publié le 01 avril 2019
Extrait de l'arrêt n° 32/2019 du 28 février 2019 Numéro du rôle : 6658 En cause : le recours en annulation des articles 2, 3 et 4 du décret de la Région wallonne du 20 oc(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 32/2019 du 28 février 2019 Numéro du rôle : 6658 En cause : le recours en annulation des articles 2, 3 et 4 du décret de la Région wallonne du 20 octobre 2016 « portant modification du décret du 10 juillet 2013 instaurant un cadre pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable et modifiant le Livre 1er du Code de l'Environnement, le Livre II du Code de l'Environnement contenant le Code de l'Eau, la
loi du 28 décembre 1967Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
28/12/1967
pub.
17/08/2007
numac
2007000737
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service public federal interieur
Loi relative aux cours d'eau non navigables
type
loi
prom.
28/12/1967
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15/07/2009
numac
2009000445
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service public federal interieur
Loi relative à l'octroi d'un salaire différé dans l'agriculture et l'horticulture. - Coordination officieuse en langue allemande
fermer relative aux cours d'eau non navigables et le décret du 12 juillet 2001 relatif à la formation professionnelle en agriculture », introduit par l'ASBL « Association Belge de l'Industrie des produits de protection des plantes ».
La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 9 mai 2017 et parvenue au greffe le 10 mai 2017, l'ASBL « Association Belge de l'Industrie des produits de protection des plantes », assistée et représentée par Me B. Deltour, avocat au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation des articles 2, 3 et 4 du décret de la Région wallonne du 20 octobre 2016 « portant modification du décret du 10 juillet 2013 instaurant un cadre pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable et modifiant le Livre 1er du Code de l'Environnement, le Livre II du Code de l'Environnement contenant le Code de l'Eau, la loi du 28 décembre 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/12/1967 pub. 17/08/2007 numac 2007000737 source service public federal interieur Loi relative aux cours d'eau non navigables type loi prom. 28/12/1967 pub. 15/07/2009 numac 2009000445 source service public federal interieur Loi relative à l'octroi d'un salaire différé dans l'agriculture et l'horticulture. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux cours d'eau non navigables et le décret du 12 juillet 2001 relatif à la formation professionnelle en agriculture » (publié au Moniteur belge du 10 novembre 2016, deuxième édition). (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1. La partie requérante demande l'annulation des articles 2 à 4 du décret de la Région wallonne du 20 octobre 2016 « portant modification du décret du 10 juillet 2013 instaurant un cadre pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable et modifiant le Livre 1er du Code de l'Environnement, le Livre II du Code de l'Environnement contenant le Code de l'Eau, la loi du 28 décembre 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/12/1967 pub. 17/08/2007 numac 2007000737 source service public federal interieur Loi relative aux cours d'eau non navigables type loi prom. 28/12/1967 pub. 15/07/2009 numac 2009000445 source service public federal interieur Loi relative à l'octroi d'un salaire différé dans l'agriculture et l'horticulture. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux cours d'eau non navigables et le décret du 12 juillet 2001 relatif à la formation professionnelle en agriculture » (ci-après : le décret du 20 octobre 2016).
Les dispositions attaquées introduisent un article 4/1 et un article 4/2 dans le décret précité du 10 juillet 2013 et modifient l'article 9 de ce même décret.
B.2. L'article 3 du décret du 10 juillet 2013, qui compose le titre II intitulé « Conditions d'application des pesticides dans les espaces publics », dispose : « § 1er. L'application de produits phytopharmaceutiques dans les espaces publics est interdite à partir du 1er juin 2014. § 2. Par dérogation au paragraphe 1er, le Gouvernement peut définir les conditions auxquelles l'application de produits phytopharmaceutiques est autorisée jusqu'au 31 mai 2019.
Ces conditions consistent notamment en : 1°l'obligation d'élaborer et de mettre en oeuvre un plan relatif à la réduction de l'application des produits phytopharmaceutiques dans les espaces publics; 2° des qualifications du personnel chargé de l'achat, du stockage et de l'application de produits phytopharmaceutiques;3° des limitations des autorisations touchant, notamment, aux produits phytopharmaceutiques utilisés, à la nature et aux caractéristiques des espaces sur lesquels doivent être appliqués ces produits;4° des conditions quant aux types de produits phytopharmaceutiques utilisés. Le Gouvernement peut également définir les conditions auxquelles l'application de pesticides est autorisée ou interdite pour des raisons de santé publique, d'hygiène, de sécurité des personnes, de conservation de la nature ou de conservation du patrimoine végétal dans le respect du principe de lutte contre les ennemis des végétaux.
