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Arrêt
publié le 18 décembre 2018

Extrait de l'arrêt n o 98/2018 du 19 juillet 2018 Numéro du rôle : 6620 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 119, § 2, 120 et 121 de la loi du 26 juin 1992 portant des dispositions sociales et diverses La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges L. Lavr(...)

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Extrait de l'arrêt no 98/2018 du 19 juillet 2018 Numéro du rôle : 6620 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 119, § 2, 120 et 121 de la loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer portant des dispositions sociales et diverses, posées par le Tribunal du travail du Hainaut, division Mons.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 13 février 2017 en cause de Alain Van Bruyssel contre le Service fédéral des pensions, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 20 février 2017, le Tribunal du travail du Hainaut, division Mons, a posé les questions préjudicielles suivantes : « - Les articles 119, § 2, 120 et 121 de la loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer portant des dispositions sociales et diverses ne violent-ils pas les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, ainsi que les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'ils excluent de la définition de ' retraité isolé ' le bénéficiaire isolé marié mais séparé de fait et entraînent par conséquent l'application de l'article 125, § 2, de la loi précitée pour des personnes qui ne constituent pas un ménage ? - Les articles 119, § 2, 120 et 121 de la loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer portant des dispositions sociales et diverses ne violent-ils pas les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, ainsi que les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'ils traitent de manière différente les retraités mariés séparés de corps et de biens et les retraités mariés séparés de fait, le retraité marié séparé de corps et de biens relevant de la catégorie ' retraité isolé ' et le retraité marié séparé de fait relevant de la catégorie du ' retraité marié ' ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité des articles 119, § 2, 120 et 121 de la loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer portant des dispositions sociales et diverses (ci-après : la loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer) avec les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, combinés avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Ces articles disposent : «

Art. 119.[...] § 2. Par ' retraité isolé ', il faut entendre le pensionné masculin ou féminin qui est célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps et de biens. [...]

Art. 120.Pour les personnes mises à la retraite en raison de leur âge ou de leur ancienneté et ayant atteint l'âge de 60 ans, le montant minimum garanti est fixé : - pour un retraité isolé, à 9 601,00 EUR par an; - pour un retraité marié, à 12 001,00 EUR par an.

Art. 121.§ 1. Pour les personnes mises à la retraite pour cause d'inaptitude physique ou mises à la retraite d'office conformément à l'article 83 de la loi du 5 août 1978 précitée, le montant minimum garanti est fixé. 1° pour un retraité isolé, à 50 p.c. du traitement moyen des cinq dernières années de la carrière à l'exclusion des éléments de la rémunération qui ne sont pas pris en compte pour le calcul de la pension de retraite; 2° pour un retraité marié, à 62,5 p.c. de ce traitement moyen. § 2. Les majorations du montant nominal initial de la pension qui interviennent en application de l'article 12, § 9, de la loi du 9 juillet 1969 modifiant et complétant la législation relative aux pensions de retraite et de survie des agents du secteur public, entraînent une majoration proportionnelle du traitement moyen visé au § 1er. § 3. Lorsque le traitement moyen visé au § 1er est inférieur à 19 202,00 EUR, il est porté à ce montant.

Lorsque le traitement moyen visé au § 1er est supérieur à 19 202,00 EUR et que la durée totale des services admissibles pour le calcul de la pension, indépendamment des bonifications pour études et des autres périodes bonifiées comme services admissibles pour la détermination du traitement, mais augmentée de la période comprise entre la date de prise de cours de la pension et le premier jour du mois qui suit le 65ème anniversaire, est inférieure à 20 ans, le traitement précité est limité à ce montant.

Pour l'application de l'alinéa 2, la durée des services admissibles est établie abstraction faite de la réduction de temps prévue à l'article 2 de l'arrêté royal n° 206 du 29 août 1983 réglant le calcul de la pension du secteur public pour les services à prestations incomplètes. § 4. Le montant minimum garanti pour cause d'inaptitude physique ne peut excéder ni 75 p.c. du maximum de l'échelle barémique attachée au dernier grade dont l'intéressé était titulaire avant sa mise à la retraite, ni 100 p.c. de la rétribution garantie s'il s'agit d'un retraité isolé ou 125 p.c. de cette rétribution s'il s'agit d'un retraité marié ».

B.2.1. Par une première question préjudicielle, le juge a quo demande à la Cour si ces dispositions ne créent pas une différence de traitement discriminatoire en ce qu'elles excluent de la définition de « retraité isolé » le bénéficiaire isolé marié mais séparé de fait et entraînent par conséquent l'application de l'article 125, § 2, de la loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer pour des personnes qui ne constituent pas un ménage.

B.2.2. Par une seconde question préjudicielle, le juge a quo interroge la Cour sur la différence de traitement qui existe entre les retraités mariés séparés de corps et de biens et les retraités mariés séparés de fait, les premiers relevant de la catégorie « retraités isolés », les seconds de la catégorie « retraités mariés ».

B.3. L'article 125, § 2, de la loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer dispose : « S'il s'agit d'un retraité marié, sont en outre déduits du supplément : 1° les revenus que procure à son conjoint l'exercice d'une activité professionnelle;2° les avantages énumérés ci-après dont bénéficie son conjoint : a) les pensions ou rentes de retraite ou de survie ou les avantages en tenant lieu, à charge d'un régime de pension établi en vertu d'une législation belge ou étrangère;b) les indemnités d'incapacité primaire, les indemnités d'invalidité ou les allocations de chômage accordées en vertu de la législation belge ou les avantages de même nature accordés en vertu d'une législation étrangère;c) les rentes, indemnités ou allocations octroyées en vertu d'une législation belge ou étrangère en réparation de dommages résultant d'un accident du travail, d'un accident survenu sur le chemin du travail ou d'une maladie professionnelle;d) les pensions de réparation du temps de paix ». B.4. Le titre V de la loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer prévoit des mesures relatives aux pensions du secteur public. L'article 120 de ladite loi établit le montant minimum garanti de pension pour les personnes mises à la retraite en raison de leur âge ou de leur ancienneté et ayant atteint l'âge de 60 ans, tandis que l'article 121 fixe ce montant pour les personnes mises à la retraite en raison de leur inaptitude physique ou mises à la retraite d'office. Les montants diffèrent selon que le retraité est isolé ou marié.

Comme il ressort de l'article 119, § 2, de la loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer, le « retraité isolé » est le pensionné qui est célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps et de biens. La même disposition définit, en son paragraphe 3, le « supplément » de pension comme le montant ajouté au taux nominal de la pension pour atteindre le montant minimum garanti, ce dernier étant le montant minimum de pension auquel une personne peut prétendre.

B.5. Les questions préjudicielles invitent la Cour à se prononcer sur la circonstance que la personne séparée de fait n'est pas incluse dans la définition du « retraité isolé », comme c'est le cas du conjoint séparé de corps et de biens, de telle sorte que la personne séparée de fait ne peut bénéficier du supplément « minimum garanti » de pension au taux isolé, en raison de son assimilation à une personne mariée.

B.6.1. Selon l'exposé des motifs de l'avant-projet de loi, devenu la loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer : « Dans le régime proposé, plus aucune distinction n'est effectuée selon que la personne pensionnée est ou non reconnue comme étant atteinte d'une invalidité permanente globale de 66 p.c. au moins. En conséquence, le niveau minimum garanti n'est plus influencé par le degré d'invalidité. En outre, il n'y a plus lieu de faire de distinction entre les pensions attribuées à titre temporaire et celles attribuées à titre définitif.

Par contre, pour la détermination du montant minimum garanti, il continue à être tenu compte de la situation familiale du pensionné. En effet, étant donné que la charge du supplément qui est ajouté au taux nominal de la pension pour atteindre le montant minimum garanti est supportée par la collectivité sans aucune contrepartie du bénéficiaire du minimum, il s'impose de tenir compte, d'une façon ou d'une autre, des revenus du conjoint.

Dorénavant, il n'existera plus que deux catégories de bénéficiaires de montants minimums garantis : le retraité isolé et le retraité marié, le minimum accordé à un retraité isolé étant égal à 80 p.c. de celui d'un retraité marié. Par ailleurs, il a été veillé à maintenir un certain parallélisme entre les montants minimums des pensions de retraite pour raison d'âge ou d'ancienneté et ceux pour cause d'inaptitude physique. [...] Les revenus du conjoint sont déduits du supplément moyennant l'exonération d'une certaine tranche de ces revenus et sans que la déduction ne puisse avoir pour effet de ramener le montant minimum garanti en dessous d'un montant forfaitaire déterminé » (Doc. parl.

Sénat, S.E. 1991-1992, n° 315/1, pp. 42-43).

L'article 121 de l'avant-projet de loi, devenu l'article 125 de la loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer, a été commenté comme suit : « Etant donné que les différents minimums prévus par le présent chapitre sont appelés à assurer un revenu minimum à un pensionné ou à son ménage, il s'indique dès lors de tenir compte des autres revenus professionnels du pensionné et de son conjoint. Sont par conséquent déduites de ce supplément, les différentes pensions ou rentes auxquelles le pensionné ou son conjoint peut prétendre dans n'importe quel régime de pension » (ibid., p. 46).

B.6.2. En réponse à une question parlementaire sur l'existence d'une discrimination éventuelle entre le retraité séparé de fait et le retraité séparé de corps et de biens, dans la mesure où, dans le premier cas seulement, les ressources du conjoint seront prises en considération, le ministre compétent a répondu que : « dans le régime de pension des agents des services publics, la distinction entre un retraité isolé et un retraité marié n'existe pas uniquement pour les bénéficiaires d'un minimum garanti pour cause d'inaptitude physique mais également pour les bénéficiaires d'un minimum garanti pour raison d'âge ou d'ancienneté.

En ce qui concerne le premier point soulevé par l'honorable membre, j'estime qu'en matière de minimum garanti pour cause d'inaptitude physique, la loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer ne crée pas de discrimination entre, d'une part, la situation d'un séparé de corps et de biens et, d'autre part, celle d'un séparé de fait. En effet, il ressort d'une jurisprudence bien établie, reconnue par la Cour d'arbitrage, que la règle constitutionnelle de l'égalité des Belges devant la loi implique que tous ceux qui se trouvent dans la même situation soient traités de la même manière mais n'exclut pas qu'une distinction soit faite pour certaines catégories de personnes à la condition que cette distinction ne soit pas arbitraire, c'est-à-dire qu'elle soit susceptible de justification.

Or, si une personne séparée de fait a un domicile distinct de son conjoint soit dans le cadre d'une pure situation de fait, soit après autorisation d'un juge de paix ou d'un juge des référés dans le cadre de mesures urgentes et provisoires, une personne séparée de corps et de biens n'acquiert cette qualité qu'à la suite d'un jugement du tribunal de première instance. Il s'agit donc de deux situations bien distinctes.

Du reste, dans d'autres matières également, les conséquences juridiques de la séparation de fait et de la séparation de corps et de biens sont totalement différentes. Ainsi en va-t-il, par exemple, en ce qui concerne les droits successoraux.

Enfin, il est encore à signaler que le conjoint séparé de fait dont le conjoint a des revenus venant en déduction du supplément minimum garanti, bénéficie d'un supplément minimum garanti plus élevé puisqu'il est toujours considéré comme marié. De plus, il a toujours la possibilité de changer de catégorie s'il obtient un jugement de séparation de corps et de biens ou un jugement de divorce.

En ce qui concerne le deuxième point soulevé par l'honorable membre relatif aux conséquences juridiques différentes qui existent dans le régime de pensions du secteur public entre un ménage de fait et un couple uni par les liens d'un mariage, force est de reconnaître que dans le cadre du minimum garanti, le ménage de fait pourrait, le cas échéant, se retrouver dans une situation préférentielle étant donné que les revenus du concubin ne viendront pas en déduction du supplément minimum garanti. Néanmoins, en contrepartie, le montant du minimum garanti pour cause d'inaptitude physique n'est pas pour un ménage de fait de 62,5 % mais de 50 % du traitement moyen, ce qui est désavantageux lorsque le concubin n'a pas de revenus.

Ces différenciations de traitement relevées dans les deux points examinés ci-dessus, résultent de ce que la séparation de fait et le ménage de fait sont des notions qui n'ont pas de réalité juridique dans la législation des pensions publiques. Dans le cadre de la législation actuelle, c'est aux personnes et à elles seules de décider, selon les avantages ou les inconvénients qu'elles peuvent en retirer globalement, de privilégier une situation de fait par rapport à une situation de droit ou l'inverse. Quoi qu'il en soit, aucune des situations tant celles de fait que celles de droit ne comportent que des avantages. Ainsi, par exemple, en cas de mariage, le conjoint survivant d'un agent du secteur public pourra bénéficier d'une pension de survie alors que le concubin survivant d'un agent du secteur public n'aura pas droit à un tel avantage » (Q.R., Chambre, 1998-1999, n° 151, 16 novembre 1998, pp. 20575-20576).

B.6.3. Dans son rapport annuel de 2001, le service de médiation pour les pensions a adressé cinq recommandations générales aux pouvoirs législatif et exécutif. La deuxième recommandation concernait le montant minimum garanti dans le secteur public et suggérait de nuancer la législation de sorte qu'en cas de séparation de fait, il soit tenu compte au mieux de la situation familiale réelle du pensionné. En réponse à une question parlementaire, le ministre compétent a répondu ce qui suit : « La loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer portant des dispositions sociales et diverses, qui contient la législation relative aux montants minimums garantis de pensions dans le secteur public, ne connaît que deux catégories de pensionnés : le retraité marié et le retraité isolé.

L'article 119, § 2, de cette loi définit le ' retraité isolé ' comme étant le pensionné masculin ou féminin qui est célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps et de bien. Le conjoint séparé de fait étant toujours uni par le lien du mariage, il doit être traité comme un ' retraité marié ' au regard de cette législation.

Le supplément minimum garanti étant accordé à titre gratuit à charge de la collectivité, le législateur a estimé nécessaire de tenir compte des autres revenus du titulaire du minimum garanti et, dans une certaine mesure, des revenus de son conjoint.

Le problème des séparés de fait n'est pas un problème nouveau et résulte principalement de la difficulté de connaître les revenus du conjoint dans une telle situation.

A défaut de renseignements sur les revenus du conjoint, l'administration était jusqu'à présent contrainte de présumer que l'importance de ces revenus pouvait entraîner la suspension du minimum garanti.

Ce problème sera bientôt partiellement résolu par le projet de loi apportant diverses modifications à la législation relative aux pensions du secteur public.

Jusqu'à présent, lorsque les deux conjoints ont droit au montant minimum garanti de pension, cet avantage n'est accordé qu'à celui des deux conjoints qui peut prétendre au montant minimum garanti le plus élevé.

Le projet de loi précité prévoit d'accorder à l'avenir le ' minimum de base ' (40 % de la rétribution garantie) à chacun des deux conjoints.

Ceci permettra de porter au minimum de base la pension du séparé de fait dont les revenus du conjoint ne sont pas connus » (Q.R., Sénat, 2001-2002, 2 juillet 2002, n° 2-56, p. 3070).

B.7. D'après le Conseil des ministres, compte tenu de ce que le « supplément minimum garanti » est accordé à titre gratuit à charge de la collectivité, le législateur a pu tenir compte d'un impératif de sécurité dans l'octroi des pensions du secteur public et de la difficulté de prouver des situations de fait. Une assimilation des conjoints séparés de fait à des retraités isolés pourrait également entraîner un risque de collusion entre les époux, qui aurait pour effet de faire peser sur la collectivité une situation que ces époux auraient artificiellement créée.

B.8.1. Il ressort des considérants B.6.1 à B.6.3 que l'objectif du législateur était de tenir compte du fait que le supplément minimum garanti est octroyé à charge de la collectivité. La mesure qui consiste à diminuer - voire supprimer - le supplément minimum garanti et d'alléger ainsi la charge qui pèse sur la collectivité, lorsqu'il apparaît que les revenus du ménage formé par un retraité et son conjoint permettent d'atteindre un niveau de pension suffisant, est pertinente par rapport à l'objectif poursuivi.

Le législateur a pu légitimement considérer à cet égard qu'il convenait de traiter les retraités mariés mais séparés de fait comme des retraités mariés dès lors que la séparation de fait constitue une pure situation de fait non institutionnalisée et pouvant être difficile à établir dans la pratique. Le législateur a en outre pu considérer que le risque de collusion entre les époux pouvait être plus grand dans une telle situation, dès lors que cette situation de fait n'est pas juridiquement établie.

B.8.2. Il n'est pas porté une atteinte disproportionnée aux droits des retraités concernés, dès lors que, comme il ressort des articles 120 et 121 de la loi en cause, les retraités mariés perçoivent un montant minimum garanti plus élevé que les retraités isolés. Les conjoints retraités séparés de fait disposent également de la possibilité de faire acter leur séparation par un jugement de séparation de corps ou de divorce de manière à être reconnus dans la catégorie des retraités isolés et à percevoir, le cas échéant, un supplément « minimum garanti » si le montant minimum garanti de pension n'est pas atteint.

B.9. En ce qu'ils excluent de la définition de « retraité isolé » le bénéficiaire isolé marié mais séparé de fait, les articles 119, 120 et 121 de la loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer ne sont pas incompatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.10. La Cour est également invitée à se prononcer sur la compatibilité des dispositions visées en B.1 avec l'article 22 de la Constitution, combiné ou non avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

L'article 22 de la Constitution dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit ».

B.11. Le droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu'il est garanti par l'article 22 précité, a pour but essentiel de protéger les personnes contre des ingérences dans leur vie privée et familiale.

B.12.1. Comme le souligne le Conseil des ministres, les dispositions en cause se limitent à établir une distinction entre retraités isolés et retraités mariés, sans appréhender les situations qui résultent du pur fait. Partant, elles n'impliquent aucune ingérence des autorités publiques dans la vie privée des retraités concernés.

B.12.2. Les dispositions en cause ne sont dès lors pas incompatibles avec l'article 22 de la Constitution, combiné ou non avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 119, § 2, 120 et 121 de la loi du 26 juin 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1992 pub. 31/03/2011 numac 2011000187 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses fermer portant des dispositions sociales et diverses ne violent pas les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 juillet 2018.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux J. Spreutels

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