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Arrêt
publié le 12 novembre 2018

Extrait de l'arrêt n° 143/2018 du 18 octobre 2018 Numéro du rôle : 6757 En cause : le recours en annulation des articles 9, 24, §§ 1 er , 2 et 3, 62 et 63 du décret flamand du 24 février 2017 relatif à l'expropriation d'uti La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen(...)

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Extrait de l'arrêt n° 143/2018 du 18 octobre 2018 Numéro du rôle : 6757 En cause : le recours en annulation des articles 9, 24, §§ 1er, 2 et 3, 62 et 63 du décret flamand du 24 février 2017 relatif à l'expropriation d'utilité publique, introduit par la SA « Landexplo » et Gaëtan Gorremans.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, P. Nihoul, T. Giet et J. Moerman, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 24 octobre 2017 et parvenue au greffe le 26 octobre 2017, un recours en annulation des articles 9, 24, §§ 1er, 2 et 3, 62 et 63 du décret flamand du 24 février 2017 relatif à l'expropriation d'utilité publique (publié au Moniteur belge du 25 avril 2017) a été introduit par la SA « Landexplo » et Gaëtan Gorremans, assistés et représentés par Me K. Roelandt, avocat au barreau de Malines. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. Par le décret flamand du 24 février 2017 relatif à l'expropriation d'utilité publique (ci-après : le décret sur les expropriations), le législateur décrétal entend instaurer une seule et même procédure d'expropriation globale pour toutes les expropriations réalisées en Région flamande, à l'exception des expropriations réalisées par l'autorité fédérale ou par des organismes habilités par celle-ci, qui portent sur des compétences fédérales : « Un des objectifs du nouveau décret sur les expropriations consiste à instaurer une seule et même procédure d'expropriation globale pour toutes les expropriations réalisées en Région flamande. Les trois lois fédérales sur l'expropriation ne seront donc plus applicables en Région flamande, sauf en ce qui concerne les expropriations réalisées par l'autorité fédérale ou par des organismes habilités par celle-ci, qui portent sur des compétences fédérales.

Dans ce cadre, il faut clairement une procédure d'expropriation uniforme, rapide et efficace, tant dans l'intérêt de l'autorité publique, pour qu'elle puisse réaliser des projets, que dans l'intérêt du citoyen, pour qu'il puisse rapidement connaître son statut juridique avec certitude et bénéficier ainsi d'une protection juridique optimale. Le but principal d'un seul et même décret global sur les expropriations est de diminuer le nombre de règles à respecter, de simplifier et d'accélérer les procédures et de renforcer la sécurité juridique pour toutes les personnes concernées » (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 991/1, pp. 4-5).

B.1.2. L'article 3 du décret sur les expropriations énumère les conditions d'expropriation et dispose : « § 1er. Conformément à l'article 16 de la Constitution, une expropriation n'est possible que pour cause d'utilité publique. Si l'expropriation sert également un intérêt privé, elle ne peut être réalisée que dans la mesure où l'utilité publique prévaut. § 2. Conformément à l'article 16 de la Constitution, une expropriation n'est possible que si une base juridique légale ou décrétale explicite est prévue. § 3. Conformément à l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l'Homme, une expropriation n'est possible que si elle est nécessaire. Cette nécessité d'expropriation concerne cumulativement les trois éléments suivants : 1° l'objectif de l'expropriation;2° l'expropriation comme moyen;3° l'objet de l'expropriation. § 4. L'expropriation n'est possible que si les procédures arrêtées selon le présent décret ont été suivies. § 5. Conformément à l'article 16 de la Constitution, une expropriation n'est possible que moyennant une juste et préalable indemnité ».

