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Arrêt
publié le 06 novembre 2020

Extrait de l'arrêt n° 126/2020 du 1 er octobre 2020 Numéro du rôle : 7246 En cause: le recours en annulation des articles 37, 38, 39, 56 et 63 du décret spécial de la Communauté française du 7 février 2019 « portant création de l'or La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, des juges J.-P. Moer(...)

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Extrait de l'arrêt n° 126/2020 du 1er octobre 2020 Numéro du rôle : 7246 En cause: le recours en annulation des articles 37, 38, 39, 56 et 63 du décret spécial de la Communauté française du 7 février 2019 « portant création de l'organisme public chargé de la fonction de Pouvoir organisateur de l'Enseignement organisé par la Communauté française », introduit par l'ASBL « Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique en Communautés française et germanophone ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, J. Moerman, M. Pâques et Y. Kherbache, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite A. Alen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 août 2019 et parvenue au greffe le 29 août 2019, l'ASBL « Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique en Communautés française et germanophone », assistée et représentée par Me M. Kaiser et Me M. Verdussen, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation des articles 37, 38, 39, 56 et 63 du décret spécial de la Communauté française du 7 février 2019 « portant création de l'organisme public chargé de la fonction de Pouvoir organisateur de l'Enseignement organisé par la Communauté française » (publié au Moniteur belge du 7 mars 2019). (...) II. En droit (...) B.1.1. L'ASBL « Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique en Communautés française et germanophone » (ci-après : le SeGEC) demande l'annulation des articles 37, 38, 39, 56 et 63 du décret spécial de la Communauté française du 7 février 2019 « portant création de l'organisme public chargé de la fonction de Pouvoir organisateur de l'Enseignement organisé par la Communauté française » (ci-après : le décret spécial du 7 février 2019).

B.1.2. Les articles 37, 38 et 39 du décret spécial du 7 février 2019 disposent : «

Art. 37.WBE bénéficie, outre les moyens et ressources prévus dans des décrets spécifiques, d'une dotation annuelle permettant de couvrir l'ensemble de ses frais de fonctionnement propres et d'exécuter l'ensemble des obligations fixées dans le contrat de gestion.

Art. 38.La dotation visée à l'article 37 est composée des montants suivants : 1° un montant de 10.000.997 euros permettant de couvrir l'ensemble des frais généraux propres à WBE et d'exécuter l'ensemble des obligations fixées dans le contrat de gestion, à l'exception des frais de personnel liés à la mise en oeuvre de l'article 63 et du coût des infrastructures administratives de WBE; 2° un montant complémentaire fixé par le Gouvernement correspondant aux coûts salariaux au moment du transfert, majorés de 17 %, des membres du personnel transférés en exécution de l'article 63;3° au terme des transferts visés au deuxième alinéa de l'article 63, § 2, un montant complémentaire fixé par le Gouvernement pour couvrir le coût des infrastructures administratives de WBE.Ce montant ne peut excéder 2 545 658 euros.

A partir de l'année 2021, le montant visé à l'alinéa 1er, 2°, ne peut excéder 41.137.500 euros.

A partir de l'année 2020, les montants visés à l'alinéa 1er, 1° et 3° sont liés à la fluctuation de l'indice des prix à la consommation.

Le montant visé à l'alinéa 1er, 2°, et le montant visé à l'alinéa 2 sont liés à l'évolution de l'indice des prix à la consommation, de l'évolution des barèmes tel que prévu par le statut adapté par le Gouvernement, l'évolution de la charge de retraite des pensions statutaires des OIP, le changement de statut administratif des membres du personnel, tant que le contrat de gestion ne règle pas les modalités d'évolution de la dotation.

Art. 39.§ 1er. WBE peut recevoir des dons, legs, les dividendes et recettes, sous quelque forme que ce soit, de personnes physiques ou des personnes morales, le produit de l'aliénation de biens meubles et immeubles, ainsi que percevoir d'autres recettes ou subventions. § 2. WBE peut contracter des emprunts pour financer des dépenses en vue de l'acquisition, la location ou l'entretien de biens immobiliers.

La Communauté peut octroyer sa garantie aux emprunts souscrits.

Le contrat de gestion détermine les modalités de conclusion des emprunts. § 3. Les établissements et WBE effectuent tous les transferts financiers nécessaires à l'exécution de leurs missions ».

B.1.3. L'article 56 du décret spécial du 7 février 2019 dispose : « A l'article 18, § 1er, du décret du 12 juillet 2001 visant à améliorer les conditions matérielles des établissements de l'enseignement fondamental et secondaire, les mots ' pendant les années 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018 ' sont remplacés par les mots ' pendant les années 2002 à 2038 ' ».

