Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 17 juin 2020

Extrait de l'arrêt n° 54/2020 du 23 avril 2020 Numéro du rôle : 7239 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 28, 39, 40, 1051 et 1056 du Code judiciaire, posée par la Cour d'appel d'Anvers. La Cour constitutionnelle, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procéd(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2020202421
pub.
17/06/2020
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

Extrait de l'arrêt n° 54/2020 du 23 avril 2020 Numéro du rôle : 7239 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 28, 39, 40, 1051 et 1056 du Code judiciaire, posée par la Cour d'appel d'Anvers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet et J. Moerman, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 15 juillet 2019, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 25 juillet 2019, la Cour d'appel d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 28, 39, 40, 1051 et 1056 du Code judiciaire violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 14, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'un jugement qui a été signifié à l'appelant à la demande d'une partie qui a son domicile ou sa résidence à l'étranger et qui a fait élection de domicile en Belgique acquiert force de chose jugée à l'égard de l'appelant même si celui-ci a interjeté appel dans le délai d'appel par exploit d'huissier de justice, mais en méconnaissance de cette élection de domicile, alors qu'un jugement qui a été signifié à l'appelant à la demande d'une partie qui a son domicile ou sa résidence à l'étranger et qui a fait élection de domicile en Belgique n'acquiert pas force de chose jugée à l'égard de l'appelant lorsque celui-ci interjette appel dans le délai d'appel par requête, mais en méconnaissance de cette élection de domicile ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la recevabilité de la question préjudicielle B.1. Le Conseil des ministres soutient à titre principal que la question préjudicielle est irrecevable, dès lors que la juridiction a quo ne motiverait pas en quoi les dispositions en cause violeraient les normes de contrôle invoquées, ni en quoi cette question se distingue de la question à laquelle la Cour a répondu par son arrêt n° 119/2017 du 12 octobre 2017.

B.2.1. Lorsque ni la question préjudicielle ni les motifs de la décision de renvoi ne permettent de déduire en quoi les dispositions en cause violeraient les normes de référence invoquées, la question préjudicielle ne contient pas les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer.

B.2.2. Il ressort à suffisance du libellé de la question préjudicielle et des motifs de la décision de renvoi que la Cour est interrogée sur la différence de traitement que les dispositions en cause créeraient entre les parties à l'appel, quant à l'acquisition de force jugée du jugement de première instance en cas de non-respect, dans l'acte d'appel, de l'élection de domicile en Belgique faite par la partie intimée établie à l'étranger, selon que l'appel est formé par acte d'huissier ou par requête.

Il ressort des mémoires du Conseil des ministres qu'il a bien compris la question et qu'il a donc pu mener une défense utile.

L'exception est rejetée.

B.2.3. Dans la mesure où le Conseil des ministres soutient en outre qu'il n'apparaît pas en quoi la question préjudicielle présentement examinée diffère de la question à laquelle la Cour a répondu par son arrêt n° 119/2017, l'examen de cette exception se confond avec celui du fond de l'affaire.

Quant aux dispositions en cause et à leur contexte B.3. La question préjudicielle concerne les articles 28, 39, 40, 1051 et 1056 du Code judiciaire, qui, tels qu'ils étaient applicables dans l'instance devant la juridiction a quo, disposent : «

Art. 28.Toute décision passe en force de chose jugée dès qu'elle n'est plus susceptible d'opposition ou d'appel, sauf les exceptions prévues par la loi et sans préjudice des effets des recours extraordinaires »; «

Art. 39.Lorsque le destinataire a élu domicile chez un mandataire, la signification et la notification peuvent être faites à ce domicile. [...] »; «

Art. 40.A ceux qui n'ont en Belgique ni domicile, ni résidence, ni domicile élu connus, la copie de l'acte est adressée par l'huissier de justice sous pli recommandé à la poste, à leur domicile ou à leur résidence à l'étranger et en outre par avion si le point de destination n'est pas dans un Etat limitrophe, sans préjudice des autres modes de transmission convenus entre la Belgique et le pays de leur domicile ou de leur résidence. La signification est réputée accomplie par la remise de l'acte aux services de la poste contre le récépissé de l'envoi dans les formes prévues au présent article.