B.1.3. L'article 6 énumère les instances compétentes pour procéder à l'expropriation : « Les instances suivantes sont compétentes pour procéder à l'expropriation : 1° le Gouvernement flamand, le Collège de la Commission communautaire flamande, les communes et les provinces;2° chaque agence autonomisée dotée de la personnalité juridique, telle que visée au décret cadre politique administrative du 18 juillet 2003;3° les personnes morales suivantes : a) les polders et wateringues, visés à la loi du 3 juin 1957 relative aux polders et à la loi du 5 juillet 1956 relative aux wateringues;b) les comités de remembrement, visés à la loi du 22 juillet 1970 relative au remembrement légal de biens ruraux;c) la SA Aquafin et les sociétés d'épuration des eaux, visées à la loi du 26 mars 1971 sur la protection des eaux de surface contre la pollution;d) les comités d'échange, visés à la loi du 12 juillet 1976 portant des mesures particulières en matière de remembrement légal de biens ruraux lors de l'exécution de grands travaux d'infrastructure;e) la ' Maatschappij Linkerscheldeoever ', visée à la loi du 19 juin 1978 relative à la gestion du territoire de la rive gauche de l'Escaut à hauteur d'Anvers et portant des mesures de gestion et d'exploitation du port d'Anvers;f) la Société flamande de Distribution d'Eau, visée au décret du 28 juin 1983 portant création de l'organisme ' Vlaamse Maatschappij voor Watervoorziening ' (Société flamande de Distribution d'Eau);g) les exploitants du captage d'eau, tels que visés au décret du 24 janvier 1984 portant des mesures en matière de gestion des eaux souterraines;h) l'Universiteit Antwerpen, visée au décret du 22 décembre 1995 portant modification de divers décrets relatifs à l'Universiteit Antwerpen;i) les sociétés de logement social, visées au décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement;j) la SA ' Mijnschade en Bemaling Limburgs Mijngebied ', visée au décret du 19 décembre 1997 portant création de la société anonyme ' Mijnschade en Bemaling Limburgs Mijngebied ';k) l'Enseignement communautaire, visé au décret spécial du 14 juillet 1998 relatif à l'enseignement communautaire;l) les exploitants d'un réseau public de distribution d'eau, visé au décret du 24 mai 2002 relatif aux eaux destinées à l'utilisation humaine;m) les régies portuaires, visées au décret du 2 mars 1999 portant sur la politique et la gestion des ports maritimes;n) la SA ' Beheersmaatschappij Antwerpen Mobiel ', visée au décret du 13 décembre 2002 portant création de la société anonyme de droit public ' Beheersmaatschappij Antwerpen Mobiel (BAM) ';o) la SDA Ostende-Bruges, la SDA Courtrai-Wevelgem et la SDA Anvers, visées au décret du 10 juillet 2008 relatif à la gestion et à l'exploitation des aéroports régionaux d'Ostende-Bruges, de Courtrai-Wevelgem et d'Anvers;p) la ' Vlaamse Radio- en Televisieomroeporganisatie ' (Organisation de Radiodiffusion et télévision flamande), visée au décret du 27 mars 2009 relatif à la radiodiffusion et à la télévision;q) les gestionnaires de réseau de droit privé, visés au Décret sur l'Energie du 8 mai 2009;r) l'Universiteit Hasselt, visée au décret du 20 juin 2008 portant le statut de l'Universiteit Hasselt et du ' Hoge Raad voor het Hoger Onderwijs in Limburg ' (Conseil supérieur de l'Enseignement supérieur au Limbourg);4° les Centres publics d'Action sociale, les régies communales autonomes, les partenariats intercommunaux, et les partenariats de droit public entre des Centres publics d'Action sociale;5° les régies provinciales autonomes et les sociétés de développement provincial ». B.1.4. La nouvelle procédure commence par une décision d'expropriation provisoire, qui est prise par l'instance expropriante (article 10) et qui doit être soumise à une enquête publique (articles 17 à 23). Au cours de l'enquête publique, les propriétaires des biens immobiliers concernés peuvent introduire une demande d'autoréalisation. Il en résulte que les propriétaires peuvent proposer à l'instance expropriante de réaliser eux-mêmes l'objectif d'expropriation. Cette possibilité s'inscrit dans le droit fil des objectifs du législateur décrétal, en particulier celui d'accélérer la réalisation de projets d'expropriation, dans le respect des intérêts des expropriés (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 991/1, p. 6). Si les propriétaires sont disposés à et en mesure de réaliser eux-mêmes l'objectif d'expropriation, dans les délais et selon les conditions fixés par l'autorité expropriante, il n'est en effet plus nécessaire de procéder à une expropriation : « Si l'objectif d'expropriation peut être réalisé par les propriétaires eux-mêmes et que ceux-ci sont en mesure de et disposés à réaliser cet objectif selon les modalités prévues par l'autorité, une expropriation n'est pas nécessaire. En effet, la nécessité de procéder à une expropriation et la possibilité d'autoréalisation qui en découle visent à protéger le statut juridique du propriétaire confronté sans le vouloir à une expropriation nécessaire. Il n'en reste pas moins que, dans le cadre de l'autoréalisation, l'objectif d'expropriation doit également être réalisé dans les délais et les conditions prévus par l'autorité. Il est essentiel qu'une expropriation ne puisse être nécessaire que lorsque d'autres solutions - qui ont été examinées raisonnablement - sont insuffisantes, de sorte que l'expropriation ne peut notamment avoir lieu que si l'objectif d'expropriation ne peut être réalisé sur la base d'une initiative privée. [...] Le droit d'introduire une demande d'autoréalisation n'emporte pas celui de procéder soi-même à la réalisation. Tel ne sera le cas que si le demandeur signale, au cours de l'enquête publique, qu'il souhaite procéder lui-même à l'autoréalisation et qu'il démontre à suffisance que toutes les conditions d'autoréalisation sont remplies. En effet, l'autorité doit disposer de garanties suffisantes que le propriétaire procédera réellement à la réalisation du but d'expropriation selon les modalités et dans le délai fixés par l'autorité. Il découle de la jurisprudence du Conseil d'Etat qu'une demande d'autoréalisation peut être rejetée lorsqu'elle ne contient pas de preuves que l'on dispose effectivement de la possibilité de procéder à l'autoréalisation (Custers, 7 décembre 2011, n° 216.708).

