Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 31 mars 2021

Extrait de l'arrêt n° 81/2020 du 4 juin 2020 Numéro du rôle : 6927 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 3 du décret de la Communauté française du 31 m(...) La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2020203733
pub.
31/03/2021
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 81/2020 du 4 juin 2020 (version résultant de l'ordonnance en rectification du 2 juillet 2020) Numéro du rôle : 6927 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 3 du décret de la Communauté française du 31 mars 1994 « définissant la neutralité de l'enseignement de la Communauté », posée par la chambre des référés du Tribunal de première instance francophone de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 9 mai 2018, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 15 mai 2018, la chambre des référés du Tribunal de première instance francophone de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 3 du décret du 31 mars 1994 de la Communauté française définissant la neutralité de l'enseignement de la Communauté est-il conforme aux articles 19, 23 et 24 de la Constitution, à l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, à l'article 2 du Premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'il est interprété comme permettant à un pouvoir organisateur soumis à ce décret de prévoir dans le règlement intérieur d'un établissement scolaire une interdiction totale faite aux élèves, fussent-ils majeurs, de porter des insignes, des bijoux ou des vêtements qui reflètent une opinion ou une appartenance politique, philosophique ou religieuse ainsi que tout couvre-chef, notamment ceux reflétant une telle opinion ou une telle appartenance, et ce afin de créer un environnement éducatif totalement neutre ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle concerne l'article 3 du décret de la Communauté française du 31 mars 1994 « définissant la neutralité de l'enseignement de la Communauté » (ci-après : le décret du 31 mars 1994), qui dispose : « Les élèves y sont entraînés graduellement à la recherche personnelle; ils sont motivés à développer leurs connaissances raisonnées et objectives et à exercer leur esprit critique.

L'école de la Communauté garantit à l'élève ou à l'étudiant, eu égard à son degré de maturité, le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question d'intérêt scolaire ou relative aux droits de l'homme.

Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées par tout moyen du choix de l'élève et de l'étudiant, à la seule condition que soient sauvegardés les droits de l'homme, la réputation d'autrui, la sécurité nationale, l'ordre public, la santé et la moralité publiques, et que soit respecté le règlement intérieur de l'établissement.

La liberté de manifester sa religion ou ses convictions et la liberté d'association et de réunion sont soumises aux mêmes conditions ».

B.1.2. Bien que l'article 3, 7°, du décret de la Communauté française du 3 mai 2019 « portant les livres 1er et 2 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire, et mettant en place le tronc commun » prévoie l'abrogation du décret du 31 mars 1994, cette abrogation n'entrera en vigueur que le 1er septembre 2020. Le décret, précité, du 3 mai 2019 n'a donc aucune incidence sur l'affaire présentement examinée.

B.2. Il est demandé à la Cour si l'article 3 du décret du 31 mars 1994, interprété comme permettant « à un pouvoir organisateur soumis à ce décret de prévoir dans le règlement intérieur d'un établissement scolaire une interdiction totale faite aux élèves, fussent-ils majeurs, de porter des insignes, des bijoux ou des vêtements qui reflètent une opinion ou une appartenance politique, philosophique ou religieuse ainsi que tout couvre-chef, notamment ceux reflétant une telle opinion ou une telle appartenance, et ce afin de créer un environnement éducatif totalement neutre », est compatible avec les articles 19, 23 et 24 de la Constitution, avec l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 2 du Premier Protocole additionnel à cette Convention.

Quant à la recevabilité B.3. Le Centre interfédéral pour l'égalité des chances, la lutte contre le racisme et les discriminations (ci-après : UNIA), partie intervenante dans l'affaire devant le juge a quo, fait valoir que la question préjudicielle n'est pas recevable, d'une part, parce qu'un pouvoir organisateur de l'enseignement officiel subventionné qui, en application de l'article 7 du décret du 31 mars 1994, adhère aux principes de ce décret reste soumis à l'application du décret du 17 décembre 2003 « organisant la neutralité inhérente à l'enseignement officiel subventionné et portant diverses mesures en matière d'enseignement » (ci-après : le décret du 17 décembre 2003), lequel, selon UNIA, définit les compétences relatives à l'élaboration du règlement intérieur d'un établissement d'enseignement de manière moins large que le décret du 31 mars 1994, et, d'autre part, parce que la neutralité, telle qu'elle est définie dans le décret du 31 mars 1994, n'impose des obligations qu'aux établissements d'enseignement et au personnel enseignant, et donc pas aux étudiants ni aux élèves.

B.4. Il revient en règle à la juge a quo de déterminer les normes applicables au litige qui lui est soumis. Toutefois, lorsque des dispositions qui ne peuvent manifestement être appliquées à ce litige sont soumises à la Cour, celle-ci n'en examine pas la constitutionnalité. De même, il appartient en règle au juge a quo d'interpréter les dispositions qu'il applique, sous réserve d'une lecture manifestement erronée de la disposition en cause. Enfin, c'est, en règle, également à la juge a quo qu'il appartient d'apprécier si la réponse à la question préjudicielle est utile à la solution du litige. Ce n'est que lorsque tel n'est manifestement pas le cas que la Cour peut décider que la question n'appelle pas de réponse.

B.5.1. Le décret du 31 mars 1994 contient des règles de neutralité applicables aux établissements d'enseignement organisés par la Communauté française (article 1er). Le décret du 17 décembre 2003 contient des règles de neutralité applicables à l'enseignement subventionné organisé par la Commission communautaire française, les provinces, les communes, les associations de communes et toute personne de droit public, ainsi qu'aux pouvoirs organisateurs de l'enseignement libre subventionné non confessionnel qui souhaitent adhérer aux principes de ce décret conformément à son article 8 (article 1er).

Selon l'article 7 du décret du 31 mars 1994, tout pouvoir organisateur de l'enseignement officiel subventionné ou de l'enseignement libre subventionné non confessionnel peut décider d'adhérer aux principes du décret du 31 mars 1994, auquel cas toutes les dispositions de ce décret lui sont applicables mutatis mutandis.

Selon l'article 1er, dernier alinéa, du décret du 17 décembre 2003, les dispositions de ce décret cessent de s'appliquer aux pouvoirs organisateurs d'enseignement qui adhèrent aux principes du décret du 31 mars 1994 conformément à l'article 7 de ce décret.

B.5.2. Il résulte de ce qui précède que, lorsqu'un pouvoir organisateur de l'enseignement officiel subventionné adhère aux principes du décret du 31 mars 1994, les dispositions du décret du 17 décembre 2003 ne sont plus applicables à ce pouvoir organisateur.

