publié le 25 mars 2019
Extrait de l'arrêt n° 140/2018 du 18 octobre 2018 Numéro du rôle : 6668 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 68 de la loi du 26 décembre 2013 concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce q La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges T. Merckx-V(...)
Extrait de l'arrêt n° 140/2018 du 18 octobre 2018 Numéro du rôle : 6668 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 68 de la loi du 26 décembre 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/12/2013 pub. 31/12/2013 numac 2013012289 source service public federal emploi, travail et concertation sociale Loi concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement fermer concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement, posée par le Tribunal du travail de Gand, division Alost.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen et J. Moerman, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 15 mai 2017 en cause de Jan Van Nuffel contre la SA « Tereos EU », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 29 mai 2017, le Tribunal du travail de Gand, division Alost, a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 68 de la loi du 26 décembre 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/12/2013 pub. 31/12/2013 numac 2013012289 source service public federal emploi, travail et concertation sociale Loi concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement fermer concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement, interprété en ce sens que, pour les employés supérieurs, il ne peut être tenu compte d'une convention préalable valable relativement au délai de préavis à respecter par l'employeur et ce délai de préavis convenu est remplacé par le forfait d'un mois par année d'ancienneté entamée, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que : - d'une part, pour l'employé supérieur qui a conclu une convention valable relativement au délai de préavis à respecter par l'employeur, il n'est pas tenu compte de ce délai de préavis et ce délai est remplacé par un délai de préavis égal à un mois par année d'ancienneté entamée, alors que pour tous les autres travailleurs, il est tenu compte du délai de préavis valablement convenu avec l'employeur; - d'autre part, pour l'employé supérieur, le délai de préavis applicable au 31 décembre 2013 est ignoré, alors que, pour tous les autres travailleurs, il est tenu compte du délai de préavis applicable au 31 décembre 2013 ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause B.1.1. Par la loi du 26 décembre 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/12/2013 pub. 31/12/2013 numac 2013012289 source service public federal emploi, travail et concertation sociale Loi concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement fermer concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement (ci-après : la loi sur le statut unique), le législateur a entendu donner suite à l'arrêt de la Cour n° 125/2011 du 7 juillet 2011.
Par cet arrêt, rendu sur questions préjudicielles, la Cour a jugé que les différences de traitement existant jusque-là entre ouvriers et employés dans la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail (ci-après : la loi relative aux contrats de travail), plus précisément en matière de délais de préavis en cas de licenciement et en ce qui concerne le régime du jour de carence, étaient contraires au principe d'égalité et de non-discrimination.
B.1.2. Avant son abrogation par l'article 50 de la loi sur le statut unique, les délais de préavis applicables aux employés étaient régis par l'article 82 de la loi relative aux contrats de travail : « § 1. Le délai de préavis fixé à l'article 37 prend cours le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel le préavis a été notifié. § 2. Lorsque la rémunération annuelle ne dépasse pas 16 100 euros, le délai de préavis à observer par l'employeur est d'au moins trois mois pour les employés engagés depuis moins de cinq ans.
Ce délai est augmenté de trois mois dès le commencement de chaque nouvelle période de cinq ans de service chez le même employeur.
Si le congé est donné par l'employé, les délais de préavis prévus aux alinéas 1er et 2 sont réduits de moitié sans qu'ils puissent excéder trois mois. § 3. Lorsque la rémunération annuelle excède 16 100 euros, les délais de préavis à observer par l'employeur et par l'employé sont fixés soit par convention conclue au plus tôt au moment où le congé est donné, soit par le juge.
Si le congé est donné par l'employeur, le délai de préavis ne peut être inférieur aux délais fixés au § 2, alinéas 1er et 2.
Si le congé est donné par l'employé, le délai de préavis ne peut être supérieur à quatre mois et demi si la rémunération annuelle est supérieure à 16 100 euros sans excéder 32 200 euros, ni supérieur à six mois si la rémunération annuelle excède 32 200 euros. § 4. Les délais de préavis doivent être calculés en fonction de l'ancienneté acquise au moment où le préavis prend cours. § 5. Par dérogation au § 3, lorsque la rémunération annuelle dépasse 32 200 euros au moment de l'entrée en service, les délais de préavis à observer par l'employeur peuvent être fixés par convention conclue au plus tard à ce moment.
Les délais de préavis ne peuvent en tout cas être inférieurs aux délais fixés au § 2, alinéas 1er et 2.
