par l'organe compétent de la personne morale, mais elle doit faire admettre son objection, ce qu'elle peut faire par toutes voies de droit. Tel n'est pas le cas en l'espèce.
B.3.1. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale conteste ensuite l'intérêt de la partie requérante.
B.3.2. L'article 142, alinéa 3, de la Constitution et l'article 2, 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à une personne morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt.
Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée. L'action populaire n'est pas admissible.
Lorsqu'une association sans but lucratif qui n'invoque pas son intérêt personnel agit devant la Cour, il est requis que son but statutaire soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; qu'elle défende un intérêt collectif; que la norme attaquée soit susceptible d'affecter son but; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que ce but n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi.
B.3.3. En vertu de l'article 1er de ses statuts, la partie requérante a pour objet « de préserver et de promouvoir la vie flamande dans la région de Bruxelles-Capitale ». A cet effet, elle a notamment constitué un groupe de travail juridique qui tend à protéger les droits des néerlandophones à Bruxelles.
B.3.4. Le but statutaire de la partie requérante est distinct de l'intérêt général et celle-ci poursuit aussi réellement ledit but statutaire, comme en témoignent notamment les recours en annulation qu'elle a introduits dans le passé devant la Cour constitutionnelle et le Conseil d'Etat.
B.3.5. Par l'ordonnance attaquée, la Région de Bruxelles-Capitale instaure une procédure qui permet au pouvoir organisateur d'un établissement scolaire situé dans cette région d'être sélectionné, moyennant certaines conditions, pour bénéficier d'un Contrat Ecole, « visant à améliorer l'intégration urbaine des établissements scolaires et leur ouverture vers le quartier » (article 2, 1°, de l'ordonnance attaquée). Le Contrat Ecole permet aux bénéficiaires, dont les pouvoirs organisateurs des établissements scolaires et les communes, d'obtenir des subventions pour mener des opérations d'investissement et des actions qui entrent dans le cadre du programme du Contrat Ecole.
Selon la partie requérante, l'ordonnance attaquée porterait atteinte à son but statutaire, en ce que la Région de Bruxelles-Capitale s'approprie des compétences qui, sur le territoire de cette Région, appartiennent exclusivement aux communautés. Dès lors qu'elle se permet ainsi d'« interférer dans le fonctionnement de l'enseignement néerlandophone à Bruxelles », la Région de Bruxelles-Capitale pourrait affecter « l'un des éléments principaux de la vie flamande dans la Région de Bruxelles-Capitale », que la partie requérante souhaite maintenir et promouvoir en vertu de son but statutaire.
B.3.6. Si la partie requérante n'avait invoqué, à l'appui de son intérêt, que le fait que des compétences attribuées à la Communauté flamande seraient exercées par d'autres autorités publiques, son recours serait irrecevable car la partie requérante entendrait ainsi substituer son appréciation des intérêts de cette Communauté à l'appréciation des organes officiels démocratiquement constitués de celle-ci, alors que l'article 2, 1° et 3°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, adoptée en exécution de l'article 142 de la Constitution, confie à ceux-ci le soin de défendre devant la Cour les intérêts propres à leur collectivité.
B.4. La partie requérante fait toutefois également valoir, à l'appui de son intérêt, que la situation juridique, mentionnée en B.3.5, des habitants néerlandophones de la Région de Bruxelles-Capitale peut être affectée par l'ordonnance attaquée. Ainsi limité, l'examen de cet intérêt est lié à la portée qu'il convient de donner aux dispositions attaquées. Par conséquent, l'examen de la recevabilité se confond avec celui du fond de l'affaire.
Quant au fond En ce qui concerne le moyen unique de la partie requérante B.5. La partie requérante, suivie par le Gouvernement flamand, prend un moyen unique de la violation, par l'ordonnance attaquée, de l'article 127 de la Constitution et de l'article 4 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en ce que l'ordonnance attaquée réglerait l'enseignement, la culture, le sport et les loisirs, alors que ces matières ont été attribuées aux communautés.
B.6.1. L'article 127 de la Constitution dispose : « § 1er. Les Parlements de la Communauté française et de la Communauté flamande, chacun pour ce qui le concerne, règlent par décret : 1° les matières culturelles;2° l'enseignement, à l'exception : a) de la fixation du début et de la fin de l'obligation scolaire;b) des conditions minimales pour la délivrance des diplômes;c) du régime des pensions;3° la coopération entre les communautés, ainsi que la coopération internationale, y compris la conclusion de traités, pour les matières visées aux 1° et 2°. Une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, arrête les matières culturelles visées au 1°, les formes de coopération visées au 3°, ainsi que les modalités de conclusion de traités, visée au 3°. § 2. Ces décrets ont force de loi respectivement dans la région de langue française et dans la région de langue néerlandaise, ainsi qu'à l'égard des institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leurs activités, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à l'une ou à l'autre communauté ».
B.6.2. En vertu de l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 2°, de la Constitution, les communautés ont la plénitude de compétence pour régler l'enseignement dans la plus large acception du terme, sauf les exceptions qui y sont explicitement mentionnées. Les matières réservées au législateur fédéral doivent être interprétées strictement.
Par l'effet de la lecture conjointe de cette disposition avec l'article 175, alinéa 2, de la Constitution, aux termes duquel les Parlements de la Communauté française et de la Communauté flamande règlent par décret, chacun en ce qui le concerne, l'affectation de leurs recettes, la fixation des moyens financiers destinés au fonctionnement de l'enseignement relève de l'acte de « régler » les matières d'enseignement. Comme la Cour l'a déjà constaté par son arrêt n° 67/2012 du 24 mai 2012, le financement des infrastructures scolaires relève également de cette compétence des communautés en matière d'enseignement. B.6.3. Dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, l'enseignement est une matière réglée par plusieurs législateurs.
En vertu de l'article 127, § 2, de la Constitution, les décrets qui règlent l'enseignement ont force de loi respectivement dans la région de langue française et dans la région de langue néerlandaise, ainsi qu'à l'égard des institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leurs activités, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à l'une ou à l'autre communauté.
L'autorité fédérale est compétente pour régler, dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, l'enseignement qui n'est pas dispensé par des institutions relevant de la compétence exclusive de l'une ou de l'autre communauté.
B.6.4. La Commission communautaire commune n'est pas compétente pour légiférer par ordonnance dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale en ce qui concerne l'enseignement.
En exécution de l'article 138 de la Constitution, la Commission communautaire française dispose actuellement, dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, à l'égard des institutions qui, en raison de leurs activités, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à la Communauté française, de la compétence de légiférer par décret sur le « transport scolaire, visé à l'article 4 de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement » (article 3, 5°, du décret spécial de la Communauté française du 3 avril 2014 relatif aux compétences de la Communauté française dont l'exercice est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française, article 3, 5°, du décret de la Région wallonne du 11 avril 2014 « relatif aux compétences de la Communauté française dont l'exercice est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française » et article 3, 5°, du décret de la Commission communautaire française du 4 avril 2014 « relatif aux compétences de la Communauté française dont l'exercice est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française ») et de la compétence de « créer, financer et contrôler conjointement avec la Communauté française des organismes publics chargés d'acquérir, d'administrer et d'aliéner des biens immeubles, bâtis ou non, hébergeant en tout ou en partie des établissements scolaires, internats et centres psycho-médico-sociaux affectés à l'enseignement organisé par les pouvoirs publics, à l'exclusion de l'enseignement supérieur » (article 2 du décret I de la Communauté française du 5 juillet 1993 « relatif au transfert de l'exercice de certaines compétences de la Communauté française à la Région wallonne et à la Commission communautaire française », article 2 du décret I de la Région wallonne du 7 juillet 1993 « relatif au transfert de l'exercice de certaines compétences de la Communauté française à la Région wallonne » et article 2 du décret I de la Commission communautaire française du 8 juillet 1993 « relatif au transfert de l'exercice de certaines compétences de la Communauté française à la Commission communautaire française »).
B.6.5. La Région de Bruxelles-Capitale n'est en revanche pas compétente pour régler la matière de l'enseignement dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale.
B.6.6. L'article 4 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles dispose : « Les matières culturelles visées à l'article 127, § 1er, [alinéa 1er,] 1°, de la Constitution sont : [...] 3° Les beaux-arts; [...] 8° L'éducation permanente et l'animation culturelle;9° L'éducation physique, les sports et la vie en plein air;10° Les loisirs; [...] 13° La formation artistique; [...] ».
B.6.7. Sur la base de l'article 4 de la loi spéciale du 8 août 1980, les communautés sont exclusivement compétentes en ce qui concerne les matières culturelles. Le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils n'en disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d'édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées et ce, sans préjudice de leur recours, au besoin, à l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. Sauf dispositions contraires, le législateur spécial a transféré aux communautés et aux régions l'ensemble de la politique relative aux matières qu'il a attribuées.
Les matières culturelles précitées doivent être déterminées en tenant compte des précisions mentionnées dans les travaux préparatoires de l'article 127 de la Constitution (l'ancien article 59bis de la Constitution), de même que de la loi du 21 juillet 1971 « relative à la compétence et au fonctionnement des conseils culturels pour la Communauté culturelle française et pour la Communauté culturelle néerlandaise » et de la loi spéciale du 8 août 1980.
Ainsi, il a été précisé que la notion de « beaux-arts » mentionnée à l'article 4, 3°, ne peut être interprétée de manière limitative : elle comprend notamment la musique, le théâtre, le cinéma, le ballet, les arts plastiques et la littérature (Doc. parl., Sénat, 1969-1970, n° 402, pp. 25-26; Doc. parl., Sénat, 1970-1971, n° 400, p. 4). Les arts amateurs relèvent également de cette matière (CE, avis n° 30.358/1/V du 7 septembre 2000, Doc. parl., Parlement flamand, 2000-2001, n° 482/1, p. 33).