B.1.4. L'article 63 du même décret dispose : « § 1er. En vue de l'exercice des compétences de WBE visées à l'article 2, des membres du personnel du Ministère sont transférés à WBE par arrêtés du Gouvernement.

D'initiative à tout moment qu'il juge opportun et au moins une fois par an, le Conseil WBE adopte un rapport déterminant ses besoins en personnel lui permettant d'exercer l'intégralité de ses missions. Les besoins sont notamment estimés au regard de la stratégie de WBE adoptée par le Conseil et des spécificités des établissements. Le rapport précise notamment le nombre et les compétences des personnels requis, à transférer du Ministère parmi les membres du personnel affecté à des missions dans la sphère de compétences de WBE, et la date de leur entrée en fonction à WBE. Les premiers transferts interviennent le 1er septembre 2019.

Les transferts des membres du Service général du Ministère en charge des infrastructures de WBE et de la Direction générale des Personnels de l'Enseignement organisé par Communauté, à l'exception des agents dédiés aux tâches de fixation et de liquidation du traitement, en ce compris la gestion des absences médicales, des personnels directeurs et enseignants, auxiliaire d'éducation, technique, paramédical, social et psychologique de l'enseignement organisé par la Communauté, des agents chargés des affaires transversales et de la coordination pour les missions relevant du pouvoir régulateur, des agents en charge de tâches CAPELO, des agents d'encadrement des tâches relevant des missions du pouvoir régulateur, des agents chargés de l'indicatage, du courrier et du classement dans le cadre des missions du pouvoir régulateur, des agents en charge du Jury CAP, des agents en charge de la valorisation d'expérience utile et de notoriété pour les personnels des Hautes Ecoles et des Ecoles supérieures des Arts, et des juristes en charge de missions statutaires relevant du pouvoir régulateur, sont réalisés entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2023.

Le Gouvernement est habilité à proroger le délai visé à l'alinéa 4.

Les arrêtés du Gouvernement portant transfert du personnel sont adoptés sur avis conforme du Conseil WBE visé à l'alinéa 2.

Les transferts visés aux alinéas 1er et 4 ne sont pas des nouvelles nominations. § 2. Le Gouvernement détermine les modalités du transfert des membres du personnel visés au paragraphe 1er.

Ces modalités prévoient notamment que ces membres du personnel sont transférés dans leur grade ou un grade équivalent et en leur qualité.

Ils conservent au moins la rétribution et l'ancienneté qu'ils avaient ou auraient obtenues s'ils avaient continué [à] exercer dans leur service d'origine la fonction dont ils étaient titulaires au moment de leur transfert.

Le statut juridique de ces membres du personnel demeure régi par les dispositions en vigueur au sein du ministère aussi longtemps que le Gouvernement n'aura pas fait usage de cette compétence. § 3. En ce qui concerne l'enseignement obligatoire, au moins nonante pour cent des membres du personnel du Service général du Ministère en charge des infrastructures de WBE et de la Direction générale des Personnels de l'Enseignement organisé par la Communauté transférés sont affectés au niveau zonal ».

Quant à l'intérêt du SeGEC B.2. Lorsqu'une association sans but lucratif qui n'invoque pas son intérêt personnel agit devant la Cour, il est requis que son but statutaire soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; qu'elle défende un intérêt collectif; que la norme attaquée soit susceptible d'affecter son but; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que ce but n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi.

B.3. Wallonie Bruxelles Enseignement (ci-après : WBE) conteste l'intérêt à agir de la partie requérante, considérant en substance que, dès lors que celle-ci n'a pas été associée à l'élaboration des normes attaquées, son but statutaire ne pourrait être affecté directement et défavorablement.

B.4.1. La participation de la partie requérante à l'élaboration du décret spécial du 7 février 2019 ne pouvait avoir lieu, le décret attaqué étant issu d'une proposition de décret. En effet, en application des articles 3 à 6 du décret de la Communauté française du 20 juillet 2006 « relatif à la négociation avec les organes de représentation et de coordination des Pouvoirs organisateurs de l'enseignement et des Centres P.M.S. subventionnés », le Comité de négociation ne peut être consulté lors de l'adoption d'une proposition de décret.

B.4.2. Les dispositions attaquées ont pour objet d'établir les modes de financement de l'organisme public chargé de la fonction de pouvoir organisateur de l'enseignement organisé par la Communauté française.