A ceux qui n'ont en Belgique ni à l'étranger de domicile, de résidence ou de domicile élu connus, la signification est faite au procureur du Roi dans le ressort duquel siège le juge qui doit connaître ou a connu de la demande; si aucune demande n'est ou n'a été portée devant le juge, la signification est faite au procureur du Roi dans le ressort duquel le requérant a son domicile ou, s'il n'a pas de domicile en Belgique, au procureur du Roi à Bruxelles. [...] Les significations peuvent toujours être faites à la personne si celle-ci est trouvée en Belgique.

La signification à l'étranger ou au procureur du Roi est non avenue si la partie à la requête de laquelle elle a été accomplie connaissait le domicile ou la résidence ou le domicile élu en Belgique ou, le cas échéant, à l'étranger du signifié ». «

Art. 1051.Sous réserve des délais prévus dans des dispositions impératives supranationales et internationales, le délai pour interjeter appel est d'un mois à partir de la signification du jugement ou de la notification de celui-ci faite conformément à l'article 792, alinéas 2 et 3.

Ce délai court également du jour de cette signification, à l'égard de la partie qui a fait signifier le jugement.

Toutefois, lorsque l'appel n'est dirigé que contre certaines parties, celles-ci disposent d'un nouveau délai de même durée pour interjeter appel contre les autres parties. Ce nouveau délai court du jour de la signification ou, selon le cas, de la notification du premier acte d'appel.

Lorsqu'une des parties à qui le jugement est signifié ou à la requête de laquelle il a été signifié n'a en Belgique ni domicile, ni résidence, ni domicile élu, le délai d'appel est augmenté conformément à l'article 55.

Il en va de même lorsqu'une des parties à qui le jugement est notifié conformément à l'article 792, alinéas 2 et 3, n'a en Belgique, ni domicile, ni résidence, ni domicile élu ». «

Art. 1056.L'appel est formé : 1° par acte d'huissier de justice signifié à partie.2° par requête déposée au greffe de la juridiction d'appel en autant d'exemplaires qu'il y a de parties en cause, et notifiée par le greffier, sous pli judiciaire, à la partie intimée et, le cas échéant, à son avocat au plus tard le premier jour ouvrable qui suit le dépôt;3° par lettre recommandée à la poste envoyée au greffe, lorsque la loi a formellement prévu ce mode de recours, ainsi que dans les matières prévues aux articles 579, 6°, 580, 2°, 3°, 6°, 7°, 8°, 9°, 10° et 11°, 581, 2°, 582, 1° et 2°, et 583;4° par conclusions à l'égard de toute partie présente ou représentée à la cause ». B.4.1. En vertu de l'article 39, alinéa 1er, du Code judiciaire, lorsque le destinataire a élu domicile chez un mandataire, la signification et la notification peuvent être faites à ce domicile.

Cette disposition n'impose pas la signification ou la notification au domicile élu en Belgique lorsque le destinataire est domicilié en Belgique ou, pour une personne morale, lorsqu'elle y a son siège social (Cass., 12 janvier 2012, Pas., 2012, I, n° 30. Dans le même sens : Cass., 26 février 2010, Pas., 2010, n° 136; 10 mai 2012, Pas., 2012, n° 294).

B.4.2. Si une personne à qui un huissier de justice adresse une signification n'a en Belgique ni domicile, ni résidence, ni domicile élu connus, l'huissier signifie l'acte à cette personne à son domicile ou à sa résidence à l'étranger (article 40, alinéa 1er, du Code judiciaire).

Lorsqu'une personne n'a en Belgique ou à l'étranger ni domicile, ni résidence, ni domicile élu connus, la signification est faite au procureur du Roi dans le ressort duquel siège le juge qui doit connaître ou a connu de la demande (article 40, alinéa 2, du Code judiciaire).

B.4.3. En vertu de l'article 40, alinéa 4, du Code judiciaire, tel qu'il était applicable dans l'instance devant la juridiction a quo, la signification faite à l'étranger ou au procureur du Roi est « non avenue » si la partie à la requête de laquelle elle a été accomplie connaissait le domicile ou la résidence ou le domicile élu en Belgique ou, le cas échéant, à l'étranger du signifié (Cass., 18 septembre 1980, Pas., 1981, I, p. 71; 15 novembre 1991, Pas., 1992, I, n° 144; 9 janvier 1997, Pas., 1997, I, n° 22). Il en résulte que la signification au domicile élu en Belgique est obligatoire lorsque la partie signifiée est établie à l'étranger, si la partie adverse connaissait le domicile élu.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l'élection de domicile qui est faite dans l'exploit de signification d'une décision judiciaire vaut pour tous les actes de procédure qui se rattachent à cette décision et, notamment, pour les voies de recours qui peuvent être exercées contre elle (Cass., 18 septembre 1980, Pas., 1981, I, p. 71; 16 octobre 1980, Pas., 1981, I, p. 207; 29 mai 2009, Pas., 2009, n° 359). B.5.1. En vertu de l'article 28 du Code judiciaire, en principe, « [toute] décision passe en force de chose jugée dès qu'elle n'est plus susceptible d'opposition ou d'appel », ce qui est notamment le cas lorsque ces voies de recours n'ont pas été exercées de manière recevable dans le délai applicable pour ce faire.

Le délai d'appel est d'un mois à partir de la signification ou de la notification du jugement entrepris (article 1051, alinéa 1er, du Code judiciaire).

B.5.2. L'appel est formé par acte d'huissier de justice signifié à partie (article 1056, 1°, du Code judiciaire) ou par requête déposée au greffe ou envoyée au greffe par la poste (article 1056, 2°). Il peut aussi être formé par lettre recommandée à la poste, lorsque la loi a formellement prévu ce mode de recours ainsi que dans les cas énumérés à l'article 1056, 3°, ou par conclusions à l'égard de toute partie présente ou représentée à la cause (article 1056, 4°).

Lorsque l'appel est formé par requête, la date de l'appel est celle à laquelle la requête a été déposée au greffe (Cass., 27 novembre 1997, Pas., 1997, II, n° 512) ou, en cas d'envoi de la requête par pli recommandé, la date de la réception de ce pli au greffe (Cass., 10 janvier 2008, Pas., 2008, n° 19). En cas de défaut de l'intimé, le juge peut surseoir à statuer et ordonner la signification de l'acte d'appel par huissier (article 1058 du Code judiciaire). Une telle signification ne doit pas intervenir dans le délai d'appel (Cass., 13 novembre 2000, Pas., 2000, II, n° 617).

Quant à la question préjudicielle B.6. La juridiction a quo demande à la Cour si les articles 28, 39, 40, 1051 et 1056 du Code judiciaire sont compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 14, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'ils créent une différence de traitement entre les parties à l'appel, quant à l'acquisition de force jugée du jugement de première instance en cas de non-respect, dans l'acte d'appel, du domicile élu en Belgique par la partie intimée établie à l'étranger, selon que l'appel est formé par acte d'huissier ou par requête.

B.7. Par son arrêt n° 119/2017 du 12 octobre 2017, la Cour a répondu à une question préjudicielle que le juge a quo a posée au cours de la même instance au sujet des articles 39, 40 et 1056, précités, du Code judiciaire. La Cour était alors invitée à se prononcer sur la différence de traitement entre les parties à l'appel, quant à la recevabilité de l'acte d'appel en cas de non-respect, dans cet acte, du domicile élu en Belgique par la partie intimée établie à l'étranger, selon que l'appel est formé par acte d'huissier ou par requête.

