publié le 18 octobre 2019
Extrait de l'arrêt n° 113/2019 du 18 juillet 2019 Numéro du rôle : 7019 En cause : le recours en annulation du décret de la Région flamande du 30 mars 2018 portant modification de la loi du 19 juin 1978 relative à la gestion du territoire de La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 113/2019 du 18 juillet 2019 Numéro du rôle : 7019 En cause : le recours en annulation du décret de la Région flamande du 30 mars 2018 portant modification de la loi du 19 juin 1978 relative à la gestion du territoire de la rive gauche de l'Escaut à hauteur d'Anvers et portant des mesures de gestion et d'exploitation du port d'Anvers, introduit par Denis Malcorps et autres.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet et J. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8 octobre 2018 et parvenue au greffe le 9 octobre 2018, un recours en annulation du décret de la Région flamande du 30 mars 2018 portant modification de la loi du 19 juin 1978 relative à la gestion du territoire de la rive gauche de l'Escaut à hauteur d'Anvers et portant des mesures de gestion et d'exploitation du port d'Anvers (publié au Moniteur belge du 13 avril 2018) a été introduit par Denis Malcorps, Jan Creve, Dieuwertje Dierick, Marina Apers, Kris De Smit et Dirk Bernaert, assistés et représentés par Me P. Vande Casteele, avocat au barreau d'Anvers. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1. Les parties requérantes demandent l'annulation du décret de la Région flamande du 30 mars 2018 portant modification de la loi du 19 juin 1978 relative à la gestion du territoire de la rive gauche de l'Escaut à hauteur d'Anvers et portant des mesures de gestion et d'exploitation du port d'Anvers (ci-après : le décret du 30 mars 2018).
B.2.1. Le décret du 30 mars 2018 vise à prévoir, dans la loi du 19 juin 1978, « un fondement juridique spécifique pour la fixation d'une ligne de démarcation administrative objectivement motivée sur le territoire de la rive gauche de l'Escaut pour la Régie portuaire d'Anvers et pour la Société pour la politique portuaire, foncière et industrielle » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1483/001, p. 2). B.2.2. L'article 3 de la loi du 19 juin 1978 relative à la gestion du territoire de la rive gauche de l'Escaut à hauteur d'Anvers et portant des mesures de gestion et d'exploitation du port d'Anvers (ci-après : la loi du 19 juin 1978) disposait, avant sa modification par le décret attaqué : « Dans la zone R.G.E., on distingue, outre les zones d'infrastructure générale, les zones agricoles et vertes, une zone portuaire. Les limites et l'affectation de ces zones sont fixées par le Gouvernement flamand conformément [à ] la législation sur l'aménagement du territoire. La Société et la Régie portuaire communale d'Anvers ne sont [compétentes] que dans la région portuaire ».
L'article 2 du décret attaqué du 30 mars 2018 a remplacé cette disposition comme suit : « Sur le territoire de la rive gauche de l'Escaut se trouve une zone portuaire telle que visée à l'article 2, 4°, du décret du 2 mars 1999 portant sur la politique et la gestion des ports maritimes. Le Gouvernement flamand fixe les limites de cette zone portuaire.
Sur le territoire de la rive gauche de l'Escaut, la ' Havenbedrijf Antwerpen ' n'est compétente que dans la zone portuaire.
Sur le territoire de la rive gauche de l'Escaut, la Société n'est compétente que dans la zone portuaire, à l'exception de l'exercice du droit de préemption, qui peut être exercé en application de l'article 9 également en dehors de la zone portuaire ».
B.2.3. L'article 4 de la loi du 19 juin 1978 disposait, avant sa modification par le décret attaqué : « Par zones d'infrastructure générale, on comprend la voirie, les chemins de fer, les bandes de canalisation et d'autres aménagements, ainsi que leurs dépendances. Elles restent sous la compétence des organes de l'autorité ou des organismes qui en sont légalement chargés ».
L'article 3 du décret attaqué du 30 mars 2018 a remplacé cette disposition comme suit : « L'infrastructure générale sur le territoire de la rive gauche de l'Escaut, notamment les routes, les chemins de fer, les bandes de canalisations et les autres structures, ainsi que leurs dépendances, relèvent toujours de la compétence des organes publics ou des organisations légalement chargées en la matière ».