Elles confèrent des moyens de financement complémentaires à l'enseignement organisé par la Communauté française.

En sa qualité d'organe de représentation et de coordination de l'enseignement catholique reconnu par la Communauté française, la partie requérante a notamment pour but, selon ses statuts, d'aider les pouvoirs organisateurs et les établissements scolaires qu'elle fédère « à remplir leur mission de service public fonctionnel en matière d'éducation et d'enseignement » (article 3, § 1er, alinéa 1er). Elle est aussi « le porte-parole des membres adhérents dont elle assume la défense et la promotion, par tout moyen jugé adéquat » (article 3, § 1er, alinéa 2).

La partie requérante est susceptible d'être affectée directement et défavorablement par les dispositions attaquées, qui accordent de nouveaux moyens financiers à une autre catégorie de pouvoirs organisateurs. Il n'est pas nécessaire qu'une éventuelle annulation des dispositions attaquées lui procure un avantage immédiat. La circonstance que la partie requérante obtiendrait une chance que s'améliore la situation des pouvoirs organisateurs qu'elle fédère en vue de les aider à exercer leur mission de service public de l'enseignement suffit à justifier son intérêt à attaquer ces dispositions.

L'exception est rejetée.

Quant au moyen relatif aux articles 37, 38 et 39 du décret spécial du 7 février 2019 B.5. Il ressort des développements du premier moyen que la Cour est invitée à statuer sur la compatibilité des articles 37, 38 et 39 du décret spécial du 7 février 2019 avec l'article 24, § 4, lu isolément ou en combinaison avec l'article 24, § 1er, de la Constitution, en ce que ces dispositions feraient naître une différence de traitement injustifiée entre, d'une part, le pouvoir organisateur du réseau d'enseignement de la Communauté française et ses établissements et, d'autre part, les pouvoirs organisateurs et les établissements des réseaux subventionnés.

Les dispositions attaquées réserveraient au seul pouvoir organisateur du réseau d'enseignement de la Communauté française et à ses établissements des moyens financiers qui ne seraient pas justifiés par des différences objectives et légitimes entre l'enseignement organisé par WBE et l'enseignement subventionné et qui seraient disproportionnés, de sorte que l'article 24, § 4, de la Constitution serait violé.

B.6. L'article 24, § 4, de la Constitution dispose : « Tous les élèves ou étudiants, parents, membres du personnel et établissements d'enseignement sont égaux devant la loi ou le décret.

La loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié ».

B.7. Bien que le traitement égal des établissements d'enseignement constitue le principe, l'article 24, § 4, de la Constitution n'exclut pas un traitement différencié, à la condition que celui-ci soit fondé « sur les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur ».

Pour justifier, au regard du principe d'égalité et de non-discrimination, une différence de traitement entre les établissements d'enseignement des réseaux d'enseignement, il ne suffit cependant pas d'indiquer l'existence de différences objectives entre ces établissements. Il doit encore être démontré qu'à l'égard de la matière réglée, la distinction alléguée est pertinente pour justifier raisonnablement une différence de traitement. Par ailleurs, le principe d'égalité en matière d'enseignement ne saurait être dissocié des autres garanties établies par l'article 24 de la Constitution, en particulier la liberté d'enseignement.

B.8. A propos des mécanismes de financement prévus par la première proposition de décret spécial du 7 février 2019, la section de législation du Conseil d'Etat, se référant à plusieurs arrêts de la Cour, observait : « Le législateur devra donc être en mesure, compte tenu également du système global de financement de l'enseignement, de démontrer que le financement particulier dont bénéficierait WBE, tel qu'il est prévu par les articles 39 et 40 de la proposition, est justifié par des différences objectives entre l'enseignement organisé par WBE et l'enseignement subventionné » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2018-2019, n° 704/2, p. 18).

B.9.1. Le décret spécial du 7 février 2019 trouve son fondement dans l'article 24, § 2, de la Constitution. Cette disposition habilite l'autorité publique, qui est le pouvoir organisateur dans l'enseignement officiel, à déléguer ses compétences à un ou plusieurs organes autonomes, par un décret adopté à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés.

B.9.2. Les travaux préparatoires mentionnent : « La présente proposition de décret met en place une structure publique autonome dotée d'une personnalité juridique distincte chargée de la fonction de pouvoir organisateur de l'enseignement organisé par la Communauté française.