Par cet arrêt, la Cour a jugé : « B.9. Les parties à une procédure d'appel introduite par citation peuvent être comparées aux parties à une procédure d'appel introduite par voie de requête, en particulier en ce qui concerne l'existence ou non d'une sanction de l'acte d'appel communiqué de manière irrégulière à la partie intimée établie à l'étranger en méconnaissance du domicile élu par celle-ci en Belgique, alors que cette élection de domicile avait pourtant été portée à la connaissance de la partie appelante lors de la signification du jugement dont appel.

B.10. La différence de traitement entre les deux catégories de justiciables visées par la question préjudicielle repose sur un critère objectif : le mode d'introduction de l'appel, par citation ou par requête.

B.11. La Cour doit encore examiner si la différence de traitement est raisonnablement justifiée au regard de l'objectif poursuivi par le législateur.

B.12. Il ressort tant du texte que des travaux préparatoires des articles 860 et suivants du Code judiciaire que le législateur entend réduire au minimum les cas de nullité des actes de procédure.

B.13. Dans le projet de loi initial instituant le Code judiciaire, la sanction prévue à l'article 40, alinéa 4, de ce Code n'existait pas (Doc. parl., Sénat, 1963-1964, n° 60, p. 456 (rapport Van Reepinghen)). Elle a été introduite lors de l'examen du projet de loi en commission, sur la base de la justification suivante : ' Article 40 (significations aux personnes résidant à l'étranger) Cet article est modifié par les Commissions quant à deux points : 1° en premier lieu, les Commissions ont exprimé le voeu que la signification, lorsqu'elle se fait par la poste aérienne, soit faite en outre par voie ordinaire, sous pli recommandé. [...] 2° d'autre part, les Commissions ont voulu éviter l'inconvénient résultant du fait que les plaideurs, sous prétexte d'ignorer le domicile de la partie adverse à l'étranger, abusent de la signification au procureur du Roi.A cette fin, une sanction éventuelle est prévue : la signification est nulle s'il est prouvé que la partie demanderesse avait connaissance de ce domicile ' (Doc. parl., Sénat, 1964-1965, n° 170, pp. 32-33).

B.14.1. La possibilité d'interjeter appel par voie de requête comme le prévoit l'article 1056, 2°, du Code judiciaire a été insérée dans ce Code en 1967 en vue de simplifier la procédure par rapport à celle de l'exploit d'huissier, qui était antérieurement obligatoire (Doc. parl., Chambre, 1965-1966, n° 59/49, p. 157).

En pratique, l'introduction de l'appel par voie de requête est aujourd'hui généralisée.

B.14.2. S'agissant des formes de l'appel, les travaux préparatoires du Code judiciaire énoncent : ' [...] l'appel constitue la poursuite d'un litige en cours, entre parties déjà en cause, dont les rapports de fait et de droit ont déjà été établis généralement tant par les conclusions qu'elles ont prises en première instance que par la décision qui a été rendue. Il est donc permis de prévoir des formes plus simples et plus souples pour l'introduction de l'appel, pour la comparution des parties et même pour l'instruction de l'affaire. De plus l'unité qui lie les deux instances permet de donner plus de force à l'effet dévolutif de l'appel et au pouvoir d'évocation qui en découle.

On peut espérer que grâce à cet assouplissement de la procédure d'appel, il sera possible de mieux réaliser les avantages que présente le double degré de juridiction, tout en limitant la perte de temps qui en résulte inévitablement et en écartant les appels dilatoires justement critiqués. [...] L'article 1056 règle les formes de l'appel.

Sous l'empire du Code de procédure civile, la formation de l'appel principal par acte d'huissier constitue la règle. Celle-ci est maintenue dans le projet. Elle ne doit être obligatoirement suivie que lorsqu'il s'agit d'un appel dirigé contre un jugement par défaut. Il faut, en ce cas, prendre des précautions pour que l'intimé soit dûment averti de l'appel. Ce cas excepté, l'appel peut aussi être formé par requête déposée au greffe de la juridiction d'appel, et notifiée à l'intimé par le greffier, au plus tard le premier jour ouvrable qui suit le dépôt. Cette procédure simplifiée se justifie en appel par cela que les parties sont déjà à la cause, que leur identité, leur domicile et le plus généralement leurs avocats sont connus, en sorte que les risques d'erreur, au moment de la notification par pli judiciaire, sont fort réduits. S'il y a lieu de craindre que l'intimé n'ait pas été atteint par la notification, le juge d'appel peut, à tout moment d'ailleurs, ordonner que l'appel soit signifié par acte d'huissier ' (Doc. parl., Sénat, 1963-1964, n° 60, pp. 247, 249 et 250 (rapport Van Reepinghen)).

B.14.3. Jusqu'en 1999, l'introduction de l'appel par acte d'huissier était toutefois obligatoire lorsque l'appel était dirigé contre un jugement par défaut, en vertu de l'article 1056, 1°, deuxième alinéa, du Code judiciaire qui disposait : ' L'appel est formé : 1° par acte d'huissier signifié à partie.

Cette forme est obligatoire lorsque la décision entreprise a été rendue par défaut contre la partie intimée '.

La loi du 22 mars 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/03/1999 pub. 05/10/1999 numac 1999009976 source ministere de la justice Loi abrogeant l'article 1056, 1°, deuxième alinéa, du Code judiciaire fermer ' abrogeant l'article 1056, 1°, deuxième alinéa, du Code judiciaire ' a étendu la possibilité de former appel par requête aux appels formés contre des jugements rendus par défaut.

Désormais, l'appel peut être formé indifféremment par requête ou par citation, en ce compris contre un jugement rendu par défaut.

Selon les travaux préparatoires, cette mesure est justifiée comme suit : ' La signification par exploit d'huissier de l'acte d'appel n'offre pas, en cas de décision rendue par défaut de la partie concernée, davantage de garanties que si cette démarche était accomplie par voie de requête, du fait que l'intimé est avisé par pli judiciaire de l'acte d'appel. En cas de non-distribution, ce pli reste en dépôt au bureau de poste et, s'il n'est pas retiré, le pli judiciaire est réputé avoir été signifié valablement si l'adresse était correcte. La situation est pratiquement la même en cas de signification de l'exploit d'huissier, sauf que cet exploit peut être retiré en l'étude de l'huissier. Par conséquent, cette forme coûteuse de signification est superflue et constitue un obstacle, qui doit être éliminé, à l'accès à la justice. L'introduction de l'acte d'appel par requête peut parfaitement être étendue aux affaires dans lesquelles une partie a fait défaut ' (Doc. parl., Sénat, 1997-1998, n° 1-1063/1, pp. 3-4).

B.15. Il découle de ce qui précède que la sanction de nullité spécifique prévue à l'article 40, alinéa 4, du Code judiciaire a été justifiée par la volonté d'éviter un recours abusif aux significations à l'étranger et au procureur du Roi (Cass., 10 décembre 1971, Pas., 1972, I, p. 356).

La possibilité d'interjeter appel par voie de requête a été justifiée par la volonté de prévoir un mode d'introduction de l'appel plus souple et moins coûteux que la citation, par la circonstance que la continuité entre les deux instances réduit les risques d'erreur au moment de la notification de la requête d'appel et par le fait que la signification par exploit d'huissier n'offre pas plus de garanties que la requête lors de l'introduction de l'appel, y compris en cas d'appel formé contre un jugement rendu par défaut.

B.16. La limitation de la sanction de nullité spécifique prévue à l'article 40, alinéa 4, du Code judiciaire à l'acte d'appel qui est introduit par voie de citation est pertinente par rapport aux objectifs poursuivis par le législateur précités en B.15.

