publié le 17 avril 2020
Extrait de l'arrêt n° 16/2020 du 6 février 2020 Numéros du rôle : 7118 et 7120 En cause : les recours en annulation totale ou partielle de la loi du 22 juillet 2018 « modifiant le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne les promesses La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 16/2020 du 6 février 2020 Numéros du rôle : 7118 et 7120 En cause : les recours en annulation totale ou partielle de la
loi du 22 juillet 2018Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
22/07/2018
pub.
07/08/2018
numac
2018013225
source
service public federal justice
Loi modifiant le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne les promesses relatives à l'action publique, à l'exécution de la peine ou à la détention consenties à la suite d'une déclaration dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme
fermer « modifiant le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne les promesses relatives à l'action publique, à l'exécution de la peine ou à la détention consenties à la suite d'une déclaration dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme », introduits par N.T. et par T.S. La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 7 février 2019 et parvenue au greffe le 8 février 2019, N.T., assisté et représenté par Me F. Scheerlinck, avocat au barreau de Gand, a introduit un recours en annulation de la
loi du 22 juillet 2018Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
22/07/2018
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07/08/2018
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2018013225
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service public federal justice
Loi modifiant le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne les promesses relatives à l'action publique, à l'exécution de la peine ou à la détention consenties à la suite d'une déclaration dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme
fermer « modifiant le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne les promesses relatives à l'action publique, à l'exécution de la peine ou à la détention consenties à la suite d'une déclaration dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme » (publiée au Moniteur belge du 7 août 2018). b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 7 février 2019 et parvenue au greffe le 11 février 2019, T.S., assisté et représenté par Me J. Van Cauter, avocat au barreau de Gand, a introduit un recours en annulation des articles 6 et 12 de la même loi.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7118 et 7120 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) B.1.1. Les recours en annulation portent sur le régime dit des repentis, tel qu'il est prévu par la loi attaquée du 22 juillet 2018 « modifiant le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne les promesses relatives à l'action publique, à l'exécution de la peine ou à la détention consenties à la suite d'une déclaration dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme » (ci-après : la loi du 22 juillet 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/07/2018 pub. 07/08/2018 numac 2018013225 source service public federal justice Loi modifiant le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne les promesses relatives à l'action publique, à l'exécution de la peine ou à la détention consenties à la suite d'une déclaration dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme fermer).
Le régime a fait l'objet du nouveau chapitre IIter du titre Ier, livre II, du Code d'instruction criminelle, intitulé « Des promesses relatives à l'action publique, à l'exécution de la peine ou à la détention consenties à la suite d'une déclaration ».
B.1.2. Selon les travaux préparatoires, un repenti est « un inculpé, un prévenu, un accusé ou un condamné pour une quelconque infraction qui fait des déclarations substantielles, révélatrices, sincères et complètes sur les formes de criminalité les plus déstabilisantes pour la société » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3016/001, p. 3).
Ce régime permet, dans certaines circonstances, au procureur du Roi de faire une promesse au repenti, en échange de révélations. Cette promesse peut conduire à la non-imposition de la peine, à une réduction de peine ou à l'application d'une peine alternative (ibid., p. 34). Il s'agit d'« une nouvelle cause d'excuse atténuante ou absolutoire légale consistant en la collaboration avec la justice dans la poursuite de la criminalité lourde et organisée par un témoignage à charge » (ibid.).
Les révélations du repenti ne peuvent être utilisées comme preuve que si elles sont corroborées dans une mesure déterminante par d'autres éléments de preuve. Une déclaration non confirmée d'un repenti ne suffit donc pas à prouver une infraction (ibid., p. 30).
B.1.3. Le mot « repenti » n'apparaît pas dans le régime attaqué qui fait chaque fois référence à « la personne visée à l'article 216/1 ».
L'article 216/1 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il est inséré par l'article 4 de la loi attaquée, dispose : « Si les nécessités de l'enquête l'exigent et si les autres moyens d'investigation ne semblent pas suffire à la manifestation de la vérité, le procureur du Roi peut faire une promesse dans le cadre de l'exercice de l'action publique, de l'exécution de la peine ou de la détention à toute personne qui fait des déclarations substantielles, révélatrices, sincères et complètes concernant la participation de tiers et, le cas échéant, sa propre participation, au sujet d'infractions commises ou ayant fait l'objet d'une tentative, visées à l'article 90ter, §§ 2 à 4, et énoncées dans un mémorandum.
La faculté visée au présent chapitre appartient aussi, pour les mêmes infractions, à l'auditeur du travail, au procureur fédéral et au procureur général en degré d'appel et, pour les personnes visées aux articles 479 et 483 au procureur général près la cour d'appel ».
B.1.4. Par ailleurs, la loi attaquée prévoit une réglementation plus spécifique relative au mémorandum en question (article 6), à la révocation de la promesse (article 8), à la déclaration du repenti (article 10), à la promesse consentie par le ministère public dans le cadre, respectivement, de l'action publique (article 12), de l'exécution de la peine (article 14) et de la détention préventive (article 16), ainsi que les modalités du contrôle parlementaire sur l'application de la loi attaquée (article 18).
B.2.1. Bien que le recours dans l'affaire n° 7118 soit dirigé contre tous les articles de la loi attaquée, les griefs soulevés ne portent en réalité que sur les articles 4, 6, 8 et 12.
Le recours dans l'affaire n° 7120 est dirigé contre les articles 6 et 12 de la loi attaquée.
