Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 20 juin 2018

Extrait de l'arrêt n° 39/2018 du 29 mars 2018 Numéros du rôle : 6550 et 6613 En cause : les recours en annulation partielle du décret de la Communauté française du 13 juillet 2016 relatif à la mise en oeuvre d'un cours de philosophie et de ci La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, des juges L. Lavryse(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2018201800
pub.
20/06/2018
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 39/2018 du 29 mars 2018 Numéros du rôle : 6550 et 6613 En cause : les recours en annulation partielle du décret de la Communauté française du 13 juillet 2016 relatif à la mise en oeuvre d'un cours de philosophie et de citoyenneté dans l'enseignement fondamental ainsi qu'au maintien de l'encadrement pédagogique alternatif dans l'enseignement secondaire, introduits par Sultana Kouhmane et autres et par Axel De Backer et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, F. Daoût et T. Giet, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite E. De Groot, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a) Dans l'affaire n° 6550 du rôle Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 25 novembre 2016 et parvenue au greffe le 28 novembre 2016, un recours en annulation des articles 23, 24, 26, 29, 31 et 34 du décret de la Communauté française du 13 juillet 2016 relatif à la mise en oeuvre d'un cours de philosophie et de citoyenneté dans l'enseignement fondamental ainsi qu'au maintien de l'encadrement pédagogique alternatif dans l'enseignement secondaire (publié au Moniteur belge du 10 août 2016) a été introduit par Sultana Kouhmane, Valérie Thiry, Karine Devooght, Samira Mounsajim, Isabelle Jouveneau, Sylvianne Debaker, Marie Empeigne, Maryam Azzouz, Eleftheria Draguioti, Samira El Amrani, Faouzia En-Nafia, Younes Taibi, Jamal Eddine Kamli, Fatima Karali, Khadija Ben Sliman, Fatiha Chentouf, Claire Mean, Ekram El Kabir, Latifa Ouahabi, Faiza Amoutache, Jamila El Hadji, Anne Paye, Toufik M'Ahmed, Sylvie Luc, Marjana Mandi, Bochra Chaouch, Matthieu Faure, Danièle Manouvrier, Pascale Debaty, Said Abkar, Yosra Benkahia, Béatrice Moniot, Jonathan Lima-Brito, Marie-Arlette Vandecasteele, Samira Azmani, Assunta Del Tuffo, Francine Kaniki Bouguini, Arielle Deloose, Gianni Inglese-Compe, Saloua El Haddaoui, Ammar Kharoubi, Rafika Sahli et Sabrina Lamkin, assistés et représentés par Me F. Krenc, avocat au barreau de Bruxelles. b) Dans l'affaire n° 6613 du rôle Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 10 février 2017 et parvenue au greffe le 13 février 2017, un recours en annulation des articles 23, 24, 29 et 34 du décret de la Communauté française du 13 juillet 2016 précité a été introduit par Axel De Backer, Saïd Andouh, Nathalie Peterfalvi, Habbachich Abd-Nasseur, Mostapha Hajui, Paraskévi Giotis, Nehama Uzan et l'ASBL « Collectif des profs de morale », assistés et représentés par Me J.Bourtembourg et Me F. Belleflamme, avocats au barreau de Bruxelles.

Le 16 février 2017, en application de l'article 71, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les juges-rapporteurs T. Giet et R. Leysen ont informé le président qu'ils pourraient être amenés à proposer à la Cour, siégeant en chambre restreinte, de rendre un arrêt constatant que le recours en annulation n'est manifestement pas recevable.

Les parties requérantes ont introduit un mémoire justificatif.

Par ordonnance du 22 mars 2017, la Cour a décidé de poursuivre l'examen de l'affaire suivant la procédure ordinaire.

Par ordonnance du même jour, la Cour a joint les affaires nos 6550 et 6613 du rôle. (...) II. En droit (...) Quant au contexte et à l'objet du décret attaqué B.1.1. La Communauté française a, par décret du 22 octobre 2015 « relatif à l'organisation d'un cours et d'une éducation à la philosophie et à la citoyenneté », complété l'article 8 de la loi du 29 mai 1959 « modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement » et modifié le décret du 24 juillet 1997 « définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre » en vue d'intégrer, dans l'enseignement obligatoire, l'éducation à la philosophie et à la citoyenneté. Dans l'enseignement organisé par la Communauté, dans l'enseignement officiel subventionné par la Communauté et dans l'enseignement libre non confessionnel subventionné par la Communauté, il s'agit d'un nouveau cours qui est donné en lieu et place d'une des deux périodes de cours de morale non confessionnelle ou de religion ou, pour les élèves dispensés pour cet enseignement, à raison de deux périodes par semaine.

B.1.2. L'objectif de l'éducation à la philosophie et à la citoyenneté est le développement de compétences et de savoirs relatifs à l'éducation philosophique et éthique, à l'éducation au fonctionnement démocratique ainsi qu'à l'éducation au bien-être (article 60bis, § 3, du décret du 24 juillet 1997 précité). Pour rencontrer cet objectif, le référentiel relatif aux socles de compétences pour l'enseignement fondamental et le premier degré de l'enseignement secondaire fixe quatre chapitres interdépendants : « construire une pensée autonome et critique », « se connaître soi-même et s'ouvrir à l'autre », « construire la citoyenneté dans l'égalité en droits et en dignité » et « s'engager dans la vie sociale et l'espace démocratique » (arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 22 mars 2017 déterminant le référentiel des socles de compétences en éducation à la philosophie et à la citoyenneté, Moniteur belge, 12 avril 2017, p. 50326).

B.1.3. Lors de l'adoption du décret précité du 22 octobre 2015, il a été rappelé que la déclaration de politique communautaire du 25 juillet 2014 indiquait, au sujet de l'organisation de ce nouveau cours : « En aucun cas, cette réforme ne pourra entraîner la perte d'emploi pour les enseignants concernés en place » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2015-2016, n° 171/1, p. 4).

B.1.4. Le décret attaqué du 13 juillet 2016 « relatif à la mise en oeuvre d'un cours de philosophie et de citoyenneté dans l'enseignement fondamental ainsi qu'au maintien de l'encadrement pédagogique alternatif dans l'enseignement secondaire » vise à concrétiser cet engagement (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2015-2016, n° 312/1, p. 4). Ce décret prévoit notamment que, moyennant certaines conditions « strictes » et à titre transitoire, « les maîtres de religion ou morale pourront transférer leurs droits acquis dans la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté » et « basculer dans la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté en remplacement des périodes de cours de RLMO [religion - morale] perdues » (ibid., p. 5).

B.1.5. Lors des discussions en commission, la ministre de l'Education a exposé : « Ce projet concrétise également l'engagement de la Déclaration de politique communautaire (DPC) de procéder à cette réforme sans perte d'emploi global en garantissant les droits individuels des enseignants nommés à titre définitif et des temporaires prioritaires tout en assurant dès le départ la qualité du cours de citoyenneté et en évitant, autant que faire se peut, qu'un enseignant assure le cours de philosophie et de citoyenneté dans une implantation où il assure le cours de morale ou de religion » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2015-2016, n° 312/3, p. 4).

Quant aux dispositions attaquées B.2.1. Les parties requérantes dans l'affaire n° 6550 demandent l'annulation des articles 23, 24, 26, 29, 31 et 34 du décret attaqué.

Les parties requérantes dans l'affaire n° 6613 demandent l'annulation des articles 23, 24, 29 et 34 du même décret.

B.2.2. L'article 23 attaqué insère un article 293sexies dans le décret du 11 avril 2014 « réglementant les titres et fonctions dans l'enseignement fondamental et secondaire organisé et subventionné par la Communauté française ». L'article 24 attaqué insère un article 293septies dans le même décret. Ces nouvelles dispositions portent des dispositions transitoires propres à la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté exercée dans l'enseignement primaire organisé par la Communauté française. L'article 293sexies concerne les maîtres de morale non confessionnelle. L'article 293septies concerne les maîtres de religion.