Le Gouvernement détermine ce qu'il faut entendre par espaces publics ».
L'article 4 du même décret, qui compose le titre III intitulé « Conditions d'application des pesticides dans des lieux fréquentés par le public ou des groupes vulnérables », dispose : « Le Gouvernement peut réglementer et, au besoin, interdire l'application de pesticides dans les lieux fréquentés par le public ou des groupes vulnérables.
Il peut également définir les précautions entourant l'application de pesticides aux abords de ces lieux.
Il peut réglementer ou interdire l'accès à la partie des lieux fréquentés par le public qui fait l'objet d'un traitement par un pesticide, et préciser les conditions d'affichage et de balisage des zones traitées.
Le Gouvernement détermine ce qu'il faut entendre par lieux fréquentés par le public ».
B.3.1. L'article 2 du décret du 20 octobre 2016 introduit, dans le décret du 10 juillet 2013, sous un nouveau titre III/1 intitulé « Conditions d'application de certains pesticides en tout lieu », un nouvel article 4/1 qui dispose : « § 1er. Le Gouvernement peut réglementer et, au besoin, interdire, de manière temporaire ou pour une durée indéterminée, l'application de pesticides en tout lieu lorsque ces pesticides contiennent des substances actives qui représentent un risque pour la protection de l'environnement, pour la santé humaine ou pour la conservation de la nature.
Le Gouvernement détermine, en fonction des circonstances, si l'interdiction ou la restriction visée à l'alinéa 1er s'applique sur la totalité ou une partie du territoire de la Région wallonne.
Lorsqu'une partie seulement du territoire de la Région wallonne est visé conformément à l'alinéa 2, le Gouvernement peut définir les précautions entourant l'application de pesticides aux abords du territoire visé.
S'il échet, le Gouvernement peut réglementer ou interdire l'accès à la partie des lieux fréquentés par le public qui fait l'objet d'un traitement par un pesticide, et préciser les conditions d'affichage et de balisage des zones traitées. § 2. Par dérogation au paragraphe 1er, le Gouvernement peut prévoir des exceptions pour les utilisateurs professionnels, en l'absence de solutions de substitution, pour autant qu'il veille à ce que ces utilisateurs professionnels soient informés du risque présenté par les substances actives visées pour la protection de l'environnement, pour la santé humaine ou pour la conservation de la nature.
Le Gouvernement détermine ce qu'il faut entendre par utilisateurs professionnels ».
B.3.2. Selon les travaux préparatoires, cette nouvelle disposition : « [...] vise à habiliter le Gouvernement à prendre des mesures restreignant ou interdisant l'application de certains pesticides contenant des substances actives présentant un risque pour la protection de l'environnement, pour la santé humaine ou pour la conservation de la nature.
La disposition vise les substances actives qui représentent un risque pour la protection de l'environnement, pour la santé humaine ou pour la conservation de la nature. Le risque engendré par la substance active doit être démontrée par le Gouvernement dans le cadre de la motivation de la restriction ou de l'interdiction adoptée. Cette motivation pourra faire référence au principe de précaution visé à l'article 23 de la Constitution. A cet égard, il faut rappeler que le principe 15 de la Déclaration de Rio de 1992 qui définit ce principe de précaution suivant ces termes : ' En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement '.
Ces restrictions ou interdictions pourront concerner un ou plusieurs pesticides, être prises pour une durée temporaire ou indéterminée.
Elles pourront également concerner tout ou partie du territoire wallon. De ce fait, elles pourront concerner l'utilisation par les particuliers de substances sur leurs terrains privés.
Elle vise également à permettre au Gouvernement d'adopter des mesures de protection de certains lieux et aux abords de ceux-ci lorsque la réglementation ou l'interdiction est limitée à une partie du territoire. On vise en particulier les zones tampon, déjà instituées par l'arrêté du Gouvernement wallon du 11 juillet 2013 relatif à une application des pesticides compatible avec le développement durable et modifiant le Livre II du Code de l'Environnement, contenant le Code de l'Eau et l'arrêté de l'Exécutif régional wallon du 5 novembre 1987 relatif à l'établissement d'un rapport sur l'état de l'environnement wallon.