A défaut de convention, les dispositions du § 3 restent applicables.
Les dispositions du présent paragraphe ne sont applicables que pour autant que l'entrée en service se situe après le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel la loi du 30 mars 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/03/1994 pub. 07/02/2012 numac 2012000056 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales fermer portant des dispositions sociales, aura été publiée au Moniteur belge ».
B.1.3. L'article 82 de la loi relative aux contrats de travail prévoyait des régimes différents en ce qui concerne les délais de préavis applicables aux employés, en fonction du montant de la rémunération annuelle.
Pour les employés dont la rémunération annuelle ne dépassait pas le montant indexé de 16 100 euros (fixé à 32 254 euros pour 2013), l'article 82, § 2, disposait que le délai de préavis à observer par l'employeur était d'au moins trois mois, à augmenter de trois mois dès le commencement de chaque nouvelle période de cinq ans de service chez le même employeur.
Pour les employés dont la rémunération annuelle dépassait le montant précité mais pas le montant indexé de 32 200 euros (fixé à 64 508 euros pour 2013), l'article 82, § 3, disposait que les délais de préavis à observer par l'employeur étaient fixés soit par convention conclue au plus tôt au moment où le congé était notifié, soit par le juge. Les alinéas 2 et 3 du même paragraphe prévoyaient le délai de préavis minimum à observer par l'employeur et le délai de préavis maximum auquel l'employé pouvait prétendre.
Par un arrêt du 7 avril 2008, la Cour de cassation a jugé que ces dispositions, qui protégeaient le seul travailleur, n'étaient, dès lors, impératives qu'en faveur de ce dernier (Cass., 7 avril 2008, S.07.0098.F). Il ressortait de cet arrêt que, même si des conventions relatives aux délais de préavis pour les employés concernés ne pouvaient pas en principe être conclues avant la notification du congé, il appartenait exclusivement à l'employé d'invoquer la nullité de telles conventions.
Les employés dont la rémunération annuelle dépassait le montant indexé de 32 200 euros (fixé à 64 508 euros pour 2013) avaient, en vertu de l'article 82, § 5, la possibilité, au plus tard au moment de leur entrée en service, de conclure une convention concernant les délais de préavis à observer par l'employeur sans que ces délais pussent être inférieurs aux délais visés à l'article 82, § 2. A défaut de convention, les délais de préavis étaient fixés conformément à l'article 82, § 3.
B.1.4. Pour mettre fin à la discrimination constatée par la Cour dans son arrêt n° 125/2011 précité, le législateur a prévu en principe un seul système de délais de préavis pour les travailleurs, indépendamment de la nature de leur activité principale et du montant de leur rémunération annuelle. L'article 37/2 de la loi relative aux contrats de travail, inséré par l'article 3 de la loi sur le statut unique, fixe ainsi des délais de préavis forfaitaires, uniquement en fonction de l'ancienneté du travailleur.
B.1.5. La loi sur le statut unique a été promulguée le 26 décembre 2013, publiée au Moniteur belge du 31 décembre 2013 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2014, à l'exception de son article 96, qui entre en vigueur à une date fixée par le Roi.
En vertu de l'article 111 de la loi sur le statut unique, les préavis notifiés avant l'entrée en vigueur de cette loi « continuent à sortir tous leurs effets ».
B.1.6. Les articles 67 à 69 de la loi sur le statut unique prévoient un régime transitoire pour le calcul de la durée du délai de préavis à respecter, en cas de rupture, à compter du 1er janvier 2014, d'un contrat de travail ayant pris cours avant cette date. Ces articles disposent : «
Art. 67.Le délai de préavis à respecter en cas de licenciement ou de démission de travailleurs dont le contrat de travail a pris cours avant le 1er janvier 2014 est constitué en additionnant deux délais calculés comme prévu respectivement aux articles 68 et 69.
Art. 68.La première partie est calculée en fonction de l'ancienneté de service ininterrompue acquise au 31 décembre 2013.
Ce délai est déterminé sur la base des règles légales, réglementaires et conventionnelles en vigueur au 31 décembre 2013 applicables en cas de congé notifié à cette date.
Pour les employés dont la rémunération annuelle dépasse 32 254 euros au 31 décembre 2013, ce délai est, par dérogation à l'alinéa 2, fixé à un mois par année d'ancienneté entamée en cas de congé donné par l'employeur, avec un minimum de trois mois.