B.2.4. L'article 5 de la loi du 19 juin 1978 disposait, avant sa modification par le décret attaqué : « La zone portuaire de la zone R.G.E. comprend : 1° une zone maritime [...] 2° une zone industrielle autour de la zone décrite au point 1°, formant conjointement un ensemble spatial, fonctionnel et économique. Les limites des zones visées au présent article sont fixées conformément à la législation sur l'aménagement du territoire ».
L'article 4 du décret attaqué du 30 mars 2018 a remplacé le dernier alinéa de cette disposition comme suit : « Les limites entre les zones visées au présent article, sont fixées par le Gouvernement flamand après avis conforme du ' Havenbedrijf Antwerpen ' et de la Société ».
B.2.5. L'article 9 de la loi du 19 juin 1978 disposait, avant sa modification par le décret attaqué : « Afin d'atteindre ses objectifs, la société acquiert les terrains de la zone portuaire de la zone R.G.E. et les prépare à la construction.
Les terrains qui appartiennent déjà à la Région flamande sont transférés à la société, compte tenu des droits obtenus par des tiers.
Le Gouvernement flamand fixe les conditions de ce transfert ».
L'article 5 du décret attaqué du 30 mars 2018 a remplacé cette disposition comme suit : « Pour la réalisation de son objectif, la Société peut acquérir des terrains sur le territoire de la rive gauche de l'Escaut, dans les limites fixées à cet effet par le Gouvernement flamand. Dans ces limites, la Société peut appliquer un droit de préemption. La Société peut préparer les terrains acquis à la construction, pour autant qu'ils se trouvent dans les limites de la zone portuaire fixée par le Gouvernement flamand. Les terrains dans la zone portuaire [...] appartenant [déjà ] à la Région flamande, sont transférés à la Société, compte tenu des droits acquis par des tiers. Le Gouvernement flamand en fixe les modalités ».
Quant à la recevabilité du recours en annulation B.3. Les parties requérantes invoquent uniquement des griefs contre les articles 2, 4 et 5 du décret du 30 mars 2018. La Cour limite donc son examen à ces dispositions.
B.4.1. Le Gouvernement flamand et les parties intervenantes contestent la recevabilité du recours, faute d'intérêt. Ils font valoir que les parties requérantes donnent une portée erronée au décret attaqué. Ce dernier tendrait en effet simplement à fixer une ligne de démarcation administrative en ce qui concerne l'exercice de leurs compétences par les organes chargés de la gestion et de l'exploitation des zones portuaires. Eu égard à cette portée limitée, les parties requérantes ne pourraient être directement et défavorablement affectées.
B.4.2. Lorsqu'une exception d'irrecevabilité concerne également la portée qu'il y a lieu de donner aux dispositions attaquées, l'examen de la recevabilité se confond avec celui du fond de l'affaire.
B.5.1. Selon le Gouvernement flamand et les parties intervenantes, le moyen unique est partiellement irrecevable parce qu'il n'a pas fait l'objet d'un exposé suffisamment clair. En toute hypothèse, le moyen serait irrecevable en ce qu'il est pris de la violation d'arrêts du Conseil d'Etat et de la Cour de justice de l'Union européenne.
B.5.2. En vertu de l'article 142 de la Constitution et de l'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la Cour est compétente pour contrôler la conformité des actes à valeur législative aux règles répartitrices de compétences entre l'Etat fédéral, les communautés et les régions, ainsi que leur compatibilité avec les articles du titre II (« Des Belges et de leurs droits ») et avec les articles 143, § 1er, 170, 172 et 191 de la Constitution.
Ni l'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, adoptée en exécution de l'article 142 de la Constitution, ni aucune autre disposition constitutionnelle ou législative ne confèrent à la Cour le pouvoir de statuer comme tel sur la compatibilité d'une disposition législative avec une décision judiciaire.
B.5.3. Pour le surplus, la Cour examine le moyen en ce qu'il satisfait aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989.
En vertu de cette disposition, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, non seulement celles qui seraient violées, mais aussi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles, auraient été transgressées par ces dispositions.
Quant au fond B.6. Selon les parties requérantes, les dispositions attaquées portent atteinte aux articles 10, 11, 16 et 23 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec d'autres dispositions constitutionnelles, avec des dispositions conventionnelles, avec des directives et avec des principes généraux du droit.