B.2.3. L'article 293sexies insère dans l'arrêté royal du 22 mars 1969 « fixant le statut du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaire d'éducation, du personnel paramédical des établissements d'enseignement, gardien, primaire, spécialisé, moyen, technique, de promotion sociale et artistique de l'Etat, des internats dépendant de ces établissements et des membres du personnel de service d'inspection chargé de la surveillance de ces établissements » un chapitre XIter.

Ce chapitre XIter de l'arrêté royal du 22 mars 1969 précité, qui comprend les articles 169ter à 169sexies, constitue la première disposition attaquée.

L'article 293septies insère dans l'arrêté royal du 25 octobre 1971 « fixant le statut des maîtres de religion, des professeurs de religion et des inspecteurs de religion des religions catholique, protestante, israélite, orthodoxe, et islamique des établissements d'enseignement de la Communauté française » un chapitre Xbis. Ce chapitre Xbis de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 précité, qui comprend les articles 49ter à 49sexies, constitue la deuxième disposition attaquée.

B.2.4. Les articles 169ter, 169quater et 169quinquies insérés dans l'arrêté royal du 22 mars 1969 et les articles 49ter, 49quater et 49quinquies insérés dans l'arrêté royal du 25 octobre 1971 établissent, en des termes similaires, une priorité, pour différentes catégories d'enseignants de morale ou de religion, dans la désignation à la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté et les conditions à remplir pour se voir confier cette fonction.

Les catégories d'enseignants concernés sont : - les candidats à une désignation à titre temporaire à la fonction de maître de morale ou de religion ayant répondu à l'appel de janvier 2016 et ayant acquis une ancienneté de fonction de 150 jours au moins dans cette fonction au cours de l'année scolaire 2015-2016; - les candidats en qualité de temporaire prioritaire à la fonction de maître de morale; - les candidats en qualité de stagiaire à la fonction de maître de religion; - les membres du personnel nommés à titre définitif dans une fonction de maître de morale ou de religion.

Pour les trois dernières catégories, la priorité accordée par les dispositions attaquées est valable jusqu'au 1er septembre 2020.

B.2.5. Les conditions à remplir par les enseignants concernés pour se voir confier la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté établies par les dispositions précitées sont les suivantes : 1° être porteur d'au moins un diplôme d'instituteur, de bachelier, de graduat, d'agrégé de l'enseignement secondaire inférieur (ci-après : AESI) ou d'un titre correspondant parmi les titres délivrés en application du décret du 7 novembre 2013 définissant le paysage de l'enseignement supérieur et l'organisation académique des études;2° avoir, avant le 1er octobre 2016, bénéficié d'une formation à la neutralité.Cette condition est satisfaite si le candidat a bénéficié d'une telle formation via sa formation initiale ou s'il a réussi l'unité d'enseignement « formation à la neutralité » organisée par l'enseignement de promotion sociale. S'il n'a pu suivre cette formation faute de places suffisantes, il peut apporter la preuve de sa demande d'inscription. S'il n'a pas réussi l'épreuve la sanctionnant, il peut apporter la preuve de sa réinscription à la première organisation suivante de l'unité d'enseignement et à la suivante encore, avec l'accord motivé du conseil des études de l'unité d'enseignement, en cas de nouvel échec. Les membres du personnel diplômés de l'enseignement officiel organisé ou subventionné par la Communauté française au plus tard durant l'année scolaire 2003-2004 sont réputés satisfaire à la condition de formation à la neutralité.

