publié le 17 avril 2020
Extrait de l'arrêt n° 195/2019 du 5 décembre 2019 Numéro du rôle : 6910 En cause : le recours en annulation des articles 3 et 120 du décret de la Région wallonne du 8 février 2018 « relatif à la gestion et au paiement des prestations familial La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, des juges L. Lavrysen, (...)
Extrait de l'arrêt n° 195/2019 du 5 décembre 2019 Numéro du rôle : 6910 En cause : le recours en annulation des articles 3 et 120 du décret de la Région wallonne du 8 février 2018 « relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales », introduit par Nicolas Deswysen.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen et M. Pâques, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du juge émérite E. Derycke, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 24 avril 2018 et parvenue au greffe le 27 avril 2018, Nicolas Deswysen a introduit un recours en annulation des articles 3 et 120 du décret de la Région wallonne du 8 février 2018 « relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales » (publié au Moniteur belge du 1er mars 2018). (...) II. En droit (...) Quant à l'objet du recours B.1.1. Le recours en annulation est dirigé contre les articles 3 et 120 du décret de la Région wallonne du 8 février 2018 « relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales » (ci-après : le décret du 8 février 2018). En ce qui concerne cette seconde disposition, il ressort de la requête et de l'exposé du moyen unique que le recours porte exclusivement sur son premier alinéa.
Les articles 3 et 120, alinéa 1er, du décret du 8 février 2018 disposent : «
Art. 3.Sauf exception prévue de manière expresse, le présent décret s'applique aux enfants bénéficiaires nés à partir de la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 1er ». «
Art. 120.La loi générale relative aux allocations familiales du 19 décembre 1939 (LGAF) et la loi du 20 juillet 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1971 pub. 19/08/2009 numac 2009000536 source service public federal interieur Loi instituant des prestations familiales garanties. - Coordination officieuse en langue allemande fermer instituant des prestations familiales garanties sont abrogées à la date fixée par le Gouvernement, visée à l'article 136, alinéa 1er, à l'exception des articles 40 à 50septies, 52 à 55 et 56ter à 76bis de la loi générale relative aux allocations familiales du 19 décembre 1939 (LGAF) qui continuent à s'appliquer après cette date pour les enfants nés au plus tard la veille de ladite date fixée par le Gouvernement ».
B.1.2. L'article 120 précité a été modifié par l'article 13 du décret de la Région wallonne du 20 décembre 2018 « modifiant le décret du 8 février 2018 relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales » (ci-après : le décret du 20 décembre 2018), publié au Moniteur belge le 2 janvier 2019, qui dispose : « Dans l'article 120 du même décret, les modifications suivantes sont apportées : 1° l'alinéa 1er, est remplacé par ce qui suit : ' La loi générale relative aux allocations familiales du 19 décembre 1939 (LGAF) et la loi du 20 juillet 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1971 pub. 19/08/2009 numac 2009000536 source service public federal interieur Loi instituant des prestations familiales garanties. - Coordination officieuse en langue allemande fermer instituant des prestations familiales garanties sont abrogées à la date fixée par le Gouvernement, visée à l'article 136, alinéa 1er, à l'exception des articles 40 à 50septies, 52 à 55, et 56bis, § 2, à 64, 66, 70, 70bis, alinéas 1er à 3, et alinéa 4, seconde phrase, et 70ter à 76bis de la loi générale relative aux allocations familiales du 19 décembre 1939 (LGAF) qui continuent à s'appliquer pour les enfants nés au plus tard la veille de la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 2, et qui ouvrent un droit aux prestations familiales sur base des critères déterminés par l'article 4 du présent décret.'; 2° à l'alinéa 2, les mots ', pour autant que l'allocataire désigné respecte les conditions fixées à l'article 21 du présent décret, ' sont insérés entre les mots ' sont maintenus ' et les mots ' jusqu'à la survenance ';3° à l'alinéa 3, les mots ' ou en cas de maintien de celui-ci conformément à l'article 22, § 1er, alinéa 7 ' sont insérés entre les mots ' l'autorité parentale ' et les mots ' le parent qui ne fait pas partie ' ». Cette modification est entrée en vigueur le 1er janvier 2019, conformément à l'article 20 du décret du 20 décembre 2018.
B.1.3. Selon l'article 2 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 20 décembre 2018 « exécutant l'article 136 du décret du 8 février 2018 relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales », publié au Moniteur belge le 14 janvier 2019, les articles 3 et 120 du décret du 8 février 2018 sont entrés en vigueur le 1er janvier 2019.
B.1.4. Du fait de la modification mentionnée en B.1.2, le recours devient en principe sans objet en ce qu'il est dirigé contre l'article 120, alinéa 1er, du décret du 8 février 2018.
B.2.1. Dans son mémoire complémentaire, la partie requérante demande l'extension du recours en annulation à l'article 13, 1°, du décret du 20 décembre 2018 et, partant, à l'article 120, alinéa 1er, du décret du 8 février 2018, tel qu'il a été remplacé par cette disposition.
Elle entend par ailleurs introduire un nouveau recours, pour autant que de besoin, par son mémoire, contre l'article 120, alinéa 1er, du décret du 8 février 2018, tel qu'il a été remplacé par l'article 13, 1°, du décret du 20 décembre 2018.