Cette disposition indique que l'autoréalisation n'est en principe possible que s'il est satisfait à toutes les conditions mentionnées dans cette disposition » (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 991/1, p. 51).

B.1.5. La procédure relative à la demande d'autoréalisation est réglée aux articles 24 à 27 du décret sur les expropriations : «

Art. 24.§ 1er. Un propriétaire d'un bien immobilier ou un détenteur d'un droit réel en application de l'article 4 qui est repris dans un arrêté d'expropriation provisoire, peut introduire une demande d'autoréalisation pour ce bien immobilier auprès de l'instance expropriante pendant l'enquête publique. § 2. L'instance expropriante peut accéder à cette demande si les conditions suivantes sont cumulativement remplies : 1° le demandeur est manifestement en mesure de réaliser l'objectif envisagé d'utilité publique;2° le demandeur est manifestement disposé à réaliser l'objectif envisagé d'utilité publique;3° le demandeur est manifestement disposé à et en mesure de réaliser l'objectif d'utilité publique et de le maintenir le cas échéant de la manière et dans le délai que l'instance expropriante a fixé [s], le cas échéant, dans la note de projet visée à l'article 12. § 3. Le droit d'introduire une demande d'autoréalisation n'implique pas le droit de la réaliser lui-même. L'autorité peut décider de manière motivée de ne pas accéder à la demande d'autoréalisation de la part du propriétaire après une évaluation de la demande sur la base des conditions énumérées au paragraphe 2. § 4. Sont exclu [e]s du droit d'introduire une demande d'autoréalisation, toute infrastructure routière, ferroviaire, portuaire et des voies navigables, et les interventions qui y sont inextricablement liées.

Art. 25.Le propriétaire d'un bien immobilier ou le détenteur d'un droit réel en cas d'application de l'article 4 qui souhaite procéder à l'autoréalisation, introduit à cet effet une demande auprès de l'instance expropriante par envoi sécurisé pendant l'enquête publique.

Le propriétaire d'un bien immobilier ou le détenteur d'un droit réel en application de l'article 4 qui a fait savoir, conformément à l'alinéa 1er, qu'il souhaite procéder à l'autoréalisation, dispose, sous peine de déchéance, d'un délai de septante jours après la date de fin de l'enquête publique pour introduire une demande étayée d'autoréalisation. Le propriétaire du bien immobilier ou le détenteur du droit réel à exproprier en application de l'article 4 y démontre qu'il remplit les conditions cumulatives, visées à l'article 24.

Art. 26.Dès que la demande est acceptée, l'instance expropriante et le demandeur d'autoréalisation peuvent conclure une convention d'autoréalisation. Dans cette convention, le demandeur s'engage à réaliser lui-même le projet conformément aux conditions, visées à l'article 24, § 2, 3°, et il garantit l'exécution effective, la réalisation et le cas échéant le maintien du projet ainsi que toutes formes de sûretés, financières et autres, y afférentes.

Art. 27.Le Gouvernement flamand arrête les modalités relatives au contenu de la demande étayée d'autoréalisation et aux conditions à remplir dans le cadre des sûretés nécessaires ».

B.1.6. A l'issue de l'enquête publique, l'autorité expropriante peut prendre une décision d'expropriation définitive, qui peut être contestée par les parties prenantes auprès du Conseil pour les contestations des autorisations (article 43). Certaines instances expropriantes doivent disposer d'une autorisation avant de prendre une décision d'expropriation définitive : «

Art. 8.Le Collège de la Commission communautaire flamande, visé à l'article 6, 1°, et les instances, visées à l'article 6, 2° et 3°, ne peuvent prendre une décision d'expropriation définitive qu'après avoir été autorisés à cet effet par le Gouvernement flamand.

Les instances, visées à l'article 6, 4°, ne peuvent prendre une décision d'expropriation définitive qu'après avoir été autorisées à cet effet par le conseil communal de la commune sur le territoire de laquelle se trouve l'objet de l'expropriation.

Les instances, visées à l'article 6, 5°, ne peuvent prendre une décision d'expropriation définitive qu'après avoir été autorisées à cet effet par le conseil provincial de la province sur le territoire de laquelle se trouve l'objet de l'expropriation.

Le Gouvernement flamand arrête les modalités relatives à la manière dont l'autorisation est demandée et octroyée.

Art. 9.Quant aux instances déclarées compétentes pour procéder à l'expropriation après l'entrée en vigueur du présent décret, le règlement d'autorisation suivant s'applique : 1° les instances créées par le Gouvernement flamand ne peuvent prendre une décision d'expropriation définitive qu'après avoir été autorisées à cet effet par le Gouvernement flamand;2° les instances créées par le conseil communal ne peuvent prendre un arrêté d'expropriation définitive qu'après avoir été autorisées à cet effet par le conseil communal de la commune sur le territoire de laquelle se trouve l'objet de l'expropriation;3° les instances créées par le conseil provincial ne peuvent prendre un arrêté d'expropriation définitive qu'après avoir été autorisées à cet effet par le conseil provincial de la province sur le territoire de laquelle se trouve l'objet de l'expropriation ». B.1.7. La phase judiciaire de la procédure d'expropriation commence lorsque l'instance expropriante saisit le juge de paix, sur la base de la décision d'expropriation définitive (article 46). Si la procédure judiciaire d'expropriation n'est pas entamée dans un délai de cinq ans après la date de l'arrêté d'expropriation définitive, le propriétaire du bien immobilier concerné peut demander à l'autorité de renoncer à l'expropriation. Si l'instance expropriante ne renonce pas au projet d'expropriation, elle dispose néanmoins d'un délai de deux ans pour entamer la procédure judiciaire d'expropriation; à défaut, la décision d'expropriation échoit de plein droit (article 42).