B.7. Les parties requérantes reprochent aux articles 2 et 4 du décret attaqué du 30 mars 2018 d'abroger, aux articles 3 et 4 de la loi du 19 juin 1978, la condition selon laquelle le Gouvernement flamand doit fixer les limites de la zone portuaire et des zones visées à l'intérieur de celle-ci « conformément à la législation sur l'aménagement du territoire ». Il serait ainsi porté atteinte aux garanties relatives à la participation du public et à la consultation des instances environnementales compétentes, telles qu'elles sont contenues dans les normes de référence invoquées.
L'atteinte portée à ces garanties de participation et de consultation impliquerait une violation du principe d'égalité et de non-discrimination, en ce que le décret du 25 avril 2014 relatif au permis d'environnement offre effectivement ces garanties et en ce que l'article 3 du décret du 2 mars 1999 portant sur la politique et la gestion des ports maritimes (ci-après : le décret du 2 mars 1999) requiert effectivement que les limites de la zone portuaire soient fixées « conformément à la législation sur l'aménagement du territoire ». De plus, ceci constituerait un recul significatif de la protection d'un environnement sain, qui n'est pas justifié par un motif d'intérêt général et qui est, partant, contraire à l'obligation de standstill, garantie par l'article 23 de la Constitution.
B.8.1. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui découle de l'application de règles procédurales différentes dans des circonstances différentes n'est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait être question de discrimination que si la différence de traitement qui découle de l'application de ces règles de procédure entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.
B.8.2. L'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution contient, en ce qui concerne le droit à la protection d'un environnement sain, une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement le degré de protection offert par la législation applicable, sans qu'existent pour ce faire des motifs d'intérêt général.
B.8.3. La possibilité de participation du public offre une garantie pour la sauvegarde du droit à la protection d'un environnement sain.
B.9.1. L'article 2, 4°, du décret du 2 mars 1999 définit la zone portuaire comme « tout port maritime et ses attenances dans la Région flamande qui constitue un ensemble spatial, économique et fonctionnel ». La zone portuaire d'Anvers est plus particulièrement définie comme « les ports et les attenances situés sur la rive gauche et droite de l'Escaut maritime à la hauteur du territoire de la ville d'Anvers, de la commune de Beveren et de la commune de Zwijndrecht » (article 2, 5°).
En vertu de l'article 2, 1°, du décret du 2 mars 1999, la régie portuaire, qui est une autorité de droit public, assure la gestion et l'exploitation des zones portuaires et elle est investie de compétences administratives portuaires. Ces compétences administratives portuaires, qui sont limitées à la zone portuaire, concernent la gestion et l'exploitation du domaine portuaire public et privé, la fixation et la perception des droits de port, la fixation et l'organisation des services portuaires publics et l'exercice de la police administrative particulière (article 2, 2°, du décret du 2 mars 1999).
B.9.2. L'article 3, § 1er, du décret du 2 mars 1999 dispose que le Gouvernement flamand précise les limites des zones portuaires « conformément à la législation sur l'aménagement du territoire ». En ce qui concerne les ports maritimes en général, cette disposition dit : « Les terrains délimités comme zone portuaire maritime dans les plans de secteur ou dans les plans d'exécution spatiaux régionaux sont d'application en ce qui concerne les ports maritimes ».
B.9.3. En ce qui concerne en particulier la zone portuaire d'Anvers, l'article 3 de la loi du 19 juin 1978, tel qu'il a été remplacé par l'article 37, 2°, du décret du 2 mars 1999 et avant qu'il n'ait été remplacé par l'article 2 du décret attaqué, disposait : « Dans la zone R.G.E., on distingue, outre les zones d'infrastructure générale, les zones agricoles et vertes, une zone portuaire. Les limites et l'affectation de ces zones sont fixées par le Gouvernement flamand conformément [à ] la législation sur l'aménagement du territoire. La Société [pour la politique portuaire, foncière et industrielle de la rive gauche de l'Escaut] et la Régie portuaire communale d'Anvers ne sont [compétentes] que dans la région portuaire ».