Le paragraphe 2 permet au Gouvernement de définir des exceptions aux réglementations et/ou aux interdictions pour les utilisateurs professionnels. Ces exceptions ne peuvent néanmoins être accordées que pour autant qu'il n'y ait pas d'alternative possible et qu'il puisse s'assurer que ces utilisateurs professionnels disposent de l'information nécessaire sur le caractère préoccupant des pesticides visés. Dans ce cadre, le Gouvernement devra, lorsqu'il adoptera une réglementation accordant une dérogation aux utilisateurs professionnels prendre des mesures d'accompagnement visant à s'assurer que ces utilisateurs soient informés du risque présenté par les substances actives visées pour la protection de l'environnement, pour la santé humaine ou pour la conservation de la nature. Ces mesures d'information sont à adopter par le Gouvernement dans le cadre de son habilitation. L'intention précise de cette disposition est de déterminer dans le décret les conditions auxquelles le Gouvernement peut, lorsqu'il fait usage du pouvoir réglementaire en application de l'article 4/1, § 1er en projet, dispenser les utilisateurs professionnels de l'obligation de respecter les règles adoptées à cette occasion » (Doc. parl., Parlement wallon, 2015-2016, n° 556/1, pp. 6-7).
B.4. L'article 3 du décret du 20 octobre 2016 introduit, dans le décret du 10 juillet 2013, un nouvel article 4/2 qui dispose : « Le Gouvernement peut fixer des obligations visant le personnel chargé de la vente des pesticides visés à l'article 4/1 en ce qui concerne l'information à fournir en matière de précaution d'application à prendre et en matière de risque présenté par les substances actives visées pour la protection de l'environnement, pour la santé humaine et pour la conservation de la nature.
Le Gouvernement prend toute mesure utile afin de s'assurer que l'information fournie en vertu de l'alinéa 1er est bien communiquée aux utilisateurs ».
B.5. L'article 4 du décret du 20 octobre 2016 remplace, à l'article 9, alinéa 1er, du décret du 10 juillet 2013, les mots « aux articles 3, 4 et 6 » par les mots « aux articles 3, 4, 4/1, 4/2 et 6 », de sorte que l'article 9 du décret du 10 juillet 2013 dispose : « Commet une infraction de troisième catégorie au sens de la partie VIII de la partie décrétale du Livre Ier du Code de l'Environnement celui qui applique, utilise ou manipule des pesticides en contravention aux articles 3, 4, 4/1, 4/2 et 6 du présent décret ainsi qu'à leurs arrêtés d'exécution.
Commet une infraction de troisième catégorie au sens de la partie VIII du même Code celui qui contrevient aux principes généraux en matière de lutte intégrée contre les ennemis des végétaux, tels que fixés par le Gouvernement en application de l'article 5, § 1er ».
B.6.1. Les dispositions attaquées étendent le champ d'application du décret du 10 juillet 2013. Elles permettent au Gouvernement wallon de réglementer ou d'interdire l'usage de pesticides « en tout lieu » et « sur la totalité ou une partie du territoire de la Région wallonne », lorsque ces pesticides contiennent des substances actives qui représentent un risque pour la protection de l'environnement, pour la santé humaine ou pour la conservation de la nature (article 4/1, § 1er, nouveau, du décret du 10 juillet 2013) et, en l'absence de solution de substitution, de prévoir des exceptions à ces restrictions ou interdictions pour les utilisateurs professionnels (article 4/1, § 2, nouveau, du même décret). Elles permettent en outre au Gouvernement de fixer des obligations visant le personnel chargé de la vente des pesticides en ce qui concerne l'information à communiquer aux utilisateurs (article 4/2, nouveau, du même décret).
B.6.2. Sur la base de ces habilitations, le Gouvernement wallon a interdit l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à base de la substance active glyphosate sur l'ensemble du territoire de la Région wallonne, pendant une période de dix-huit mois, sauf pour les utilisateurs professionnels titulaires d'une phytolicence P1, P2 ou P3, qui peuvent utiliser ces produits dans les conditions visées à l'article 2, § 1er, alinéas 2 et 3, de l'arrêté du Gouvernement wallon du 30 mars 2017 interdisant l'utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate.
B.6.3. Par l'arrêté du Gouvernement wallon du 22 mars 2018 interdisant l'utilisation de pesticides contenant des néonicotinoïdes, le Gouvernement wallon a également interdit l'utilisation des pesticides contenant des néonicotinoïdes, sauf pour les utilisateurs professionnels titulaires d'une phytolicence P1, P2 ou P3, qui peuvent utiliser les pesticides contenant des néonicotinoïdes dans les conditions visées à l'article 2, alinéas 2 et suivants de cet arrêté.
B.7. Aux termes de son article 1er, le décret du 10 juillet 2013 prévoit la transposition partielle de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 « instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable ». Il ressort de l'article 1er de cette directive qu'elle vise à « parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec un développement durable en réduisant les risques et les effets des pesticides sur la santé humaine et sur l'environnement et en encourageant le recours à la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et à des méthodes ou techniques de substitution, telles que les moyens non chimiques alternatifs aux pesticides ».
L'article 12 de cette directive exige que les Etats membres, « tenant dûment compte des impératifs d'hygiène, de santé publique et de respect de la biodiversité ou des résultats des évaluations des risques appropriées, veillent à ce que l'utilisation de pesticides soit restreinte ou interdite dans certaines zones spécifiques ». Les zones spécifiques visées par cette disposition sont : « a) les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables au sens de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009, comme les parcs et les jardins publics, les terrains de sports et de loisirs, les terrains scolaires et les terrains de jeux pour enfants, ainsi qu'à proximité immédiate des établissements de soins; b) les zones protégées telles qu'elles sont définies dans la directive 2000/60/CE ou les autres zones recensées aux fins de la mise en place des mesures de conservation nécessaires conformément aux dispositions des directives 79/409/CEE et 92/43/CEE;c) les zones récemment traitées utilisées par les travailleurs agricoles ou auxquelles ceux-ci peuvent accéder ». L'article 2, paragraphe 3, de cette directive prévoit que les dispositions de celle-ci « n'empêchent pas les Etats membres d'appliquer le principe de précaution à la limitation ou à l'interdiction de l'utilisation des pesticides dans des circonstances ou des zones spécifiques ».
Quant à la recevabilité B.8.1. Le Gouvernement wallon conteste l'intérêt de la partie requérante, au motif que les violations alléguées ne résulteraient pas des dispositions attaquées mais uniquement de la manière dont le Gouvernement wallon ferait usage des habilitations conférées par celles-ci.
B.8.2. L'exception d'irrecevabilité étant liée à la portée des dispositions attaquées, son examen se confond avec celui du fond de l'affaire.
B.9. La Cour limite son examen aux dispositions attaquées contre lesquelles des griefs sont effectivement dirigés.
Aucun grief ne concerne les articles 3 et 4 du décret du 20 octobre 2016.
La Cour examine le recours uniquement en ce qu'il vise l'article 2 de ce décret attaqué.
B.10. La Cour n'est pas compétente pour se prononcer sur un recours dirigé contre un arrêté du Gouvernement wallon, qui n'est pas une norme législative. Il appartient au juge compétent de vérifier si l'arrêté précité du Gouvernement wallon du 30 mars 2017 est compatible avec les normes juridiques supérieures.
Par conséquent, le recours est irrecevable, en ce qu'il se rapporte à l'arrêté du Gouvernement wallon du 30 mars 2017.
B.11.1. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
B.11.2. Dans le cadre du moyen unique, la partie requérante n'explique pas en quoi les dispositions attaquées violeraient les articles 7bis, 23 et 35 de la Constitution, l'article 6, § 1er, V, alinéa 2, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, le règlement (CE) n° 1107/2009, la directive 2009/128/CE ou le principe du raisonnable.
En ce qu'il est pris d'une violation de ces dispositions, le moyen est irrecevable.
B.12. Les normes législatives, sauf lorsqu'elles contiennent des dispositions répartitrices de compétence entre l'Etat, les communautés et les régions, n'appartiennent pas aux normes au regard desquelles la Cour peut contrôler une autre norme législative. En effet, rien ne s'oppose, en principe, à ce qu'une disposition de nature législative déroge à une autre disposition de même nature.
Sous la même réserve, les arrêtés royaux n'appartiennent pas davantage aux normes au regard desquelles la Cour peut contrôler une norme législative.
En ce qu'il est pris de la violation de la loi du 21 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/12/1998 pub. 11/02/1999 numac 1998022861 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi relative aux normes produits ayant pour but la promotion de modes et de consommation durables et la protection de l'environnement et de la santé fermer « relative aux normes de produits ayant pour but la promotion de modes de production et de consommation durables et la protection de l'environnement, de la santé et des travailleurs », de l'arrêté royal du 28 février 1994 « relatif à la conservation, à la mise sur le marché et à l'utilisation des pesticides à usage agricole » et de l'arrêté royal du 19 mars 2013 « pour parvenir à une utilisation des produits phytopharmaceutiques et adjuvants compatible avec le développement durable », le moyen est irrecevable.
B.13. En ce que la partie requérante fait valoir, dans son mémoire en réponse, que les habilitations prévues par les dispositions attaquées violent les articles 69 à 71 du règlement (CE) n° 1107/2009, elle prend un moyen nouveau qui est dès lors irrecevable.
Quant au fond B.14.1. Le moyen unique est pris de la violation, par les dispositions attaquées, des articles 10, 11, 39, 134 et 143, § 1er, de la Constitution et de l'article 6, § 1er, II, alinéa 2, 1°, et VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, lus ou non en combinaison avec le principe de proportionnalité.
La partie requérante fait valoir en substance que les dispositions attaquées portent atteinte à la compétence fédérale en matière d'établissement de normes de produits, ou qu'elles rendent à tout le moins impossible ou exagérément difficile l'exercice de cette compétence fédérale. Ainsi, elles violeraient également le principe de l'union économique et monétaire.
B.14.2. L'examen de la conformité d'une disposition législative aux règles répartitrices de compétences doit en règle précéder celui de sa compatibilité avec les dispositions du titre II de la Constitution et des articles 170, 172 et 191 de celle-ci.
B.15.1. L'article 39 de la Constitution dispose : « La loi attribue aux organes régionaux qu'elle crée et qui sont composés de mandataires élus, la compétence de régler les matières qu'elle détermine, à l'exception de celles visées aux articles 30 et 127 à 129, dans le ressort et selon le mode qu'elle établit. Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa ».
L'article 134 de la Constitution dispose : « Les lois prises en exécution de l'article 39 déterminent la force juridique des règles que les organes qu'elles créent prennent dans les matières qu'elles déterminent.
Elles peuvent conférer à ces organes le pouvoir de prendre des décrets ayant force de loi dans le ressort et selon le mode qu'elles établissent ».
B.15.2. L'article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, et alinéa 2, 1°, et VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles dispose : « Les matières visées à l'article 39 de la Constitution sont : [...] II. En ce qui concerne l'environnement et la politique de l'eau : 1° La protection de l'environnement, notamment celle du sol, du sous-sol, de l'eau et de l'air contre la pollution et les agressions ainsi que la lutte contre le bruit; [...] L'autorité fédérale est toutefois compétente pour : 1° L'établissement des normes de produits; [...] VI. En ce qui concerne l'économie : [...] En matière économique, les Régions exercent leurs compétences dans le respect des principes de la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux et de la liberté de commerce et d'industrie, ainsi que dans le respect du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité monétaire, tel qu'il est établi par ou en vertu de la loi, et par ou en vertu des traités internationaux ».
B.16. Le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils n'en disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d'édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées.
En vertu de l'article 6, § 1er, II, précité, les régions sont compétentes pour prévenir et combattre les différentes formes de pollution de l'environnement. Le législateur régional trouve dans l'alinéa 1er, 1°, de cette disposition la compétence générale lui permettant de régler ce qui concerne la protection de l'environnement, notamment celle du sol, du sous-sol, de l'eau et de l'air, contre la pollution et les agressions portées à l'environnement.
Cette compétence implique celle de prendre des mesures en vue de prévenir et de limiter les risques liés aux pesticides, en ce compris la limitation de l'exposition de l'homme au risque de ces pesticides qui se répandent dans l'environnement.
B.17.1. La loi spéciale du 16 juillet 1993 visant à achever la structure de l'Etat fédéral a donné à l'article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles sa rédaction actuelle, à partir du 30 juillet 1993. La compétence du législateur fédéral pour encore fixer des normes visant à protéger l'environnement a de ce fait disparu. Cette compétence revient désormais aux régions.
En vertu de l'article 6, § 1er, II, alinéa 2, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980, l'autorité fédérale demeure toutefois compétente pour fixer à cet égard des normes de produits, à condition d'y associer les gouvernements régionaux (article 6, § 4, 1°, de cette même loi spéciale).
Les normes de produits sont des règles qui déterminent de manière contraignante les conditions auxquelles un produit doit satisfaire, lors de la mise sur le marché, en vue, entre autres, de la protection de l'environnement. Elles fixent notamment des limites en ce qui concerne les niveaux de polluants ou de nuisance à ne pas dépasser dans la composition ou dans les émissions d'un produit et peuvent contenir des spécifications quant aux propriétés, aux méthodes d'essai, à l'emballage, au marquage et à l'étiquetage des produits.
B.17.2. Les travaux préparatoires (Doc. parl., Sénat, 1992-1993, n° 558/1, p. 20; Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 1063/7, pp. 37, 38, 39, 42, 43 et 44) ont souligné qu'il faut uniquement regarder comme « normes de produits » dont l'établissement est réservé à l'autorité fédérale les prescriptions auxquelles les produits doivent répondre, d'un point de vue écologique, « au moment de leur mise sur le marché ». En effet, c'est précisément la nécessité de préserver l'union économique et monétaire belge (Doc. parl., Sénat, 1992-1993, n° 558/1, p. 20;Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 1063/7, p. 37) et d'éliminer les obstacles à la libre circulation des biens entre les régions (Doc. parl., Sénat, 1992-1993, n° 558/5, p. 67) qui justifie que la compétence relative aux normes de produits soit réservée à l'autorité fédérale.
B.18. Les dispositions attaquées ne déterminent pas les prescriptions auxquelles les pesticides désignés par le Gouvernement wallon doivent répondre pour être mis sur le marché. Elles visent seulement à réglementer l'usage de pesticides. Ainsi, les dispositions attaquées n'établissent aucune norme de produit et relèvent de la compétence du législateur décrétal en matière de protection de l'environnement.
B.19.1. Dans l'exercice de ses compétences, le législateur décrétal doit néanmoins respecter la loyauté fédérale.
B.19.2. L'article 143, § 1er, de la Constitution dispose : « Dans l'exercice de leurs compétences respectives, l'Etat fédéral, les communautés, les régions et la Commission communautaire commune agissent dans le respect de la loyauté fédérale, en vue d'éviter des conflits d'intérêts ».
Le respect de la loyauté fédérale suppose que, lorsqu'elles exercent leurs compétences, l'autorité fédérale et les entités fédérées ne perturbent pas l'équilibre de la construction fédérale dans son ensemble. La loyauté fédérale concerne plus que le simple exercice des compétences : elle indique dans quel esprit il doit avoir lieu.
Le principe de la loyauté fédérale oblige chaque législateur à veiller à ce que l'exercice de sa propre compétence ne rende pas impossible ou exagérément difficile l'exercice de leurs compétences par les autres législateurs.
B.20.1. En soi, l'article 4/1 du décret du 10 juillet 2013, inséré par l'article 2 du décret du 20 octobre 2016, n'implique aucune interdiction de l'utilisation de pesticides. Comme il est dit en B.6.1, la disposition attaquée se limite à habiliter le Gouvernement wallon, d'une part, à réglementer ou à interdire, « en tout lieu » et « sur la totalité ou une partie du territoire de la Région wallonne », l'usage de certains pesticides en raison des risques liés aux substances actives qu'ils contiennent et, d'autre part, en l'absence de solution de substitution, à prévoir des exceptions à ces restrictions ou interdictions pour les utilisateurs professionnels.
B.20.2. A propos de l'habilitation conférée au Gouvernement wallon, le ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du territoire, de la Mobilité et des Transports et du Bien-Etre animal a indiqué : « En commission, certains députés ont estimé que cette habilitation accordée au Gouvernement par le biais de ce décret était trop large.
Néanmoins, il n'est pas possible raisonnablement de prévoir, au niveau d'un décret, toutes les règles à respecter, les éventuelles interdictions et dérogations envisageables, substance par substance.