B.1.8. Le juge de paix examine la légalité de l'expropriation et, s'il juge celle-ci légale, il fixe d'abord une indemnité d'expropriation provisionnelle, puis une indemnité d'expropriation définitive.

L'article 62 du décret sur les expropriations dispose que, lors du calcul de cette indemnité, il n'est pas tenu compte de la plus-value ou de la moins-value résultant de l'objectif de l'expropriation ou de l'exécution de travaux pour lesquels l'expropriation est autorisée (la « neutralité de l'objectif » de l'expropriation) : « Lors de la détermination de l'indemnité pour le bien immobilier ou droit réel exproprié, il n'est pas tenu compte de la plus-value ou de la moins-value résultant de l'objectif de l'expropriation ou de l'exécution de travaux pour lesquels l'expropriation est autorisée.

Les expropriations successives pour le même objectif sont considérées comme un ensemble lors de l'estimation de la valeur des biens immobiliers expropriés.

Lors de la détermination de l'indemnité pour le bien immobilier exproprié, il n'est pas tenu compte de la plus-value que le bien a obtenue suite à des travaux, actes ou changements illégaux ».

B.1.9. L'article 63 contient un régime analogue spécifiquement pour les expropriations destinées à la réalisation d'un plan d'exécution spatial, d'un plan d'aménagement, d'un arrêté relatif à la préférence ou d'un arrêté relatif au projet, qui a été établi au maximum cinq ans avant la décision d'expropriation définitive (le régime dit de la « neutralité planologique ») : « § 1er. En cas d'une expropriation pour la réalisation d'un plan d'exécution spatial, plan d'aménagement, arrêté relatif à la préférence ou arrêté relatif au projet, il n'est pas tenu compte, lors de la détermination de la valeur du bien immobilier ou droit réel exproprié, de la plus-value ou de la moins-value résultant des prescriptions de ce plan d'exécution spatial, plan d'aménagement, arrêté relatif à la préférence ou arrêté relatif au projet, quelle que soit l'autorité expropriante.

Les expropriations successives pour la réalisation d'un plan d'exécution spatial, arrêté relatif à la préférence ou arrêté relatif au projet, y compris un plan d'exécution spatial, arrêté relatif à la préférence ou arrêté relatif au projet révisé, sont censées constituer un ensemble à la date de la première décision d'expropriation pour la détermination de la valeur des biens immobiliers ou droits réels à exproprier. § 2. Le paragraphe 1er ne s'applique que si le plan d'exécution spatial ou plan d'aménagement, arrêté relatif à la préférence ou arrêté relatif au projet n'a été établi définitivement plus que cinq ans avant l'adoption de l'arrêté d'expropriation définitive ».

Quant à la recevabilité B.2.1. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

Dans la mesure où le Gouvernement flamand et les parties intervenantes contestent l'intérêt des parties requérantes à certains moyens, il suffit de rappeler que lorsque les parties requérantes ont un intérêt à l'annulation des dispositions attaquées, elles ne doivent pas, en outre, justifier d'un intérêt à chacun des moyens.

Les dispositions attaquées règlent le traitement d'une demande d'autoréalisation dans le cadre de la procédure d'expropriation, de même que le calcul de l'indemnité accordée s'il est tout de même procédé à une expropriation. De telles dispositions peuvent affecter directement et défavorablement tant les titulaires d'un droit réel ou d'un droit personnel sur les biens ainsi susceptibles d'être expropriés que les sociétés qui ont pour but social l'acquisition, la vente et le développement de tels biens. Les parties requérantes, qui relèvent d'une de ces catégories, justifient d'un intérêt à leur recours.

B.2.2. La « West-Vlaamse Intercommunale » estime que le recours doit être déclaré irrecevable en ce qu'il ne serait pas satisfait à l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 dans la mesure où la requête ne contient pas d'exposé des faits.

B.2.3. En vertu de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la requête doit indiquer l'objet du recours et contenir un exposé des faits et moyens. Cette exigence n'est pas de pure forme. Elle doit en effet permettre aux autorités visées à l'article 76 de la même loi spéciale de décider en connaissance de cause d'intervenir ou non dans la procédure, et, le cas échéant, de répondre utilement aux moyens.