B.9.4. En exécution de ces dispositions, le Gouvernement flamand a, par son arrêté du 24 octobre 2014, fixé définitivement le plan d'exécution spatial régional « Afbakening zeehavengebied Antwerpen, havenontwikkeling linkeroever ». Ce plan d'exécution spatial a été suspendu par l'arrêt du Conseil d'Etat n° 233.000 du 20 novembre 2015 et a ensuite été annulé partiellement par l'arrêt n° 236.837 du 20 décembre 2016 après que, par son arrêt du 21 juillet 2016 (C-387/15 et C-388/15), la Cour de justice de l'Union européenne a répondu à une question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat : « L'article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, doit être interprété en ce sens que des mesures qui sont comprises dans un plan ou dans un projet qui n'est pas directement lié ou nécessaire à la gestion d'un site d'importance communautaire, et qui prévoient, avant que se produisent des effets négatifs sur un type d'habitat naturel présent sur celui-ci, le développement futur d'une aire de ce type, mais dont l'achèvement interviendra postérieurement à l'évaluation de l'importance de l'atteinte éventuellement portée aux caractéristiques naturelles dudit site, ne peuvent être prises en considération lors de cette évaluation. De telles mesures ne pourraient, le cas échéant, être qualifiées de ' mesures compensatoires ' au sens du paragraphe 4 de cet article que s'il était satisfait aux conditions qui y sont énoncées ».
Par son arrêt précité du 20 décembre 2016, le Conseil d'Etat a ensuite jugé : « 8.6. Eu égard, toutefois, à la réponse donnée par la Cour de justice de l'Union européenne à la question préjudicielle, les prescriptions urbanistiques ne peuvent nullement être considérées comme des mesures de conservation, dès lors qu'une partie de la zone Natura 2000 disparaît. Elles ne peuvent, le cas échéant, être qualifiées de ' mesures compensatoires ' au sens de l'article 6, paragraphe 4, de la directive relative ' habitats ' que s'il est satisfait aux conditions qui y sont énoncées. 8.7. La conclusion est donc qu'en adoptant le plan d'exécution spatial régional, le Gouvernement flamand n'a respecté ni la procédure ni les conditions d'application prévues par l'article 6, paragraphe 4, de la directive ' habitats ' et par l'article 36ter, § 5, du décret sur la conservation de la nature ".
Le Conseil d'Etat a dès lors annulé l'arrêté du Gouvernement flamand du 24 octobre 2014, « en ce qu'il fixe définitivement le plan d'exécution spatial régional ' Afbakening zeehavengebied Antwerpen, havenontwikkeling Linkeroever ', à l'exclusion de la partie ouest du ' Logistiek park Waasland ', qui se situe à Beveren, entre la voie rapide Kust-Antwerpen (N49), la Verrebroekstraat, Havinkbeek et la Paardenkerkhofstraat ».
B.9.5. A la suite de cet arrêt d'annulation, le décret attaqué du 30 mars 2018 a été adopté afin que soit prévu, dans la loi du 19 juin 1978, un fondement juridique spécifique habilitant le Gouvernement flamand à fixer les limites de la zone portuaire d'Anvers et des zones situées à l'intérieur de celle-ci, sans devoir, pour ce faire, parcourir d'abord à nouveau toute la procédure d'élaboration d'un plan d'exécution spatial.
L'article 2 du décret attaqué du 30 mars 2018, qui remplace l'article 3 de la loi du 19 juin 1978, habilite donc le Gouvernement flamand à fixer les limites de la zone portuaire sur le territoire de la rive gauche de l'Escaut et abroge la condition selon laquelle ces limites sont fixées « conformément à la législation sur l'aménagement du territoire ». Dans un sens analogue, l'article 4 du décret attaqué, qui remplace le dernier alinéa de l'article 5 de la loi du 19 juin 1978, habilite le Gouvernement flamand à fixer les limites de la zone maritime et de la zone industrielle au sein de la zone portuaire, sans que ces limites doivent être fixées « conformément à la législation sur l'aménagement du territoire ». Pour la fixation des limites de ces zones, un avis conforme de la régie portuaire d'Anvers et de la Société pour la politique portuaire, foncière et industrielle de la rive gauche de l'Escaut (ci-après : la Société RGE) est toutefois requis.