B.2.2. La Cour doit limiter son examen aux dispositions dont l'annulation a été demandée dans la requête. L'extension du recours, demandée par la partie requérante dans le mémoire complémentaire, à une disposition qui n'est pas attaquée dans la requête n'est dès lors pas recevable.
Par ailleurs, un mémoire complémentaire, adressé à la Cour dans le cadre d'une affaire inscrite au rôle de la Cour sous un numéro déterminé, n'est pas une requête au sens de l'article 5 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle et ne constitue donc pas un nouveau recours en annulation.
B.2.3. Aucun recours en annulation n'a été introduit contre l'article 13 du décret du 20 décembre 2018. Il en résulte que le présent recours, en ce qu'il porte sur l'article 120, alinéa 1er, du décret du 8 février 2018, est définitivement devenu sans objet.
B.2.4. La Cour se limite donc à examiner le recours en tant qu'il est dirigé contre l'article 3 du décret du 8 février 2018. Néanmoins, pour apprécier la portée de cette disposition, la Cour tient compte du décret du 20 décembre 2018.
Quant à l'article 3 du décret du 8 février 2018 et à son contexte B.3. Le décret du 8 février 2018 met en place un nouveau modèle de prestations familiales. Celui-ci se veut, à la différence de l'ancien modèle, « simple et transparent » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 989/1, p. 5). Il s'agit d'adapter le modèle des prestations familiales aux évolutions du modèle familial et de consacrer une égalité entre les enfants, quel que soit leur rang au sein de la famille, tout en promouvant l'équité et la solidarité (ibid., pp. 5-6). Les allocations familiales n'ont plus vocation à encourager les naissances, dans le cadre d'une politique nataliste, mais constituent désormais un dispositif de soutien à la parentalité, en vue de permettre aux personnes qui ont fait le choix d'avoir des enfants de vivre dans des conditions dignes (ibid., p. 11).
B.4.1. Dans l'ancien modèle, le montant de l'allocation mensuelle de base est progressif en fonction du rang de l'enfant concerné dans le ménage. Ainsi, l'article 40 de la loi générale du 19 décembre 1939 « relative aux allocations familiales » (ci-après : LGAF) dispose : « Les caisses d'allocations familiales, ainsi que les autorités et établissements publics visés à l'article 18, accordent aux enfants bénéficiaires une allocation mensuelle de : 1° 68,42 EUR pour le premier enfant;2° 126,60 EUR pour le deuxième enfant;3° 189,02 EUR pour le troisième enfant et pour chacun des suivants ». A partir du 1er septembre 2018, ces montants s'élèvent respectivement à 95,80 euros pour le premier enfant, à 177,27 euros pour le deuxième enfant et à 264,67 euros pour le troisième enfant et chacun des suivants (voy. l'avis officiel du Service public fédéral Sécurité sociale, Moniteur belge, 11 octobre 2018).
La notion de rang au sein du ménage et la progressivité correspondante des montants des allocations servies partent, selon le rapport au Roi précédant l'arrêté royal du 21 avril 1997 « portant certaines dispositions relatives aux prestations familiales en exécution de l'article 21 de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions », « du postulat que la charge à supporter par la famille augmente en fonction de sa taille » (Moniteur belge, 30 avril 1997, p. 10514).
B.4.2. En vertu de l'article 42, § 1er, de la LGAF, le rang de l'enfant est déterminé en tenant compte de la chronologie des naissances des enfants bénéficiaires. Les allocations familiales sont accordées compte tenu du nombre d'enfants bénéficiaires, lorsqu'elles sont payées à un ou, dans certaines conditions, à plusieurs allocataires dans le même ménage.
B.4.3. Des suppléments d'âge, calculés en fonction notamment de l'âge de l'enfant bénéficiaire et de son rang, sont prévus par l'article 44 de la LGAF, qui dispose : « § 1er. Le montant repris à l'article 40, 1°, est majoré, en ce qui concerne l'enfant non bénéficiaire d'un supplément visé à l'article 41, 42bis, 47 ou 50ter, d'un supplément d'âge de : 1° 11,92 EUR pour un enfant de 6 ans au moins;2° 18,51 EUR pour un enfant de 12 ans au moins;3° 20,92 EUR pour un enfant de 18 ans au moins. § 2. Le montant repris à l'article 40, 1°, en ce qui concerne l'enfant bénéficiaire d'un supplément visé à l'article 41, 42bis, 47 ou 50ter et les montants repris aux articles 40, 2° et 3° et 50bis, sont majorés d'un supplément d'âge de : 1° 23,77 EUR pour un enfant de 6 ans au moins;2° 36,32 EUR pour un enfant de 12 ans au moins;3° 46,18 EUR pour un enfant de 18 ans au moins ». A partir du 1er septembre 2018, ces différents montants s'élèvent respectivement à 16,69, 25,41, 29,29, 33,28, 50,86 et 64,66 euros (voy. l'avis officiel du Service public fédéral Sécurité sociale, Moniteur belge, 11 octobre 2018).
B.4.4. L'allocation de base est susceptible d'être majorée d'un supplément en faveur de certaines catégories de bénéficiaires, notamment pour les familles monoparentales (article 41 de la LGAF), pour les enfants atteints d'une affection (article 44bis) ou encore dans certaines situations sociales (article 42bis).