Vous me demandez [...] de venir avec un décret qui va identifier la substance, le cas dans lequel elle est interdite, les dosages réduits, les périmètres réduits, tel usage ou non. Cela serait illisible dans un décret. Une habilitation est nécessaire pour le faire par arrêté, substance par substance.
Ce type de mise en oeuvre doit être formalisé au niveau d'un arrêté d'exécution.
Dans ce contexte, l'habilitation vise à ce que le Gouvernement soit compétent pour prendre les mesures nécessaires pour chaque substance en fonction de l'évolution des connaissances.
Cette habilitation est similaire à celle déjà utilisée dans les autres Régions et n'a pas été contestée par le Conseil d'Etat » (CRI, Parlement wallon, 2016-2017, n° 5, pp. 32-33).
B.20.3. Une interdiction générale d'utilisation de certains pesticides sur l'ensemble du territoire de la Région wallonne pourrait avoir pour effet d'exclure du marché les pesticides concernés, ce qui empêcherait le législateur fédéral d'exercer, en pratique, sa compétence en matière de normes de produits.
B.21. Pour être compatible avec le principe de la loyauté fédérale, l'article 4/1 du décret du 10 juillet 2013, inséré par l'article 2 du décret du 20 octobre 2016, ne peut être interprété en ce sens que le Gouvernement wallon serait habilité à édicter une interdiction générale d'utilisation de certains pesticides sur l'ensemble du territoire de la Région wallonne, qui aurait pour effet d'exclure du marché les pesticides concernés.
B.22. Sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.21, le moyen n'est pas fondé.
B.23. En ce qui concerne la prétendue violation des articles 10 et 11 de la Constitution, la partie requérante fait valoir que les opérateurs économiques qui exercent leurs activités en Région wallonne sont traités différemment des opérateurs qui exercent leurs activités ailleurs en Belgique et dans l'Union européenne, dès lors qu'en Région wallonne, l'usage privé et la commercialisation de certains pesticides peuvent être interdits. Cette différence de traitement, qui viserait à remettre en cause les autorisations de mise sur le marché délivrées pour ces produits au niveau fédéral et au niveau européen, serait dépourvue de justification raisonnable.
B.24. Contrairement à ce que prétend la partie requérante, l'article 4/1 du décret du 10 juillet 2013, inséré par l'article 2 du décret du 20 octobre 2016, n'implique pas d'interdiction de la commercialisation des pesticides. Cette disposition n'implique pas davantage, en elle-même, une interdiction générale de l'utilisation de ceux-ci. Il ressort par ailleurs des travaux préparatoires du décret attaqué que le législateur n'a pas voulu remettre en cause les autorisations de mise sur le marché des pesticides, mais qu'il a uniquement cherché à réglementer l'usage des pesticides, après leur mise sur le marché (Doc. parl., Parlement wallon, 2015-2016, n° 556/1, pp. 4-5).
B.25. Une différence de traitement dans des matières où les communautés et les régions disposent de compétences propres est la conséquence possible de politiques distinctes permises par l'autonomie qui leur est accordée par la Constitution ou en vertu de celle-ci; une telle différence ne peut en soi être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Cette autonomie serait dépourvue de signification si le seul fait qu'il existe des différences de traitement entre les destinataires de règles s'appliquant à une même matière dans les diverses communautés et régions était jugé contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.
En ce qu'il dénonce une différence de traitement quant à la réglementation de l'utilisation des pesticides entre les opérateurs qui exercent leurs activités en Région wallonne et les opérateurs qui exercent leurs activités en Région flamande ou en Région de Bruxelles-Capitale, le moyen unique n'est pas fondé.
B.26. Par ailleurs, les articles 10 et 11 de la Constitution visent exclusivement à assurer que les normes applicables dans l'ordre juridique belge respectent le principe d'égalité et de non-discrimination. Les comparaisons avec des normes et des situations qui relèvent d'un ordre juridique étranger manquent à cet égard de pertinence. Du reste, la partie requérante n'expose pas en quoi les règles en matière d'utilisation des pesticides applicables en Région wallonne seraient différentes des règles applicables dans les autres Etats membres de l'Union européenne.
B.27. En ce qu'il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, le moyen unique n'est pas fondé.
Par ces motifs, la Cour sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.21, rejette le recours.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 28 février 2019.
Le greffier, F. Meersschaut Le président, F. Daoût