Elle doit permettre de renforcer WBE en améliorant sa gouvernance, son service aux élèves, ses performances, l'accompagnement et le soutien de ses personnels, en renforçant l'autonomie des chefs d'établissement, tout en garantissant sa neutralité et son caractère public.

La création d'un organisme public chargé de la fonction de pouvoir organisateur de l'enseignement organisé par la Communauté française nécessite notamment la création d'une administration centrale rassemblant les différents services en charge de WBE au sein de l'AGE et du reste du Ministère, la capacité pour cette administration centrale d'assumer en autonomie l'ensemble des services support nécessaires à la gestion de WBE, la création de structures intermédiaires décentralisées au niveau zonal, l'amélioration de la capacité de gestion des bâtiments scolaires de ce pouvoir organisateur, la pérennisation d'un modèle de financement propre à WBE en tant qu'enseignement organisé par la Fédération.

De même, la proposition de décret doit permettre d'effectuer la distinction avec le pouvoir régulateur dans les meilleurs délais. Le choix d'une structure publique autonome dotée d'une personnalité juridique distincte permet à WBE d'acquérir une réelle autonomie en termes de définition de ses orientations stratégiques, de gestion opérationnelle et de choix budgétaires.

WBE, son organe de gestion et son fonctionnaire dirigeant, doivent disposer de l'ensemble des compétences nécessaires afin que l'administration générale de l'enseignement soit en capacité de jouer pleinement son rôle de régulateur du système scolaire.

La création de la structure publique autonome dotée d'une personnalité juridique distincte interviendra en septembre 2019.

Les compétences de WBE comprennent, outre la définition et la gestion du budget, notamment la gestion du patrimoine, la gestion des personnels, la communication, et l'évaluation de ses fonctionnaires généraux.

Compte tenu de l'ampleur des changements à mener et des progrès à réaliser, une capacité forte de pilotage au niveau central est mise en place. Un niveau intermédiaire entre le niveau central et les établissements est développé au niveau des dix zones d'enseignement » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2018-2019, n° 737/1, pp. 4 et 5).

B.9.3. Quant aux articles 37 à 39, attaqués, du décret spécial du 7 février 2019, les travaux préparatoires mentionnent : « Article 37 Cette disposition prévoit que WBE reçoit une dotation annuelle.

Cette dotation annuelle doit couvrir l'ensemble des frais généraux de l'organisme WBE et non pas des établissements qui en dépendent ou des organismes auxquels il participe (SPABS par exemple), lesquels continuent à être financés selon les dispositions qui leurs sont applicables.

La dotation annuelle doit, en outre, permettre à WBE d'exercer l'ensemble des obligations fixées dans son contrat de gestion.

WBE continue bien entendu de bénéficier par ailleurs des décrets prévoyant l'octroi de moyens ou de ressources pour des motifs spécifiques, comme par exemple le financement des infrastructures scolaires et le financement de conseillers pédagogiques.

Article 38 Cette disposition prévoit ce que comprend la dotation annuelle visée à l'article 37.

La dotation comprend trois parties : - Premièrement, un montant forfaitaire permettant de couvrir tous les frais généraux de WBE et les obligations du contrat de gestion, à l'exception des frais de personnel résultant des transferts visés à l'article 61 (soit du personnel transféré depuis le Ministère) et du coût des infrastructures administratives de WBE (bâtiments administratifs); - Deuxièmement, un montant évolutif fixé par le Gouvernement correspondant aux coûts salariaux à la date du transfert des membres du personnel transférés en exécution de l'article 61 majoré de 17 % .

La majoration est destinée à couvrir forfaitairement les frais d'équipement, de téléphone, de papier, de mobilité, etc., par membre du personnel. Les 17 % de frais de fonctionnement sont calculés sur la base d'une étude comparative des autres organismes d'intérêt public de la Fédération. Le coût de ce personnel n'est pas repris dans le premier montant forfaitaire parce qu'il est évolutif. En outre, l'alinéa 2 de la disposition prévoit que ce montant est plafonné à partir de l'année 2021. - Troisièmement, un montant complémentaire fixé par le Gouvernement pour couvrir le coût des infrastructures administratives de WBE, soit les bâtiments administratifs de WBE. Ce coût n'est pas repris dans le premier montant forfaitaire parce que les principaux frais d'infrastructures restent à charge de l'administration tant que la plus grande part des transferts visés à l'article 61 n'est pas effectuée. Durant cette période, comme précisé à l'article 77, la Communauté française met gratuitement à disposition de WBE les locaux nécessaires à l'exercice de ses compétences. Le montant maximal prévu est calculé d'ailleurs en référence aux charges d'infrastructures administratives qui pèsent actuellement sur le budget de la Communauté française pour le personnel considéré.