B.5.1. Dans le nouveau modèle, tous les enfants se voient accorder une allocation mensuelle de base d'un montant identique, indépendamment du nombre d'enfants au sein de la famille et de l'évolution de la configuration de celle-ci. L'article 9, § 1er, du décret du 8 février 2018 dispose ainsi : « Il est octroyé mensuellement à l'allocataire désigné conformément à l'article 22, en faveur de l'enfant bénéficiaire, une allocation de base dont le montant s'élève à : 1° 155 euros jusqu'à la fin du mois au cours duquel il atteint l'âge de dix-huit ans;2° 165 euros à partir du premier jour du mois suivant celui de son 18ème anniversaire et jusqu'au plus tard, en ce compris, le mois au cours duquel il atteint l'âge de vingt-cinq ans ». Une allocation de base distincte est prévue pour l'enfant orphelin (article 9, § 2).
B.5.2. L'allocation de base est susceptible d'être majorée d'un supplément dans certaines situations engendrant des charges particulières, en faveur notamment des familles monoparentales (compte tenu de leurs revenus) (article 12 du décret du 8 février 2018) ou encore des familles à bas revenus (article 13).
Un supplément spécifique est également prévu dans l'hypothèse particulière d'un ménage comprenant au moins trois enfants, lorsque les revenus de celui-ci sont inférieurs aux plafonds de revenus fixés (article 11). La création de ce supplément s'explique par « la suppression de la progressivité des rangs et compte tenu du risque de pauvreté identifié pour les familles nombreuses, des coûts ou baisses de revenus du ménage liés au nombre d'enfant dans le ménage » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 989/1, p. 11).
B.5.3. En vertu de l'article 3, attaqué, du décret du 8 février 2018, seuls les enfants bénéficiaires nés à partir de la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 1er, sauf exception expresse, bénéficient du nouveau régime des prestations familiales.
B.6.1. L'article 120 du décret du 8 février 2018, tel qu'il a été modifié par l'article 13 du décret du 20 décembre 2018, dispose : « La loi générale relative aux allocations familiales du 19 décembre 1939 (LGAF) et la loi du 20 juillet 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1971 pub. 19/08/2009 numac 2009000536 source service public federal interieur Loi instituant des prestations familiales garanties. - Coordination officieuse en langue allemande fermer instituant des prestations familiales garanties sont abrogées à la date fixée par le Gouvernement, visée à l'article 136, alinéa 1er, à l'exception des articles 40 à 50septies, 52 à 55, et 56bis, § 2, à 64, 66, 70, 70bis, alinéas 1er à 3, et alinéa 4, seconde phrase, et 70ter à 76bis de la loi générale relative aux allocations familiales du 19 décembre 1939 (LGAF) qui continuent à s'appliquer pour les enfants nés au plus tard la veille de la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 2, et qui ouvrent un droit aux prestations familiales sur base des critères déterminés par l'article 4 du présent décret.
Les droits ouverts en vertu des législations abrogées en vertu de l'alinéa 1er sont maintenus, pour autant que l'allocataire désigné respecte les conditions fixées à l'article 21 du présent décret jusqu'à la survenance d'un élément nouveau entraînant le réexamen du dossier. Dans ce cas, le droit aux prestations familiales est examiné sur base des articles 40 à 76bis LGAF conformément au présent Titre.
Pour l'application des articles 40 à 76bis LGAF, le terme attributaire réfère, à partir de la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 1er, à un parent au premier degré, un beau-parent ou une personne avec qui ledit parent forme un ménage de fait. En cas d'exercice conjoint de l'autorité parentale ou en cas de maintien de celui-ci conformément à l'article 22, § 1er, alinéa 7, le parent qui ne fait pas partie du ménage de l'enfant bénéficiaire est considéré comme en faisant partie.
A défaut des personnes mentionnées ci-avant, la personne qui élève effectivement l'enfant, ou celle avec qui elle forme un ménage de fait, est prise en compte.
S'agissant du maintien du droit des enfants qui relèvent, à la veille de la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 1er, au plus tard, de la loi du 20 juillet 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1971 pub. 19/08/2009 numac 2009000536 source service public federal interieur Loi instituant des prestations familiales garanties. - Coordination officieuse en langue allemande fermer abrogée, le supplément prévu à l'article 42bis LGAF sera maintenu à titre provisionnel et régularisé après réception des données fiscales relatives à la famille de l'enfant bénéficiaire. Toutes les autres conditions de maintien du droit étant examinées en vertu du décret. L'allocation spéciale prévue à l'article 10, § 3, de la loi du 20 juillet 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1971 pub. 19/08/2009 numac 2009000536 source service public federal interieur Loi instituant des prestations familiales garanties. - Coordination officieuse en langue allemande fermer précitée est maintenue à titre provisionnel, en faveur de l'enfant placé, et régularisée après réception des données fiscales attestant que la famille de la personne qui perçoit ladite allocation est sans revenu; dans le cas contraire, l'allocation spéciale est récupérée et le droit aux prestations familiales est examiné conformément au présent Titre.
S'agissant de nouvelles demandes introduites à partir de la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 1er, relatives à des enfants nés au plus tard la veille de cette même date, les conditions d'ouverture du droit seront examinées conformément au présent décret tandis que les montants de base et suppléments seront ceux fixés dans le cadre de la LGAF dans les limites prévues au présent Titre ».
Il découle de cette disposition que l'ancien régime prévu par la LGAF est partiellement maintenu, à titre transitoire, pour les enfants bénéficiaires nés au plus tard la veille de la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 2, du décret.