Pour les employés dont la rémunération annuelle dépasse 32.254 euros au 31 décembre 2013, ce délai est, en cas de démission, par dérogation à l'alinéa 2, fixé à un mois et demi par période de cinq années d'ancienneté entamée, avec un maximum de quatre mois et demi lorsque sa rémunération annuelle ne dépasse pas 64 508 euros au 31 décembre 2013 ou six mois lorsque sa rémunération annuelle au 31 décembre 2013 est supérieure à 64 508 euros.
Art. 69.La seconde partie est calculée en fonction de l'ancienneté de service ininterrompue acquise à partir du 1er janvier 2014.
Le délai est déterminé selon les règles légales ou réglementaires applicables au moment de la notification du congé.
En cas de démission du travailleur, il n'y a pas lieu de tenir compte de cette seconde partie lorsque les plafonds fixés à l'article 82, § 2, alinéa 3, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail et 68, alinéa 4, ont été atteints au 31 décembre 2013. A l'inverse, lorsque les plafonds fixés à l'article 82, § 2, alinéa 3, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail et 68, alinéa 4, n'ont pas été atteints au 31 décembre 2013, l'addition des deux parties ne pourra dépasser 13 semaines ».
B.1.7. En vertu de l'article 67 de la loi sur le statut unique, le délai de préavis à respecter en cas de rupture, à compter du 1er janvier 2014, d'un contrat de travail conclu avant cette date est déterminé par l'addition de deux délais : un premier délai de préavis calculé en fonction de l'ancienneté de service acquise au 31 décembre 2013 et un second délai de préavis calculé en fonction de l'ancienneté de service acquise à partir du 1er janvier 2014.
L'article 68 de la loi sur le statut unique règle la première partie du délai de préavis, liée à l'ancienneté de service acquise au 31 décembre 2013. En principe, ce délai de préavis est déterminé selon les règles légales, réglementaires et conventionnelles qui étaient applicables au travailleur au 31 décembre 2013 (alinéa 2). Un régime dérogatoire s'applique aux employés dont la rémunération annuelle dépasse 32 254 euros (ci-après : les employés supérieurs) en vertu duquel le délai de préavis doit être fixé à un mois par année d'ancienneté entamée en cas de congé donné par l'employeur, avec un minimum de trois mois (alinéa 3), et, en cas de démission de la part du travailleur, ce même délai doit être fixé à un mois et demi par période de cinq années d'ancienneté entamée, avec un maximum de quatre mois et demi ou de six mois en fonction de la rémunération annuelle du travailleur (alinéa 4).
L'article 69 de la loi sur le statut unique règle la deuxième partie du délai de préavis, calculée en fonction de l'ancienneté de service acquise à partir du 1er janvier 2014. Ce délai est en principe déterminé selon les règles légales ou réglementaires applicables au moment de la notification du congé (alinéa 2) et donc sur la base du nouveau régime harmonisé.
B.1.8. Dans l'exposé des motifs, le régime transitoire précité a été justifié comme suit : « Le nouveau régime de calcul des préavis en cas de licenciement ou de démission de travailleurs qui est introduit par le présent projet dans la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer et qui entrera en vigueur le 1er janvier 2014 est fort différent des régimes antérieurs applicables aux ouvriers et aux employés.
Il s'impose donc d'introduire un régime transitoire qui permet de tenir compte des attentes légitimes des parties dont le contrat de travail a été conclu et a commencé à être exécuté avant le 1er janvier 2014. Tel est l'objet des articles 67, 68 et 69. Cette prise en compte particulière de l'ancienneté de service antérieure au 1er janvier 2014 devra évidemment être proportionnelle à la part de cette ancienneté dans l'ancienneté totale du travailleur licencié ou du travailleur qui remet sa démission.
C'est pourquoi le calcul d'un préavis ou d'une indemnité de congé, pour un licenciement notifié à partir du 1er janvier 2014 et pour un travailleur dont le contrat de travail a débuté avant le 1er janvier 2014, s'effectuera en deux étapes distinctes dont les résultats devront ensuite être additionnés » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3144/001, p. 39).
En ce qui concerne en particulier la première partie du délai de préavis, telle qu'elle est déterminée conformément à l'article 68, en cause, de la loi sur le statut unique, il est précisé : « La durée de la part de préavis (qui servira également de base à la détermination d'une indemnité de congé éventuelle lors d'un licenciement ou d'une démission après le 1er janvier 2014) liée à cette ancienneté de service [acquise au 31 décembre 2013] est déterminée selon les règles applicables au travailleur concerné au 31 décembre 2013.