La compétence attribuée par l'article 4, 8°, en matière d'« éducation permanente et [d']animation culturelle » comprend « tout ce qui contribue à l'épanouissement culturel des adultes au sens large comme les associations créées par la libre initiative des citoyens, les conférences, les cours, les institutions de formation familiale, sociale et civique, l'organisation du développement communautaire, mais à l'exclusion de l'enseignement au sens traditionnel » (Doc. parl., Sénat, 1970-1971, n° 400, p. 6).
La compétence attribuée par l'article 4, 9°, en matière de sports englobe tant le sport professionnel que les sports d'amateurs (ibid., p. 6).Elle porte également sur la politique en matière d'infrastructures sportives, en ce compris son subventionnement (Doc. parl., Chambre, 1970-1971, n° 1053/4, p. 8).
La compétence attribuée par l'article 4, 10°, en matière de loisirs doit aussi être interprétée au sens large, « sans tenir compte du moment où ils se situent (après la journée de travail, pendant les week-ends ou les vacances); ils comprennent entre autres les prestations artistiques non professionnelles (théâtre, musique, arts plastiques, etc.), les passe-temps, qu'ils soient technique, scientifique ou artistique [...]; cette compétence comprend la fixation des conditions d'octroi de subsides et de prix, la création d'institutions, l'encouragement à la formation du personnel nécessaire, etc. » (Doc. parl., Sénat, 1970-1971, n° 400, p. 6).
La compétence attribuée par l'article 4, 13°, en matière de formation artistique comprend « aussi bien la formation organisée par le secteur public que celle qui est organisée par le secteur privé » (Doc. parl., Sénat, 1979-1980, n° 434/1, p. 5); elle comporte également la formation dispensée dans les écoles de musique (Doc. parl., Sénat, 1979-1980, n° 434/2, p. 112).
B.6.8. Dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, les matières culturelles sont réglées par différents législateurs.
En vertu de l'article 127, § 2, de la Constitution, les décrets qui règlent les matières culturelles ont force de loi respectivement dans la région de langue française et dans la région de langue néerlandaise, ainsi qu'à l'égard des institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leurs activités, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à l'une ou à l'autre communauté.
L'autorité fédérale est en principe compétente pour régler, dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, les matières culturelles qui ne sont pas réglées par des institutions relevant de la compétence exclusive de l'une ou de l'autre communauté.
B.6.9. La Commission communautaire commune n'est pas compétente pour légiférer par ordonnance dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale en ce qui concerne les matières culturelles.
En exécution de l'article 138 de la Constitution, l'article 3, 1°, du décret spécial de la Communauté française du 3 avril 2014 dispose : « [...] la Commission, [...] sur le territoire de la Région bilingue de Bruxelles-Capitale, [exerce] les compétences de la Communauté dans les matières suivantes : 1° en ce qui concerne l'éducation physique, les sports et la vie en plein air, visés à l'article 4, 9°, de la loi spéciale [du 8 août 1980 de réformes institutionnelles] : les infrastructures communales, provinciales, intercommunales et privées ». L'article 3, 1°, du décret de la Région wallonne du 11 avril 2014 « relatif aux compétences de la Communauté française dont l'exercice est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française » et l'article 3, 1°, du décret de la Commission communautaire française du 4 avril 2014 « relatif aux compétences de la Communauté française dont l'exercice est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française » disposent de la même manière.
Par conséquent, la Commission communautaire française dispose actuellement, dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, à l'égard des institutions qui, en raison de leurs activités, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à la Communauté française, de la compétence de légiférer par décret, dans les trois matières précitées, sur les « infrastructures communales, provinciales, intercommunales et privées ».
B.6.10. En vertu de l'article 135bis de la Constitution, tel qu'il a été inséré par la révision de la Constitution du 6 janvier 2014 dans le cadre de la sixième réforme de l'Etat, une loi adoptée à la majorité spéciale « peut attribuer, pour la région bilingue de Bruxelles-Capitale, à la Région de Bruxelles-Capitale, des compétences non dévolues aux communautés dans les matières visées à l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 1°, et, pour ce qui concerne ces matières, le 3° ».
En exécution de cette disposition constitutionnelle, l'article 4bis de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises dispose : « Sans préjudice des compétences de la Communauté française et de la Communauté flamande, la Région de Bruxelles-Capitale exerce les compétences suivantes dans les matières culturelles visées à l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 1°, et, pour ce qui concerne ces matières, au 3°, de la Constitution : 1° en ce qui concerne le sport visé à l'article 4, 9°, de la loi spéciale, le financement et la subsidiation des infrastructures sportives communales; [...] 3° en ce qui concerne les beaux-arts, le patrimoine culturel, les musées et autres institutions scientifiques culturelles visées à l'article 4, 3° et 4°, de la loi spéciale, les matières biculturelles pour autant que celles-ci soient d'intérêt régional ». La Région de Bruxelles-Capitale est ainsi compétente pour le financement et le subventionnement des infrastructures sportives communales, sans que cette compétence porte atteinte aux compétences des communautés, et, en ce qui concerne les beaux-arts, pour les matières biculturelles d'intérêt régional.
B.7. Dans les travaux préparatoires de l'ordonnance attaquée, il est souligné que le Contrat Ecole « vise à développer un nouvel instrument de rénovation urbaine visant une meilleure intégration urbaine des écoles » (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2018-2019, n° A-840/1, pp. 1 et 4). « En l'espèce, cette ordonnance se fonde essentiellement sur les compétences régionales de l'urbanisme, de l'aménagement du territoire et de la prévention, auxquelles peut s'ajouter, pour autant que de besoin, la compétence en matière de financement et de subsidiation des infrastructures sportives communales prévue par l'article 4bis, 1° de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises » (ibid. p. 8).
B.8. En vertu de l'article 6, § 1er, I, 4° et 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions sont compétentes en matière d'aménagement du territoire, notamment en ce qui concerne la rénovation urbaine et la politique foncière. Il ressort des travaux préparatoires de la loi spéciale du 8 août 1980 que la matière de la rénovation urbaine comprend la rénovation de noyaux urbains « se situant au niveau de l'habitat, de la voirie, de l'aménagement des sites et de la protection de leur caractère spécifique, ainsi que du maintien ou de l'encouragement d'activités y afférentes » (Doc. parl., Sénat, 1979-1980, n° 434/1, p. 12).
En vertu de l'article 6, § 1er, X, 1°, de cette loi spéciale, les régions sont également compétentes, en ce qui concerne les travaux publics et le transport, pour les routes et leurs dépendances. En vertu de l'article 4bis, 1° et 3°, précité de la loi spéciale du 12 janvier 1989, la Région de Bruxelles-Capitale est en outre compétente pour le financement et le subventionnement des infrastructures sportives communales, de même que, en ce qui concerne les beaux-arts, pour les matières biculturelles d'intérêt régional.
B.9.1. Comme la section de législation du Conseil d'Etat l'a observé dans son avis relatif à l'avant-projet d'ordonnance, le législateur ordonnanciel bruxellois a, en instaurant un Contrat Ecole, lequel est conçu comme un « programme régional de rénovation urbaine visant à améliorer l'intégration urbaine des établissements scolaires » au moyen d'opérations et d'actions destinées à requalifier les espaces publics, au sens de l'ordonnance attaquée, pris une mesure qui relève des compétences de la Région de Bruxelles-Capitale mentionnées en B.8 : « La mise en place d'un Contrat Ecole conçu comme ' un programme régional de rénovation urbaine visant à améliorer l'intégration urbaine des établissements scolaires ', par des mesures comme le financement d'opérations de requalification des espaces publics, au sens où ces notions doivent être comprises en vertu de l'avant-projet d'ordonnance à l'examen, s'inscrit dans les compétences de la Région de Bruxelles-Capitale.
La circonstance que l'avant-projet d'ordonnance vise à favoriser l'ouverture de l'école vers le quartier dans l'objectif de ' favoriser la cohésion sociale ' ne soulève pas, sur le plan de la compétence, de difficulté de principe.
En effet, comme il résulte de différents avis donnés par la section de législation, chaque niveau de pouvoir peut prendre des mesures en vue de générer ou de garantir une forme de cohésion sociale ou sociétale telle que définie par le texte en projet : ainsi, cette ' cohésion sociale ' ne constitue pas une matière en soi, dont le contour et le contenu auraient été définis par le Constituant ou le législateur spécial; elle relève plus de la notion d'objectif ' que de celle de ' matière '.
Rien ne s'oppose dès lors à ce que la Région de Bruxelles-Capitale poursuive un objectif de cohésion sociale, pourvu qu'à cette fin, elle se limite à prendre des mesures ayant pour objet de régler ou de mettre en place des régimes de subvention de certaines actions, opérations ou activités, qui se rattachent à une matière qui relève de ses compétences, telles qu'elles lui ont été attribuées par le Constituant et le législateur spécial » (CE, avis n° 64.998/4 du 14 février 2019, Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2018-2019, n° A-840/1, pp. 33-34).
B.9.2. La circonstance que l'ordonnance attaquée peut contribuer à la réalisation d'un objectif qui est également poursuivi par les communautés dans l'exercice de leurs compétences en matière d'enseignement et de culture n'est pas en soi contraire aux règles répartitrices de compétences. Tel serait en revanche le cas si, en adoptant une telle mesure, le législateur ordonnanciel rendait impossible ou exagérément difficile l'exercice, par les communautés, de leurs compétences.
B.10. Comme il est dit en B.1, les parties requérantes, suivies par le Gouvernement flamand, font valoir que l'ordonnance attaquée viole les compétences des communautés en matière d'enseignement, d'une part, et en matière culturelle, d'autre part.
B.11.1. En ce qui concerne la compétence des communautés en matière d'enseignement, les parties requérantes et le Gouvernement flamand visent en particulier l'article 11, 1°, ainsi que les articles 10, 24 et 25 de l'ordonnance attaquée.
En vertu de l'article 11, 1°, de l'ordonnance attaquée, le programme du Contrat Ecole est réalisé au moyen d'« opérations d'investissement ayant pour objet de construire, de reconstruire, de maintenir, de réhabiliter, d'accroître, d'assainir ou d'améliorer l'établissement scolaire et son environnement immédiat afin de le mettre à disposition des habitants du quartier et du public scolaire ». Ces opérations d'investissement sont financées au moyen de subsides alloués par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale aux bénéficiaires qui participent à la réalisation d'un Contrat Ecole, notamment les pouvoirs organisateurs des établissements scolaires et les communes.
En vertu de l'article 10, § 2, de cette ordonnance, la gestion et l'exploitation des équipements collectifs, subventionnés en application de l'ordonnance attaquée et de son arrêté d'exécution, sont soumises au respect des conditions qui sont arrêtées par le Gouvernement et qui peuvent varier selon la nature des équipements concernés. Il est en outre précisé que la gestion et l'exploitation des équipements collectifs visent principalement à offrir aux citoyens l'accès le plus large possible à ces équipements et aux services qui y sont proposés dans des conditions financières abordables.
En vertu de l'article 24 de l'ordonnance attaquée, le bénéficiaire de la subvention ne peut violer les conditions d'exploitation des équipements collectifs arrêtées par le Gouvernement. Il n'est pas davantage permis de modifier l'affectation du bien concerné par la subvention ou de céder des droits réels autres qu'une servitude sur celui-ci, excepté pour des justes motifs et moyennant accord préalable et exprès du Gouvernement, avant l'expiration d'un délai de quinze ans à dater de la décision de la réception provisoire des travaux. En cas de violation, par le bénéficiaire, de ces interdictions, celui-ci est tenu au remboursement immédiat de la partie de la subvention attribuée à l'opération ou à l'action concernée par la violation, conformément à la formule déterminée par l'article 25 de l'ordonnance attaquée.
B.11.2. Dans son avis relatif à l'avant-projet d'ordonnance, la section de législation du Conseil d'Etat a observé concernant ces dispositions : « En tant que, poursuivant l'objectif d'accroitre l'offre d'équipements collectifs des établissements scolaires (infrastructures sportives, réfectoire, cours d'école, etc.) accessibles aux habitants du quartier en dehors du temps scolaire - objectif qui, comme tel, ne révèle pas d'excès de compétence dans le chef de la Région -, il entend financer par des subventions régionales des opérations d'investissement qui se donnent pour objet, selon les termes de l'avant-projet, de construire ou reconstruire une école, de la maintenir, de la réhabiliter, de l'accroitre ou de l'améliorer.
L'avant-projet met ainsi en place ce qui s'apparente essentiellement à un régime de financement des infrastructures scolaires. Or, ce financement est une compétence dévolue aux Communautés. [...] Il s'ensuit que le dispositif en projet, en tant qu'il permet le financement régional d'opérations consistant à construire ou reconstruire une école, la maintenir, la réhabiliter, l'accroitre ou l'améliorer, au motif que l'établissement scolaire est, en tout ou en partie, appelé à devenir un équipement collectif mis à la disposition des habitants du quartier et du public scolaire, ne peut être considéré comme respectant les limites qui s'imposent à la Région de Bruxelles-Capitale lorsqu'elle entend exercer ses compétences propres, en l'occurrence, dans la matière de l'aménagement du territoire, de la rénovation urbaine ou de la subsidiation des infrastructures sportives communales. [...] En troisième lieu, le texte appelle des critiques en ce qu'il entend voir fixer par la seule Région de Bruxelles-Capitale les règles concernant la gestion et l'exploitation des équipements collectifs subventionnés situés dans un établissement scolaire, ainsi que l'affectation des biens concernés et la cession des droits réels afférents à ces biens. En définissant de manière unilatérale les conditions de gestion et d'exploitation des équipements collectifs - tels les salles où sont dispensés les cours d'éducation physique, les réfectoires, les cours d'école, etc. -, même si ces conditions ne sont appelées à valoir qu'en dehors du temps scolaire, et en fixant unilatéralement des règles concernant l'affectation d'équipements collectifs situés dans les établissements scolaires, l'avant-projet porte aux compétences dévolues aux Communautés en ce qui concerne l'organisation générale de l'enseignement une atteinte qui, en l'état du dossier et compte tenu des justifications qui y figurent, paraît disproportionnée » (CE, avis n° 64.998/4 du 14 février 2019, Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2018-2019, n° A 840/1, pp. 34-36).
B.11.3. En ce qu'elle porte sur le financement, l'utilisation et la gestion des infrastructures scolaires, l'ordonnance attaquée règle une matière pour laquelle le législateur ordonnanciel n'est en principe pas compétent.
B.12.1. En ordre subsidiaire, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale fait valoir qu'en ce qu'elle règle la matière précitée, l'ordonnance attaquée peut être justifiée sur la base de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. Le système attaqué serait entre autres nécessaire pour exercer la compétence de la Région de Bruxelles-Capitale en matière d'aménagement du territoire et de rénovation urbaine.
B.12.2. L'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, qui est d'application par analogie à la Région de Bruxelles-Capitale en vertu de l'article 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, permet à la Région de Bruxelles-Capitale de prendre des dispositions pour lesquelles elle n'est pas compétente.
Pour que l'article 10 puisse s'appliquer, il est requis que la réglementation adoptée soit nécessaire à l'exercice des compétences de la région, que la matière se prête à un régime différencié et que l'incidence des dispositions attaquées sur la matière ne soit que marginale.
B.12.3. Eu égard à l'essor démographique dans la Région de Bruxelles-Capitale et à la raréfaction croissante du foncier qui en résulte sur le territoire restreint de la Région, le législateur ordonnanciel a pu estimer qu'il était nécessaire, dans le cadre de l'exercice des compétences régionales en matière d'aménagement du territoire, en particulier en ce qui concerne la rénovation urbaine et la politique foncière, de poursuivre une meilleure intégration urbaine des établissements scolaires, qui, en effet, occupent une portion considérable de l'espace disponible et constituent un lieu de rencontre central dans le quartier. Il peut être admis que, dans ce cadre, le législateur ordonnanciel ait jugé nécessaire d'encourager les établissements scolaires, comme le prévoit l'article 3 de l'ordonnance attaquée, à accroître l'offre d'équipements collectifs aux habitants du quartier via une ouverture des établissements scolaires en dehors du temps scolaire (accès aux infrastructures sportives, au réfectoire, ouverture des cours d'école, etc.) et, à cette fin, de mettre à disposition des moyens financiers pour l'extension et l'entretien de l'infrastructure nécessaire à cette fin.
B.12.4. L'application de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 exige en outre que cette matière se prête à un régime différencié et que l'incidence sur la matière communautaire ne soit que marginale.
Le Contrat Ecole concerne uniquement les établissements scolaires qui sont situés sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale dans une zone de revitalisation urbaine et qui accueillent un public scolaire « fragilisé », ce qui sera défini par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale. Il s'agit en outre d'un régime facultatif, de sorte que seuls les établissements scolaires qui répondent à l'appel à candidatures bisannuel peuvent être sélectionnés, s'ils satisfont aux critères imposés. L'ordonnance attaquée ne porte nullement atteinte au régime applicable de la Communauté flamande ni à celui de la Commission communautaire française, ni à leur éventuelle contribution aux frais d'une telle infrastructure. Ainsi, il a été souligné au cours des travaux préparatoires qu'il « ne s'agit pas de régler et de financer l'enseignement en tant que tel, ce que les Communautés se chargent déjà de faire. Il s'agit de partir des infrastructures scolaires telles qu'elles sont financées par les Communautés pour, dans le champ des compétences régionales, les intégrer dans la ville. Dans ce contexte, l'utilisation des équipements collectifs à des fins pédagogiques prime toujours [...] le besoin collectif » (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2018-2019, n° A-840/1, p. 5). B.12.5. En réponse à la remarque de la section de législation du Conseil d'Etat, mentionnée en B.11.1, en ce qui concerne la réglementation relative à la gestion et à l'exploitation des équipements collectifs, l'exposé des motifs indique : « Le fait que l'économie générale du régime des ' Contrats Ecoles ' implique une participation de tous les intervenants concernés lors de son élaboration et de son exécution. Il en va ainsi des pouvoirs organisateurs, qui connaissent bien les contraintes organisationnelles qui s'imposent à eux et qui doivent être prises en compte dans la définition du programme. Encore une fois, on part des infrastructures scolaires en l'état, mais on favorise leur utilisation en dehors du temps scolaire, dans une mesure qui se veut résolument complémentaire.
Les opérations d'investissement et celles qui sont destinées à requalifier l'espace public seront évidemment conçues de manière à impliquer une gestion et une exploitation des équipements collectifs respectueuse du temps et de l'organisation scolaires, ce que les articles 8 et 10, § 2 du texte en projet viennent rappeler pour donner suite à la préoccupation du Conseil d'Etat. Si, par extraordinaire, des mesures prises par les Communautés dans le champ de leurs compétences propres devaient s'avérer incompatibles avec l'exécution du ' Contrat Ecole ', cela ouvrirait au bénéficiaire la possibilité d'invoquer de ' justes motifs ' pour ne pas mettre en oeuvre, en tout ou en partie, une opération ou une action définie dans son programme.
Ainsi, de sa conception à sa mise en oeuvre, le ' Contrat Ecole ', dans le respect du principe de proportionnalité, ménage un équilibre adéquat entre l'exercice de ses compétences par la Région et celui des compétences communautaires » (ibid., p. 7).
B.12.6. Avant son adoption par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, le programme du Contrat Ecole est soumis pour avis au comité d'accompagnement (article 6 de l'ordonnance attaquée). Ce comité réunit au moins le ministre chargé de l'Aménagement du territoire et de la Statistique ou son délégué, un représentant du BBP, la commune qui a un Contrat Ecole sur son territoire, le pouvoir organisateur de l'établissement scolaire et les autres bénéficiaires du Contrat Ecole (article 2, 14°). Le ministre réunit, à chaque fois qu'il le juge utile, le comité d'accompagnement pour la mise en oeuvre du programme du Contrat Ecole concerné (article 12). Ensuite, le BBP réunit, à chaque fois qu'il le juge utile, un comité de suivi pour le suivi de l'exécution et de la mise en oeuvre d'une opération ou d'une action du programme du Contrat Ecole concerné (article 13). Ce comité de suivi est un groupe de travail réunissant le Service Ecole du BBP, les acteurs publics (dont la commune qui a un Contrat Ecole sur son territoire) et privés intéressés (article 2, 15°). Par conséquent, le pouvoir organisateur de l'établissement scolaire qui a posé sa candidature pour un Contrat Ecole et la commune concernée sont étroitement associés tant à l'élaboration du programme du Contrat Ecole qu'à son exécution.
Afin de répondre à l'observation précitée du Conseil d'Etat, le législateur ordonnanciel a souligné, dans les articles 8 et 10, § 2, de l'ordonnance attaquée, que le programme du Contrat Ecole, de même que les conditions de gestion et d'exploitation des équipements collectifs ne peuvent être « incompatibles avec l'organisation de l'enseignement ». Ensuite, il est souligné dans l'exposé des motifs que « si, par extraordinaire, des mesures prises par les communautés dans le champ de leurs compétences propres devaient s'avérer incompatibles avec l'exécution du ' Contrat Ecole ', cela ouvrirait aux bénéficiaires la possibilité d'invoquer de ' justes motifs ' pour ne pas mettre en oeuvre, en tout ou en partie, une opération ou une action définie dans son programme » (ibid., p. 7).
B.13. Il ressort de ce qui est dit en B.12.3 à B.12.6 que la matière réglée par l'ordonnance attaquée, en ce qu'elle porte sur le financement, l'utilisation, la gestion et l'exploitation des infrastructures scolaires, se prête à un régime différencié et que l'incidence sur la matière communautaire n'est que marginale, si bien qu'il est satisfait aux conditions de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980.
B.14. En ce qu'il est pris de la violation de la compétence des communautés en matière d'enseignement, le moyen unique n'est pas fondé.
B.15.1. Selon les parties requérantes, suivies par le Gouvernement flamand, l'ordonnance attaquée violerait également la compétence des communautés en matière culturelle. La critique des parties requérantes porte sur l'article 11, 3°, de l'ordonnance attaquée. En vertu de cette disposition, le programme du Contrat Ecole est également réalisé au moyen d'« actions socioéconomiques visant à favoriser la cohésion sociale et l'insertion socioprofessionnelle, notamment par la mise à disposition d'équipements collectifs et par l'incitation à la participation des habitants à des activités ». Les « actions socioéconomiques » sont définies, à l'article 2, 13°, de la même ordonnance, comme des « actions visant à favoriser la cohésion sociale et l'insertion socioprofessionnelle notamment par l'incitation à la participation des élèves et habitants à des activités au sein du périmètre du Contrat Ecole ».
La section de législation du Conseil d'Etat a observé dans son avis relatif à l'avant-projet d'ordonnance concernant cette disposition que « le texte s'expose à critique en ce qu'il permet, dans le but d'ouvrir l'école vers le quartier, de financer des actions socio-économiques conçues comme les actions visant à favoriser la cohésion sociale notamment par l'incitation à la participation des élèves et habitants à des activités au sein du périmètre du Contrat Ecole. Ainsi définies, les actions visant à favoriser la cohésion sociale, dont la Région entend permettre le subventionnement au travers du Contrat Ecole, ne présentent pas de lien suffisamment spécifique avec les matières régionales et paraissent plutôt devoir concerner des activités de nature culturelle - voir en ce sens l'exposé des motifs qui fait mention de ' l'accès aux salles de spectacle ' -, sportive, de vie en plein air ou de loisirs, soit des matières communautaires, dont le règlement échappe à la compétence de la Région de Bruxelles-Capitale. Dans la mesure où le dispositif en projet a effectivement pour portée de permettre le financement de telles activités, il excède les compétences de la Région » (CE, avis n° 64.998/4 du 14 février 2019, Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale., 2018-2019, n° A-840/1, p. 35).
B.15.2. En réponse à cette critique, l'exposé des motifs indique : « [A] quoi bon réhabiliter un espace public si rien n'est fait pour le faire connaître par les habitants du quartier et stimuler son utilisation ? Pour rappel, si la Région investit dans la meilleure intégration urbaine des infrastructures scolaires, c'est pour qu'elles puissent être affectées à d'autres fonctions que l'enseignement, c'est pour tisser du lien entre l'école et le quartier.
C'est la raison pour laquelle, pendant la durée d'exécution du contrat (soit dans le délai limité prévu à l'article 14 du texte en projet), la Région entend financer des actions de nature variée qui permettent de faire connaître des habitants l'infrastructure réhabilitée. A défaut, les investissements réalisés dans le cadre des compétences strictement régionales ne serviraient à rien.
Les actions socioéconomiques financées par la Région, pour autant qu'elles relèvent concrètement du champ des matières culturelles - ce qui ne sera pas toujours et nécessairement le cas, sont les accessoires qu'implique nécessairement l'exercice des compétences régionales » (ibid., p. 6).
