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Arrêt
publié le 13 novembre 2019

Extrait de l'arrêt n° 126/2019 du 26 septembre 2019 Numéro du rôle : 7072 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 26, alinéa 1 er , de la loi du 6 mars 2018 « relative à l'amélioration de la sécurité routière », La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges T. Merckx-V(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 126/2019 du 26 septembre 2019 Numéro du rôle : 7072 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 26, alinéa 1er, de la loi du 6 mars 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/03/2018 pub. 15/03/2018 numac 2018010649 source service public federal mobilite et transports Loi relatif à l'amélioration de la sécurité routière fermer « relative à l'amélioration de la sécurité routière », posées par le Tribunal correctionnel du Brabant wallon.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges T. Merckx-Van Goey, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 8 novembre 2018, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 5 décembre 2018, le Tribunal correctionnel du Brabant wallon a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 26, de la loi du 6 mars 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/03/2018 pub. 15/03/2018 numac 2018010649 source service public federal mobilite et transports Loi relatif à l'amélioration de la sécurité routière fermer relative à l'amélioration de la sécurité routière, en ce qu'il prévoit l'entrée en vigueur rétroactive des dispositions de ladite loi dans les termes suivants : ' La présente loi entre en vigueur le 15 février 2018, à l'exception des articles 10, 14, 16 et 20, et de l'article 25, 2°, qui entrent en vigueur le 1er juillet 2018. ', et en tant qu'il a pour effet de faire renaître des actions publiques qui ont été techniquement prescrites avant l'entrée en vigueur de cette loi, ne viole-t-il pas les articles 10 et 11 de la Constitution lus isolément ou en combinaison avec le principe de non-rétroactivité de la loi pénale consacré notamment par l'article 2 du Code pénal, l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et les principes de sécurité et de confiance légitime ? 2. L'article 26, alinéa 1er, de la loi du 6 mars 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/03/2018 pub. 15/03/2018 numac 2018010649 source service public federal mobilite et transports Loi relatif à l'amélioration de la sécurité routière fermer relative à l'amélioration de la sécurité routière, combiné avec l'article 25, 1°, de cette même loi et avec l'article 3 du Code judiciaire, viole-t-il les dispositions relatives aux droits et libertés fondamentaux garantis par le titre II de la Constitution (notamment les articles 10, 11 et 13 de la Constitution), et l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que cette disposition, en particulier en raison de l'ajout du membre de phrase ' cette loi entre en vigueur le 15 février 2018 ', instaure une entrée en vigueur rétroactive de la prescription ? 3. L'article 26, alinéa 1er, de la loi du 6 mars 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/03/2018 pub. 15/03/2018 numac 2018010649 source service public federal mobilite et transports Loi relatif à l'amélioration de la sécurité routière fermer relative à l'amélioration de la sécurité routière, combiné avec l'article 25, 1°, de cette même loi et avec l'article 3 du Code judiciaire, viole-t-il les dispositions relatives aux droits et libertés fondamentaux garantis par le titre II de la Constitution (notamment les articles 10, 11 et 13 de la Constitution), et l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que cette disposition, en particulier en raison de l'ajout du membre de phrase ' cette loi entre en vigueur le 15 février 2018 ', crée une différence de traitement entre : - les faits qui auraient été atteints de prescription durant la période comprise entre la date rétroactive de l'entrée en vigueur de la loi du 6 mars 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/03/2018 pub. 15/03/2018 numac 2018010649 source service public federal mobilite et transports Loi relatif à l'amélioration de la sécurité routière fermer, à savoir le 15 février 2018, et la date de publication de cette même loi au Moniteur belge, à savoir le 15 mars 2018, puisque l'action publique n'est plus éteinte et renaît, d'une part, - et les faits qui auraient déjà été définitivement prescrits avant le 15 février 2018, d'autre part ? ». (...) III. En droit (...) B.1. Par la seconde question préjudicielle, le juge a quo souhaite savoir si l'article 26, alinéa 1er, de la loi du 6 mars 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/03/2018 pub. 15/03/2018 numac 2018010649 source service public federal mobilite et transports Loi relatif à l'amélioration de la sécurité routière fermer « relative à l'amélioration de la sécurité routière » (ci-après : la loi du 6 mars 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/03/2018 pub. 15/03/2018 numac 2018010649 source service public federal mobilite et transports Loi relatif à l'amélioration de la sécurité routière fermer), lu en combinaison avec l'article 25, 1°, de la même loi et avec l'article 3 du Code judiciaire, est compatible avec les articles 10, 11 et 13 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il fait débuter avec effet rétroactif au 15 février 2018 la prolongation du délai de prescription de l'action publique résultant d'une infraction à la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par l'arrêté royal du 16 mars 1968 (ci-après : la loi relative à la police de la circulation routière), ainsi qu'aux arrêtés pris en exécution de celle-ci.

B.2.1. L'article 25 de la loi du 6 mars 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/03/2018 pub. 15/03/2018 numac 2018010649 source service public federal mobilite et transports Loi relatif à l'amélioration de la sécurité routière fermer dispose : « A l'article 68 de la même loi, remplacé par la loi du 18 juillet 1990 et modifié par les lois du 16 mars 1999 et 20 juillet 2005, les modifications suivantes sont apportées : 1° les mots ' un an révolu ' sont remplacés par les mots ' deux ans révolus ';2° les mots ' et 37bis, § 1er, 1° et 4° à 6°' sont remplacés par les mots ', 37/1, § 4, 37bis, § 1er, 1° et 4° à 6°, et 48 ' ». B.2.2. Par l'effet de ces modifications, l'article 68 de la loi relative à la police de la circulation routière dispose : « L'action publique résultant d'une infraction à la présente loi ainsi qu'aux arrêtés pris en exécution de celle-ci est prescrite après deux ans révolus à compter du jour où l'infraction a été commise; ce délai est toutefois de trois ans, à dater du jour où l'infraction a été commise, pour les infractions aux articles 30, § 1er et § 3, 33, 34, § 2, 35, 37/1, § 4, 37bis, § 1er, 1° et 4° à 6°, et 48 ».

B.3.1. La loi du 6 mars 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/03/2018 pub. 15/03/2018 numac 2018010649 source service public federal mobilite et transports Loi relatif à l'amélioration de la sécurité routière fermer a été publiée au Moniteur belge du 15 mars 2018. En ce qui concerne son entrée en vigueur, l'article 26 de cette loi dispose : « La présente loi entre en vigueur le 15 février 2018, à l'exception des articles 10, 14, 16 et 20, et de l'article 25, 2°, qui entrent en vigueur le 1er juillet 2018.

L'article 37/1, § 1er, de la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée le 16 mars 1968, tel que remplacé par l'article 10, ne s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur ».

A l'exception des articles 10, 14, 16, 20 et 25, 2°, qui entrent en vigueur le 1er juillet 2018, la loi du 6 mars 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/03/2018 pub. 15/03/2018 numac 2018010649 source service public federal mobilite et transports Loi relatif à l'amélioration de la sécurité routière fermer a donc un effet rétroactif.

B.3.2. Il en découle que l'article 25, 1°, de la loi du 6 mars 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/03/2018 pub. 15/03/2018 numac 2018010649 source service public federal mobilite et transports Loi relatif à l'amélioration de la sécurité routière fermer, qui prolonge la prescription de l'action publique résultant d'une infraction à la loi relative à la police de la circulation routière ou à ses arrêtés d'exécution d'un an à deux ans à compter du jour où l'infraction a été commise, entre en vigueur rétroactivement le 15 février 2018.

B.3.3. Le juge a quo n'interroge pas la Cour sur la prolongation en soi du délai de prescription de l'action publique, mais uniquement sur l'instauration rétroactive de cette prolongation.

B.4. Par son arrêt n° 54/2019 du 4 avril 2019, la Cour a répondu à une question préjudicielle identique et a dit pour droit que l'article 26, alinéa 1er, de la loi du 6 mars 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/03/2018 pub. 15/03/2018 numac 2018010649 source service public federal mobilite et transports Loi relatif à l'amélioration de la sécurité routière fermer, lu en combinaison avec l'article 25, 1°, de la même loi, viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il fait débuter rétroactivement au 15 février 2018 la prolongation du délai de prescription de l'action publique d'un an à deux ans, aux termes des considérations suivantes : « B.4. Comme l'a jugé la Cour européenne des droits de l'homme, ' la prescription peut se définir comme le droit accordé par la loi à l'auteur d'une infraction de ne plus être poursuivi ni jugé après l'écoulement d'un certain délai depuis la réalisation des faits. Les délais de prescription, qui sont un trait commun aux systèmes juridiques des Etats contractants, ont plusieurs finalités, parmi lesquelles garantir la sécurité juridique en fixant un terme aux actions et empêcher une atteinte aux droits de la défense qui pourraient être compromis si les tribunaux étaient appelés à se prononcer sur le fondement d'éléments de preuve qui seraient incomplets en raison du temps écoulé (arrêt Stubbings et autres c.

Royaume-Uni du 22 octobre 1996, Recueil 1996-IV, pp. 1502-1503, § 51) ' (CEDH, 22 juin 2000, Coëme et autres c. Belgique, § 146).

B.5.1. La disposition légale qui prolonge le délai de prescription d'une action publique n'est ni une loi qui établit une nouvelle infraction ni une loi qui détermine le taux de la peine. Il s'agit d'une loi de procédure qui, conformément aux articles 2 et 3 du Code judiciaire, s'applique, dès son entrée en vigueur, à toute action publique, même née avant cette entrée en vigueur, pour autant que l'action publique n'était pas prescrite à cette date (Cass., 12 novembre 1996, P.95.1171.N).

B.5.2. En ce qui concerne l'entrée en vigueur immédiate d'une loi qui prolonge le délai de prescription de l'action publique, la Cour a, par son arrêt n° 165/2015 du 19 novembre 2015, jugé : ' Mais alors que l'insécurité juridique résultant de l'introduction de peines qui n'étaient pas prévues au moment où l'infraction a été commise n'est pas susceptible de justification, il en va autrement de l'insécurité qui tient à ce qu'une infraction, déjà punissable au moment où elle est commise, peut encore être punie des mêmes peines après l'expiration du délai escompté, même si les attentes de l'inculpé sont ainsi déjouées (voy. dans le même sens : CEDH, 22 juin 2000, Coëme e.a. c. Belgique, § § 149-151) '.

B.6. L'entrée en vigueur immédiate d'une loi qui prolonge le délai de prescription de l'action publique doit toutefois être distinguée d'une prolongation instaurée avec effet rétroactif.

En effet, en instaurant rétroactivement la prolongation du délai de prescription, les dispositions en cause ont pour conséquence de faire renaître les actions publiques qui, comme c'est le cas dans l'affaire soumise au juge a quo, étaient définitivement prescrites sur la base de l'ancienne loi, au cours de la période comprise entre le 15 février 2018 et le 15 mars 2018.

Elles portent ainsi atteinte, sans qu'il puisse exister une justification raisonnable, à la garantie de sécurité juridique qui est visée par la prescription et qui implique, en matière pénale, que l'auteur d'une infraction ne peut plus être poursuivi ni jugé après l'écoulement d'un certain délai depuis que les faits se sont produits.

Comme l'indique le Conseil des ministres dans son mémoire, l'entrée en vigueur rétroactive des dispositions attaquées ne fait d'ailleurs l'objet d'aucune justification dans les travaux préparatoires (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2868/001, pp. 31-32).

B.7. La première question préjudicielle appelle une réponse affirmative ».

B.5. Pour les mêmes motifs, la deuxième question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

B.6. Compte tenu de la réponse à la deuxième question préjudicielle, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres questions, qui ne sauraient conduire à un constat d'inconstitutionnalité plus étendu.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 26, alinéa 1er, de la loi du 6 mars 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/03/2018 pub. 15/03/2018 numac 2018010649 source service public federal mobilite et transports Loi relatif à l'amélioration de la sécurité routière fermer « relative à l'amélioration de la sécurité routière », lu en combinaison avec l'article 25, 1°, de la même loi, viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il fait débuter rétroactivement au 15 février 2018 la prolongation du délai de prescription de l'action publique d'un an à deux ans.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 26 septembre 2019.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, F. Daoût

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