Au cours des travaux préparatoires, ces modifications ont été justifiées comme suit : « En l'absence d'une ligne de démarcation de la zone portuaire maritime sur la rive gauche de l'Escaut, à laquelle sont attachées des compétences et des tâches relevant de la régie portuaire d'Anvers et de la Société RGE, l'une et l'autre sont actuellement confrontées à un vide juridique en ce qui concerne l'exercice de ces tâches et de ces compétences, alors que d'un point de vue spatial, des possibilités existent déjà quant au développement d'activités portuaires et industrielles, sur la base du plan d'exécution spatial régional ' Waaslandhaven fase 1 en omgeving '. Ce vide, combiné avec la situation (de gestion) spécifique sur la rive gauche de l'Escaut justifie dès lors une dérogation à l'article 3, § 1er, du décret portuaire. Cette disposition, qui remplace l'article 3 de la loi du 19 juin 1978 ' relative à la gestion du territoire de la rive gauche de l'Escaut à hauteur d'Anvers et portant des mesures de gestion et d'exploitation du port d'Anvers ', offre spécifiquement au Gouvernement flamand la possibilité de délimiter formellement la zone portuaire sur la rive gauche de l'Escaut, sans devoir d'abord, pour ce faire, parcourir à nouveau toute la procédure d'élaboration d'un plan d'exécution spatial régional. Cette ligne de démarcation ne porte nullement atteinte aux affectations spatiales qui sont en vigueur sur le territoire de la rive gauche de l'Escaut. L'article 3 de la loi précitée du 19 juin 1978 ne doit donc plus comporter, outre la mention de la zone portuaire, la mention spécifique des autres zones et affectations sur le territoire de la rive gauche de l'Escaut » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1483/001, p. 3).
Le législateur décrétal a également précisé que cette disposition « ne concerne que la fixation de la ligne de démarcation au sein de laquelle les compétences attribuées peuvent être exercées. En ce qui concerne l'exercice de ces compétences, il faudra toujours tenir compte des affectations spatiales qui sont et restent applicables sur la base du plan de secteur et du plan d'exécution spatial » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1483/002, p. 4).
B.10. La Cour doit vérifier si, en habilitant le Gouvernement flamand, par les articles 2 et 4 du décret attaqué du 30 mars 2018, à fixer les limites de la zone portuaire et des zones visées à l'intérieur de celle-ci, sans devoir, pour ce faire, établir un nouveau plan d'exécution spatial régional, le législateur décrétal a porté atteinte aux garanties relatives à la participation du public concerné et à la consultation des instances environnementales compétentes et, partant, à l'obligation de standstill contenue dans l'article 23 de la Constitution.
B.11.1. La délimitation des ports relève de la compétence des régions en matière de gestion des ports. La délimitation de la zone portuaire tend à déterminer la compétence territoriale de la régie portuaire d'Anvers et de la Société RGE. La régie portuaire d'Anvers ne peut donc exercer les « compétences administratives portuaires » visées à l'article 2, 2°, du décret portuaire que dans cette zone portuaire. Comme il est dit en B.9.1, ces compétences concernent la gestion et l'exploitation du domaine portuaire public et privé, la fixation et la perception des droits de port, la fixation et l'organisation des services portuaires publics et l'exercice de la police administrative particulière. Dans le cadre de ces compétences, la régie portuaire d'Anvers peut constituer des droits réels sur les biens appartenant au domaine public, acquérir tous les biens mobiliers et immobiliers nécessaires, exproprier des biens immobiliers, exécuter des travaux nécessaires à l'aménagement et à l'exploitation de la zone portuaire, exercer des droits de préemption sur des propriétés privées situées dans la zone portuaire et accorder des concessions (articles 9 et suiv. du décret portuaire).
La Société RGE est quant à elle compétente pour assurer la politique foncière dans la zone portuaire, la politique industrielle de la zone industrielle située dans la zone portuaire et la planification de la politique subrégionale relative au développement ultérieur et par phases de la zone portuaire dans la zone RGE (article 8, alinéa 1er, de la loi du 19 juin 1978). Dans les limites des compétences qui lui sont attribuées, la Société RGE a les mêmes droits et obligations que la régie portuaire d'Anvers en ce qui concerne le droit de préemption, le subventionnement des voies internes de désenclavement et de leurs dépendances, et les remblais de terrain (article 8, alinéa 2, de la même loi).