Il faudra donc à cette date, tenir compte de son statut d'ouvrier ou d'employé, de son ancienneté de service et des normes applicables à cette date comme si son préavis avait dû être calculé au 31 décembre 2013.
Pour les travailleurs qualifiés de ' supérieurs ' au 31 décembre 2013, à savoir les employés dont la rémunération annuelle dépasse 32 254 euros, une règle particulière est prévue. En cas de congé donné par l'employeur, la partie du délai de préavis liée à l'ancienneté acquise au 31 décembre 2013 sera fixée forfaitairement. L'article 82, § 3, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer n'est donc pas d'application. L'on évite ainsi, en cas de congé donné par l'employeur à partir du 1er janvier 2014, que le délai de préavis lié à l'ancienneté acquise au 31 décembre 2013 fasse l'objet d'un accord entre les parties, alors que la durée de la partie du délai de préavis liée à l'ancienneté acquise à partir du 1er janvier 2014 est fixée forfaitairement. Pour ces raisons, le délai de préavis à respecter par l'employeur, lié à l'ancienneté acquise au 31 décembre 2013, est également fixé forfaitairement. Il correspond à un mois par année d'ancienneté entamée. Pour les mêmes raisons, des délais fixes sont prévus lorsque, un travailleur qui était au 31 décembre 2013 un employé qualifié de ' supérieur ' remet sa démission à partir du 1er janvier 2014. Le délai de préavis à respecter par ce travailleur en fonction de son ancienneté acquise au 31 décembre 2013, ne devra pas être négocié mais sera également fixé de manière forfaitaire, à raison d'un mois et demi par période entamée de cinq ans d'ancienneté (cf. la règle actuelle pour les employés inférieurs comme prévu à l'article 82, § 2, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer) avec un maximum de quatre mois et demi lorsque sa rémunération annuelle ne dépasse pas les 64 508 euros au 31 décembre 2013 ou six mois lorsque sa rémunération annuelle dépasse les 64 508 euros (cf. le plafond actuel pour les employés supérieurs comme prévu à l'article 82, § 3 de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer) » (ibid., pp. 39-40).
Quant à la question préjudicielle B.2. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de l'article 68 de la loi sur le statut unique avec les articles 10 et 11 de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle « pour les employés supérieurs, il ne peut être tenu compte d'une convention préalable valable relativement au délai de préavis à respecter par l'employeur et ce délai de préavis convenu est remplacé par le forfait d'un mois par année d'ancienneté entamée ».
Il ressort de la formulation et de la motivation de la décision de renvoi que, dans le litige au fond, seule la constitutionnalité de l'article 68, alinéa 3, est en cause, de sorte que la Cour limite son examen à cette disposition.
Le juge a quo demande si la distinction ainsi instaurée entre les employés supérieurs et tous les autres travailleurs est raisonnablement justifiée, en ce qu'il ne peut être tenu compte d'une clause de préavis en vigueur au 31 décembre 2013 que pour la seconde catégorie de travailleurs dans le cadre du calcul de la première partie du délai de préavis liée à l'ancienneté de service acquise à cette date. Le juge a quo demande en outre s'il est raisonnablement justifié que les employés supérieurs soient tous traités de la même manière, qu'ils aient conclu ou non, avant le 1er janvier 2014, une convention relative au délai de préavis à respecter.
B.3.1. Selon le Conseil des ministres, la portée de la question préjudicielle doit être limitée à la différence de traitement dénoncée entre, d'une part, les employés supérieurs, et, d'autre part, les autres travailleurs.
B.3.2. La Cour détermine l'étendue de la question préjudicielle en tenant compte de l'objet du litige pendant devant le juge a quo et de la motivation de la décision de renvoi.
B.3.3. Bien que la question préjudicielle mentionne uniquement une différence de traitement entre les employés supérieurs et tous les autres travailleurs, il ressort à suffisance de la motivation de la décision de renvoi que le juge a quo demande également s'il est raisonnablement justifié que les employés supérieurs soient tous traités de la même manière, qu'ils aient conclu ou non, avant le 1er janvier 2014, une convention relative au délai de préavis à respecter.
B.3.4. Le Conseil des ministres fait en outre valoir que l'affaire portée devant le juge a quo concerne une clause de préavis qui serait contraire à l'article 82, § § 3 et 5, de la loi relative aux contrats de travail, mais dont la nullité a été couverte par l'employé. La Cour devrait limiter son examen à cette hypothèse.
B.3.5. Il ressort de la motivation de la décision de renvoi que le juge a quo part du principe qu'en l'espèce, la clause de préavis a été stipulée valablement. Il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur cette appréciation du juge a quo. La Cour répond à la question comme celle-ci a été posée.
B.4.1. Quant au fond, le Conseil des ministres estime en ordre principal que la question préjudicielle n'appelle pas de réponse parce qu'elle serait fondée sur une interprétation erronée de la disposition en cause. Cette disposition ne porterait en effet pas atteinte à l'application d'une clause qui était en vigueur au 31 décembre 2013.
Cependant, une telle clause ne pourrait pas être appliquée distinctement pour le calcul de la première partie du délai de préavis qui concerne l'ancienneté de service acquise au 31 décembre 2013, mais uniquement pour le calcul de la totalité du délai de préavis, si le délai de préavis convenu est plus favorable au travailleur que le délai fixé conformément aux articles 67 à 69 de la loi sur le statut unique.
B.4.2. La partie demanderesse devant le juge a quo conteste également l'interprétation que le juge a quo donne à la disposition en cause.
Contrairement au Conseil des ministres, la partie demanderesse estime qu'une clause de préavis qui était valable au 31 décembre 2013 peut être appliquée distinctement pour le calcul de la première partie du délai de préavis qui concerne l'ancienneté de service acquise à cette date.
B.4.3. La partie défenderesse devant le juge a quo souscrit à l'interprétation contenue dans la question préjudicielle. Elle soutient que l'article 68, alinéa 3, en cause, de la loi sur le statut unique peut seulement être compris en ce sens que les clauses de préavis qui étaient valables pour les employés supérieurs au 31 décembre 2013 ne peuvent plus être appliquées.
B.4.4. La question préjudicielle porte uniquement sur la première partie du délai de préavis qui, en vertu de l'article 68 de la loi sur le statut unique, est calculée en fonction de l'ancienneté de service acquise au 1er janvier 2014. La question de la validité des clauses de préavis existantes au 31 décembre 2013 pour le calcul de la deuxième partie du délai de préavis conformément à l'article 69 de la loi sur le statut unique excède donc la saisine de la Cour.
B.5.1. L'article 68, alinéa 2, de la loi sur le statut unique dispose que la première partie du délai de préavis à observer par l'employeur et par le travailleur est déterminée sur la base des règles légales, réglementaires et conventionnelles en vigueur au 31 décembre 2013, applicables en cas de congé notifié à cette date. Par contre, l'article 68, alinéa 3, prévoit, pour les employés supérieurs, un régime dérogatoire qui, en cas de congé donné par l'employeur, détermine la partie du délai de préavis qui concerne la période antérieure au 1er janvier 2014 sur la base d'une formule forfaitaire et qui ne renvoie aucunement à la possibilité d'appliquer d'éventuelles clauses contractuelles de préavis.
B.5.2. Dans son avis relatif à l'avant-projet de loi qui a donné lieu à la loi sur le statut unique, la section de législation du Conseil d'Etat a souligné : « Pour les employés dont la rémunération annuelle dépasse 64 508 euros au moment de l'entrée en service (ci-après : les employés supérieurs), les délais de préavis à observer par l'employeur peuvent également être fixés par convention ' conclue au plus tard au moment de l'entrée en service ' (article 82, § 5, actuel, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer).
Par conséquent, on pourrait considérer que l'article 68, alinéa 3, en projet, porte atteinte aux droits acquis des employés supérieurs qui sont entrés en service avant le 31 décembre 2013 et qui à ce moment ont fixé par convention avec leur employeur, un délai de préavis valable mais qui ne sont licenciés par cet employeur qu'après le 1er janvier 2014 » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3144/001, p. 121).
B.5.3. En réponse à cet avis, il est dit dans les travaux préparatoires : « En ce qui concerne la remarque du Conseil d'Etat relative à l'article 68, il convient de se rappeler que cette disposition fait partie de la mesure transitoire tenant compte des attentes légitimes des parties dont le contrat de travail a été conclu et exécuté avant le 1er janvier 2014. Une attente légitime consiste en ce que les clauses convenues soient respectées. Toutes les clauses valables existant au 31 décembre 2013 restent donc inchangées et c'est sur cette base que les droits sont déterminés pour le passé. Cet exposé des motifs prévoit que la disposition forfaitaire relative au délai de préavis sert en fait uniquement à éviter des négociations au 31 décembre 2013 pour le groupe cible où, en vertu de la législation actuelle, le préavis doit être négocié à la fin du contrat de travail.