B.6.2. Les articles 121 et suivants du décret du 8 février 2018 visent à appliquer aux enfants soumis à ce régime transitoire certaines mesures, essentiellement plus favorables, du nouveau régime : «
Art. 121.L'article 120 ne préjudicie pas à l'application, à partir de la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 1er, aux enfants qui atteignent l'âge de 18 ans au cours de cette même année, de l'article 5 qui prévaut.
Art. 122.Pour l'octroi des suppléments visés à l'article 41, LGAF ainsi que l'octroi, à un allocataire visé à l'article 41, LGAF, premier et deuxième tirets, des suppléments visés aux articles 42bis et 50ter, LGAF, en faveur des enfants nés au plus tard le 31 décembre de l'année qui précède la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 1er, il est tenu compte, à partir de ladite date fixée par le Gouvernement, uniquement du plafond de revenus figurant à l'article 13, § 1er, 1°.
L'article 120 ne préjudicie pas à l'application, en cas de décès intervenu au plus tôt à la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 1er, du taux prévu à l'article 50bis LGAF, qui prévaut aux enfants nés au plus tard la veille de ladite date fixée par le Gouvernement, sans application des restrictions prévues à l'article 56bis, § 2, LGAF.
Art. 123.Pour l'octroi des suppléments visés à l'article 42bis, § 2, LGAF, en faveur des enfants nés au plus tard le 31 décembre de l'année qui précède la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 1er, il n'est plus tenu compte, à partir de ladite date fixée par le Gouvernement, des statuts spécifiques visés au paragraphe 1er dudit article mais uniquement du plafond de revenus figurant à l'article 13, § 1, 1°.
Pour ces mêmes enfants, les suppléments visés à l'article 42bis, § 2, LGAF et les suppléments visés à l'article 50bis LGAF ne sont pas cumulables, les suppléments visés à l'article 50bis prévalant.
Art. 124.Les suppléments prévus à l'article 50ter LGAF sont octroyés en faveur des enfants nés au plus tard la veille de la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 1er, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 13, § 2, du décret.
Art. 125.L'article 120 ne préjudicie pas à l'octroi, à partir de la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 2, de l'allocation forfaitaire visée à l'article 10 du présent décret en cas de placements en famille d'accueil intervenant à partir de cette même date, décidés à l'égard d'enfants nés au plus tard la veille de la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 2.
Art. 126.Pour le calcul de la répartition proportionnelle des allocations et suppléments visés à l'article 70bis, alinéa 4, LGAF, il n'est pas tenu compte des prestations dues en faveur des enfants nés à partir de la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 2, ni des prestations dues en faveur des enfants placés à partir de cette date qui bénéficient du versement du tiers de leurs allocations familiales sur un compte d'épargne ouvert à leur nom conformément à l'article 22, § 4.
Art. 127.Pour l'application de l'article 11, il est tenu compte des enfants nés avant la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 2, dans la composition du ménage. Ces enfants ne bénéficient toutefois pas du supplément prévu audit article.
Art. 128.Les suppléments dus dans le cadre de la loi générale relative aux allocations familiales ne se cumulent pas aux suppléments dus dans le cadre du présent décret.
Art. 129.L'article 120 ne préjudicie pas à l'application, pour tout évènement survenant à partir de la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 1er, de l'article 84 qui prévaut.
Art. 130.L'article 54 LGAF ne produit plus d'effet à partir de la date fixée par le Gouvernement en vertu de l'article 136, alinéa 1er ».
B.6.3. Sous réserve de ces adaptations, le mécanisme de transition mis en place par le législateur décrétal revêt un caractère particulier, en ce qu'il n'organise pas la transition progressive vers le nouveau régime des enfants nés au plus tard la veille de la date à fixer par le Gouvernement. Ces enfants resteront assujettis au régime transitoire jusqu'à l'extinction de leur droit aux allocations familiales, soit au plus tard jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de vingt-cinq ans, comme le prévoit l'article 62 de la LGAF. B.6.4. Selon les travaux préparatoires, le régime transitoire se justifie par la nécessité de concilier, dans un cadre budgétaire contraint, la mise en oeuvre de la réforme du modèle des prestations familiales avec la protection des attentes légitimes des familles des ayants droit nés avant la date d'entrée en vigueur du décret. A titre plus accessoire, il permet de limiter dans une certaine mesure la charge administrative que la réforme entraîne pour les caisses d'allocations familiales : « La date de naissance de l'enfant ayant droit aux prestations familiales est celle du maintien des montants d'allocations fixés par l'ancien régime pour les enfants nés durant l'application de cet ancien régime, soit avant la date d'entrée en vigueur du décret wallon. Ces ayants droit bénéficient donc d'un autre régime transitoire, se prolongeant jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 25 ans. Seuls les enfants nés après la date d'entrée en vigueur du décret pourront bénéficier des nouveaux montants d'allocations familiales du régime wallon.
Le régime transitoire envisagé consiste en un maintien de l'ancien régime, avec quelques adaptations introduites par le nouveau régime.
Ces adaptations portent essentiellement sur des conditions de droit aux prestations familiales et sont systématiquement favorables aux enfants, à une exception près, celle de la suppression de la trimestrialisation des suppléments sociaux.