B.17. Le droit d'accès au juge, qui constitue un aspect du droit à un procès équitable, peut être soumis à des conditions de recevabilité, notamment en ce qui concerne l'introduction d'une voie de recours. Ces conditions ne peuvent cependant aboutir à restreindre le droit de manière telle que celui-ci s'en trouve atteint dans sa substance même.

Tel serait le cas si les restrictions imposées ne tendaient pas vers un but légitime et s'il n'existait pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (CEDH, 24 février 2009, L'Erablière ASBL c. Belgique, § 35; 29 mars 2011, RTBF c. Belgique, § 69;18 octobre 2016, Miessen c. Belgique, § 63).

Plus particulièrement, les règles relatives aux formalités et délais fixés pour former un recours visent à assurer une bonne administration de la justice et à écarter les risques d'insécurité juridique.

Toutefois, ces règles ne peuvent empêcher les justiciables de se prévaloir des voies de recours disponibles.

B.18.1. La partie intimée à laquelle la requête d'appel a été notifiée à son domicile réel à l'étranger ou, comme dans le litige soumis au juge a quo, à son siège social à l'étranger, a en principe pu prendre connaissance de la requête d'appel, de manière telle que le but poursuivi par le législateur a été atteint.

B.18.2. En outre, sauf lorsque l'appel est dirigé contre un jugement par défaut, les parties à l'instance d'appel sont en principe déjà à la cause, leur identité, leur domicile et leurs avocats sont le plus souvent connus, en sorte que les risques d'erreur, au moment de la notification par pli judiciaire, sont fort réduits (Doc. parl., Sénat, 1963-1964, n° 60, pp. 247 et 250 (rapport Van Reepinghen)).

En cas de doute, le juge peut surseoir à statuer et ordonner la signification par huissier de l'acte d'appel initialement formé par requête, en application de l'article 1058 du Code judiciaire. Cet acte de régularisation assure le respect des droits de la défense de la partie intimée en permettant que l'acte d'appel lui soit adressé une seconde fois par voie de citation.

B.18.3. Enfin, en cas d'appel formé par citation, la sanction de nullité spécifique prévue à l'article 40, alinéa 4, du Code judiciaire est vouée à s'appliquer uniquement dans des cas exceptionnels compte tenu des articles 860 et suivants du Code judiciaire et de la volonté du législateur de réduire au minimum les nullités pour violation de formes.

B.18.4. La mesure en cause n'entraîne pas de conséquences disproportionnées pour les parties à l'instance d'appel.

B.19. Il résulte de ce qui précède que la différence de traitement à propos de laquelle la Cour est interrogée est raisonnablement justifiée.

B.20. La question préjudicielle appelle une réponse négative ».

B.8.1. Alors que la question préjudicielle à laquelle la Cour a répondu dans cet arrêt portait sur les conséquences du non-respect, dans l'acte d'appel, du domicile élu en Belgique par la partie intimée établie à l'étranger, quant à la recevabilité de l'acte d'appel, la question préjudicielle présentement examinée concerne les conséquences de ce même non-respect, quant à l'acquisition de force jugée du jugement de première instance.

L'acquisition de force jugée du jugement de première instance est directement liée à la recevabilité de l'acte d'appel. Conformément à l'article 28, en cause, du Code judiciaire, un jugement acquiert force de chose jugée lorsqu'il n'est plus susceptible d'opposition ou d'appel. C'est le cas lorsque cette voie de recours n'a pas été exercée de manière recevable dans le délai applicable pour ce faire.

B.8.2. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés dans l'arrêt n° 119/2017 précité, la question préjudicielle posée dans la présente affaire appelle une réponse négative. Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 28, 39, 40, 1051 et 1056 du Code judiciaire ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l'article 14, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 23 avril 2020.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, A. Alen

^