Elle sert donc à créer une uniformité. Elle ne vaut pas pour les travailleurs bénéficiant déjà d'une sécurité sur la base d'accords conventionnels passés antérieurement » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3144/001, p. 44).
Dans le même sens, il est souligné, dans le rapport fait au nom de la commission des Affaires sociales, en ce qui concerne le calcul de la première partie du délai de préavis : « Si, pour ces employés supérieurs, le délai de préavis est fixé par un contrat valable conclu antérieurement, ce dernier devra effectivement être respecté » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3144/004, p. 6).
B.6.1. Il ressort des travaux préparatoires précités que le législateur a voulu tenir compte, pour les employés supérieurs également, des clauses de préavis valablement convenues lorsqu'il s'agit de calculer la première partie du délai de préavis. Le texte clair et univoque de l'article 68, alinéa 3, de la loi sur le statut unique, fixe toutefois le délai de préavis à un mois par année d'ancienneté entamée, avec un minimum de trois mois, et n'admet aucune exception à cet égard.
B.6.2. Le sens d'une disposition législative ne peut être infléchi en faisant prévaloir sur le texte clair de cette disposition des déclarations qui ont précédé son adoption.
La thèse du Conseil des ministres selon laquelle le juge a quo fonderait sa question sur une interprétation erronée de la disposition en cause ne saurait dès lors être suivie.
B.7.1. Comme il est dit en B.1.8 et en B.5.3, en adoptant la disposition en cause, le législateur visait, d'une part, à éviter que les employés supérieurs doivent encore, au moment de la rupture du contrat, négocier le délai de préavis concernant l'ancienneté de service acquise au 31 décembre 2013 et, d'autre part, à tenir compte des attentes légitimes de l'employeur et du travailleur en ce qui concerne l'ancienneté de service acquise à cette date.
B.7.2. Eu égard à ces objectifs, le législateur se base sur un critère de distinction objectif mais dénué de pertinence, en ce qu'il ne prévoit pas, à l'égard des employés supérieurs qui avaient conclu une convention relative au délai de préavis avant le 1er janvier 2014, que cette convention peut être appliquée pour le calcul de la première partie du délai de préavis, alors que de telles conventions peuvent être prises en compte pour les travailleurs visés à l'article 68, alinéa 2, de la loi sur le statut unique. Etant donné les objectifs précités, il n'est pas pertinent non plus de traiter tous les employés supérieurs de la même manière, qu'ils aient ou non conclu avec leur employeur, avant le 1er janvier 2014, une convention relative au délai de préavis à respecter.
En effet, le régime d'exception prévu par l'article 68, alinéa 3, de la loi sur le statut unique s'applique également aux cas dans lesquels il existe une sécurité contractuelle en ce qui concerne les délais de préavis à observer et auxquels ce régime n'était donc pas censé s'appliquer, selon les travaux préparatoires clairs sur ce point.
B.7.3. Partant, l'article 68, alinéa 3, en cause, de la loi sur le statut unique n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que, à l'égard des employés supérieurs, il ne permet pas, pour le calcul de la première partie du délai de préavis liée à l'ancienneté acquise au 31 décembre 2013, l'application d'une clause de préavis qui était valable à cette date.
B.8. Dans la mesure précisée en B.7.3, la question préjudicielle appelle une réponse affirmative.
B.9. Dès lors que le constat de la lacune est exprimé en des termes suffisamment précis et complets qui permettent l'application de la disposition en cause dans le respect des normes de référence sur la base desquelles la Cour exerce son contrôle, il appartient au juge a quo de mettre fin à la violation de ces normes, dans l'attente de l'intervention du législateur.
B.10. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de maintien des effets de la disposition en cause, formulée par la partie défenderesse devant le juge a quo. En effet, le risque d'insécurité juridique qu'elle dénonce est pallié par ce qui est dit en B.9 et le risque financier que lui fait craindre un constat de violation peut être semblable à celui qu'un constat de non-violation pourrait faire craindre à d'autres justiciables.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 68, alinéa 3, de la loi du 26 décembre 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/12/2013 pub. 31/12/2013 numac 2013012289 source service public federal emploi, travail et concertation sociale Loi concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement fermer concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que, pour les employés supérieurs, il ne permet pas, pour le calcul de la première partie du délai de préavis liée à l'ancienneté acquise au 31 décembre 2013, l'application d'une clause de préavis qui était valable à cette date.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 18 octobre 2018.
Le greffier, F. Meersschaut Le président, A. Alen