Ainsi, pour les enfants nés avant la date d'entrée en vigueur du décret, l'octroi des suppléments sociaux sera également uniquement fonction du revenu du ménage. Pour les enfants nés à partir du 1er janvier 2001 ou du 1er janvier 2002 selon que le décret entre en vigueur au 1er janvier 2019 ou au 1er janvier 2020, date à laquelle ils auront atteint l'âge de 18 ans de nouvelles conditions de droit leur seront applicables au-delà du droit inconditionnel, visant à une automaticité des droits. Un meilleur ciblage du paiement de l'allocation forfaitaire en cas de placement en famille d'accueil à partir de la date d'entrée en vigueur du décret sera également applicable aux enfants même nés avant cette date. Quant aux conditions du droit concernant l'orphelin, ce droit sera ouvert à l'enfant en cas de décès du parent à partir de la date d'entrée en vigueur du décret, sur base de l'ancien montant mais sans lien avec la monoparentalité du parent survivant.
L'objectif de la réforme du modèle d'allocations familiales est la modernisation du système des allocations familiales pour adapter celui-ci aux évolutions du modèle familial, ainsi qu'une égalité entre les ayants droit quel que soit leur rang au sein de la famille. Cet objectif doit être concilié avec la protection des droits acquis et des attentes légitimes des familles des ayants droit nés avant la date d'entrée en vigueur du décret, soumis à l'ancien régime.
En effet, englober tous les bénéficiaires des allocations familiales, que les ayants droit soient nés avant ou après la date d'entrée en vigueur du décret, en préservant les droits acquis par un paiement de différentiel pour les enfants nés avant la date d'entrée en vigueur du décret, et ce même après une période transitoire de quelques années éventuellement mise en place pour des raisons administratives, impliquerait un surcoût estimé à 200 millions d'euros suivant le modèle proposé. Rester dans des budgets constants aurait pour effet de diminuer les montants du taux de base et des différents suppléments, impliquant un préjudice pour toutes les familles constituées à partir de la date d'entrée en vigueur du décret. Dans cette hypothèse, le taux de base devrait être ramené à 125 euros.
Le tableau ci-dessous illustre les conséquences financières pour les familles d'une telle option de basculement, partant d'un taux de base de 125 euros et supplément d'âge de 10 euros à partir de 18 ans.
Famille avant le 1/1/2019 ou 1/1/2020
Famille après le 1/1/2019 ou 1/1/2020
Impact pour les nouvelles familles
1 enfant de moins de 6 ans
93,93 €
125 €
31,07 €
1 enfant de 6 à 11 ans, supplément d'âge si pas de supplément social
110,29 €
125 €
14,71 €
1 enfant de 6 à 11 ans, supplément d'âge si supplément social
126,56 €
125 €
- 1,56 €
1 enfant de 12 à 17 ans, supplément d'âge si pas de supplément social
118,85
125 €
6,15 €
1 enfant de 12 à 17 ans, supplément d'âge si supplément social
143,79 €
125 €
- 18,79 €
1 enfant de 18 à 24 ans, supplément d'âge si pas de supplément social
122,65 €
135 €
12,35 €
1 enfant de 18 à 24 ans, supplément d'âge si supplément social
157,33 €
135 €
- 22,33 €
2 enfants de moins de 6 ans
267,73 €
250 €
- 17,73 €
2 enfants de 6 à 11 ans, supplément d'âge si pas de supplément social
316,72 €
250 €
- 66,72 €
2 enfants de 6 à 11 ans, supplément d'âge si supplément social
332,99 €
250 €
- 82,99 €
2 enfants de 12 à 17 ans, supplément d'âge si pas de supplément social
342,51 €
250 €
- 92,51 €
2 enfants de 12 à 17 ans, supplément d'âge si supplément social
367,45 €
250 €
- 117,45 €
2 enfants de 18 à 24 ans, supplément d'âge si pas de supplément social
359,85 €
270 €
- 89,85 €
2 enfants de 18 à 24 ans, supplément d'âge si supplément social
394,53 €
270 €
- 124,53 €
3 enfants de moins de 6 ans
527,22 €
375 €
- 152,22 €
3 enfants de 6 à 11 ans, supplément d'âge si pas de supplément social
608,84 €
375 €
- 233,84 €
3 enfants de 6 à 11 ans, supplément d'âge si supplément social
625,11 €
375 €
- 250,11 €
3 enfants de 12 à 17 ans, supplément d'âge si pas de supplément social
651,86 €
375 €
- 276,86 €
3 enfants de 12 à 17 ans, supplément d'âge si supplément social
676,80 €
375 €
- 301,80 €
3 enfants de 18 à 24 ans, supplément d'âge si pas de supplément social
682,74 €
405 €
- 277,74 €
3 enfants de 18 à 24 ans, supplément d'âge si supplément social
717,42 €
405 €
- 312,42 €
Les exemples ci-dessus illustrent le recul significatif pour les familles constituées avant la date d'entrée en vigueur du décret, en cas de basculement sans paiement d'un différentiel, et le manque à gagner pour l'ensemble des familles qui se créent à partir de la date d'entrée en vigueur du décret. Ceci résulte principalement de deux facteurs : d'une part le côté évolutif des familles et d'autre part l'effet du supplément d'âge dans l'ancien modèle, encore augmenté lorsqu'un droit existe aux suppléments sociaux.