B.2.4. La requête contient à la fois un paragraphe consacré à l'exposé des faits et, dans l'exposé des moyens, suffisamment d'indications relatives au contexte et aux circonstances entourant l'adoption du décret attaqué pour permettre à la Cour et aux parties intervenantes de cerner l'objet du litige.

B.2.5. Il ressort d'ailleurs des mémoires échangés par les parties qu'elles ont pu faire valoir leurs arguments en ayant une compréhension correcte de l'objet du recours et des moyens formulés par les parties requérantes.

B.2.6. L'exception est rejetée.

B.3.1. La « Stedelijk Ontwikkelingsbedrijf Lier » soutient que les premier et troisième moyens sont irrecevables en tant qu'ils portent sur la compatibilité de la disposition attaquée avec les articles 10 et 11 de la Constitution, parce qu'ils ne précisent pas quelles sont les catégories de personnes qui doivent être comparées.

B.3.2. Lorsqu'une partie requérante dénonce, dans le cadre d'un recours en annulation, la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec d'autres dispositions ou avec des principes généraux du droit contenant une garantie fondamentale, le moyen consiste en ce que cette partie estime qu'une différence de traitement est établie, parce que la disposition qu'elle attaque dans le recours la prive de cette garantie fondamentale, alors que celle-ci vaut sans restriction pour d'autres justiciables.

Le moyen est donc exposé en des termes suffisamment clairs. Il ressort du mémoire et du mémoire en réplique introduits par la « Stedelijk Ontwikkelingsbedrijf Lier » que celle-ci a bien compris le moyen et a donc été en mesure de mener une défense utile.

B.3.3. L'exception est rejetée.

B.4.1. Le second moyen est pris de la violation, par l'article 9 du décret sur les expropriations, des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les principes généraux de l'objectivité et de l'impartialité, en ce que, selon les parties requérantes, cette disposition prévoit que l'autorisation d'expropriation pour une régie communale autonome est donnée par la commune même. Ceci viderait complètement de sa substance la tutelle administrative sur la procédure d'expropriation et créerait une apparence de partialité.

B.4.2. Selon le Gouvernement flamand et les parties intervenantes, le second moyen est irrecevable, en ce que le régime critiqué par les parties requérantes est contenu non pas dans l'article 9 du décret sur les expropriations, mais bien dans l'article 8, lequel n'est pas attaqué.

B.4.3. L'article 9 du décret sur les expropriations fixe le règlement d'autorisation quant aux instances déclarées compétentes pour exproprier après l'entrée en vigueur du décret. Le règlement d'autorisation quant aux régies communales autonomes est contenu dans l'article 8, alinéa 2, du décret sur les expropriations. Cette disposition n'est pas attaquée dans la requête.

B.4.4. Dans la mesure où, dans leur mémoire en réponse, les parties requérantes étendent l'objet de leur recours à une disposition qui n'était pas visée par la requête, elles invoquent un moyen nouveau qui n'est pas recevable.

B.4.5. Le second moyen n'est pas recevable.

Quant au fond En ce qui concerne les premier et troisième moyens B.5.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les principes généraux de l'objectivité et de l'impartialité, par l'article 24, §§ 1er, 2 et 3, du décret sur les expropriations, en ce que cette disposition habilite l'instance expropriante à statuer sur une demande d'autoréalisation.

Selon les parties requérantes, cette disposition soulève la question de sa compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que le traitement de la demande d'autoréalisation ne serait pas entouré des mêmes garanties d'indépendance qu'en droit commun, étant donné que l'instance expropriante agit en qualité d'autorité chargée de l'examen de la demande et en qualité de partie intéressée. Selon les parties requérantes, l'instance expropriante est effectivement en concurrence avec les promoteurs immobiliers privés pour l'acquisition de terrains.

B.5.2. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le principe du fair-play en tant que principe de bonne administration, par l'article 24, §§ 1er, 2 et 3, du décret sur les expropriations. Selon les parties requérantes, ce principe impose au législateur décrétal d'instaurer une procédure qui garantisse un processus décisionnel transparent et juste. En habilitant l'autorité expropriante à prendre une décision en ce qui concerne la demande d'autoréalisation, il ne remplit pas cette obligation, de sorte que le régime décrétal ne peut être appliqué conformément au principe du fair-play et est discriminatoire.

B.6.1. L'expropriation offre à l'autorité publique la possibilité de disposer, pour des motifs d'utilité publique, de biens, en particulier immobiliers, qui ne peuvent être acquis par les voies ordinaires du transfert de propriété. L'article 16 de la Constitution dispose que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité. L'article 3 du décret sur les expropriations le confirme également.

B.6.2. L'instance expropriante doit donc poursuivre un but d'intérêt général lorsqu'elle exproprie. Le constat selon lequel certaines instances expropriantes, par exemple les intercommunales ou les régies communales autonomes, lorsqu'elles poursuivent l'intérêt général, peuvent user de méthodes et stratégies commerciales à grande échelle, mener des opérations à caractère lucratif, rechercher et développer des marchés concurrentiels, réaliser des bénéfices et distribuer des dividendes n'y change rien.

B.6.3. En outre, la circonstance que l'expropriation poursuit un but d'utilité publique n'exclut pas que certains intérêts privés puissent être affectés. C'est ce qui ressort également des travaux préparatoires, dans lesquels, certes, il est souligné que l'intérêt général doit primer : « L'intérêt privé peut par exemple consister à autoriser une ou plusieurs entreprises privées à exploiter des terrains industriels, alors qu'il est dans l'intérêt public de réaliser l'objectif d'utilité publique, à savoir activer et développer des terrains industriels (non exploités), ce qui permet, entre autres, de créer de l'emploi. Il ressort de l'analyse de la jurisprudence et de la doctrine que le fait de servir des intérêts privés n'est pas systématiquement incompatible avec l'expropriation. Il est en effet admis qu'un objectif d'expropriation comprenne un intérêt privé, mais il doit en premier lieu viser l'intérêt général. En effet, le but poursuivi ne peut en effet pas uniquement servir un intérêt particulier. L'intérêt public doit en outre primer et ne peut être l'accessoire de l'intérêt privé » (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 991/1, p. 35).

B.6.4. L'expropriation doit être nécessaire à la réalisation de l'objectif d'intérêt général. Si les propriétaires sont eux-mêmes disposés à réaliser l'objectif de l'expropriation et qu'ils sont en mesure de le faire, l'expropriation n'est en principe plus nécessaire.

Il ressort des travaux préparatoires que le droit d'introduire une demande d'autoréalisation s'inscrit dans le droit fil de l'examen de la nécessité de l'expropriation et tend à protéger la situation juridique du propriétaire qui est involontairement confronté à un besoin d'expropriation (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 991/1, p. 51). Pour que la réalisation de l'objectif de l'expropriation soit garantie, il est essentiel, selon le législateur décrétal, que le projet des propriétaires réponde aux conditions fixées par l'instance expropriante : « Enfin, le propriétaire qui introduit une demande d'autoréalisation devra respecter les formalités et modalités d'exécution fixées par l'instance expropriante. A contrario, il s'ensuit que des formalités ou une réalisation non conformes aux conditions fixées par l'autorité est exclue. L'instance expropriante détermine la forme finale de l'exécution. L'autorité communique clairement sa vision quant à la forme d'exécution dans la note de projet (article 13). La forme d'exécution peut porter sur la nature, la situation, l'esthétique, la densité de construction, les différentes phases des travaux à réaliser, la politique d'attribution concernant les lots à bâtir, la répartition des frais (d'exploitation),... Le mode d'exécution doit en tout cas servir l'intérêt général et doit être suffisamment conforme à la réalité » (ibid., p. 52).

B.6.5. A la lumière de ce qui précède, il n'est pas déraisonnable que le législateur décrétal ait estimé que l'instance expropriante est la mieux placée pour apprécier si une demande d'autoréalisation satisfait aux conditions énumérées à l'article 24, § 2, du décret sur les expropriations.

B.6.6. Pour le surplus, la disposition attaquée ne produit pas d'effets disproportionnés : l'examen de la demande d'autoréalisation est assorti d'une série de garanties visant à assurer l'objectivité, entre autres l'obligation de motivation formelle découlant de l'article 24, § 3, et les propriétaires ont accès au juge pour faire valoir leurs griefs.

Du reste, l'autorité administrative doit en règle générale respecter les principes généraux de bonne administration lorsqu'elle prend ses décisions.

B.6.7. Un processus décisionnel transparent est ainsi organisé et les propriétaires se voient offrir des garanties qui doivent empêcher que l'instance expropriante prenne des décisions arbitraires. L'obligation de motivation suppose un exposé suffisant des motifs qui fondent les décisions de l'instance expropriante, de façon à ce que les propriétaires puissent apprécier s'il y a lieu d'exercer les voies de recours dont ils disposent.

B.6.8. Les premier et troisième moyens ne sont pas fondés.

En ce qui concerne le quatrième moyen B.7.1. Le quatrième moyen est pris de la violation de l'article 16 de la Constitution, combiné avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, par les articles 62 et 63 du décret sur les expropriations, en ce que ces dispositions ne prévoient pas que la plus-value résultant de la réalisation de l'objectif de l'expropriation est réservée aux anciens propriétaires après la réalisation de cet objectif.

B.7.2. Les modalités d'évaluation visées aux articles 62 et 63 ne sont compatibles avec la règle de la juste indemnité que si elles peuvent s'analyser comme des mesures permettant d'écarter des éléments qui, s'ils étaient pris en considération, offriraient une indemnité excédant ce qu'exige la réparation intégrale. Elles ne sont pas compatibles avec la règle de la juste indemnité si elles ont pour effet d'exclure du calcul de l'indemnité des éléments qui doivent en faire partie pour que la réparation soit complète.

B.7.3. L'article 62 confirme le principe général de la neutralité de l'objectif de l'expropriation, en vertu duquel le montant de l'indemnité d'expropriation ne tient pas compte de la plus-value ou de la moins-value résultant de l'objectif même de l'expropriation ou de l'exécution de travaux pour lesquels l'expropriation est autorisée : « Le principe de la neutralité de l'objectif de l'indemnité d'expropriation est un principe très ancien du droit des expropriations. L'indemnité d'expropriation est en effet indépendante de l'objectif de l'expropriation. Si l'expropriation a pour but d'aménager une voie ferrée, il est évident que le fait que cette voie ferrée sera réalisée sur le terrain en question n'aura pas d'incidence négative sur la valeur de ce bien » (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 991/1, p. 19).

B.7.4. L'article 63 contient le principe de la « neutralité planologique ». Il ressort des travaux préparatoires que le but est de maintenir ce principe, tel qu'il était également contenu dans l'ancien article 2.4.6, § 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 991/1, p. 88). Par son arrêt n° 186/2011 du 8 novembre 2011, la Cour a jugé, en ce qui concerne l'ancien article 2.4.6, § 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire, qu'il est justifié de ne pas tenir compte, pour le calcul de l'indemnité d'expropriation, de la plus-value ou de la moins-value résultant de la réalisation d'un plan d'exécution spatial, puisque c'est la réalisation, par l'expropriation, du plan d'exécution spatial qui influence réellement la valeur du bien immobilier.

B.7.5. Il ressort des travaux préparatoires que le but consiste à étendre la neutralité planologique à toutes les expropriations destinées à la réalisation du plan d'exécution spatial, du plan d'aménagement, de l'arrêté relatif à la préférence ou de l'arrêté relatif au projet, non seulement lorsque l'expropriation se fait sur la base d'un plan d'expropriation établi dans le cadre du Code flamand de l'aménagement du territoire, mais aussi quel que soit le fondement juridique. Les travaux préparatoires soulignent que la neutralité planologique s'applique uniquement lorsqu'il est réellement possible de démontrer l'existence d'un lien avec l'expropriation. A défaut, le principe général de la « neutralité de l'objectif » s'applique : « Quel que soit le fondement juridique de l'expropriation, la neutralité planologique trouve à s'appliquer, mais uniquement dans la mesure où l'expropriation est effectivement destinée à la réalisation d'un plan d'exécution spatial et dans des conditions comparables, telles qu'elles sont contenues dans les articles 2.4.4 et 2.4.8 du Code flamand de l'aménagement du territoire. Cette règle est donc généralisée et ne dépend pas du fondement juridique utilisé, mais bien du fait que l'expropriation est destinée ou non à la réalisation d'un plan d'exécution spatial » (ibid., p. 89).

B.7.6. Les garanties qui entourent la neutralité planologique ont également été étendues. L'article 2.4.4. du Code flamand de l'aménagement du territoire prévoit qu'un plan d'expropriation établi après le plan d'exécution spatial qu'il tend à réaliser doit être établi définitivement au plus tard cinq ans après l'entrée en vigueur de ce plan d'exécution spatial. Afin d'étendre cette garantie à toutes les expropriations destinées à la réalisation d'un plan d'exécution spatial, d'un plan d'aménagement, d'un arrêté relatif à la préférence ou d'un arrêté relatif au projet, même si ceux-ci ne sont pas basés sur le Code flamand de l'aménagement du territoire, l'application de la neutralité planologique est limitée à cinq ans à partir de l'établissement définitif du plan d'exécution spatial. En vertu de l'article 42 du décret sur les expropriations, la possibilité de rendre caduque une décision d'expropriation si l'instance expropriante attend plus de cinq ans pour entamer la phase judiciaire est étendue à toutes les décisions d'expropriation (ibid.).

B.7.7. Les critères, contenus dans les dispositions attaquées, utilisés lors du calcul de l'indemnité d'expropriation tiennent compte du lien direct qui existe entre l'objectif de l'expropriation et la cause de la modification de la valeur du bien à exproprier. En effet, puisque c'est l'expropriation qui influence réellement la valeur du bien immobilier, il est justifié de ne pas tenir compte, lors du calcul de l'indemnité d'expropriation, de la plus-value ou de la moins-value résultant de la réalisation de cet objectif.

B.7.8. Ainsi qu'il est dit en B.6.1 à B.6.3, l'expropriation n'est possible qu'en vue de réaliser un but d'utilité publique.

L'affirmation des parties requérantes selon laquelle tant la neutralité de l'objectif que la neutralité planologique servent en réalité à permettre aux instances expropriantes de réaliser des bénéfices plantureux n'est pas étayée. Si, dans une affaire spécifique, ils sont convaincus que l'expropriation ne poursuit pas l'intérêt général, les propriétaires ont la possibilité de soumettre l'objectif d'expropriation à un contrôle juridictionnel. Enfin, non seulement il n'est pas tenu compte de la plus-value résultant de l'expropriation, mais il est en outre prévu que les propriétaires ne soient pas affectés par l'éventuelle moins-value découlant de l'objectif même de l'expropriation ou de l'exécution des travaux pour lesquels l'expropriation est autorisée.

B.7.9. Il découle de ce qui précède que les dispositions attaquées ne violent pas l'article 16 de la Constitution.

La lecture combinée de cet article de la Constitution avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ne conduit pas à une autre conclusion.

B.7.10. Le quatrième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le cinquième moyen B.8.1. Le cinquième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l'article 62 du décret sur les expropriations, en ce que cette disposition ne prévoit pas la prise en compte de la plus-value ou de la moins-value résultant de l'expropriation même ou des travaux pour lesquels l'expropriation est autorisée lors du calcul de l'indemnité d'expropriation, lorsque l'intention d'exproprier existait déjà plus de cinq ans avant l'expropriation, alors que l'article 63 du décret sur les expropriations limite la neutralité planologique à une période de cinq ans après l'établissement définitif du plan d'exécution spatial ou du plan d'aménagement, de l'arrêté relatif à la préférence ou de l'arrêté relatif au projet.

B.8.2. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier compte tenu du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.8.3. La limitation dans le temps de l'application de la neutralité planologique est basée sur l'article 2.4.4 du Code flamand de l'aménagement du territoire. Cette disposition provient de l'article 70 du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire. Par cette limitation, le législateur décrétal entendait notamment renforcer le lien direct entre le plan d'exécution spatial et l'expropriation : « Une différence majeure par rapport au régime contenu dans le décret organique de l'aménagement du territoire, coordonné le 22 octobre 1996 tient dans le fait qu'il est à présent imposé à l'autorité d'établir le plan d'exécution dans un délai déterminé : au plus tard cinq ans après l'entrée en vigueur du plan d'exécution spatial que ce plan entend réaliser. Cette disposition incite l'autorité à ne pas tarder à exécuter réellement ses plans d'exécution (cf. le délai de cinq ans pour exercer le droit de préemption, article 63, dernier alinéa). Le lien entre les plans d'exécution et l'expropriation est ainsi renforcé, contrairement aux expropriations qui ne tendent pas (ou pas exclusivement) à réaliser le plan d'exécution concerné » (Doc. parl., Parlement flamand, 1998-1999, n° 1332/1, p. 43).

B.8.4. Les travaux préparatoires font apparaître qu'en adoptant l'article 63, le législateur décrétal entendait établir, sur la base de ce lien direct, une présomption de neutralité en ce qui concerne la destination du bien immobilier sur la base du plan d'exécution spatial : « Par ailleurs, les garanties offertes par le Code flamand de l'aménagement du territoire sont également reprises ici; il s'ensuit que, quelle que soit la disposition d'habilitation utilisée, il peut être fait usage de la neutralité planologique, mais uniquement dans la mesure où 1) l'expropriation tend à réaliser le plan d'exécution spatial et 2) la nouvelle destination spatiale a été établie définitivement au maximum cinq ans auparavant. En d'autres termes, il existe une présomption irréfragable de neutralité planologique si un plan d'expropriation mentionnant comme fondement juridique le Code flamand de l'aménagement du territoire ou le décret flamand du 25 avril 2014 relatif aux projets complexes est établi dans les cinq ans, quelle que soit l'instance expropriante. Pour le surplus, c'est évidemment le principe ordinaire de la neutralité de l'objectif qui s'applique.

L'exproprié dispose donc de garanties suffisantes quant au fait que le principe de la neutralité planologique ne pourra être appliqué que moyennant le respect de conditions claires » (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 991/1, p. 89).

B.8.5. La différence de traitement en cause repose sur un critère objectif, à savoir l'objectif de l'expropriation, qui consiste à réaliser ou non un plan d'exécution spatial ou un plan d'aménagement, un arrêté relatif à la préférence ou un arrêté relatif au projet.

B.8.6. Le critère distinctif est pertinent, eu égard aux objectifs définis. La neutralité planologique, telle qu'elle est visée à l'article 63, est une forme spécifique de la neutralité de l'objectif, visée à l'article 62, et est dictée par le lien direct existant entre la réalisation d'un plan d'exécution spatial ou un plan d'aménagement, un arrêté relatif à la préférence ou un arrêté relatif au projet, et la cause de la modification de la valeur du bien à exproprier.

B.8.7. L'aménagement du territoire en Région flamande est axé sur un développement spatial durable, dans le cadre duquel l'espace disponible est géré au profit de la présente génération, sans pour autant compromettre les besoins des générations futures. A cet effet, les besoins spatiaux des différentes activités sociales sont simultanément mis en balance. La portée spatiale, l'impact environnemental et les conséquences culturelles, économiques, esthétiques et sociales sont pris en compte. Le but est ainsi d'optimiser la qualité spatiale (article 1.1.4 du Code flamand de l'aménagement du territoire).

Le législateur décrétal dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour définir sa politique en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire. Il n'est pas manifestement déraisonnable que, pour renforcer l'exécution des plans d'aménagement du territoire, le législateur décrétal ait limité dans le temps l'application de la « neutralité planologique » et qu'il ne l'ait pas fait en ce qui concerne l'application de la « neutralité de l'objectif ».

B.8.8. Le cinquième moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 18 octobre 2018.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, A. Alen

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