B.5.3. Il ressort des faits de la cause soumise à la juge a quo que l'établissement d'enseignement dont le règlement intérieur est contesté fait partie de l'enseignement officiel subventionné et que le pouvoir organisateur de cet établissement a adhéré aux principes du décret du 31 mars 1994, en application de l'article 7 de ce décret.

Ainsi, il n'apparaît pas que l'article 3 du décret du 31 mars 1994 ne s'applique manifestement pas au litige pendant devant le juge a quo.

B.6.1. Selon la disposition en cause, un établissement d'enseignement doit garantir aux élèves et aux étudiants le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question relative à l'école ou concernant les droits de l'homme, la liberté de pratiquer sa religion ou sa conviction et la liberté d'association et de réunion. Toutefois, les élèves et les étudiants ne peuvent faire valoir ces droits et libertés qu'à « condition que soient sauvegardés les droits de l'homme, la réputation d'autrui, la sécurité nationale, l'ordre public, la santé et la moralité publiques, et que soit respecté le règlement intérieur de l'établissement ».

B.6.2. Le juge a quo soumet la disposition en cause à la Cour dans l'interprétation selon laquelle cette disposition permet à l'instance compétente pour le règlement intérieur d'un établissement d'enseignement de prévoir, dans ce règlement, des conditions d'exercice et de jouissance des droits et libertés visés ou des limitations de ces droits et libertés. Dans cette interprétation, qui n'est pas manifestement erronée, la disposition en cause peut emporter des obligations pour les élèves et les étudiants. La réponse à la question préjudicielle n'est donc pas manifestement inutile à la solution du litige pendant devant le juge a quo.

B.7. Les exceptions soulevées par UNIA sont rejetées.

B.8.1. Le « Gemeenschapsonderwijs GO! » (l'enseignement communautaire flamand) (ci-après : « GO! »), partie intervenante dans l'affaire introduite devant la Cour, fait valoir que la question préjudicielle, en ce qu'elle invite la Cour à contrôler la disposition en cause au regard de l'article 24 de la Constitution, n'est recevable que dans la mesure où la Cour est invitée à contrôler cette disposition au regard de l'article 24, § 1er, alinéa 3, de la Constitution, qui porte sur la neutralité de l'enseignement communautaire. Les autres alinéas de ce paragraphe et les autres paragraphes de cet article constitutionnel ne seraient pas pertinents dans l'affaire présentement examinée.

B.8.2. Il n'appartient pas aux parties devant la Cour de limiter la portée d'une question préjudicielle.

En l'espèce, la motivation de la décision de renvoi ne permet pas de conclure que le contrôle demandé de la disposition en cause au regard de l'article 24 de la Constitution se limiterait au troisième alinéa du premier paragraphe de cette disposition constitutionnelle.

B.8.3. En ce que l'exception invoquée par « GO! » doit être interprétée en ce sens que tous les aspects de l'article 24 de la Constitution ne sont pas pertinents dans l'affaire présentement examinée, l'examen de cette exception se confond avec l'examen quant au fond. Lors de cet examen, la Cour contrôle la disposition en cause au regard des garanties contenues dans cet article constitutionnel, dans la mesure où ces garanties sont pertinentes dans l'affaire présentement examinée.

B.9.1. « GO! » fait également valoir que la question préjudicielle, en ce qu'elle invite la Cour à contrôler la disposition en cause au regard de l'article 23 de la Constitution, n'est pas recevable parce que la décision de renvoi ne permet pas de déduire quelle partie de l'article 23 de la Constitution est visée et en quoi cette disposition constitutionnelle pourrait être violée.

B.9.2. Bien que la décision de renvoi n'indique pas explicitement en quoi la disposition en cause pourrait violer l'article 23 de la Constitution, la motivation de cette décision permet suffisamment de déduire que la question porte sur la compatibilité de la disposition en cause avec le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine, garanti par le premier alinéa de cet article constitutionnel, et avec le droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle, tel qu'il est garanti par l'alinéa 3, 1°, de cet article.

Il ressort d'ailleurs des mémoires déposés devant la Cour que les parties ont compris la question préjudicielle en ce sens et qu'elles ont eu la possibilité d'exposer leurs points de vue à ce sujet.

B.9.3. L'exception soulevée par « GO! » au sujet de l'article 23 de la Constitution est rejetée.

B.10.1. Le Gouvernement flamand et « GO! » font valoir que la question préjudicielle n'est pas recevable, en ce que la Cour est invitée à contrôler la disposition en cause directement au regard de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 2 du Premier Protocole additionnel à cette Convention.

B.10.2. La Cour n'est pas compétente pour contrôler directement des normes législatives au regard de dispositions conventionnelles.

Toutefois, lorsqu'une disposition conventionnelle liant la Belgique a une portée analogue à celle d'une des dispositions constitutionnelles dont le contrôle relève de la compétence de la Cour et dont la violation est alléguée, les garanties consacrées par cette disposition conventionnelle constituent un ensemble indissociable avec les garanties inscrites dans les dispositions constitutionnelles concernées.

Il s'ensuit que, dans le contrôle qu'elle exerce au regard de dispositions constitutionnelles, la Cour tient compte des dispositions de droit international qui garantissent des droits ou libertés analogues.

B.10.3. L'examen de la question de savoir si les dispositions conventionnelles précitées ont une portée analogue à celle des dispositions constitutionnelles mentionnées dans la question préjudicielle fait partie de l'examen quant au fond.

Quant au fond B.11. L'article 24 de la Constitution dispose : « § 1er. L'enseignement est libre; toute mesure préventive est interdite; la répression des délits n'est réglée que par la loi ou le décret.

La communauté assure le libre choix des parents.

La communauté organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves.

Les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu'à la fin de l'obligation scolaire, le choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle. § 2. Si une communauté, en tant que pouvoir organisateur, veut déléguer des compétences à un ou plusieurs organes autonomes, elle ne le pourra que par décret adopté à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés. § 3. Chacun a droit à l'enseignement dans le respect des libertés et droits fondamentaux. L'accès à l'enseignement est gratuit jusqu'à la fin de l'obligation scolaire.

Tous les élèves soumis à l'obligation scolaire ont droit, à charge de la communauté, à une éducation morale ou religieuse. § 4. Tous les élèves ou étudiants, parents, membres du personnel et établissements d'enseignement sont égaux devant la loi ou le décret.

La loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié. § 5. L'organisation, la reconnaissance ou le subventionnement de l'enseignement par la communauté sont réglés par la loi ou le décret ».

En ce qui concerne le principe de légalité en matière d'enseignement B.12.1. Il ressort des travaux préparatoires de la révision constitutionnelle du 15 juillet 1988 que, par l'article 24, § 5, de la Constitution, le Constituant « [voulait actualiser] l'intention originelle du Constituant [...] » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 100-1/1°, p. 7).

A cela, il a été ajouté : « Les dispositions fondamentales en matière d'enseignement doivent être arrêtées par des organes élus. Les organes exécutifs ne peuvent agir qu'en fonction de ces dispositions » (ibid.).

Après avoir souligné que l'objectif recherché était également de garantir au niveau constitutionnel les « principes du Pacte scolaire » et après avoir énuméré ces « principes », complétés par les principes déjà consacrés par l'article 17 ancien de la Constitution (la liberté d'enseignement, la possibilité pour les communautés d'organiser elles-mêmes un enseignement satisfaisant à l'exigence de neutralité, la possibilité pour les communautés, en tant que pouvoirs organisateurs, de déléguer des compétences à des organes autonomes, le droit à un enseignement (gratuit) et à l'égalité en matière d'enseignement), le Vice-Premier ministre et ministre des Communications et des Réformes institutionnelles a déclaré : « Tous ces principes importants de la politique d'enseignement doivent être arrêtés par un décret ou une loi; seules des personnes démocratiquement élues peuvent régler par des règles générales l'octroi de subsides à l'enseignement ainsi que son organisation et son agrément » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 100-1/2°, p. 4).

B.12.2. L'article 24, § 5, de la Constitution traduit donc la volonté du Constituant de réserver au législateur compétent le soin de régler les aspects essentiels de l'enseignement en ce qui concerne son organisation, sa reconnaissance et son subventionnement, mais il n'interdit pas que des missions soient confiées à d'autres autorités, sous certaines conditions.

Cette disposition constitutionnelle exige que les délégations conférées par le législateur décrétal ne portent que sur la mise en oeuvre des principes qu'il a fixés. Le gouvernement communautaire ou une autre autorité publique ne saurait remédier à l'imprécision de ces principes ni affiner des choix politiques insuffisamment détaillés.

B.12.3. Le texte de l'article 24, § 5, a une portée générale : il ne fait aucune distinction et ne contient aucune limitation en ce qui concerne la portée de la notion d'« organisation », ce qui signifie que toute réforme relative à l'organisation de l'enseignement, quel qu'en soit l'objectif, même si elle est limitée dans le temps, ne peut être réglée que par décret.

B.12.4. Comme la Cour l'a jugé par son arrêt n° 40/2011 du 15 mars 2011, le Constituant n'a pas voulu interdire aux pouvoirs organisateurs de l'enseignement d'adopter, en vue de garantir le bon fonctionnement de l'enseignement ou d'assurer la réalisation du projet pédagogique, des règlements d'ordre intérieur portant sur le comportement des élèves. En juger autrement impliquerait en effet que tous les comportements d'élèves et d'étudiants qui pourraient compromettre le bon fonctionnement de l'enseignement et la réalisation du projet pédagogique - comportements qui peuvent d'ailleurs changer selon les circonstances et l'époque - devraient être réglés par le législateur décrétal. L'article 24, § 5, de la Constitution ne peut être interprété en ce sens qu'une ingérence dans un droit fondamental, dans un contexte d'enseignement, en vue de garantir le bon fonctionnement de l'enseignement et la réalisation du projet pédagogique d'une école, n'est possible que si cette ingérence fait l'objet d'une règle prévue par une norme législative.

En ce qui concerne la liberté de l'enseignement et la neutralité de l'enseignement officiel B.13.1. La liberté de l'enseignement consacrée par l'article 24, § 1er, de la Constitution garantit le droit d'organiser des écoles fondées sur une philosophie confessionnelle ou non confessionnelle déterminée.

Elle implique également que des personnes privées puissent, sans autorisation préalable et sous réserve du respect des libertés et des droits fondamentaux, organiser et faire dispenser un enseignement selon leur propre conception, tant en ce qui concerne la forme de cet enseignement qu'en ce qui concerne son contenu, par exemple en créant des écoles dont la spécificité réside dans des conceptions déterminées d'ordre pédagogique ou éducatif.

B.13.2. Le droit de créer des écoles, garanti par l'article 24, § 1er, de la Constitution, revient également aux pouvoirs publics tels que les communes et les provinces.

B.13.3. Aux termes de l'alinéa 2 de l'article 24, § 1er, de la Constitution, la communauté assure le libre choix des parents.

Cette liberté de choix implique que les parents puissent choisir pour leurs enfants l'enseignement qui est le plus proche de leurs conceptions philosophiques.

C'est pour garantir cette liberté de choix que la communauté organise un enseignement neutre dans le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves (article 24, § 1er, alinéa 3, de la Constitution) et qu'elle subventionne les établissements d'enseignement dont la spécificité réside dans une conception religieuse, philosophique ou pédagogique déterminée. La liberté de choix ne confère toutefois pas aux parents et aux élèves un droit inconditionnel d'inscription dans l'école de leur choix.

B.13.4. Dès lors que la liberté de l'enseignement implique la possibilité, pour les pouvoirs organisateurs, de créer des écoles qui trouvent leur spécificité dans certaines conceptions pédagogiques ou éducatives et qui sont fondées ou non sur une certaine philosophie confessionnelle ou non confessionnelle, l'établissement du projet pédagogique d'une école relève en principe de la compétence du pouvoir organisateur de cette école.

B.14.1. En ce qui concerne l'organisation et la dispensation de l'enseignement, la communauté ne dispose pas de la même liberté que les autres pouvoirs organisateurs.

En effet, en vertu de l'alinéa 2 de l'article 24, § 1er, de la Constitution, la communauté doit assurer le libre choix des parents, ce qui entraîne l'obligation, pour la communauté, d'organiser un enseignement.

En outre, la liberté de la communauté en ce qui concerne l'enseignement est limitée par les règles contenues dans l'article 24, § 1er, alinéas 3 et 4, de la Constitution, qui prévoient que l'enseignement organisé par la communauté doit être neutre et respecter notamment les conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves, et que les écoles organisées par les pouvoirs publics doivent offrir, jusqu'à la fin de l'obligation scolaire, le choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle.

B.14.2. La liberté des pouvoirs publics tels que les communes et les provinces en ce qui concerne l'organisation et la dispensation de l'enseignement est également soumise à des restrictions.

Bien que l'article 24 de la Constitution ne dispose pas explicitement que l'enseignement organisé par les pouvoirs publics doit être neutre, ces autorités sont tenues de respecter le principe constitutionnel de la neutralité de l'autorité publique, lequel est étroitement lié à l'interdiction de discrimination en général et au principe de l'égalité des usagers du service public en particulier.

Les pouvoirs publics doivent par ailleurs offrir, dans les écoles qu'ils organisent, jusqu'à la fin de l'obligation scolaire, le choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle (article 24, § 1er, alinéa 4, de la Constitution).

B.15.1. L'affaire pendante devant le juge a quo concerne une haute école organisée par la ville de Bruxelles.

Dès lors que cette haute école propose un enseignement qui ne relève pas de l'obligation scolaire, elle n'est pas tenue d'offrir le choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle. Elle est cependant tenue de respecter le principe constitutionnel de la neutralité de l'autorité publique.

B.15.2. Comme il est dit en B.5.1, la Communauté française a adopté deux décrets en matière de neutralité de l'enseignement. Le décret du 31 mars 1994 contient des règles applicables aux établissements d'enseignement qui sont organisés par la Communauté française (article 1er). Le décret du 17 décembre 2003 contient des règles applicables, notamment, à l'enseignement subventionné organisé par les communes (article 1er).

Aux termes de l'article 7 du décret du 31 mars 1994, un pouvoir organisateur de l'enseignement officiel subventionné peut décider d'adhérer aux principes de neutralité du décret du 31 mars 1994, auquel cas toutes les dispositions de ce décret lui sont applicables mutatis mutandis et les dispositions du décret du 17 décembre 2003 cessent de lui être applicables. En application de cette disposition, le pouvoir organisateur de la haute école dont le règlement intérieur est contesté devant le juge a quo a adhéré aux principes du décret du 31 mars 1994, applicables à l'enseignement organisé par la Communauté française.

B.15.3. Bien qu'en principe, les communes, en tant que pouvoirs organisateurs de l'enseignement, soient compétentes pour établir le projet pédagogique des écoles qu'elles organisent, le législateur décrétal de la Communauté française peut, sur la base de la compétence attribuée aux communautés par l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 2°, de la Constitution, imposer des conditions de subventionnement, pour autant qu'il ne soit pas porté une atteinte essentielle à la liberté d'enseignement définie en B.13.1-B.13.4. Les dispositions du décret du 17 décembre 2003 et, lorsqu'un pouvoir organisateur décide d'adhérer aux principes du décret du 31 mars 1994, les dispositions de ce dernier décret peuvent être considérées comme des conditions de subventionnement de l'enseignement concerné, qui, dès lors que les pouvoirs publics sont tenus de respecter le principe constitutionnel de la neutralité de l'autorité publique, ne portent en principe pas une atteinte essentielle à la liberté d'enseignement.

B.16.1. Comme il est dit en B.6.1, la disposition en cause prévoit, d'une part, qu'une école qui relève du champ d'application du décret du 31 mars 1994 doit garantir une série de droits et de libertés aux élèves ou aux étudiants et, d'autre part, que les élèves et les étudiants ne peuvent faire valoir ces droits et libertés qu'à « condition que soient sauvegardés les droits de l'homme, la réputation d'autrui, la sécurité nationale, l'ordre public, la santé et la moralité publiques, et que soit respecté le règlement intérieur de l'établissement ». Cette disposition est soumise à la Cour dans l'interprétation selon laquelle elle permet à l'instance compétente pour établir le règlement intérieur d'une école de prévoir, dans ce règlement, des conditions d'exercice et de jouissance des droits et libertés visés ou des limitations de ces droits et libertés et, plus particulièrement, dans l'interprétation selon laquelle elle permet à cette instance d'interdire totalement le port d'insignes, de bijoux ou de vêtements qui reflètent une opinion ou une appartenance politique, philosophique ou religieuse.

La disposition en cause confère ainsi aux communes qui ont adhéré au décret du 31 mars 1994 le pouvoir d'apprécier elles-mêmes si elles doivent ou non prévoir l'interdiction visée dans la question préjudicielle.

Dans cette interprétation, la disposition en cause ne porte pas atteinte à la liberté de l'enseignement appartenant aux communes.

B.16.2. Dès lors que la disposition en cause fait partie du décret du 31 mars 1994, qui vise à fixer des règles de neutralité applicables aux établissements d'enseignement organisés par la Communauté française, il y a lieu d'examiner si cette disposition, dans l'interprétation donnée, est compatible avec l'article 24, § 1er, alinéa 3, de la Constitution, qui dispose que la communauté organise un enseignement neutre.

B.17.1. En vertu de l'article 24, § 1er, alinéa 3, de la Constitution, la neutralité comprend notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves.

B.17.2. Dans la note explicative du Gouvernement concernant la révision constitutionnelle du 15 juillet 1988, la notion de « neutralité » a fait l'objet du commentaire suivant : « La notion de ' neutralité ' se trouve déjà partiellement définie dans le texte. ' Notamment ' renvoie à une définition plus détaillée dans le sens suivant.

L'enseignement neutre ne se limite pas à l'instruction, mais s'étend également à l'éducation de la personnalité entière.

Une école neutre respecte toutes les opinions philosophiques, idéologiques et religieuses des parents qui lui confient leurs enfants.

Elle se fonde sur une reconnaissance et une appréciation positives de la diversité des opinions et des attitudes et, la dépassant, met l'accent sur les valeurs communes.

Un tel enseignement veut aider et préparer les jeunes à entrer dans notre société avec un jugement et un engagement personnels. C'est seulement dans cet esprit qu'on traitera les problèmes controversés.

La mise en oeuvre d'une telle neutralité est étroitement liée au projet éducatif et aux méthodes pédagogiques. Elle pourra par conséquent évoluer différemment dans les Communautés.

Evidemment, la liberté académique des institutions universitaires reste garantie.

On devra rechercher des garanties appropriées pour que le personnel concerné par le projet éducatif souscrive à une telle conception et à un tel projet éducatif. Une déclaration d'engagement pourrait en être un élément.

En attendant l'élaboration de telles garanties, la résolution 15 du pacte scolaire de 1958 continuera à être appliquée strictement » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 100-1/1°, pp. 2-3).

Lors de l'examen en Commission sénatoriale de la révision de la Constitution et des réformes des institutions, le secrétaire d'Etat à l'Education nationale (N) a déclaré : « La définition ' nationale ' de la ' neutralité ' dans le commentaire n'exclut pas une évolution, par exemple au sein de la Communauté flamande, dans le sens d'une ' neutralité positive ' et d'une conception pluraliste plus moderne. [...] Le point de départ d'un projet pédagogique de l'enseignement de l'Etat est constitué par la donnée de base selon laquelle l'enseignement de l'Etat, même avec un mode de gestion modifié, à savoir un conseil autonome, associé à une politique plus décentralisée, est un enseignement public, c'est-à-dire organisé par la Communauté et, partant, doit être caractérisé par l'ouverture et le pluralisme interne » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 100-1/2°, pp. 62-63).

Il a ajouté : « Il ne faut pas perdre de vue que les circonstances sociologiques évoluent et qu'il n'est donc pas indiqué de clicher certaines notions » (ibid., p. 64).

B.17.3. Il ressort de ce qui précède que le Constituant n'a pas voulu concevoir la notion de « neutralité » contenue dans l'article 24, § 1er, alinéa 3, de la Constitution comme une notion statique.

B.17.4. La notion a néanmoins un contenu minimum auquel l'on ne saurait déroger sans violer la Constitution. En effet, l'obligation pour la communauté d'organiser un enseignement neutre constitue une garantie pour le libre choix des parents.

B.17.5. Ce contenu ne saurait être considéré indépendamment de l'unique - mais essentielle - précision que le texte même de la Constitution comporte en ce qui concerne la notion de neutralité, plus particulièrement le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves.

La neutralité que les autorités doivent rechercher sur le plan philosophique, idéologique et religieux en vue de l'organisation de l'enseignement communautaire leur interdit plus précisément de défavoriser, de favoriser ou d'imposer des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses. La neutralité suppose donc, comme on peut le lire dans la note explicative du Gouvernement relative à la révision constitutionnelle de 1988, « une reconnaissance et une appréciation positives de la diversité des opinions et des attitudes » - du moins en ce qu'il ne s'agit pas d'opinions constituant une menace pour la démocratie et les droits et libertés fondamentaux - ainsi qu'un « accent sur les valeurs communes ».

La notion de « neutralité » inscrite à l'article 24, § 1er, alinéa 3, de la Constitution constitue donc une formulation plus précise en matière d'enseignement du principe constitutionnel de la neutralité de l'autorité publique.

B.17.6. Toutefois, le principe de neutralité entraîne, pour l'autorité compétente, non seulement une obligation d'abstention - dans le sens d'une interdiction de discriminer, de favoriser ou d'imposer des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses -, mais aussi, dans certaines circonstances, une obligation positive, découlant de la liberté de choix des parents garantie par la Constitution, d'organiser l'enseignement communautaire de telle manière que « [la] reconnaissance et [l']appréciation positives de la diversité des opinions et des attitudes » et « l'accent sur les valeurs communes » ne soient pas compromis.

B.18.1. Comme la Cour l'a jugé par son arrêt n° 40/2011 précité, l'interdiction pour les élèves de porter des signes religieux et philosophiques visibles dans un établissement d'enseignement donne à la notion de neutralité, telle qu'elle est contenue dans l'article 24, § 1er, alinéa 3, de la Constitution, une orientation nouvelle, qui n'est cependant pas contraire par définition à cette notion. En effet, le Constituant n'a pas conçu la neutralité de l'enseignement communautaire comme un principe rigide, indépendant des évolutions de la société. En outre, dans certaines circonstances, la neutralité peut obliger l'autorité compétente à prendre des mesures visant à garantir la « reconnaissance et [l']appréciation positives de la diversité des opinions et des attitudes » et à préserver « l'accent sur les valeurs communes ».

B.18.2. La disposition en cause n'instaure pas, en soi, une interdiction, pour les élèves ou les étudiants, de porter des signes politiques, philosophiques ou religieux. Dans l'interprétation soumise à la Cour, cette disposition permet à l'instance compétente pour établir le règlement intérieur d'un établissement d'enseignement de décider, à la lumière du concept d'enseignement préconisé ou des circonstances concrètes, si une telle interdiction est ou non indiquée ou nécessaire pour garantir la « reconnaissance et [l']appréciation positives de la diversité des opinions et des attitudes » et « l'accent sur les valeurs communes ».

B.18.3. Dès lors que le Constituant n'a pas conçu la neutralité de l'enseignement communautaire comme une notion statique et compte tenu des obligations positives résultant de cette neutralité, la disposition en cause, qui se borne à permettre à l'instance compétente pour établir le règlement intérieur d'un établissement d'enseignement de prévoir, le cas échéant, dans ce règlement, l'interdiction mentionnée dans la question préjudicielle, n'est pas contraire à l'article 24, § 1er, alinéa 3, de la Constitution, ni au principe de la neutralité de l'autorité publique, applicable à l'enseignement organisé par les administrations décentralisées, lu en combinaison avec la liberté d'enseignement, telle qu'elle est garantie par l'article 24, § 1er, alinéa 1er, de la Constitution. Dans le contexte de l'enseignement, ce principe a en effet une portée analogue à celle de la notion de neutralité contenue dans l'article 24, § 1er, alinéa 3, de la Constitution.

En ce qui concerne le droit à l'enseignement, l'égalité dans l'enseignement et la liberté de religion B.19.1. Aux termes de l'article 24, § 3, première phrase, et § 4, de la Constitution, chacun a droit à l'enseignement dans le respect des libertés et droits fondamentaux et tous les élèves, étudiants et parents sont égaux devant la loi ou le décret.

B.19.2. L'article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. L'Etat, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques ».

B.19.3. En ce qu'il garantit le droit à l'instruction et le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques, l'article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme a une portée analogue à celle de l'article 24, § 3, première phrase, de la Constitution. Dans cette mesure, les garanties offertes par cette disposition conventionnelle constituent dès lors un ensemble indissociable avec les garanties contenues dans l'article 24 de la Constitution. Lorsqu'elle exerce son contrôle au regard de l'article 24 de la Constitution, la Cour tient donc compte de l'article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

B.20. En l'espèce, le contrôle de la disposition en cause au regard du « droit à l'enseignement dans le respect des libertés et droits fondamentaux » coïncide en grande partie avec le contrôle de cette disposition au regard de la liberté de religion.

B.21.1. L'article 19 de la Constitution dispose : « La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés ».

B.21.2. L'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». B.21.3. En ce qu'il garantit le droit d'exprimer sa religion, l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme a une portée analogue à celle de l'article 19 de la Constitution, qui reconnaît la liberté de manifester ses opinions en toute matière et la liberté de religion. Dès lors, les garanties offertes par ces dispositions forment, dans cette mesure, un ensemble indissociable.

B.22.1. La liberté de religion garantie par les dispositions précitées comprend, entre autres, la liberté de toute personne de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public, ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.

B.22.2. La notion de « religion » contenue dans l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme couvre tant le forum internum, à savoir le fait d'avoir des convictions, que le forum externum, à savoir la manifestation en public de la foi religieuse (CEDH, 12 avril 2007, Ivanova c. Bulgarie, § 78; 15 janvier 2013, Eweida e.a. c. Royaume-Uni, § 80).