Dans le système transitoire prévu par le décret, le levier du supplément d'âge est maintenu inchangé pour les enfants nés avant la date d'entrée en vigueur du décret, et même amplifié du fait de l'extension du droit aux suppléments sociaux à tous les ménages dont les revenus n'excèdent pas le plafond déterminé. Le principe d'égalité ne peut donc clairement pas être évalué sur base de la comparaison des seuls taux de base.
Le tableau ci-dessous illustre les impacts pour les familles, de l'application de l'ancien modèle et du modèle prévu dans le décret, compte tenu des corrections sociales et des suppléments d'âge.
Famille avant le 1/1/2019 ou 1/1/2020
Famille après le 1/1/2019 ou 1/1/2020
Impact pour les nouvelles familles
Famille 1 enfant de 0 Ã 5 ans, taux ordinaire
93,93
155
61,07 €
Famille 1 enfant de 0 à 5 ans, avec supplément social
141,74
210
68,26 €
Famille 1 enfant de 0 à 5 ans, avec supplément invalide
196,81
220
23,19 €
Famille 1 enfant de 6 Ã 11 ans, taux ordinaire
110,29
155
44,71 €
Famille 1 enfant de 6 à 11 ans, avec supplément social
174,37
210
35,63 €
Famille 1 enfant de 6 à 11 ans, avec supplément invalide
229,44
220
- 9,44 €
Famille 1 enfant de 12 Ã 17 ans, taux ordinaire
118,85
155
36,15 €
Famille 1 enfant de 12 à 17 ans, avec supplément social
191,6
210
18,40 €
Famille 1 enfant de 12 à 17 ans, avec supplément invalide
246,67
220
- 26,67 €
Famille 1 enfant de 18 Ã 24 ans, taux ordinaire
122,65
165
42,35 €
Famille 1 enfant de 18 à 24 ans, avec supplément social
205,14
220
14,86 €
Famille 1 enfant de 18 à 24 ans, avec supplément invalide
260,21
230
- 30,21 €
Famille 2 enfants de 0 Ã 5 ans, taux ordinaire
267,73
310
42,27 €
Famille 2 enfants de 0 à 5 ans, avec supplément social
345,18
420
74,82 €
Famille 2 enfants de 0 à 5 ans, avec supplément invalide
400,25
440
39,75 €
Famille 2 enfants de 6 Ã 11 ans, taux ordinaire
316,72
310
- 6,72 €
Famille 2 enfants de 6 à 11 ans, avec supplément social
410,44
420
9,56 €
Famille 2 enfants de 6 à 11 ans, avec supplément invalide
465,51
440
- 25,51 €
Famille 2 enfants de 12 Ã 17 ans, taux ordinaire
342,51
310
- 32,51 €
Famille 2 enfants de 12 à 17 ans, avec supplément social
444,9
420
- 24,90 €
Famille 2 enfants de 12 à 17 ans, avec supplément invalide
499,97
440
- 59,97 €
Famille 2 enfants de 18 Ã 24 ans, taux ordinaire
359,85
330
- 29,85 €
Famille 2 enfants de 18 à 24 ans, avec supplément social
471,98
440
- 31,98 €
Famille 2 enfants de 18 à 24 ans, avec supplément invalide
527,05
460
- 67,05 €
Famille 3 enfants de 0 Ã 5 ans, taux ordinaire
527,22
465
- 62,22 €
Famille 3 enfants de 0 à 5 ans, avec supplément social
609,87
735
125,13 €
Famille 3 enfants de 0 à 5 ans, avec supplément invalide
664,94
765
100,06 €
Famille 3 enfants de 6 Ã 11 ans, taux ordinaire
608,84
465
- 143,84 €
Famille 3 enfants de 6 à 11 ans, avec supplément social
707,76
735
27,24 €
Famille 3 enfants de 6 à 11 ans, avec supplément invalide
762,83
765
2,17 €
Famille 3 enfants de 12 Ã 17 ans, taux ordinaire
651,86
465
- 186,86 €
Famille 3 enfants de 12 à 17 ans, avec supplément social
759,45
735
- 24,45 €
Famille 3 enfants de 12 à 17 ans, avec supplément invalide
814,52
765
- 49,52 €
Famille 3 enfants de 18 Ã 24 ans, taux ordinaire
682,74
495
- 187,74 €
Famille 3 enfants de 18 à 24 ans, avec supplément social
800,07
765
- 35,07 €
Famille 3 enfants de 18 à 24 ans, avec supplément invalide
855,14
795
- 60,14 €
Ces situations montrent que les différentes variables du nouveau modèle réduisent les différences entre les deux modèles.
L'inconvénient de rester dans l'ancien modèle se manifeste essentiellement pour les enfants de moins de six ans, pour lesquels aucun supplément d'âge n'est prévu. Les enfants grandissant, tous auront atteint l'âge de six ans en 2024 ou en 2025 suivant la date d'entrée en vigueur du décret. Faire basculer immédiatement tous les enfants vers le nouveau modèle si celui-ci s'avère plus favorable reviendrait dès lors à préjudicier les familles créées avant l'entrée en vigueur du décret avec enfants en bas âge, qui se verraient privées de l'évolution prévue dans l'ancien modèle.