B.11.2. Ainsi qu'il a été souligné à plusieurs reprises lors des travaux préparatoires relatifs aux dispositions attaquées, ces dernières dispositions ne portent pas atteinte aux affectations spatiales qui sont en vigueur en vertu du plan de secteur et du plan d'exécution spatial.
Ces dispositions ne portent pas atteinte non plus à l'obligation, pour la régie portuaire d'Anvers et pour la Société RGE, lorsqu'elles exercent leurs compétences, de tenir compte de ces affectations et de respecter la réglementation applicable, qui garantit, le cas échéant, la participation du public et la consultation des instances environnementales compétentes.
B.11.3. L'illégalité constatée par le Conseil d'Etat dans son arrêt n° 236.837 du 20 décembre 2016, qui a abouti à l'annulation partielle du plan d'exécution spatial régional « Afbakening zeehavengebied Antwerpen, havenontwikkeling Linkeroever », portait sur les prescriptions urbanistiques qui figuraient dans ce plan d'exécution spatial régional.
L'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt n'empêche pas que la matière qui était réglée par l'acte illégal fasse l'objet d'une nouvelle réglementation sans qu'il soit porté atteinte à des décisions de justice définitives.
Pour les mêmes raisons, le législateur décrétal n'est pas davantage empêché de modifier la façon de délimiter la zone portuaire, le Gouvernement flamand étant habilité à fixer cette ligne de démarcation sans devoir établir un nouveau plan d'exécution spatial régional.
B.11.4. Les dispositions attaquées n'ont dès lors pas la portée que leur donnent les parties requérantes et ne font pas naître la différence de traitement dénoncée. Elles ne portent en particulier pas atteinte aux affectations spatiales en vigueur et la régie portuaire d'Anvers et la Société RGE doivent, lorsqu'elles exercent leurs compétences, respecter ces affectations, ainsi que la réglementation applicable.
B.12. Dès lors que le moyen, en ce qu'il est dirigé contre l'habilitation du Gouvernement flamand à fixer les limites de la zone portuaire et celles des zones situées au sein de cette zone portuaire, repose sur une interprétation erronée des dispositions attaquées, il n'est pas fondé.
B.13. Les parties requérantes contestent par ailleurs l'extension des compétences de la Société RGE, telles qu'elles sont prévues aux articles 2 et 9, modifiés, de la loi du 19 juin 1978. Elles visent plus particulièrement l'extension du droit de préemption de la Société RGE à tous les terrains situés sur le territoire de la rive gauche de l'Escaut, alors que ce droit de préemption était auparavant limité aux « terrains de la zone portuaire du territoire de la rive gauche de l'Escaut ». Elles contestent en outre l'habilitation de la Société RGE à préparer à la construction les terrains acquis qui se situent dans la zone portuaire.
L'extension du droit de préemption de la Société RGE entraînerait un recul de la protection d'un environnement sain, qui n'est pas justifié par un but d'intérêt général. De plus, l'habilitation à préparer à la construction les terrains acquis dans la zone portuaire constituerait une habilitation décrétale à accomplir des actes soumis à permis. Dès lors que la société RGE serait ainsi dispensée de l'obligation de demander un permis, il serait porté atteinte aux garanties relatives à la participation du public et à la consultation des instances environnementales compétentes. Partant, les dispositions attaquées porteraient atteinte à l'obligation de standstill, telle qu'elle est garantie par l'article 23 de la Constitution.
B.14.1. Comme il a été exposé ci-dessus, la société RGE est compétente pour assurer la politique foncière et la politique industrielle dans la zone portuaire située sur le territoire de la rive gauche de l'Escaut, ainsi que pour assurer la politique subrégionale relative au développement ultérieur et par phases de la zone portuaire (article 8, alinéa 1er, de la loi du 19 juin 1978).