B.16. Ainsi qu'il ressort des avis de la section de législation du Conseil d'Etat, la Région de Bruxelles-Capitale peut poursuivre des objectifs de cohésion sociale ou sociétale, en ce compris ceux qui ne relèveraient pas nécessairement de ses compétences, mais à la condition que les mesures prises relèvent effectivement de l'exercice des compétences régionales et qu'elles ne rendent pas impossible ou exagérément difficile l'exercice, par un autre législateur, de ses compétences. La Région n'est dès lors pas compétente pour adopter des actions et opérations dans des matières qui ne relèvent pas de ses compétences ou qui ne constitueraient pas l'accessoire nécessaire d'actions et d'opérations qui participent à l'exercice de telles compétences (voy. notamment CE, avis n° 59.210/4 du 11 mai 2016, Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2015-2016, n° A-363/1, p. 136).
B.17.1. L'article 11, 3°, de l'ordonnance attaquée tend à renforcer la cohésion sociale et l'insertion socioprofessionnelle par la mise à disposition d'équipements collectifs et par l'incitation à la participation des habitants à des activités dans le périmètre du Contrat Ecole (comprenant le site scolaire et le périmètre avoisinant).
La mesure prévue par l'article 11, 3°, qui vise à encourager les actions socio-économiques dans le périmètre couvert par le Contrat Ecole est effectivement liée aux compétences régionales en matière de rénovation urbaine. Ainsi, il ressort des travaux préparatoires de la loi spéciale du 8 août 1980 mentionnés en B.8 que, même si la rénovation urbaine vise principalement la réhabilitation ou la revitalisation de quartiers ou de zones urbaines et concerne en réalité des projets immobiliers, elle peut en outre également aboutir au maintien et à l'encouragement d'activités ou peut poursuivre cet objectif et peut, dans ce contexte, présenter des aspects sociaux, sociétaux ou économiques (voy. en ce sens également CE, avis n° 59.210/4 du 11 mai 2016, Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2015-2016, n° A-363/1, pp. 134-135).
Dans le cadre de l'exercice de sa compétence en matière de rénovation urbaine, la Région de Bruxelles-Capitale doit, d'une part, s'abstenir de prendre des mesures qui relèvent de la compétence des communautés en matière culturelle et, d'autre part, veiller à ce qu'elle ne rende pas l'exercice de ces compétences, par le législateur communautaire, impossible ou excessivement difficile.
Il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.15.2 que le législateur ordonnanciel bruxellois a jugé ces actions socio-économiques nécessaires pour fournir des informations sur les établissements revalorisés aux habitants du quartier et pour en stimuler l'utilisation par ceux-ci.
Ainsi, il n'apparaît pas que l'article 11, 3°, de l'ordonnance attaquée règle une matière culturelle ou que cette disposition rende impossible ou exagérément difficile l'exercice, par les communautés, de leurs compétences dans ces matières.
B.17.2. Compte tenu de ce qui est dit en B.17.1, le législateur ordonnanciel n'a pas excédé ses compétences en adoptant l'article 11, 3°, de l'ordonnance attaquée.
B.18. En ce qu'il est pris de la violation de la compétence des communautés en matière culturelle, le moyen unique n'est pas fondé.
En ce qui concerne le moyen nouveau du Gouvernement flamand B.19. Le Gouvernement flamand invoque en ordre subsidiaire un moyen nouveau, pris de la violation du principe de proportionnalité et du principe de la loyauté fédérale, en ce que le législateur ordonnanciel bruxellois aurait agi unilatéralement et sans la moindre forme de coopération préalable avec les communautés, d'une manière qui aurait notamment une incidence considérable sur l'exercice des compétences des communautés en matière d'enseignement et en matière culturelle.
B.20. L'article 143, § 1er, de la Constitution dispose : « Dans l'exercice de leurs compétences respectives, l'Etat fédéral, les communautés, les régions et la Commission communautaire commune agissent dans le respect de la loyauté fédérale, en vue d'éviter des conflits d'intérêts ».
Le respect de la loyauté fédérale suppose que, lorsqu'elles exercent leurs compétences, l'autorité fédérale et les entités fédérées ne perturbent pas l'équilibre de la construction fédérale dans son ensemble. La loyauté fédérale concerne plus que le simple exercice des compétences : elle indique dans quel esprit il doit avoir lieu.
Le principe de la loyauté fédérale oblige chaque législateur à veiller à ce que l'exercice de sa propre compétence ne rende pas impossible ou exagérément difficile l'exercice de leurs compétences par les autres législateurs.
B.21. Ainsi qu'il a été constaté dans le cadre de l'examen du moyen unique invoqué par la partie requérante, en instaurant un Contrat Ecole conçu comme un « programme régional de rénovation urbaine visant à améliorer l'intégration urbaine des établissements scolaires » au moyen du financement d'opérations et d'actions destinées à requalifier l'espace public, le législateur ordonnanciel n'a pas rendu impossible ou exagérément difficile l'exercice, par les communautés, de leurs compétences en matière d'enseignement ou en matière culturelle.
B.22. Le moyen nouveau pris par le Gouvernement flamand n'est pas fondé.
Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 4 mars 2021.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, L. Lavrysen