Le système de transition prévu dans le cadre de la réforme, avec le maintien de l'ancien régime pour les ayants droit nés avant l'entrée en vigueur du nouveau régime permet de concilier : - la protection des droits acquis des ayants droit nés avant la date d'entrée en vigueur du décret, en évitant les effets disproportionnés que pourrait avoir le nouveau régime sur ces droits, indistinctement de la situation particulière de chaque enfant et des ménages auxquels ils se rattachent; - la modernisation et réforme du système des allocations familiales, notamment au niveau du calcul des prestations; - l'optimalisation de l'utilisation des moyens budgétaires, considérant la dotation octroyée à la Région wallonne dans le cadre de la sixième réforme de l'Etat, dans l'intérêt des familles et ce, en régime de croisière du nouveau modèle d'allocations familiales.
Enfin, même si cela est plus anecdotique, la formule choisie a le mérite de n'impliquer aucun nouveau calcul aux caisses d'allocations familiales pour fixer un nouveau montant à payer pour les enfants nés avant l'entrée en vigueur du décret à un moment où leur charge de travail sera importante. Ce choix garantit donc, encore un peu plus, la continuité des paiements pour ces familles.
La différence de traitement peut donc être raisonnablement justifiée et ne porte pas atteinte au principe de confiance légitime, étroitement lié au principe de sécurité juridique » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 989/1, pp. 6-8).
B.7. L'article 2 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 20 décembre 2018 « exécutant l'article 136 du décret du 8 février 2018 relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales », précité, fixe l'entrée en vigueur des dispositions du décret du 8 février 2018 à des dates différentes, à savoir le 1er janvier 2019 (en application de l'article 136, alinéa 1er, du décret) et le 1er janvier 2020 pour plusieurs dispositions qu'il énumère (en application de l'article 136, alinéa 2, du décret).
Il résulte de cette disposition que le nouveau régime des prestations familiales s'applique aux enfants bénéficiaires nés à partir du 1er janvier 2020 et que les enfants nés au plus tard la veille de cette date restent soumis au régime prévu par la LGAF, moyennant les dispositions transitoires prévues aux articles 120 et suivants du décret du 8 février 2018, mentionnées en B.6.
Quant à la recevabilité du moyen unique B.8. La partie requérante prend un moyen unique de la violation des articles 10, 11, 22bis et 23 de la Constitution par l'article 3, attaqué, du décret du 8 février 2018.
B.9.1. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
B.9.2. Comme le relèvent le Gouvernement wallon et le Gouvernement flamand, la partie requérante n'explique pas, dans sa requête, en quoi les dispositions attaquées violeraient les articles 22bis et 23 de la Constitution. C'est uniquement dans son mémoire en réponse qu'elle développe de telles critiques.
Il n'appartient pas à la partie requérante de modifier, dans son mémoire en réponse, le moyen du recours tel qu'elle l'a elle-même formulé dans la requête. Un grief qui, comme en l'espèce, est formulé dans un mémoire en réponse mais qui diffère de celui qui est énoncé dans la requête constitue un moyen nouveau et n'est pas recevable.
B.9.3. La Cour limite par conséquent son contrôle à celui de la compatibilité de l'article 3, attaqué, du décret du 8 février 2018 avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
Quant au fond B.10. Par son moyen unique, la partie requérante dénonce la différence de traitement entre, d'une part, les enfants bénéficiaires de prestations familiales qui sont nés à partir de la date fixée par le Gouvernement wallon et, d'autre part, ceux qui sont nés au plus tard la veille de cette date : alors que les premiers bénéficient du nouveau régime de prestations familiales et peuvent prétendre aux allocations y afférentes, les seconds sont soumis à un régime transitoire sur la base duquel ils peuvent prétendre à des allocations dont le montant diffère en fonction notamment du rang de l'enfant au sein de sa famille et de son âge, de sorte que l'allocation sera, selon les cas, plus ou moins élevée que celle perçue par un enfant soumis au nouveau régime.
La partie requérante précise que la différence de traitement cause plus particulièrement préjudice aux familles comprenant un seul enfant né avant l'entrée en vigueur de la réforme. Ainsi, un enfant unique né au plus tard la veille de la date fixée par le Gouvernement se verra accorder une allocation de base moindre qu'un enfant né à partir de cette date, cette différence de traitement étant susceptible de perdurer jusqu'à ce que l'enfant, dans le premier cas, atteigne l'âge de vingt-cinq ans. La partie requérante ajoute que les autres enfants nés à partir de l'entrée en vigueur de la réforme au sein de ces familles auront droit à l'allocation prévue par le nouveau régime, de sorte que les familles concernées, soumises simultanément aux deux régimes, seront moins bien traitées que les familles comprenant le même nombre d'enfants qui seraient tous nés soit avant, soit à partir de l'entrée en vigueur de la réforme.
B.11. Il appartient en principe au législateur, lorsqu'il décide d'introduire une nouvelle réglementation, d'estimer s'il est nécessaire ou opportun d'assortir celle-ci de dispositions transitoires. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'est violé que si le régime transitoire ou son absence entraîne une différence de traitement dénuée de justification raisonnable ou s'il est porté une atteinte excessive au principe de la confiance légitime.
B.12. La différence de traitement qui résulte de l'article 3 du décret du 8 février 2018 repose sur un critère objectif, à savoir la date de naissance de l'enfant bénéficiaire des prestations familiales.
B.13. En matière socio-économique, le législateur dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il n'appartient à la Cour de sanctionner le choix politique posé par le législateur et les motifs qui le fondent que s'ils sont dépourvus de justification raisonnable.
B.14. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.6.4 que le choix du législateur décrétal de réserver l'application du nouveau régime des prestations familiales aux enfants nés à partir de la date fixée par le Gouvernement est justifié par la nécessité de concilier, dans un cadre budgétaire contraint, la mise en oeuvre de la réforme du modèle des prestations familiales avec la protection des attentes légitimes des familles des ayants droit nés avant la date d'entrée en vigueur du décret ainsi que, à titre plus accessoire, par la volonté de limiter la charge administrative que la réforme entraîne. D'après le Gouvernement wallon, le mécanisme de transition résulte également de la volonté du législateur décrétal de déférer à l'obligation de standstill, consacrée par l'article 23, alinéas 2 et 3, 6°, de la Constitution, relative au degré de protection du droit aux prestations familiales prévu par le nouveau régime.
B.15.1. La partie requérante reproche au législateur décrétal d'avoir choisi de maintenir le budget des prestations familiales constant, alors que la Région wallonne dispose de la possibilité de lever des impôts. Elle allègue que le Gouvernement wallon ne démontre pas suffisamment en quoi le fait d'accorder une allocation d'un montant de base identique à tous les enfants aurait une incidence considérable sur le budget de la Région.
B.15.2. Ainsi que le souligne le Gouvernement wallon, il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur l'opportunité de l'ampleur des moyens que le législateur décrétal entend consacrer, en termes de budget, à une politique déterminée.
B.16.1. La partie requérante fait valoir que, par le décret du 23 avril 2018 « relatif aux prestations familiales », la Communauté germanophone a instauré un nouveau système en matière de prestations familiales dans le cadre duquel l'ensemble des enfants seraient soumis au nouveau régime, moyennant un mécanisme transitoire en vue de respecter les attentes légitimes des familles en ce qui concerne les allocations qu'elles percevaient sous l'ancien système, et que la Commission communautaire commune a annoncé la mise en place prochaine d'un mécanisme analogue.
B.16.2. Une différence de traitement dans des matières où les communautés et les régions disposent de compétences propres est la conséquence possible de politiques distinctes permises par l'autonomie qui leur est accordée par la Constitution ou en vertu de celle-ci; une telle différence ne peut en soi être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Cette autonomie serait dépourvue de signification si le seul fait qu'il existe des différences de traitement entre les destinataires de règles s'appliquant à une même matière dans les diverses communautés et régions était jugé contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.
B.17.1. En ce qui concerne la comparaison entre les familles comprenant un seul enfant, qui est né soit avant, soit après l'entrée en vigueur du régime attaqué, le fait que les familles comprenant un enfant représentent, selon les chiffres indiqués dans les travaux préparatoires, 51 % des familles en Région wallonne n'implique pas en soi que la différence de traitement soit disproportionnée. Pour déterminer si une différence de traitement emporte des effets disproportionnés, il importe de tenir compte des effets qu'elle implique sur la situation des personnes qui font l'objet du traitement désavantageux attaqué, et non du nombre de personnes concernées.
B.17.2. Comme le soulignent le Gouvernement wallon et le Gouvernement flamand, les articles 121 et suivants du décret du 8 février 2018 visent à appliquer aux enfants soumis à ce régime transitoire certaines mesures, essentiellement plus favorables, du nouveau régime.
Ainsi, à titre d'illustration, les enfants soumis au régime transitoire bénéficient également du mécanisme d'automaticité des droits, en vertu duquel l'enfant bénéficiaire a droit aux prestations familiales de dix-huit à vingt et un ans, sauf exception (article 121 juncto article 5); ils bénéficient également de l'abandon de la condition relative au statut socioprofessionnel des parents pour l'octroi du supplément social (article 123). Par ailleurs, l'application des suppléments d'âge à partir du moment où l'enfant atteint l'âge de six ans tend à réduire progressivement la différence de traitement. La différence de traitement n'est dès lors pas disproportionnée aux buts poursuivis.
B.18.1. Pour les familles comprenant plusieurs enfants, dont seul le premier est né avant l'entrée en vigueur du nouveau régime, il n'existe, par rapport aux familles qui entrent entièrement dans le champ d'application du nouveau régime, qu'une différence en ce qui concerne l'allocation de base pour le premier enfant. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont mentionnés relativement à la différence entre les enfants uniques, cette différence de traitement n'est pas déraisonnable.
B.18.2. En ce qui concerne la comparaison entre les premiers enfants, selon que les autres enfants de la famille sont nés avant ou après l'entrée en vigueur du nouveau régime, la même allocation de base s'applique, pour ces enfants, personnellement. Le fait qu'une famille, dans son ensemble, peut percevoir davantage si les autres enfants entrent dans le champ d'application de l'ancien système peut être justifié par la nécessité de respecter leurs attentes légitimes. C'est cette préoccupation qui a conduit le législateur décrétal à instaurer le mécanisme en vertu duquel les familles comprenant plusieurs enfants nés avant l'entrée en vigueur de la réforme et qui auraient été préjudiciées si elles avaient été soumises au nouveau modèle puissent continuer à percevoir les allocations familiales calculées selon l'ancien système.
B.19. Le moyen unique n'est pas fondé.
Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 5 décembre 2019.
Le greffier, F. Meersschaut Le président, F. Daoût