Dans les limites de ces compétences, la société RGE a les mêmes droits et obligations que la régie portuaire d'Anvers en matière de droit de préemption, de subventionnement des voies internes de désenclavement et de leurs dépendances, ainsi que les remblais de terrain (article 8, alinéa 2, de la loi du 19 juin 1978). Ainsi, la Société RGE dispose, tout comme la régie portuaire, sur la base de l'article 12 du décret portuaire, d'un droit de préemption sur des propriétés immobilières privées, situées dans la zone portuaire. Le décret du 25 mai 2007 portant harmonisation des procédures relatives aux droits de préemption s'applique lorsque le droit de préemption est mis en oeuvre. De plus, la Société RGE peut préparer à la construction les terrains acquis, pour autant qu'ils se situent dans les limites de la zone portuaire fixées par le Gouvernement flamand.
B.14.2. En vertu de l'article 2, 1°, du décret du 25 mai 2007 précité, le droit de préemption est le « droit d'acheter une parcelle proposée à la vente, au même prix et aux mêmes conditions, par priorité sur le candidat acheteur ». Les articles 2 et 5 du décret attaqué du 30 mars 2018, qui ont remplacé les articles 3 et 9 de la loi du 19 juin 1978, ont étendu ce droit de préemption accordé à la Société RGE de la zone portuaire située sur le territoire de la rive gauche de l'Escaut à l'ensemble du territoire de la rive gauche de l'Escaut. La compétence de la Société RGE qui permet à celle-ci de préparer à la construction les terrains acquis reste toutefois limitée aux terrains situés dans la zone portuaire.
Lors des travaux préparatoires, il a été dit, à ce sujet : « Les compétences de la Régie portuaire d'Anvers et de la [Société RGE] se confine [nt], en principe, aux limites de la zone portuaire qui sont fixées dans l'arrêté du Gouvernement flamand qui sera élaboré en exécution de l'article 3.
Du fait de l'annulation partielle du plan d'exécution spatial régional, le plan de secteur qui avait été élaboré en 1978 est toutefois de nouveau applicable. Dans ce plan, une partie du territoire de la rive gauche de l'Escaut est affectée comme zone d'extension portuaire. Dès lors qu'il ne s'agit pas d'une zone portuaire, la régie portuaire ne peut donc certainement pas exercer de compétences sur ce terrain.
Les objectifs de la [Société RGE] justifient toutefois le fait que cette société se voie aussi conférer la compétence limitée d'exercer un droit de préemption qui vise à pouvoir préserver une éventuelle extension portuaire sur le territoire de la rive gauche de l'Escaut, jusqu'à ce que toute la clarté soit faite sur ce point. La possibilité pour la [Société RGE] d'exercer ce droit de préemption sur le territoire de la rive gauche de l'Escaut en dehors des limites de la zone portuaire est dès lors explicitement reprise afin de sauvegarder l'éventuelle extension portuaire » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1483/001, pp. 3-4).
B.15.1. Il ressort de cet exposé fait lors des travaux préparatoires que l'extension du droit de préemption en faveur de la Société RGE l'ensemble du territoire de la rive gauche de l'Escaut vise à préserver une éventuelle extension portuaire. Il ressort cependant tout autant des travaux préparatoires que les autres compétences de la Société RGE, tout comme celles de la régie portuaire d'Anvers, restent confinées aux limites de la zone portuaire. Tel est notamment le cas en ce qui concerne la compétence de la Société RGE qui permet à cette dernière de préparer à la construction les terrains acquis, qui ne s'exerce que dans les limites de la zone portuaire, comme le prévoyait déjà l'article 9 de la loi du 19 juin 1978 avant sa modification par le décret attaqué.
Contrairement à ce que les parties requérantes allèguent, cette compétence qui permet de préparer à la construction des terrains acquis dans la zone portuaire ne porte pas atteinte à la réglementation applicable en matière d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement. En ce que la préparation à la construction de ces terrains comprend l'accomplissement d'actes soumis à permis, la Société RGE doit demander les permis requis, les procédures applicables garantissant la participation du public et la consultation des instances environnementales compétentes.
B.15.2. Il découle de ce qui précède que les dispositions attaquées n'ont pas la portée que leur donnent les parties requérantes. Elles ne font donc pas naître la différence de traitement dénoncée et n'entraînent pas le recul allégué du niveau de protection existant en matière de protection d'un environnement sain.
B.16. Le moyen, en ce qu'il est dirigé contre l'extension des compétences de la Société RGE, n'est dès lors pas fondé.
Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 18 juillet 2019.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen