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Arrêt
publié le 01 avril 2019

Extrait de l'arrêt n° 38/2019 du 28 février 2019 Numéro du rôle : 6812 En cause : le recours en annulation des articles 96 et 97 du décret de la Région flamande du 30 juin 2017 portant diverses dispositions en matière d'environnement, de natu La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 38/2019 du 28 février 2019 Numéro du rôle : 6812 En cause : le recours en annulation des articles 96 et 97 du décret de la Région flamande du 30 juin 2017 portant diverses dispositions en matière d'environnement, de nature et d'agriculture, introduit par l'ASBL « Association belge de l'industrie des produits de protection des plantes ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 5 janvier 2018 et parvenue au greffe le 10 janvier 2018, l'ASBL « Association belge de l'industrie des produits de protection des plantes », assistée et représentée par Me B. Deltour, avocat au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation des articles 96 et 97 du décret de la Région flamande du 30 juin 2017 portant diverses dispositions en matière d'environnement, de nature et d'agriculture (publié au Moniteur belge du 7 juillet 2017). (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1. La partie requérante demande l'annulation des articles 96 et 97 du décret de la Région flamande du 30 juin 2017 « portant diverses dispositions en matière d'environnement, de nature et d'agriculture » (ci-après : le décret du 30 juin 2017). Ces dispositions modifient respectivement l'article 4, alinéa 1er, 1°, et l'article 6 du décret du 8 février 2013 « relatif à une utilisation durable des pesticides en Région flamande » (ci-après : le décret du 8 février 2013).

B.2.1. Avant sa modification par l'article 96 du décret du 30 juin 2017, l'article 4, alinéa 1er, 1°, du décret du 8 février 2013 disposait : « Le présent décret ne s'applique qu'à l'usage de pesticides en plein air : 1° dans les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables ». L'article 96 du décret attaqué a remplacé cette disposition comme suit : « Le présent décret ne s'applique qu'à l'usage de pesticides en plein air : 1° dans les zones utilisées par le grand public, par des groupes vulnérables ou par des particuliers ». B.2.2. Les travaux préparatoires mentionnent ce qui suit à propos de cette modification : « Avec la réglementation actuelle, il n'est par exemple pas possible de réglementer l'utilisation de pesticides dans le jardin de particuliers. Un particulier ne correspond pas à ce qu'on appelle ' le grand public ' et est encore moins toujours membre d'un ' groupe vulnérable '. Par contre, de telles interventions peuvent s'avérer nécessaires, par exemple s'il y a lieu de limiter ou d'interdire l'utilisation par des particuliers de certaines substances actives pour protéger la santé publique et l'environnement. [...] Les zones à usage privé sont ajoutées à la liste des zones pour lesquelles une interdiction ou une restriction de l'utilisation peut être imposée. On entend par usage privé les terres ou parcelles non utilisées à des fins professionnelles » (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 1041-2, pp. 13-14).

B.3.1. Avant sa modification par l'article 97 du décret du 30 juin 2017, l'article 6 du décret du 8 février 2013 disposait : « L'usage de pesticides peut être réglementé par une interdiction ou une limitation d'utilisation. A cet effet, il convient de distinguer les sols des différentes régions, activités ou groupes cibles.

Le Gouvernement flamand arrête des règles plus précises à cet effet ».

L'article 97, attaqué, remplace à l'article 6, alinéa 1er, du décret du 8 février 2013 le membre de phrase « il convient de distinguer les sols des différentes régions, activités ou groupes cibles » par le membre de phrase « une distinction peut être établie selon le type de substance active, les terrains dans des zones spécifiques, l'activité ou le groupe-cible », à la suite de quoi l'article 6 du décret du 8 février 2013 dispose : « L'usage de pesticides peut être réglementé par une interdiction ou une limitation d'utilisation. A cet effet, une distinction peut être établie selon le type de substance active, les terrains dans des zones spécifiques, l'activité ou le groupe-cible.

Le Gouvernement flamand arrête des règles plus précises à cet effet ».

B.3.2. Les travaux préparatoires mentionnent ce qui suit à propos de cette modification : « L'effervescence récemment suscitée par rapport à une substance active spécifique, le glyphosate, montre clairement que le Gouvernement flamand doit également pouvoir réglementer l'utilisation de certaines substances actives, le cas échéant indépendamment d'un groupe-cible ou d'une zone spécifique. La modification proposée permet une telle intervention de la part du Gouvernement flamand.

Réglementer l'utilisation de certaines substances actives ou produits, en ce compris une interdiction d'utilisation, relève de la compétence des régions dans le domaine de la protection de l'environnement, telle qu'elle est consacrée par l'article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, LSRI (loi spéciale de réformes institutionnelles) » (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 1041-2, p. 14).

B.4.1. Les dispositions attaquées étendent donc le champ d'application du décret du 8 février 2013. Elles permettent au Gouvernement flamand de réglementer ou d'interdire l'usage de pesticides dans des zones utilisées par des particuliers, en établissant une distinction sur la base du type de substance active.

B.4.2. Sur la base de cette habilitation, le Gouvernement flamand a imposé des restrictions d'utilisation pour des produits phytopharmaceutiques à base de la substance active glyphosate par l'arrêté du 14 juillet 2017 « modifiant l'arrêté du Gouvernement flamand du 15 mars 2013 portant modalités relatives à l'utilisation durable des pesticides en Région flamande pour les activités non agricoles et non horticoles et à l'établissement du Plan d'Action flamand pour l'Utilisation durable des Pesticides ».

B.5. Selon l'article 2 du décret du 8 février 2013, ce décret prévoit la transposition partielle de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 « instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable ». Il ressort de l'article 1er de cette directive qu'elle vise à « parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec un développement durable en réduisant les risques et les effets des pesticides sur la santé humaine et sur l'environnement et en encourageant le recours à la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et à des méthodes ou techniques de substitution, telles que les moyens non chimiques alternatifs aux pesticides ».

L'article 12 de cette directive exige que les Etats membres, « tenant dûment compte des impératifs d'hygiène, de santé publique et de respect de la biodiversité ou des résultats des évaluations des risques appropriées, veillent à ce que l'utilisation de pesticides soit restreinte ou interdite dans certaines zones spécifiques ». Les zones spécifiques visées par cette disposition sont : « a) les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables au sens de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009, comme les parcs et les jardins publics, les terrains de sports et de loisirs, les terrains scolaires et les terrains de jeux pour enfants, ainsi qu'à proximité immédiate des établissements de soins; b) les zones protégées telles qu'elles sont définies dans la directive 2000/60/CE ou les autres zones recensées aux fins de la mise en place des mesures de conservation nécessaires conformément aux dispositions des directives 79/409/CEE et 92/43/CEE;c) les zones récemment traitées utilisées par les travailleurs agricoles ou auxquelles ceux-ci peuvent accéder ». L'article 2, paragraphe 3, de cette directive prévoit que les dispositions de celle-ci « n'empêchent pas les Etats membres d'appliquer le principe de précaution à la limitation ou à l'interdiction de l'utilisation des pesticides dans des circonstances ou des zones spécifiques ».

Quant à la recevabilité B.6.1. Le Gouvernement flamand conteste l'intérêt de la partie requérante étant donné que les dispositions attaquées ne lui causeraient aucun préjudice, ni à elle, ni à ses membres. De plus, l'intérêt que la partie requérante invoque serait limité aux intérêts individuels de ses membres.

B.6.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée; il s'ensuit que l'action populaire n'est pas admissible.

B.6.3. Lorsqu'une association sans but lucratif qui n'invoque pas son intérêt personnel agit devant la Cour, il est requis que son but statutaire soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; qu'elle défende un intérêt collectif; que la norme attaquée soit susceptible d'affecter son but; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que ce but n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi.

B.6.4. Selon ses statuts, l'ASBL « Association belge de l'industrie des produits de protection des plantes » a pour but statutaire de promouvoir l'industrie des produits de protection des plantes et assimilés.

B.6.5. Ce but statutaire vise la défense d'un intérêt collectif qui est de nature particulière et distinct de l'intérêt général. De plus, le but statutaire est également réellement poursuivi, comme en attestent les recours en annulation que la partie requérante a introduits par le passé auprès de la Cour et du Conseil d'Etat, section du contentieux administratif.

B.6.6. Etant donné que les dispositions attaquées étendent le champ d'application du décret du 8 février 2013 relatif à une utilisation durable des pesticides en Région flamande, et donnent au Gouvernement flamand une habilitation supplémentaire pour réglementer ou interdire l'utilisation de certains pesticides, ces dispositions peuvent affecter directement et défavorablement le but statutaire de la partie requérante. Ce constat suffit pour qu'elle justifie de l'intérêt requis à l'annulation de la disposition attaquée.

B.7. La Cour n'est pas compétente pour se prononcer sur un recours dirigé contre un arrêté du Gouvernement flamand qui n'est pas une norme législative. Il appartient au juge compétent de vérifier si l'arrêté du Gouvernement flamand du 14 juillet 2017 est compatible avec les normes juridiques supérieures.

Par conséquent, la Cour n'examine le présent recours qu'en ce qu'il est dirigé contre les articles 96 et 97 du décret du 30 juin 2017. Le recours n'est pas recevable en ce qu'il se rapporte à l'arrêté du Gouvernement flamand du 14 juillet 2017.

B.8.1. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.

B.8.2. Dans le cadre du moyen unique, la partie requérante n'explique pas en quoi les dispositions attaquées violeraient les articles 7bis, 23 et 35 de la Constitution, l'article 6, § 1er, V, alinéa 2, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, le règlement (CE) 1107/2009, la directive 2009/128/CE ou le principe du raisonnable.

En ce qu'il est pris d'une violation de ces dispositions, le moyen est irrecevable.

B.9.1. Lorsqu'est invoquée une violation du principe d'égalité et de non-discrimination, il faut en règle générale préciser quelles catégories de personnes doivent être comparées et en quoi les dispositions attaquées créeraient une différence de traitement discriminatoire.

Ces exigences sont dictées notamment par le souci d'offrir aux autres parties au procès la possibilité de répliquer aux arguments de la partie requérante, en sorte qu'il est indispensable de disposer d'un exposé clair et univoque des moyens.

B.9.2. La partie requérante se borne à indiquer que les dispositions attaquées ne contiennent pas de critères adéquats et objectifs pour définir les substances actives susceptibles de faire l'objet de mesures d'interdiction. Elle néglige donc de mentionner quelles catégories de personnes doivent être comparées entre elles.

En ce qu'il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, le moyen est irrecevable.

B.10. Des arrêtés royaux, sauf lorsqu'ils contiennent des dispositions répartitrices de compétences entre l'Etat, les communautés et les régions, n'appartiennent pas aux normes au regard desquelles la Cour peut contrôler une norme législative.

En ce qu'il est pris de la violation de l'arrêté royal du 28 février 1994 « relatif à la conservation, à la mise sur le marché et à l'utilisation des pesticides à usage agricole » et de l'arrêté royal du 19 mars 2013 « pour parvenir à une utilisation des produits phytopharmaceutiques et adjuvants compatible avec le développement durable », le moyen est irrecevable.

Quant au fond B.11. Le moyen unique est pris de la violation, par les dispositions attaquées, des articles 39, 134 et 143, § 1er, de la Constitution et de l'article 6, § 1er, II, alinéa 2, 1°, et VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, lus ou non en combinaison avec le principe de proportionnalité.

La partie requérante fait valoir en substance que les dispositions attaquées portent atteinte à la compétence fédérale en matière d'établissement de normes de produits, ou qu'elles rendent à tout le moins impossible ou exagérément difficile l'exercice de cette compétence fédérale. Ainsi, elles violeraient également le principe de l'union économique et monétaire.

B.12.1. L'article 39 de la Constitution dispose : « La loi attribue aux organes régionaux qu'elle crée et qui sont composés de mandataires élus, la compétence de régler les matières qu'elle détermine, à l'exception de celles visées aux articles 30 et 127 à 129, dans le ressort et selon le mode qu'elle établit. Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa ».

L'article 134 de la Constitution dispose : « Les lois prises en exécution de l'article 39 déterminent la force juridique des règles que les organes qu'elles créent prennent dans les matières qu'elles déterminent.

Elles peuvent conférer à ces organes le pouvoir de prendre des décrets ayant force de loi dans le ressort et selon le mode qu'elles établissent ».

B.12.2. L'article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, et alinéa 2, 1°, et VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles dispose : « Les matières visées à l'article 39 de la Constitution sont : [...] II. En ce qui concerne l'environnement et la politique de l'eau : 1° La protection de l'environnement, notamment celle du sol, du sous-sol, de l'eau et de l'air contre la pollution et les agressions ainsi que la lutte contre le bruit; [...] L'autorité fédérale est toutefois compétente pour : 1° L'établissement des normes de produits; [...] VI. En ce qui concerne l'économie : [...] En matière économique, les Régions exercent leurs compétences dans le respect des principes de la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux et de la liberté de commerce et d'industrie, ainsi que dans le respect du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité monétaire, tel qu'il est établi par ou en vertu de la loi, et par ou en vertu des traités internationaux ».

B.13.1. Le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils n'en disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d'édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées.

En vertu de l'article 6, § 1er, II, précité, les régions sont compétentes pour prévenir et combattre les différentes formes de pollution de l'environnement. Le législateur régional trouve dans l'alinéa 1er, 1°, de cette disposition la compétence générale lui permettant de régler ce qui concerne la protection de l'environnement, notamment celle du sol, du sous-sol, de l'eau et de l'air, contre la pollution et les agressions portées à l'environnement.

Cette compétence implique celle de prendre des mesures en vue de prévenir et de limiter les risques liés aux pesticides, en ce compris la limitation de l'exposition de l'homme au risque de ces pesticides qui se répandent dans l'environnement.

B.13.2. La loi spéciale du 16 juillet 1993 visant à achever la structure de l'Etat fédéral a donné à l'article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles sa rédaction actuelle, à partir du 30 juillet 1993. La compétence du législateur fédéral pour encore fixer des normes visant à protéger l'environnement a de ce fait disparu. Cette compétence revient désormais aux régions.

En vertu de l'article 6, § 1er, II, alinéa 2, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980, l'autorité fédérale demeure toutefois compétente pour fixer à cet égard des normes de produits, à condition d'y associer les gouvernements régionaux (article 6, § 4, 1°, de cette même loi spéciale).

Les normes de produits sont des règles qui déterminent de manière contraignante les conditions auxquelles un produit doit satisfaire, lors de la mise sur le marché, en vue, entre autres, de la protection de l'environnement. Elles fixent notamment des limites en ce qui concerne les niveaux de polluants ou de nuisance à ne pas dépasser dans la composition ou dans les émissions d'un produit et peuvent contenir des spécifications quant aux propriétés, aux méthodes d'essai, à l'emballage, au marquage et à l'étiquetage des produits.

B.13.3. Les travaux préparatoires (Doc. parl., Sénat, 1992-1993, n° 558/1, p. 20; Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 1063/7, pp. 37, 38, 39, 42, 43 et 44) ont souligné qu'il faut uniquement regarder comme « normes de produits » dont l'établissement est réservé à l'autorité fédérale les prescriptions auxquelles les produits doivent répondre, d'un point de vue écologique, « au moment de leur [mise] sur le marché ». En effet, c'est précisément la nécessité de préserver l'union économique et monétaire belge (Doc. parl., Sénat, 1992-1993, n° 558/1, p. 20;Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 1063/7, p. 37) et d'éliminer les obstacles à la libre circulation des biens entre les régions (Doc. parl., Sénat, 1992-1993, n° 558/5, p. 67) qui justifie que la compétence relative aux normes de produits soit réservée à l'autorité fédérale.

B.14. Les dispositions attaquées ne déterminent pas les prescriptions auxquelles les pesticides désignés par le Gouvernement flamand doivent répondre pour être mis sur le marché. Elles visent seulement à réglementer l'usage de pesticides. Ainsi, les dispositions attaquées n'établissent aucune norme de produit et relèvent de la compétence du législateur décrétal en matière de protection de l'environnement.

B.15.1. Dans l'exercice de ses compétences, le législateur décrétal doit néanmoins respecter la loyauté fédérale.

B.15.2. L'article 143, § 1er, de la Constitution dispose : « Dans l'exercice de leurs compétences respectives, l'Etat fédéral, les communautés, les régions et la Commission communautaire commune agissent dans le respect de la loyauté fédérale, en vue d'éviter des conflits d'intérêts ».

Le respect de la loyauté fédérale suppose que, lorsqu'elles exercent leurs compétences, l'autorité fédérale et les entités fédérées ne perturbent pas l'équilibre de la construction fédérale dans son ensemble. La loyauté fédérale concerne plus que le simple exercice des compétences : elle indique dans quel esprit il doit avoir lieu.

Le principe de la loyauté fédérale oblige chaque législateur à veiller à ce que l'exercice de sa propre compétence ne rende pas impossible ou exagérément difficile l'exercice de leurs compétences par les autres législateurs.

B.16.1. En soi, les dispositions attaquées n'impliquent aucune interdiction générale de l'utilisation de pesticides. L'article 96 du décret du 30 juin 2017 étend le champ d'application du décret du 8 février 2013 aux zones utilisées par des particuliers. L'article 97 du même décret étend l'habilitation dont dispose le Gouvernement flamand pour réglementer l'utilisation de pesticides en lui permettant d'établir une distinction selon le type de substance active.

B.16.2. Une interdiction générale d'utilisation de certains pesticides sur l'ensemble du territoire de la Région flamande pourrait avoir pour effet d'exclure du marché les pesticides concernés, ce qui empêcherait le législateur fédéral d'exercer, en pratique, sa compétence en matière de normes de produits.

Les dispositions attaquées n'autorisent cependant pas le Gouvernement flamand à édicter une telle interdiction générale d'utilisation.

L'autorisation visée à l'article 6 du décret du 8 février 2013 se limite en effet au champ d'application territorial de ce décret qui, en vertu de son article 4, alinéa 1er, englobe uniquement les « zones utilisées par le grand public, par des groupes vulnérables ou par des particuliers », les « zones protégées telles qu'elles sont définies à l'article 71 du décret du 18 juillet 2003 relatif à la politique intégrée de l'eau ou les autres zones recensées aux fins de la mise en place des mesures de conservation nécessaires conformément aux dispositions de l'article 36bis du décret du 21 octobre 1997 concernant la conservation de la nature et le milieu naturel » et les « zones nécessaires à la protection du milieu aquatique et de l'eau potable ».

B.16.3. A cet égard, il y a lieu de relever que lorsqu'un législateur décrétal délègue, il faut supposer, sauf indications contraires, qu'il entend exclusivement habiliter le délégué à faire de son pouvoir un usage conforme à la Constitution. C'est au juge administratif et au juge judiciaire qu'il appartient de contrôler dans quelle mesure le délégué aurait excédé les termes de l'habilitation qui lui a été conférée.

La violation alléguée des règles répartitrices de compétences ne réside donc pas dans les dispositions attaquées, mais pourrait uniquement résulter de la manière dont le Gouvernement flamand ferait usage de l'habilitation qui lui est conférée.

B.17. Pour les mêmes motifs, les dispositions attaquées ne sont pas non plus incompatibles avec le principe de la libre circulation des biens inscrit à l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

B.18. Le moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 28 février 2019.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, A. Alen

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