Alors que le droit d'avoir des convictions religieuses (forum internum) est absolu, le droit de manifester sa foi religieuse (forum externum) peut être soumis à des restrictions, dans les limites fixées par l'article 9, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, 12 avril 2007, Ivanova c. Bulgarie, § 79; 15 janvier 2013, Eweida e.a. c. Royaume-Uni, § 80).

B.22.3. Bien que l'on ne puisse considérer tout acte inspiré, motivé ou influencé d'une manière ou d'une autre par une religion comme étant une manifestation en public d'une conviction religieuse (CEDH, 15 janvier 2013, Eweida e.a. c. Royaume-Uni, § 82), il y a lieu, selon la Cour européenne des droits de l'homme, de partir du principe qu'une interdiction de porter des signes religieux dans un établissement d'enseignement constitue une ingérence dans l'exercice du droit de manifester ses convictions religieuses (CEDH, grande chambre, 10 novembre 2005, Leyla Sahin c. Turquie, § 78; 4 décembre 2008, Dogru c.

France, § 47; décision, 30 juin 2009, Ghazal c. France).

B.22.4. Pour être conforme à la liberté de religion, une telle ingérence doit répondre aux conditions fixées à l'article 9, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, selon lesquelles l'ingérence doit être prévue par la loi, poursuivre un ou plusieurs des objectifs mentionnés dans cet article et être nécessaire dans une société démocratique, ce qui suppose qu'elle réponde à un besoin social impérieux et qu'elle soit proportionnée aux objectifs poursuivis.

B.23.1. Il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que le terme « loi » utilisé dans l'article 9, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme est une notion autonome. L'exigence selon laquelle une ingérence dans un droit fondamental doit être prévue par la loi emporte que l'ingérence doit trouver un fondement juridique suffisant en droit interne. Le terme « loi » s'entend dans son acception matérielle et ne concerne donc pas exclusivement des normes législatives au sens formel (CEDH, grande chambre, 10 novembre 2005, Leyla Sahin c. Turquie, § 88; 4 décembre 2008, Dogru c. France, § 52).

B.23.2. Comme il a été dit en B.13.2 et en B.13.4, la liberté d'enseignement active garantie par l'article 24, § 1er, de la Constitution revient également aux pouvoirs publics, tels que les communes et les provinces, qui agissent en tant que pouvoir organisateur pour les écoles qu'ils ont créées, et l'établissement du projet pédagogique d'une école relève en principe de la compétence du pouvoir organisateur de cette école.

B.23.3. En l'espèce, le législateur décrétal n'a pas prévu lui-même une interdiction, pour les élèves et les étudiants, de porter des signes religieux, politiques et philosophiques. Comme il est dit en B.18.2, la disposition en cause, dans l'interprétation soumise à la Cour, laisse à l'instance compétente pour établir le règlement intérieur d'un établissement d'enseignement le soin de décider, à la lumière du concept d'enseignement préconisé ou des circonstances concrètes, si une telle interdiction est, ou non, indiquée ou nécessaire. A cet égard, il a prévu que, lorsque l'instance compétente de l'établissement d'enseignement estime qu'une telle interdiction doit être mise en place, cette interdiction doit être inscrite dans le règlement intérieur de l'école. L'inscription dans le règlement intérieur emporte que l'interdiction est accessible et prévisible pour les élèves ou les étudiants de l'école et pour les personnes qui souhaitent s'y inscrire.

B.23.4. En ce qu'elle permet à l'instance compétente d'un établissement d'enseignement qui fait partie de l'enseignement officiel et qui relève du champ d'application du décret du 31 mars 1994 de restreindre, au moyen du règlement intérieur, la liberté de religion des élèves et des étudiants, la disposition en cause constitue un fondement juridique suffisant en ce qui concerne l'ingérence, en cause, dans la liberté de religion.

B.24.1. En ce qui concerne l'objectif poursuivi par l'ingérence dans la liberté de religion, la question préjudicielle fait état de l'objectif qui consiste à créer « un environnement éducatif totalement neutre ».

Comme il a été dit en B.17.3 et B.17.6, le Constituant n'a pas voulu concevoir la notion de « neutralité » comme une notion statique, et la neutralité peut entraîner, pour l'autorité compétente, l'obligation positive de prendre des mesures visant à garantir la « reconnaissance et [l']appréciation positives de la diversité des opinions et des attitudes » et à préserver « l'accent sur les valeurs communes ».

Comme il a été dit en B.18.3, le principe constitutionnel de la neutralité de l'enseignement officiel a une portée analogue à celle de la notion de neutralité contenue dans l'article 24, § 1er, alinéa 3, de la Constitution.

B.24.2. La notion de « neutralité » n'étant pas conçue de manière statique par la Constitution, il faut en déduire que différentes conceptions de la « neutralité » peuvent être compatibles avec ce prescrit. Il n'appartient pas à la Cour de privilégier une conception de la « neutralité » par rapport aux autres conceptions envisageables.

En l'espèce, l'autorité compétente pour adopter le règlement intérieur en cause devant la juridiction a quo veut créer « un environnement éducatif totalement neutre », interprété par cette autorité comme un environnement dans lequel les étudiants ne sont exposés à aucune tentative d'influencer leurs opinions ou convictions politiques, philosophiques et religieuses. L'interdiction, pour les étudiants, de porter des bijoux, insignes et vêtements, en ce compris les couvre-chefs, qui reflètent une opinion ou une appartenance politique, philosophique ou religieuse, est envisagée comme une mesure visant, selon le projet pédagogique basé sur une conception déterminée de la neutralité de l'enseignement officiel, à protéger l'ensemble des étudiants contre la pression sociale qui pourrait être exercée par celles et ceux, parmi eux, qui rendent leurs opinions et convictions visibles.

B.24.3. Il peut être admis que cette ingérence, autorisée par la disposition en cause, dans la liberté de religion poursuit les objectifs relatifs à la protection des droits et libertés d'autrui et à la protection de l'ordre public mentionnés à l'article 9, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, grande chambre, 10 novembre 2005, Leyla Sahin c. Turquie, § 99; décision, 24 janvier 2006, Köse e.a. c. Turquie; 4 décembre 2008, Dogru c. France, § 60; 4 décembre 2008, Kervanci c. France, § 60; décision, 30 juin 2009, Ghazal c. France; décision, 30 juin 2009, Gamaleddyn c. France; décision, 30 juin 2009, Aktas c. France; décision, 30 juin 2009, Bayrak c. France; décision, 30 juin 2009, Jasvir Singh c France; décision, 30 juin 2009, Ranjit Singh c. France).

B.25.1. Comme il a été dit en B.22.3, la liberté de conscience et de religion comprend, entre autres, la liberté d'exprimer sa religion ou sa conviction, soit seul, soit avec autrui, mais elle ne protège pas tout acte inspiré par une religion ou par une conviction. Elle ne garantit pas non plus en toutes circonstances le droit de se comporter selon les prescriptions religieuses ou selon sa conviction (CEDH, décision, 2 octobre 2001, Pichon et Sajous c. France; décision, 13 novembre 2008, Mann Singh c. France; 4 décembre 2008, Dogru c. France, § 61; décision, 30 juin 2009, Gamaleddyn c. France).

B.25.2. Bien que la démocratie ne puisse être réduite à la suprématie constante de l'opinion d'une majorité et bien qu'elle commande un équilibre qui assure aux individus minoritaires un traitement juste et qui évite tout abus d'une position dominante (CEDH, 13 août 1981, Young, James et Webster c. Royaume-Uni, § 63; grande chambre, 10 novembre 2005, Leyla Sahin c. Turquie, § 108), il peut se révéler nécessaire, dans une société démocratique où plusieurs religions et convictions coexistent, d'assortir de restrictions la liberté de manifester ses convictions en vue de concilier les intérêts de divers groupes et à assurer le respect des convictions de chacun (CEDH, grande chambre, 10 novembre 2005, Leyla Sahin c. Turquie, § 106; 12 avril 2007, Ivanova c. Bulgarie, § 79; décision, 30 juin 2009, Gamaleddyn c. France). Le pluralisme et la démocratie doivent s'appuyer sur le dialogue et sur un esprit de compromis, qui requièrent nécessairement de la part des individus des concessions diverses qui se justifient aux fins de la sauvegarde et de la promotion des idéaux et valeurs d'une société démocratique (CEDH, grande chambre, 10 novembre 2005, Leyla Sahin c. Turquie, § 108; 4 décembre 2008, Dogru c. France, § 62).

B.25.3. Lorsqu'elle prend des mesures visant à concilier les intérêts de groupes de personnes ayant des convictions différentes, l'autorité compétente doit se montrer neutre et impartiale vis-à-vis des diverses convictions et elle doit s'abstenir de se prononcer sur la légitimité de ces convictions et sur les modalités d'expression de celles-ci (CEDH, 26 septembre 1996, Manoussakis e.a. c. Grèce, § 47; grande chambre, 26 octobre 2000, Hassan et Tchaouch c. Bulgarie, § 78; 9 octobre 2007, Hasan et Eylem Zengin c. Turquie, § 54).

B.25.4. Interprétée comme permettant à l'instance compétente pour établir le règlement intérieur d'un établissement d'enseignement de prévoir, dans ce règlement, une interdiction, pour les élèves ou les étudiants, de porter des signes religieux, politiques et philosophiques, la disposition en cause ne fait pas de distinction fondée sur la nature des convictions religieuses, politiques ou philosophiques des élèves ou des étudiants. Cette disposition ne fait pas non plus naître une différence de traitement basée sur la distinction entre les convictions de la majorité et celles d'une minorité. L'interdiction que la disposition en cause permet d'instaurer ne saurait être qualifiée de mesure par laquelle l'autorité publique se montre partiale vis-à-vis des différentes convictions présentes dans la société, quand bien même une telle interdiction pourrait être perçue par certaines personnes qui adhèrent à certaines de ces convictions comme une restriction plus grave que par d'autres élèves ou étudiants.

B.25.5. Sous le contrôle de la Cour, il relève de la marge d'appréciation du législateur compétent de déterminer les restrictions à la liberté de religion qui peuvent être réputées nécessaires dans la société démocratique dans laquelle il exerce ses compétences.

B.25.6. La disposition en cause fait partie du cadre normatif par lequel le législateur décrétal de la Communauté française a voulu concrétiser le principe constitutionnel de la neutralité de l'enseignement officiel.

Comme il a été dit en B.17.6 et B.18.3, ce principe entraîne, pour l'autorité compétente, non seulement une obligation d'abstention - dans le sens d'une interdiction de discriminer, de favoriser ou d'imposer des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses -, mais aussi, dans certaines circonstances, une obligation positive d'organiser l'enseignement officiel de telle manière que « la reconnaissance et [l']appréciation positives de la diversité des opinions et des attitudes » et « l'accent sur les valeurs communes » ne soient pas compromis. Cette obligation positive peut se traduire par une interdiction, pour les élèves, mais aussi pour les étudiants majeurs, de porter des signes religieux, politiques et philosophiques, dictée par l'objectif qui consiste à assurer un bon déroulement du projet d'enseignement fondé sur la neutralité, auquel des élèves ou des étudiants ayant des convictions différentes participent de manière active et interactive, ainsi que par l'objectif qui consiste à protéger les élèves ou les étudiants qui ne souhaitent pas rendre leurs convictions visibles contre la pression sociale qui pourrait être exercée sur eux par les personnes qui souhaitent rendre leurs convictions visibles.

B.25.7. Dès lors que l'application concrète du principe constitutionnel de la neutralité de l'enseignement officiel constitue une matière étroitement liée à l'établissement du projet pédagogique d'une école, le législateur décrétal de la Communauté française a pu considérer que l'instance compétente pour un établissement d'enseignement est la mieux placée pour apprécier, à la lumière du projet d'enseignement préconisé ou des circonstances concrètes, si l'interdiction précitée doit être inscrite ou non dans le règlement intérieur de l'école concernée.

B.25.8. En ce qu'elle permet à l'instance compétente d'un établissement d'enseignement qui appartient à l'enseignement officiel et qui relève de l'application du décret du 31 mars 1994 de prévoir, au moyen du règlement intérieur, l'interdiction mentionnée dans la question préjudicielle, la disposition en cause répond à un besoin social impérieux, à savoir la mise en oeuvre d'un projet pédagogique trouvant son fondement dans une conception déterminée de la neutralité de l'enseignement officiel qui n'est pas incompatible avec la notion constitutionnelle de neutralité.

B.25.9. Comme il a été dit en B.13.3, la communauté doit organiser un enseignement neutre et subventionner des établissements d'enseignement dont la spécificité réside dans une conception religieuse, philosophique ou pédagogique déterminée. Le Constituant a ainsi voulu réaliser une offre d'enseignement variée, qui donne aux parents, aux élèves et aux étudiants la possibilité de choisir l'enseignement qui correspond le mieux à leurs conceptions philosophiques. Ainsi, la circonstance que la disposition en cause permet à l'instance compétente d'un établissement d'enseignement qui appartient à l'enseignement officiel et qui relève de l'application du décret du 31 mars 1994 de prévoir, au moyen du règlement intérieur, à la lumière du projet pédagogique préconisé ou des circonstances concrètes, une interdiction, pour les élèves ou les étudiants, de porter des signes religieux, politiques ou philosophiques, qui est exclusivement applicable dans le cadre de l'enseignement, ne crée pas des effets disproportionnés, eu égard notamment aux objectifs poursuivis par une telle interdiction en ce qui concerne la protection des droits et libertés d'autrui et le maintien de l'ordre dans l'établissement d'enseignement. Cette disposition n'oblige d'ailleurs pas les instances compétentes des établissements d'enseignement concernés à prévoir une telle interdiction.

B.26. Il résulte de ce qui précède que la disposition en cause n'est pas incompatible avec la liberté de religion, telle qu'elle est garantie par l'article 19 de la Constitution et par l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.27.1. Il résulte du constat que la disposition en cause n'est pas incompatible avec la liberté de religion et des considérations qui sous-tendent ce constat que cette disposition n'est pas non plus incompatible avec l'article 24, § 3, première phrase, de la Constitution, en ce que cette disposition constitutionnelle garantit le droit à l'enseignement dans le respect de la liberté de religion.

B.27.2. Le contrôle de la disposition en cause au regard de l'article 24 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, ne conduit pas à une autre conclusion.

Il ressort en effet de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que le droit d'accès aux établissements d'enseignement existants, garanti par l'article 2 précité, n'est pas absolu et qu'une interdiction, pour les élèves ou les étudiants, de porter, dans un établissement d'enseignement, des signes religieux, politiques ou philosophiques peut être considérée comme une restriction légitime du droit d'accès à l'enseignement, pour les mêmes motifs que ceux qui peuvent justifier l'ingérence dans la liberté de religion causée par une telle interdiction (CEDH, grande chambre, 10 novembre 2005, Leyla Sahin c. Turquie, § § 154 et 157-162; décision, 24 janvier 2006, Köse e.a. c. Turquie; 4 décembre 2008, Dogru c.

France, § 84; décision, 30 juin 2009, Ghazal c. France). Pour les mêmes raisons, une telle interdiction ne porte pas non plus atteinte à la seconde phrase de l'article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, qui, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, grande chambre, 29 juin 2007, Folgero e.a. c. Norvège, § 84; 9 octobre 2007, Hasan et Eylem Zengin c. Turquie, § 52), implique en substance que l'Etat, dans l'exercice de ses fonctions en matière d'éducation et d'enseignement, doit veiller à ce que les informations ou connaissances figurant au programme soient diffusées de manière objective, critique et pluraliste, et qui interdit à l'Etat de poursuivre un but d'endoctrinement qui puisse être considéré comme ne respectant pas les convictions religieuses et philosophiques des parents (CEDH, décision, 24 janvier 2006, Köse e.a. c. Turquie).

B.28. En ce que la question préjudicielle invite la Cour à contrôler la disposition en cause au regard de l'égalité des parents, des élèves et des étudiants garantie par l'article 24, § 4, de la Constitution, il suffit de constater, d'une part, que, lorsque l'instance compétente d'un établissement d'enseignement qui appartient à l'enseignement officiel et qui relève du champ d'application du décret du 31 mars 1994 prévoit, au moyen du règlement intérieur, l'interdiction mentionnée dans la question préjudicielle, une telle interdiction, comme il a été dit en B.25.4, ne fait pas naître une différence de traitement fondée sur la nature des convictions religieuses, politiques ou philosophiques des parents, des élèves et des étudiants et, d'autre part, que la différence de traitement qui serait ainsi créée entre les parents, les élèves et les étudiants d'un établissement qui fait partie de l'enseignement officiel et qui applique l'interdiction précitée et les parents, les élèves et les étudiants d'autres établissements qui font partie de cet enseignement mais n'appliquent pas cette interdiction est raisonnablement justifiée, pour les motifs mentionnés en B.24.1 à B.25.9. Du reste, la seconde phrase de l'article 24, § 4, de la Constitution dispose que la loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur.

En ce qui concerne l'article 23 de la Constitution B.29. L'article 23 de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.

A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.

Ces droits comprennent notamment : 1° le droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle dans le cadre d'une politique générale de l'emploi, visant entre autres à assurer un niveau d'emploi aussi stable et élevé que possible, le droit à des conditions de travail et à une rémunération équitables, ainsi que le droit d'information, de consultation et de négociation collective;2° le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l'aide sociale, médicale et juridique;3° le droit à un logement décent;4° le droit à la protection d'un environnement sain;5° le droit à l'épanouissement culturel et social.6° le droit aux prestations familiales ». B.30.1. L'article 23 de la Constitution dispose que chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. A cette fin, les différents législateurs garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels et ils déterminent les conditions de leur exercice. L'article 23 de la Constitution ne précise pas ce qu'impliquent ces droits dont seul le principe est exprimé, chaque législateur étant chargé de les garantir, conformément à l'alinéa 2 de cet article, en tenant compte des obligations correspondantes.

B.30.2. Le législateur compétent peut imposer des limites à ces droits. Ces restrictions ne seraient inconstitutionnelles que si le législateur les introduisait sans nécessité ou si ces restrictions avaient des effets disproportionnés au but poursuivi.

B.30.3. L'article 23 de la Constitution contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement le degré de protection offert par la législation applicable, sans qu'existent pour ce faire des motifs d'intérêt général.

B.31. Sans qu'il soit nécessaire, en l'espèce, d'apprécier, d'une part, si la disposition en cause touche ou non au droit de mener une vie conforme à la dignité humaine, garanti par l'article 23 de la Constitution, et au droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle garanti par cet article et, d'autre part, si cette disposition réduit significativement ou non le degré de protection offert par la législation applicable, il suffit de constater qu'en ce que la disposition en cause limiterait les droits précités et réduirait significativement le degré de protection, cette limitation et cette réduction sont raisonnablement justifiées, pour des motifs d'intérêt général qui sont mentionnés en B.24.1 à B.25.9.

B.32. La question préjudicielle appelle une réponse [affirmative]*.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 3 du décret de la Communauté française du 31 mars 1994 « définissant la neutralité de l'enseignement de la Communauté » ne viole pas les articles 19, 23 et 24 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 2 du Premier Protocole additionnel à cette Convention.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 4 juin 2020.

Le greffier, Le président, F. Meersschaut F. Daoût * [Ordonnance en rectification du 2 juillet 2020]

^