L'alinéa 3 de la disposition commentée prévoit le mode d'indexation des dotations et plafonds.

La disposition commentée est adoptée à la majorité ordinaire. Elle pourra, donc, être modifiée par le législateur ordinaire dans le respect de la règle générale fixée à l'article 37 qui garantit à WBE qu'il disposera toujours des moyens nécessaires pour couvrir l'ensemble de ses frais de fonctionnement et d'exécuter l'ensemble des obligations fixées dans le contrat de gestion.

Article 39 [...] Le paragraphe 3 de cette disposition prévoit que des transferts financiers peuvent intervenir entre les établissements et WBE, que ce soit depuis WBE vers les établissements ou depuis les établissements vers WBE. Cela permet à WBE de soutenir les établissements en difficultés et de donner aux établissements les moyens nécessaires à l'exercice des compétences qui leur auraient été déléguées. Cela permet aussi à WBE de disposer des moyens nécessaires à l'organisation de services de supports aux établissements. On pense notamment à la centralisation des achats ou au support lors de la passation de contrats publics » (ibid., pp. 15-16).

B.10.1. La différence de traitement entre le pouvoir organisateur de l'enseignement de la Communauté française et les pouvoirs organisateurs de l'enseignement subventionné repose sur un critère objectif. Contrairement à l'enseignement subventionné, qui est chargé d'un service public fonctionnel organisé par un nombre important de pouvoirs organisateurs distincts et autonomes, l'enseignement de la Communauté française relève d'un pouvoir organisateur unique.

Conformément à l'habilitation qui lui est conférée par l'article 24, § 2, de la Constitution, le législateur décrétal spécial a pu prendre des dispositions nouvelles relatives à l'organisation du pouvoir organisateur de ce réseau d'enseignement.

La création d'un organisme public autonome chargé d'exercer dorénavant la fonction de pouvoir organisateur pour l'enseignement organisé par la Communauté française participe à cet égard d'un objectif légitime, à savoir distinguer le pouvoir organisateur de l'enseignement dispensé par le réseau officiel de la Communauté française du pouvoir régulateur chargé de mettre en oeuvre pour les trois réseaux d'enseignement de la Communauté française les dispositions constitutionnelles qui garantissent la liberté d'enseignement et le droit à l'éducation pour l'ensemble des enseignants, des parents et des élèves.

B.10.2. La partie requérante ne conteste pas que la mise en place de cette nouvelle structure implique l'octroi à WBE de moyens financiers nouveaux, par le décret spécial du 7 février 2019, sous la forme d'une dotation annuelle (article 37) dont les montants sont divisés en trois parties (article 38).

Elle soutient toutefois que les montants affectés à WBE ne seraient pas justifiés au regard du principe d'égalité entre les réseaux et qu'ils seraient susceptibles d'affecter défavorablement les subventions dont le réseau de l'enseignement libre subventionné, notamment, pourrait bénéficier.

La partie requérante dénonce en particulier l'absence de proportionnalité en ce qui concerne le montant de la dotation visé à l'article 38, alinéa 1er, 1°.

B.11.1. Comme il est dit en B.9.3, la dotation annuelle visée à l'article 37, attaqué, du décret spécial du 7 février 2019 est destinée à financer le fonctionnement et l'organisation de WBE. Aux termes de l'article 38 attaqué, cette dotation est composée de trois montants.

Le montant de 10 000 997 euros doit permettre de couvrir l'ensemble des frais généraux propres à WBE et d'exécuter l'ensemble des missions fixées dans le contrat de gestion qui doit être mis en place au plus tard le 30 septembre 2020.

Même si le montant susvisé est affecté à WBE avant même la conclusion du contrat de gestion, on ne saurait en déduire, contrairement à ce que soutient la partie requérante, que ce montant profiterait aux établissements de l'enseignement de la Communauté française.

Il résulte notamment des articles 21 et 22 du décret spécial du 7 février 2019, lesquels ne sont pas attaqués par la partie requérante, que devront être créés des mandats nouveaux spécifiques qui n'existaient pas au sein du ministère de la Communauté française. Des fonctions de support qui requerront des recrutements spécifiques devront aussi être créées et financées.

Les transferts financiers prévus à l'article 39, § 3, ne peuvent être qualifiés de dotation que la Communauté française s'accorderait en sa qualité de pouvoir régulateur ou subventionnant au bénéfice d'un établissement d'enseignement organisé par la Communauté française.

Cette disposition vise seulement des transferts financiers que le pouvoir organisateur WBE peut décider vers un ou plusieurs établissements qu'il organise en cette qualité.

B.11.2. Pour le surplus, il n'appartient pas à la Cour d'apprécier si les dotations instaurées par les articles 37 à 39 du décret spécial du 7 février 2019 sont opportunes ou souhaitables. Pour autant que ces mesures ne soient pas disproportionnées au but poursuivi et qu'elles tiennent objectivement compte des besoins en matière de financement de l'enseignement en Communauté française, le choix des modes de financement de WBE relève du pouvoir d'appréciation du législateur décrétal.

B.11.3. Enfin, la partie requérante reste en défaut de démontrer comment et en quoi les montants alloués par les articles 37 à 39, attaqués, du décret spécial du 7 février 2019 réduiraient le subventionnement dont les pouvoirs organisateurs qu'elle fédère bénéficient, ou porteraient atteinte à la liberté d'enseignement, telle qu'elle est garantie par l'article 24, § 1er, de la Constitution.

Le premier moyen n'est pas fondé.

Quant au moyen relatif à l'article 56 du décret spécial du 7 février 2019 B.12. Le deuxième moyen est dirigé contre l'article 56, précité, du décret spécial du 7 février 2019. La partie requérante reproche en substance à la disposition attaquée de prolonger de vingt ans le mécanisme dérogatoire prévu à l'article 18 du décret de la Communauté française du 12 juillet 2001 « visant à améliorer les conditions matérielles des établissements de l'enseignement fondamental et secondaire » (ci-après : le décret du 12 juillet 2001). La partie requérante soutient que cette disposition, qui ne trouverait, selon elle, aucune justification objective et raisonnable, a pour effet que les établissements du réseau d'enseignement de la Communauté française continueront, pour la plupart, à bénéficier d'un financement supérieur de 50 % à celui qui est prévu en application du régime général. Cette disposition violerait l'article 24, § 4, de la Constitution, lu isolément ou en combinaison avec l'article 24, § 1er, de la Constitution, ainsi qu'avec le principe général de la confiance légitime.

B.13. Les travaux préparatoires de la disposition attaquée mentionnent : « Cet article reporte de 20 ans la sortie de l'application aux établissements de l'enseignement secondaire ordinaire et aux établissements d'enseignement spécialisé organisés par la Communauté de l'article 18 du décret de la Saint-Boniface.

La sortie pure et simple du mécanisme dérogatoire prévu par l'article 18 du décret précité aurait des conséquences financières très négatives pour une majorité des écoles concernées. Dans un contexte marqué par de nombreuses évolutions législatives liées au Pacte pour un enseignement d'excellence et par les profondes mutations organisationnelles prévues pour le réseau WBE, il convient d'éviter de déstabiliser l'organisation de son offre d'enseignement, d'autant plus au regard de l'importante pression démographique connue actuellement et attendue dans les années à venir. En prolongeant l'application du mécanisme dérogatoire définit par l'article 18, il s'agit de garantir transitoirement la continuité des missions du réseau et des réponses apportées aux besoins sociaux.

Cette disposition est adoptée à la majorité ordinaire » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2018-2019, n° 737/1, p. 18).

B.14.1. L'intervention de la Communauté française dans les frais de fonctionnement des établissements scolaires prend la forme de dotations pour les écoles de WBE et de subventions pour les écoles des autres réseaux d'enseignement.

L'article 1er du décret du 12 juillet 2001 dont le fondement réside dans l'article 3 de la loi du 29 mai 1959 « modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement » (ci-après : la loi du 29 mai 1959) consacre un principe général de financement basé sur l'octroi d'une allocation forfaitaire par élève, en distinguant les niveaux, formes et types d'enseignement.

Depuis l'entrée en vigueur du décret précité, ce principe général est assorti d'une dérogation inscrite à l'article 18. Cette disposition prévoit que les dotations fixées par l'article 3 de la loi du 29 mai 1959, telles qu'elles ont été revues en 2001, ne peuvent aboutir à des montants inférieurs à ce qui était alloué en 2001. Cette dérogation fait obstacle à l'application de la règle dite « des 75 % », selon laquelle la Communauté française octroie 75 euros par élève inscrit dans un établissement subventionné, là où elle dépense 100 euros par élève inscrit dans un de ses propres établissements.

Alors que la dérogation prévue à l'article 18 du décret du 12 juillet 2001, qui, au moment de son adoption, était justifiée par la crainte que les établissements de la Communauté française subissent de lourdes pertes financières, avait été conçue comme étant une règle transitoire, pour une période allant de 2002 à 2010, elle a été prolongée une première fois jusqu'en 2014 et une seconde fois jusqu'en 2018.

B.14.2. Même s'il peut être admis que le rétablissement d'une égalité de traitement, lorsqu'il a de lourdes conséquences financières, requière un certain délai, il incombait au législateur décrétal du 7 février 2019 de justifier le maintien, jusqu'en 2038, de l'inégalité de financement entre les établissements organisés par la Communauté française via WBE et les établissements subventionnés par la Communauté française.

Les justifications données dans les travaux préparatoires, rappelées en B.13, ne démontrent pas en quoi la sortie du régime dérogatoire « aurait des conséquences financières très négatives pour une majorité des écoles concernées ». Il n'est pas non plus démontré pourquoi « les nombreuses évolutions liées au Pacte pour un enseignement d'excellence » et « l'importance de la pression démographique attendue dans les années à venir » affecteraient davantage les établissements du réseau communautaire que les établissements subventionnés, dans un contexte d'uniformisation accélérée du fonctionnement de tous les établissements financés par les pouvoirs publics et d'extension des contraintes de gratuité.

Faute d'une justification spécifique quant à la situation de WBE et de ses établissements, la prolongation du mécanisme dérogatoire contenu dans l'article 18 du décret du 12 juillet 2001, réalisée au moyen de l'article 56 attaqué, viole l'article 24, § 4, de la Constitution.

B.15. Le deuxième moyen est fondé. L'article 56 du décret spécial du 7 février 2019 doit être annulé.

B.16. Afin, d'une part, d'éviter que l'annulation de l'article 56 du décret spécial du 7 février 2019 modifie rétroactivement la situation financière des établissements d'enseignement organisés par WBE et mette en péril la continuité de la dispensation de l'enseignement, et, d'autre part, de permettre au législateur décrétal d'adopter de nouvelles règles relatives aux frais de fonctionnement de ces établissements, en conformité avec l'article 24, § 4, de la Constitution, il y a lieu, en application de l'article 8, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, de maintenir les effets de la disposition annulée comme il est indiqué dans le dispositif.

Quant au moyen relatif à l'article 63 du décret spécial du 7 février 2019 B.17. Le troisième moyen est dirigé contre l'article 63 du décret spécial du 7 février 2019. Dans une première branche, la partie requérante critique l'instauration, par la disposition attaquée, d'un droit de tirage permettant à WBE d'obtenir des moyens supplémentaires en personnel, de sorte que l'égalité entre les réseaux d'enseignement serait rompue, sans qu'existe une justification admissible. Dans une seconde branche, elle soutient que la même disposition violerait l'article 24, § 5, lu en combinaison avec l'article 24, § 15, de la Constitution, au motif que la délégation faite par le Gouvernement en matière de transferts de personnels serait excessive et violerait dès lors le principe de la légalité.

B.18. Les travaux préparatoires de la disposition attaquée mentionnent : « Cette disposition finale organise le transfert de membres du personnel contractuel ou statutaire du Ministère vers WBE. [...] Les membres du Service général de l'Enseignement organisé par la Fédération Wallonie Bruxelles et de la Direction générale des Personnels de l'Enseignement organisé par la Fédération Wallonie-Bruxelles de l'Administration générale de l'Enseignement, à l'exception de membres du personnel dédiés à certaines tâches spécifiques, ne pourront être transférés à WBE qu'entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2023. Le Gouvernement est habilité à proroger ce délai. Ce décalage doit permettre de procéder, d'une part, à une réorganisation préalable de ces services au sein de l'administration et, d'autre part, de procéder à une objectivation des besoins de l'organe public autonome. Ces besoins seront évalués notamment en fonction du développement de nouveaux outils informatiques pour la gestion du personnel et de la création éventuelle d'une régie des bâtiments de la Communauté française. Le Gouvernement procède à ces transferts de manière progressive en accord avec le Conseil WBE qui aura remis préalablement le rapport visé à l'alinéa 2. Pour le surplus, ces transferts seront effectués selon les modalités fixées par le Gouvernement en application du paragraphe 2.

Ces transferts ne sont pas de nouvelles nominations. Ils n'ouvrent pas de nouvelles voies de recours permettant de contester l'engagement, la désignation ou la nomination originaire des membres du personnel transférés.

Le paragraphe 2 de cette disposition prévoit que le Gouvernement détermine la date et les modalités de transfert des membres du personnel, après concertation avec les organisations représentatives du personnel.

Ainsi, le Gouvernement pourrait décider que les transferts de personnel seront progressifs, en fonction des besoins de WBE qui sont susceptibles d'évoluer dans les premiers mois ou années de son fonctionnement.

Le Gouvernement fixe également les règles régissant la procédure de transfert des membres du personnel du Ministère vers WBE. Il pourrait ainsi, par exemple, prévoir que sont d'abord transférés les candidats volontaires et ensuite, au besoin, transférer d'office des membres du personnel. Il pourrait également, par exemple, décider de transférer d'office tous les membres du personnel répondant aux conditions qu'il Ixe ou encore prévoir des procédures de sélection des membres du personnel à transférer.

Le Gouvernement dispose donc d'une très grande latitude dans le cadre de la détermination des modalités de transfert des membres du personnel, sous réserve de ce qui concerne les droits acquis des membres du personnel qui doivent être préservés dans les limites suivantes. Le Gouvernement doit prévoir que les membres du personnel sont transférés dans leur grade ou dans un grade équivalent et en leur qualité. Ils conservent au moins la rétribution et l'ancienneté qu'ils avaient ou auraient obtenues s'ils avaient continué à exercer leurs fonctions dans leur service d'origine.

Tant que le Gouvernement n'aura pas déterminé les modalités du transfert des membres du personnel sur le plan administratif et pécuniaire, leur statut juridique demeurera régi par les dispositions qui leur étaient applicables au sein du Ministère.

Le paragraphe 3 prévoit que, en ce qui concerne l'enseignement obligatoire, au moins nonante pour cent des membres du personnel transférés sont affectés au niveau zonal. Le personnel concerné est dédié au niveau zonal pour réaliser les missions nécessitant une proximité avec les établissements. En fonction des besoins, il peut être affecté à des missions zonales ou interzonales, nécessitant des synergies. Par conséquent, l'affectation du personnel au niveau zonal ne porte pas préjudice à la possibilité de rassembler dans certaines zones, dans une optique de mutualisation des ressources et des expertises, des agents chargés de jouer le rôle de centre de compétences ou d'appui opérationnel pour la gestion immobilière ou les projets de rénovation et de développement, au profit de plusieurs zones » (ibid., p. 19).

B.19. L'article 24, § 5, de la Constitution dispose : « L'organisation, la reconnaissance ou le subventionnement de l'enseignement par la communauté sont réglés par la loi ou le décret ».

Cette disposition traduit la volonté du Constituant de réserver au législateur compétent le soin de régler les éléments essentiels de l'enseignement en ce qui concerne son organisation, sa reconnaissance et son subventionnement. L'article 24, § 5, de la Constitution exige que les compétences déléguées ne portent que sur la mise en oeuvre des principes que le législateur décrétal a lui-même adoptés. A travers elles, le Gouvernement de communauté ne saurait remédier à l'imprécision de ces principes ni affiner des options insuffisamment détaillées.

B.20. Le transfert d'une partie du personnel du ministère de la Communauté française vers WBE découle de la création, par le décret spécial du 7 février 2019, d'un organisme public autonome dorénavant chargé de la fonction de pouvoir organisateur pour l'enseignement de la Communauté française, à l'exclusion du pouvoir régulateur de l'enseignement en Communauté française.

L'article 63 attaqué prévoit ainsi qu'une partie des membres du ministère de la Communauté française qui ne sera plus chargée de la fonction de pouvoir organisateur peut être transférée à la nouvelle structure qui sera dorénavant chargée de cette fonction.

C'est dans cette perspective que l'article 63 précise les conditions de ce transfert : seul le personnel affecté à des missions relevant des compétences de WBE peut être transféré; les transferts sont exécutés par le Gouvernement à la demande et sur avis conforme du Conseil WBE. Ils ne constituent pas des nouvelles nominations et ils doivent respecter les droits acquis. Enfin, les échéances dans lesquelles doivent intervenir ces transferts sont précisées.

Le troisième moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour - annule l'article 56 du décret spécial de la Communauté française du 7 février 2019 « portant création de l'organisme public chargé de la fonction de Pouvoir organisateur de l'Enseignement organisé par la Communauté française »; - maintient les effets de la disposition annulée jusqu'à l'entrée en vigueur de nouvelles règles adoptées par le législateur décrétal et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2022 inclus; - rejette le recours pour le surplus.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 1er octobre 2020.

Le greffier, F. Meerschaut Le président, F. Daoût

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