B.2.2. L'article 216/2 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été inséré par l'article 6 de la loi attaquée, dispose : « § 1er. Le procureur du Roi et la personne visée à l'article 216/1 signent un mémorandum écrit. Le mémorandum est daté et contient les mentions suivantes : 1° les données d'identité de la personne visée à l'article 216/1;2° le nom de l'avocat qui assiste la personne visée à l'article 216/1 lors de la conclusion du mémorandum;3° le procureur du Roi de l'arrondissement judiciaire dans lequel ont été commises les infractions au sujet desquelles la personne visée à l'article 216/1 indique qu'elle fera une déclaration et le procureur du Roi de l'arrondissement judiciaire dans lequel la personne visée à l'article 216/1 est poursuivie ou est condamnée;4° l'indication précise et détaillée : a) des faits pour lesquels la personne visée à l'article 216/1 est poursuivie ou est déjà condamnée, ainsi que les peines qui, dans ce dernier cas, lui ont été infligées, et qui font l'objet de la promesse du procureur du Roi;b) des faits au sujet desquels la personne visée à l'article 216/1 indique qu'elle fera une déclaration;c) de la teneur de la promesse du procureur du Roi;d) des conditions liées à la promesse du procureur du Roi, qui comprennent dans tous les cas les conditions prévues à l'article 216/3, § 1er, 2° à 5°;e) des conditions et des modalités relatives à la déclaration de la personne visée à l'article 216/1;f) de la volonté d'indemniser le dommage. § 2. Le mémorandum ne peut être conclu que moyennant : 1° un accord préalable des procureurs généraux compétents;2° un avis préalable de la commission de protection des témoins concernant la possibilité de prendre des mesures de protection, dont il pourra être décidé ultérieurement;3° un avis préalable du procureur fédéral;4° si la personne visée à l'article 216/1 fait l'objet d'une instruction ou si ses déclarations sont déposées dans le cadre d'une instruction en cours, un avis préalable du juge d'instruction sur l'état d'avancement de l'instruction. § 3. Les procureurs généraux compétents prennent une décision par consensus. § 4. Le mémorandum est conclu et signé en présence d'un avocat du choix de la personne visée à l'article 216/1 ou qui lui est désigné par le bâtonnier.
La personne visée à l'article 216/1 peut à tout moment se concerter confidentiellement avec son avocat hors la présence du procureur du Roi. § 5. Le mémorandum est établi en trois exemplaires signés. Un exemplaire est remis à la personne visée à l'article 216/1, un deuxième est versé au dossier répressif relatif à l'infraction pour laquelle la personne visée à l'article 216/1 est poursuivie ou a été condamnée et un troisième est conservé par le procureur du Roi.
Si la déclaration de la personne visée à l'article 216/1 est utilisée dans différents dossiers répressifs, une copie certifiée conforme du mémorandum est versée dans chacun de ces dossiers répressifs. § 6. Le procureur fédéral tient un registre de tous les mémorandums établis. Une copie certifiée conforme de chaque mémorandum signé par le procureur du Roi est transmise au procureur fédéral et inscrite au registre. § 7. Après signature du mémorandum, la personne visée à l'article 216/1 fait sa déclaration dans le délai fixé dans le mémorandum ».
B.2.3. L'article 216/3 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été inséré par l'article 8 de la loi attaquée, dispose : « La promesse peut être révoquée : 1° si la personne visée à l'article 216/1 n'a pas respecté les conditions qu'elle avait acceptées dans le mémorandum;2° si la personne visée à l'article 216/1 est condamnée par un jugement ou un arrêt coulé en force de chose jugée pour des infractions commises après la date de la conclusion du mémorandum à une peine principale d'emprisonnement d'au moins six mois;3° si la personne visée à l'article 216/1 n'effectue pas les déclarations comme stipulé dans le mémorandum;4° si la personne visée à l'article 216/1 n'indemnise pas le dommage;5° si la personne visée à l'article 216/1 a sciemment fait des déclarations incomplètes, non sincères ou non révélatrices concernant les faits visés;6° si, en vue d'entraver les poursuites concernant les faits visés, la personne visée à l'article 216/1 a tenté de faire disparaître des preuves ou de s'entendre avec des tiers ». B.2.4. L'article 216/5 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été inséré par l'article 12 de la loi attaquée, dispose : « § 1er. Le ministère public peut, à condition de le mentionner dans le mémorandum, en prenant en considération la proportionnalité par rapport à l'infraction commise par la personne visée à l'article 216/1 et par rapport à l'infraction à propos de laquelle les déclarations sont effectuées, en prenant particulièrement en compte la gravité des conséquences possibles : 1° promettre une peine d'un niveau inférieur avec application de la réduction de peine, conformément aux articles 80 et 81 du Code pénal, concernant les crimes avec violence ou menace et les crimes figurant au titre 1ter du livre 2 du Code pénal qui ont été commis ou tentés par la personne visée à l'article 216/1;2° promettre une peine d'un niveau inférieur avec application de la réduction de peine, conformément à l'article 85 du Code pénal, concernant les délits avec violence ou menace, et les délits figurant au titre 1ter du livre 2 du Code pénal;3° promettre une reconnaissance simple de culpabilité, ou une peine inférieure à la peine légale minimale prévue, ou encore une peine sous surveillance électronique, une peine de travail ou une peine de probation autonome, concernant les crimes sans violence ou menace et les délits sans violence ou menace qui ont été commis ou tentés par la personne visée à l'article 216/1, à l'exclusion des crimes et délits repris au titre 1ter du livre 2 du Code pénal;4° promettre une amende réduite, même en deçà du minimum légal, ou une confiscation spéciale, même en cas de confiscation obligatoire, mais à l'exception de la confiscation des substances et objets qui mettent en danger la sécurité publique ou la sécurité des personnes. Aucune promesse ne peut être faite concernant les peines visées aux articles 31 à 34 du Code pénal. § 2. Le ministère public requiert, dans les limites des peines prévues pour l'infraction et dans les limites prévues par la loi, la peine qui est applicable dans le cas où la personne visée à l'article 216/1 ne respecte pas ou n'a pas respecté les conditions telles que contenues dans le mémorandum conformément à l'article 216/3. § 3. La promesse du ministère public est motivée. Le tribunal, la cour ou, pendant l'instruction et lors du règlement de la procédure, et dans le cadre de l'appréciation des charges, la juridiction d'instruction compétents, vérifie la proportionnalité de la promesse visée au paragraphe 1er, si les conditions légales ont été remplies, si la personne visée à l'article 216/1 a accepté le mémorandum librement et en connaissance de cause, si les faits correspondent à leur qualification juridique correcte, si les faits pour lesquels la personne visée à l'article 216/1 est poursuivie et sur lesquels porte la promesse correspondent à la réalité, si les causes d'extinction ne sont pas présentes et si la volonté d'indemniser l'éventuel dommage [est présente]. Il homologue ensuite la promesse. La décision est motivée. Aucun recours pénal n'est ouvert.
Le tribunal ou la cour compétents, décide, dans les limites des peines prévues pour l'infraction, et de la loi, en fonction de sa saisine, de la peine requise conformément au paragraphe 2 et dont l'exécution est reportée, moyennant le respect des conditions. Si la juridiction d'instruction a homologué la promesse, elle renvoie l'affaire devant le tribunal compétent ou la cour compétente pour statuer sur la peine conformément aux dispositions de la première phrase.
Le rejet fait l'objet d'une décision motivée. Si, après le rejet de la promesse, un nouveau mémorandum est présenté, l'affaire contre la personne visée à l'article 216/1 est attribuée à une chambre autrement composée.
Si la promesse est rejetée et aucun nouveau mémorandum n'est présenté, l'affaire contre la personne visée à l'article 216/1 est attribuée à une chambre autrement composée et le mémorandum signé, les documents rédigés et les communications faites pendant la concertation dans le cadre de la procédure, ainsi que toutes les autres pièces de la procédure y afférentes sont écartés du dossier et déposés au greffe du tribunal de première instance. Ils ne peuvent être utilisés à charge de la personne visée à l'article 216/1 dans une autre procédure pénale, civile, administrative, arbitrale ou autre et ne sont pas admissibles comme preuve, même comme aveu extrajudiciaire. § 4. Le tribunal, la cour ou, le cas échéant, la juridiction d'instruction compétents entend la personne visée à l'article 216/1 ou son avocat sur le mémorandum et sur les faits pour lesquels la personne visée à l'article 216/1 est poursuivie.
Le cas échéant, le tribunal, la cour ou la juridiction d'instruction compétents entend également la victime ou son avocat sur les faits et sur la réparation du dommage. La victime peut se constituer partie civile à l'audience du tribunal, de la cour, ou le cas échéant, de la juridiction d'instruction compétents. La personne visée à l'article 216/1 est entendue en ce qui concerne l'action civile. § 5. S'il estime que la personne visée à l'article 216/1 ne respecte pas ou n'a pas respecté les conditions contenues dans le mémorandum conformément à l'article 216/3 dans le délai qui est égal à la durée de la peine prononcée conformément au paragraphe 3, alinéa 2, le ministère public requiert auprès du tribunal ou de la cour l'application de la peine que le tribunal ou la cour avait prononcée.
En cas de non-respect des conditions visées à l'article 216/3, § 1er, 4° et 5°, ce délai est de cinq ans minimum. Le tribunal, la cour, ou, le cas échéant, la juridiction d'instruction entend la personne visée à l'article 216/1 et son avocat et le ministère public.
S'il s'agit des conditions imposées dans l'intérêt de la victime, la victime est entendue à ce propos. La victime peut formuler ses remarques.
Le tribunal ou la cour se prononce de manière autonome et motivée sur l'application de cette peine ».
B.2.5. Comme il est dit en B.1.4, le régime des repentis peut être appliqué dans le cadre de l'exercice de l'action publique, dans le cadre de l'exécution de la peine ou de la détention. Les griefs portent uniquement sur l'application du régime des repentis dans le cadre de l'exercice de l'action publique, et plus précisément sur : - les rôles respectifs du procureur du Roi et du juge d'instruction (premier et troisième moyens dans l'affaire n° 7118 et premier moyen dans l'affaire n° 7120); - le champ d'application du régime des repentis (deuxième moyen dans l'affaire n° 7118); - le respect du principe du contradictoire (quatrième moyen dans l'affaire n° 7118); - la présomption d'innocence (cinquième moyen dans l'affaire n° 7118); - les promesses de peines (sixième moyen dans l'affaire n° 7118); - la révocation de la promesse (septième moyen dans l'affaire n° 7118); - le renvoi après révocation (huitième moyen dans l'affaire n° 7118); - le droit de consultation du dossier répressif (deuxième moyen dans l'affaire n° 7120); - la confidentialité des pièces (troisième moyen dans l'affaire n° 7120); - le contrôle judiciaire (quatrième moyen dans l'affaire n° 7120).
B.2.6. Par ailleurs, la Cour limite son examen aux dispositions contre lesquelles les parties requérantes ont réellement invoqué des griefs (les articles 4, 6, 8 et 12).
B.3.1. Les parties requérantes sont l'une et l'autre inculpées dans une instruction judiciaire recourant au régime des repentis. Elles peuvent être affectées directement et défavorablement par les déclarations d'un repenti et elles justifient donc de l'intérêt requis à l'annulation de l'instauration de la promesse (article 4), de la manière dont cette promesse est précisée dans un mémorandum (article 6), des règles relatives à la révocation de la promesse (article 8) et à la promesse elle-même (article 12).
B.3.2. Le deuxième moyen dans l'affaire n° 7120, concernant l'absence du droit de consulter le dossier répressif, ne vise toutefois pas l'annulation de l'article 6 de la loi attaquée, mais l'absence dans cette loi d'une disposition permettant au repenti de consulter le dossier répressif pendant les négociations préalables à la conclusion d'un mémorandum. La partie requérante, qui n'est pas elle-même un repenti, ne justifie pas de l'intérêt requis à l'annulation de cette lacune.
B.3.3. Il en résulte que le recours introduit dans l'affaire n° 7120 est irrecevable dans cette mesure, de sorte que le deuxième moyen dans cette affaire ne doit pas être examiné.
B.3.4. Au surplus, en ce que le Conseil des ministres conteste l'intérêt des parties requérantes à certains moyens, il suffit de rappeler que, lorsque les parties requérantes ont intérêt à l'annulation des dispositions attaquées, elles ne doivent pas, en outre, justifier d'un intérêt à chacun des moyens.
B.3.5. Les exceptions d'irrecevabilité sont rejetées, sauf en ce qu'elles visent le recours introduit dans l'affaire n° 7120, en son deuxième moyen.
Quant aux rôles respectifs du procureur du Roi et du juge d'instruction B.4. Dans le premier moyen dans l'affaire n° 7118, la partie requérante fait valoir que les dispositions attaquées porteraient atteinte à l'égalité des armes, en ce que le ministère public dispose du pouvoir discrétionnaire de décider quelles personnes entrent en considération pour bénéficier du régime des repentis.
Ce moyen est lié au premier moyen dans l'affaire n° 7120 et au troisième moyen dans l'affaire n° 7118, dans lesquels les parties requérantes font valoir en substance que le rôle du juge d'instruction est vidé de son sens lorsqu'un repenti est impliqué dans l'enquête et qu'il est porté atteinte, de ce fait, de manière discriminatoire aux droits de certaines personnes.
B.5.1. Les griefs portent sur les rôles respectifs du procureur du Roi et du juge d'instruction dans l'exercice de l'action publique.
B.5.2. Le ministère public accomplit, dans l'intérêt de la société, les missions de service public relatives à la recherche et à la poursuite des infractions (articles 22 à 47bis du Code d'instruction criminelle) et il exerce l'action publique (article 138 du Code judiciaire).
En vertu de l'article 151, § 1er, alinéa 1er, de la Constitution, le ministère public est indépendant dans l'exercice des recherches et poursuites individuelles, sans préjudice du droit du ministre compétent d'ordonner des poursuites et d'arrêter des directives contraignantes de politique criminelle, y compris en matière de politique de recherche et de poursuite.
Selon les travaux préparatoires de l'article 151 de la Constitution, « [...] le ministère public est indépendant lorsqu'il intente l'action pénale et, partant, lorsqu'il poursuit des délits, même si le ministère public n'exerce en l'occurrence [...] pas une fonction de juge mais plutôt une fonction de pouvoir exécutif et qu'il relève ainsi de l'autorité et du contrôle du ministre de la Justice » (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1675/1, p. 4).
B.5.3. La mission du juge d'instruction est fondamentalement différente de celle de poursuite confiée au ministère public.
Sauf les cas de flagrant délit ou de mini-instruction, le juge d'instruction ne peut mettre lui-même l'action publique en mouvement (articles 28septies et 61 du Code d'instruction criminelle). C'est généralement le procureur du Roi qui saisit le juge d'instruction d'une affaire au moyen d'un réquisitoire d'instruction (article 47 du même Code). De ce fait, l'information judiciaire est close et l'instruction judiciaire peut débuter.
L'instruction, définie à l'article 55, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle comme l'ensemble des actes qui ont pour objet de rechercher les auteurs d'infractions, de rassembler les preuves et de prendre les mesures destinées à permettre aux juridictions de statuer en connaissance de cause, est menée à charge et à décharge (article 56, § 1er, alinéa 1er, du même Code). Elle est conduite sous la direction et l'autorité du juge d'instruction (article 55, alinéa 2, du même Code).
Le juge d'instruction, qui n'a pas la qualité de partie à l'action publique, contrairement au ministère public, jouit d'une entière indépendance dans l'accomplissement de sa tâche (Cass., 24 septembre 1986, Pas., 1987, I, n° 48).
B.6. Si le repenti fait l'objet d'une instruction ou si ses déclarations sont déposées dans le cadre d'une instruction en cours, le mémorandum conclu entre le procureur du Roi et le repenti ne peut être formalisé qu'après un avis préalable du juge d'instruction sur l'état d'avancement de l'instruction (article 216/2, § 2, 4°, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été inséré par l'article 6 de la loi attaquée).
Bien que le juge d'instruction ait la direction de l'instruction judiciaire, son autorisation n'est pas requise pour la conclusion du mémorandum entre le procureur du Roi et le repenti. Comme le ministre compétent l'a confirmé en commission parlementaire, l'avis préalable du juge d'instruction n'est pas contraignant (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3016/004, p. 23).
B.7.1. Il relève du pouvoir d'appréciation du législateur de régler la procédure des poursuites pénales, ainsi que le rôle des différents acteurs dans cette procédure.
La Cour doit toutefois vérifier si, à cet égard, le législateur ne porte pas atteinte de manière disproportionnée aux droits des personnes poursuivies. Comme la Cour l'a déjà jugé par son arrêt n° 174/2018 du 6 décembre 2018, des mesures d'instruction qui supposent une mesure contraignante ou une atteinte à des droits individuels ou à des libertés ne peuvent être exécutées qu'avec l'autorisation et sous le contrôle d'un juge d'instruction.
B.7.2. Le régime attaqué donne un fondement légal aux preuves recueillies auprès des repentis. La réunion de preuves consiste en des révélations qui sont faites en échange d'une promesse, ainsi qu'il est prévu dans un mémorandum.
Selon les travaux préparatoires, le ministère public est « le mieux placé pour vérifier si le recours à un repenti dans une enquête déterminée est nécessaire et si la personne concernée apporte réellement des informations utiles » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3016/001, pp. 23 et 26).
Le procureur du Roi ne peut recourir à cette méthode que si les autres moyens d'investigation ne semblent pas suffire à la manifestation de la vérité (article 216/1, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été inséré par l'article 4 de la loi attaquée). En d'autres termes, il doit respecter la subsidiarité de ce moyen.
B.7.3. Le fait que le procureur du Roi peut déterminer - dans les limites de la réglementation attaquée - les cas individuels dans lesquels il fait une promesse, ne l'autorise pas à méconnaître le principe d'égalité et de non-discrimination ou à décider arbitrairement quelles personnes entrent en considération pour bénéficier du régime des repentis.
La promesse du ministère public doit être motivée et la juridiction d'instruction ou la juridiction de jugement compétente doit vérifier si les conditions légales et la proportionnalité de la promesse ont été respectées (article 216/5, § 3, tel qu'il a été inséré par l'article 12 de la loi attaquée).
La proportionnalité porte sur le rapport entre l'avantage accordé, l'infraction commise par le repenti et l'infraction pour laquelle le repenti fait des déclarations (ibid., pp. 26-27), en prenant, à cet égard, particulièrement en compte la gravité des conséquences possibles (article 216/5, § 1er, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été inséré par l'article 12 attaqué).
Selon le même exposé des motifs, la condition de subsidiarité ne relève pas du pouvoir de contrôle de la juridiction d'instruction ou de la juridiction de jugement compétente (ibid., pp. 30, 35 et 50).
Toutefois, l'interdiction de l'arbitraire relève des garanties d'un Etat de droit. C'est la raison pour laquelle il appartient à la juridiction d'instruction ou à la juridiction de jugement compétente de vérifier si l'application du régime des repentis est nécessaire à la manifestation de la vérité et si l'égalité de traitement de toutes les personnes impliquées dans l'enquête a été respectée. L'opportunité d'appliquer le régime des repentis, lorsque toutes les conditions légales ont été remplies, relève, en revanche, de la seule compétence du ministère public. Le procureur du Roi ne peut toutefois conclure un mémorandum sans l'accord préalable des procureurs généraux compétents ni sans l'avis préalable du procureur fédéral et de la commission de protection des témoins (article 216/2, § 2, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été inséré par l'article 6 attaqué).
B.8. Dès lors qu'un contrôle judiciaire effectif du mémorandum est garanti et que, pour le surplus, il n'apparaît pas que le régime attaqué soit une mesure de contrainte ou qu'il porte atteinte à des droits individuels ou des libertés, le législateur a pu autoriser qu'il soit appliqué sans l'accord d'un juge d'instruction, tout en faisant de l'avis de ce dernier une condition substantielle. Ainsi, le juge d'instruction doit effectuer un contrôle de fiabilité afin d'évaluer si le repenti est réellement en mesure d'apporter des informations utiles dans le cadre de la recherche de la vérité. Il donne aussi « un avis sur l'état d'avancement de l'enquête, dont il peut déterminer librement le contenu, en vue de fournir des informations complètes au ministère public » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3016/004, p. 23).
B.9. Sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.7.3, les moyens ne sont pas fondés.
Quant au champ d'application du régime des repentis B.10. Dans le deuxième moyen dans l'affaire n° 7118, la partie requérante fait valoir que l'article 216/1 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été inséré par l'article 4 attaqué, porte atteinte au principe d'égalité et de non-discrimination, en ce que le champ d'application du régime attaqué ne serait pas conforme à l'objectif poursuivi, en ce que l'article ne définirait pas clairement les infractions pour lesquelles le régime peut être appliqué, alors que tel serait le cas de la réglementation relative à l'infiltration civile, et en ce que le régime ne peut pas être appliqué pendant une information.
B.11.1. Sous la réserve qu'il ne puisse pas prendre une mesure manifestement déraisonnable, le législateur démocratiquement élu peut déterminer lui-même la politique répressive et régler la procédure des poursuites pénales, y compris des actes d'instruction à mettre en oeuvre.
B.11.2. Par le régime attaqué, le législateur a visé « l'introduction de dispositions légales générales en matière de repentis dans le cadre de la lutte contre la criminalité grave et organisée » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3016/001, p. 5).
En vertu de l'article 216/1 du Code d'instruction criminelle, le recueil de preuves obtenues auprès d'un repenti ne peut être mis en oeuvre que lorsque ses révélations portent sur des infractions visées à l'article 90ter, §§ 2 à 4, du même Code. Cette disposition permet d'intercepter certaines communications et données de systèmes informatiques. Un grand nombre d'infractions pour lesquelles cette mesure d'instruction peut être mise en oeuvre y sont énumérées.
B.11.3. Même si, parmi les infractions énumérées, certaines ne relèvent pas de la définition stricte de la « criminalité grave et organisée », il ressortit au pouvoir d'appréciation du législateur de fixer le champ d'application du régime des repentis. L'intitulé du chapitre consacré au régime des repentis dans le Code d'instruction criminelle, tel qu'il est mentionné en B.1.1, ne fait pas référence à la « criminalité grave et organisée ».
Il ne découle d'aucun élément que la présence ou l'absence d'une infraction donnée dans l'énumération précitée est manifestement déraisonnable. Ainsi, le fait que l'infraction de faux en informatique figure sur la liste (article 90ter, § 2, 7°, du Code d'instruction criminelle), alors que celle de faux en écriture n'y apparaît pas, peut être perçu comme peu cohérent, mais il ne saurait être considéré comme discriminatoire.
Le simple constat qu'une mesure n'est pas tout à fait conforme à l'intention initiale du législateur ne peut pas suffire en soi pour conclure à une inconstitutionnalité.
B.11.4. La circonstance que le régime de l'infiltration civile, prévu par l'article 47novies/1 du Code d'instruction criminelle, définit les infractions de manière plus précise et que le régime des repentis ne pourrait pas être appliqué à l'information, ne peut pas suffire non plus pour conclure à une inconstitutionnalité, compte tenu du pouvoir d'appréciation du législateur.
B.12. Le moyen n'est pas fondé.
Quant au respect du principe du contradictoire B.13. Dans le quatrième moyen dans l'affaire n° 7118, la partie requérante conteste le non-respect du principe du contradictoire, en ce que, premièrement, le législateur n'a pas prévu le délai dans lequel un exemplaire du mémorandum ou une copie certifiée conforme de celui-ci doit être versé au dossier répressif et en ce que, deuxièmement, seuls le repenti et la victime sont entendus dans le cadre de l'homologation de la promesse faite par le ministère public, ainsi qu'il est dit dans le mémorandum. En outre, la partie requérante conteste le pouvoir discrétionnaire du ministère public d'engager des poursuites contre le repenti, en même temps ou non que contre les autres personnes poursuivies du chef d'infractions impliquant le repenti lui-même.
B.14.1. En vertu de l'article 216/2, § 5, du Code d'instruction criminelle, le mémorandum est établi en trois exemplaires signés. Un exemplaire est remis au repenti, un deuxième est destiné au procureur du Roi et le troisième exemplaire est versé au dossier répressif relatif à l'infraction pour laquelle le repenti est poursuivi. Si la déclaration du repenti est utilisée dans plusieurs dossiers répressifs, une copie certifiée conforme du mémorandum doit être versée à chacun de ces dossiers. En outre, il est référé au mémorandum dans chaque procès-verbal dans le cadre duquel une déclaration du repenti est consignée, en vertu de l'article 216/4, § 2, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle.
B.14.2. Si le législateur n'a pas prévu le délai dans lequel il faut verser au dossier répressif la copie certifiée conforme du mémorandum, l'on peut raisonnablement considérer que l'exemplaire du mémorandum figure immédiatement dans le dossier répressif.
B.14.3. Dans un arrêt rendu contre la Belgique, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé « que la Convention n'empêche pas de s'appuyer au stade de l'enquête préliminaire, et lorsque la nature de l'infraction peut le justifier, sur des sources telles que des indicateurs anonymes. Toutefois, l'emploi ultérieur de telles sources par le juge du fond pour fonder une condamnation soulève un problème différent et n'est acceptable que s'il est entouré de garanties adéquates et suffisantes contre les abus et notamment d'une procédure claire et prévisible pour autoriser, exécuter et contrôler les mesures d'investigation dont il s'agit » (CEDH, 17 janvier 2017, Habran et Dalem c. Belgique, § 101).
La Cour européenne des droits de l'homme a pris en compte notamment le fait que les repentis concernés n'ont pas bénéficié de l'anonymat ( § 104) et que leurs dépositions étaient concordantes avec d'autres moyens de preuve ( § 105).Ces conditions sont garanties dans le régime attaqué par l'article 216/4, § 3, du Code d'instruction criminelle, pour le premier cas, et par l'article 216/4, § 2, alinéa 1er, pour le second cas.
Toutefois, la même Cour a jugé comme essentiel le fait que les personnes visées dans les dépositions du repenti n'avaient pas été empêchées de contester la fiabilité des repentis ni le contenu et la crédibilité de leurs dépositions et ce, tout au long de la procédure ( § 113).
B.14.4. Le droit à un procès équitable, garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, implique l'égalité des armes pour les parties au procès, à laquelle le droit à la contradiction est étroitement lié. Il s'ensuit que chaque partie doit avoir la possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires (CEDH, 27 octobre 1993, Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, § 33; 12 mars 2003, Öçalan c. Turquie, § 140; 24 avril 2003, Yvon c. France, § 31).
En ce qui concerne la preuve et, en particulier, l'article 6, paragraphe 3, d), de la Convention européenne des droits de l'homme, la Cour européenne des droits de l'homme consacre le principe selon lequel un accusé ne peut en principe pas être condamné sans que tous les éléments à charge soient produits devant lui en audience publique et qu'il doit y avoir des motifs sérieux de ne pas faire comparaître un témoin (CEDH, grande chambre, 15 décembre 2011, Al-Khawaja et Tahery c. Royaume-Uni, §§ 118-120, et grande chambre, 15 décembre 2015, Schatschaschwili c. Allemagne, §§ 103-131).
B.14.5. L'absence ou le dépôt tardif d'une copie certifiée conforme du mémorandum au dossier répressif peut être sanctionné pour violation du droit à un procès équitable, constatée par la juridiction d'instruction ou de jugement compétente. C'est devant cette juridiction d'instruction ou de jugement que les autres inculpés ou prévenus peuvent exercer leur droit à un débat contradictoire. Tel est le cas lorsque le repenti est attrait devant le juge compétent en même temps que les autres inculpés ou prévenus ou séparément.
B.15. Sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.14.2, le moyen n'est pas fondé.
Quant à la présomption d'innocence B.16. Dans le cinquième moyen dans l'affaire n° 7118, la partie requérante allègue que la juridiction d'instruction ou de jugement ne pourrait plus statuer de manière indépendante et impartiale sur la culpabilité des autres personnes impliquées, dès lors qu'au moment où elle homologue la promesse, elle a déjà considéré que les faits à propos desquels le repenti a fait des déclarations, sont conformes à la vérité.
B.17.1. Conformément à l'article 6, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
B.17.2. Lors du contrôle du mémorandum, la juridiction d'instruction ou de jugement vérifie notamment si « les faits pour lesquels la personne visée à l'article 216/1 est poursuivie et sur lesquels porte la promesse correspondent à la réalité » (article 216/5, § 3, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été inséré par l'article 12 attaqué).
Ce contrôle nécessite de vérifier que les faits pour lesquels le repenti est poursuivi et sur lesquels porte la promesse correspondent à la réalité et à leur qualification juridique. Ce n'est que par les déclarations que le repenti fera à la suite de l'accord que les mêmes faits seront reliés à d'autres personnes.
Comme il est dit en B.1.1, la juridiction d'instruction ou de jugement ne peut, en outre, tenir compte de ces déclarations à titre de preuve que si elles sont corroborées dans une mesure déterminante par d'autres éléments de preuve.
B.17.3. Le régime des repentis introduit par les dispositions attaquées ne porte pas atteinte à la présomption d'innocence.
B.18. Le moyen n'est pas fondé.
Quant aux promesses de peines B.19. Dans le sixième moyen dans l'affaire n° 7118, la partie requérante fait valoir qu'en vertu de l'article 216/5 du Code d'instruction criminelle, inséré par l'article 12 de la loi attaquée, il serait permis d'imposer une peine illégale pour certaines infractions. En autorisant la simple déclaration de culpabilité, la disposition violerait, en outre, le principe d'égalité et de non-discrimination.
B.20.1. En vertu de l'article 216/5, § 1er, alinéa 1er, 3°, du Code d'instruction criminelle, le ministère public peut promettre au repenti notamment une simple déclaration de culpabilité, une peine de travail ou une peine de probation autonome pour les crimes et les délits commis sans violence ou menace, à l'exception des infractions terroristes.
La simple déclaration de culpabilité ne figure pas parmi les différents types de peines, énumérés à l'article 7 du Code pénal. La condamnation par simple déclaration de culpabilité n'est prévue que si la durée des poursuites pénales dépasse le délai raisonnable (article 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale).
La peine de travail et la peine de probation autonome figurent, en revanche, dans l'article 7 du Code pénal. Les dispositions spécifiques du Code pénal relatives à la peine de travail (article 37quinquies) et à la peine de probation autonome (article 37octies) excluent l'application de ces peines pour certains crimes et délits commis sans violence.
B.20.2. Par la disposition attaquée, le législateur a lui-même prévu une exception aux règles générales, de sorte qu'il n'est pas porté atteinte au principe de légalité pénale.
L'appréciation de la gravité d'une infraction et de la sévérité avec laquelle cette infraction peut être punie relève du pouvoir d'appréciation du législateur. Celui-ci peut considérer comme un élément essentiel d'une promesse à un repenti que la peine promise diffère de la peine généralement en vigueur.
B.20.3. S'il est vrai que l'article 216/5, § 1er, alinéa 1er, 3°, du Code d'instruction criminelle peut être considéré comme peu cohérent par rapport aux articles 7, 37quinquies et 37octies du Code pénal, la promesse consentie au repenti d'une simple déclaration de culpabilité, d'une peine de travail ou d'une peine de probation autonome pour des crimes et des délits commis sans violence ou menace, à l'exception d'infractions terroristes, ne donne toutefois pas lieu à une différence de traitement manifestement déraisonnable.
B.21. Le moyen n'est pas fondé.
Quant à la révocation de la promesse B.22. Dans le septième moyen dans l'affaire n° 7118, la partie requérante dénonce une différence de traitement en ce qu'en cas de révocation du mémorandum, les déclarations faites par le repenti peuvent toujours être utilisées contre les autres prévenus ou inculpés, alors qu'en cas de rejet du mémorandum, il est prévu que le mémorandum et les pièces de la procédure y afférentes soient écartés du dossier répressif.
B.23.1. En vertu de l'article 216/5, § 3, du Code d'instruction criminelle, la juridiction d'instruction ou de jugement peut rejeter la promesse. Si, ensuite, aucun nouveau mémorandum n'est présenté, le mémorandum signé et toutes les pièces de la procédure y afférentes sont écartés du dossier et sont déposés au greffe du tribunal de première instance pour éviter qu'ils ne soient utilisés à charge du repenti.
B.23.2. En vertu de l'article 216/3 du même Code, le ministère public peut révoquer la promesse, notamment si le repenti a sciemment fait des déclarations incomplètes, non sincères ou non révélatrices.
La révocation n'a pas pour objet une appréciation de la légalité et de la proportionnalité de la promesse, comme c'est le cas pour l'homologation ou pour le rejet de cette promesse, mais consiste en une appréciation de la collaboration loyale du repenti lors de l'exécution du mémorandum.
B.23.3. En toute hypothèse, les personnes qui sont visées dans les déclarations du repenti conservent la possibilité de contester devant la juridiction d'instruction ou de jugement compétente la fiabilité des déclarations du repenti ainsi que le contenu et la crédibilité de ses dépositions, de sorte qu'il n'est pas porté atteinte de façon discriminatoire au droit à un procès équitable.
Le juge peut considérer que la déposition n'est pas fiable et qu'elle ne peut être prise en considération dans l'appréciation de la preuve (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3016/001, p. 31).
B.24. Compte tenu de ce qui est dit en B.23.3, le moyen n'est pas fondé.
Quant au renvoi après révocation B.25. Dans le huitième moyen dans l'affaire n° 7118, la partie requérante allègue que, s'il doit comparaître devant le juge en même temps que d'autres personnes, le repenti peut comparaître devant un nouveau juge en cas de rejet de la promesse, alors que les autres personnes doivent comparaître devant le même juge.
B.26.1. Si, après le rejet de la promesse, un nouveau mémorandum est présenté, l'affaire contre le repenti est attribuée à une chambre autrement composée (article 216/5, § 3, alinéa 3, du Code d'instruction criminelle).
Si la promesse est rejetée et qu'aucun nouveau mémorandum n'est présenté, l'affaire contre le repenti est également attribuée à une chambre autrement composée (article 216/5, § 3, alinéa 4, du Code d'instruction criminelle).
B.26.2. Dans les deux cas, le législateur a considéré qu'il « n'est [...] pas souhaitable que le ' repenti ' comparaisse devant le même juge après le rejet de la promesse, car il convient d'éviter que le juge ait connaissance du contenu du mémorandum et de déclarations éventuelles que le candidat repenti aurait faites à propos de lui-même lors de la rédaction du mémorandum, ce qui porterait atteinte à l'équité du procès » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3016/002, p. 10). B.26.3. Le droit de ne pas témoigner contre soi-même, c'est-à -dire le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination, est au coeur du procès équitable (CEDH, 22 juin 2000, Coëme e.a. c.
Belgique, § 126).
Le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination n'est toutefois pas en cause à l'égard des personnes au sujet desquelles le repenti a fait des déclarations.
B.27. Le moyen n'est pas fondé.
Quant à la confidentialité des pièces B.28. Dans le troisième moyen dans l'affaire n° 7120, la partie requérante fait valoir que l'article 216/5 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été inséré par l'article 12 de la loi attaquée, omet expressément de prévoir que les pièces transmises par les parties pendant les négociations en vue de conclure un mémorandum ne peuvent pas être versées au dossier répressif aussi longtemps que les négociations ne débouchent pas sur l'homologation du mémorandum.
B.29. Le repenti dépose ses déclarations après que le mémorandum a été signé. En vertu de l'article 216/5, § 3, alinéa 4, du Code d'instruction criminelle, lorsque le juge n'homologue pas le mémorandum, le mémorandum signé, les documents rédigés et les communications faites pendant la concertation dans le cadre de la procédure, ainsi que toutes les autres pièces de la procédure y afférentes sont écartés du dossier.
Dès lors que le repenti ne dépose pas de déclarations avant la signature du mémorandum, il n'y a pas lieu pour le législateur de prévoir une protection élargie de la confidentialité des pièces.
B.30. Le moyen n'est pas fondé.
Quant au contrôle judiciaire B.31. Dans le quatrième moyen dans l'affaire n° 7120, la partie requérante fait valoir que, lorsque le mémorandum est homologué avant que le repenti ait déposé ses déclarations, le contrôle judiciaire ne peut porter que sur les informations qui sont disponibles à ce moment-là . Le juge disposerait par conséquent d'informations insuffisantes pour procéder à un contrôle effectif quant au fond.
B.32.1. Le contrôle judiciaire exercé pour homologuer ou rejeter le mémorandum est une appréciation de la légalité et de la proportionnalité de la promesse.
Comme il est dit en B.7.3, la proportionnalité porte sur le rapport entre l'avantage accordé, l'infraction commise par le repenti et l'infraction pour laquelle le repenti fait des déclarations, en prenant, à cet égard, particulièrement en compte la gravité des conséquences possibles.
Ces éléments suffisent pour exercer un contrôle judiciaire effectif.
B.32.2. En vertu de l'article 216/2, § 7, du Code d'instruction criminelle, le repenti fait sa déclaration dans le délai imposé dans le mémorandum. Cela doit en principe toujours se faire dans un bref délai (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3016/001, p. 43).
L'examen du moyen précédent a montré que les déclarations faites sont écartées du dossier lorsque le juge n'homologue pas le mémorandum. Par conséquent, le législateur a considéré que le repenti dépose, en règle, ses déclarations entre la signature du mémorandum et l'homologation de ce dernier.
Ainsi, la juridiction d'instruction ou de jugement compétente n'homologue pas le mémorandum si elle constate que le repenti n'a pas encore déposé de déclarations ou que les déclarations déposées ne sont pas liées à la promesse.
B.33. Compte tenu de ce qui est dit en B.32.2, le moyen n'est pas fondé.
Par ces motifs, la Cour rejette les recours, sous réserve des interprétations mentionnées en B.7.3 et B.14.2 et compte tenu de ce qui est dit en B.23.3 et en B.32.2.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 6 février 2020.
Le greffier, F. Meersschaut Le président, A. Alen