B.2.6. En outre, deux conditions supplémentaires doivent être réunies, au plus tard le 1er septembre 2020, pour être reconduit ou pour être nommé dans la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté : 1° avoir acquis un titre pédagogique, conformément aux articles 17 et 18 du décret du 11 avril 2014 réglementant les titres et fonctions dans l'enseignement fondamental et secondaire organisé et subventionné par la Communauté française;2° avoir acquis le certificat en didactique du cours de philosophie et de citoyenneté visé à l'article 24bis, alinéa 3, du décret du 11 avril 2014 « réglementant les titres et fonctions dans l'enseignement fondamental et secondaire organisé et subventionné par la Communauté française », pour autant que le titre de capacité fixé par le Gouvernement, pour l'exercice de cette fonction, l'exige. Par les articles 46 à 48 et 54 à 56 du décret du 19 juillet 2017 « relatif à la mise en oeuvre d'un cours de philosophie et de citoyenneté dans l'enseignement secondaire et portant diverses adaptations dans l'enseignement fondamental », le législateur décrétal a reporté au 1er septembre 2021 la date à laquelle la condition relative au certificat en didactique doit être remplie. Cette modification n'a pas d'incidence sur l'objet des recours.

B.2.7. L'article 169sexies, § 2, inséré dans l'arrêté royal du 22 mars 1969, et l'article 49sexies, § 2, inséré dans l'arrêté royal du 25 octobre 1971, établissent, en des termes similaires, le principe selon lequel la fonction de maître de morale non confessionnelle ou de religion et celle de maître de philosophie et de citoyenneté ne peuvent être exercées par la même personne que dans deux établissements différents ou dans deux implantations distinctes d'un même établissement. Ces dispositions établissent également des possibilités de dérogation à ce principe lorsque son respect conduirait le membre du personnel concerné à exercer sa fonction dans plus de six implantations différentes ou à devoir assurer, pour se rendre dans chaque implantation concernée, un déplacement de plus de 25 km depuis son domicile ou entraînant une durée de déplacement en transports en commun supérieure à quatre heures par jour. Toutefois, en aucun cas, la mise en oeuvre d'une dérogation ne peut aboutir à ce que le même enseignant assume les deux fonctions dans la même classe.

Les articles 52 et 58 du décret précité du 19 juillet 2017 suppriment ces dispositions. En vertu de l'article 67 du même décret, ces articles entrent en vigueur à partir de l'année scolaire 2017-2018, de sorte que le recours n'a pas perdu son objet.

B.3.1. L'article 26 attaqué insère un article 293octies dans le même décret du 11 avril 2014 « réglementant les titres et fonctions dans l'enseignement fondamental et secondaire organisé et subventionné par la Communauté française ». Cette nouvelle disposition porte des dispositions transitoires propres à la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté exercée dans l'enseignement primaire officiel subventionné.

B.3.2. Cette disposition établit une priorité d'attribution de la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté au bénéfice de différentes catégories de maîtres de morale et de maîtres de religion qui perdent des périodes du fait d'une réduction des périodes de cours philosophiques suite à la création du cours de philosophie et de citoyenneté.

Les catégories d'enseignants visées sont : - les membres du personnel nommés à titre définitif dans une fonction de maître de religion ou de morale non confessionnelle; - les membres du personnel désignés dans une fonction de maître de religion ou de morale non confessionnelle en qualité de temporaire prioritaire; - les membres du personnel ayant acquis une ancienneté de 150 jours au moins dans une fonction de maître de religion ou de morale non confessionnelle en qualité de temporaire.

Cette disposition établit, pour les membres du personnel concerné, des conditions d'accès à la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté similaires à celles qui sont établies par les dispositions citées en B.2.5 et B.2.6 pour le personnel de l'enseignement organisé par la Communauté. Elle est complétée par l'article 293decies, inséré par l'article 28 du décret attaqué.

B.4.1. L'article 31 attaqué insère un article 293duodecies dans le même décret du 11 avril 2014. Cette nouvelle disposition porte des dispositions transitoires propres à la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté exercée dans l'enseignement primaire libre subventionné de caractère non confessionnel.

B.4.2. Cette disposition établit une priorité d'attribution de la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté au bénéfice de différentes catégories de maîtres de morale et de maîtres de religion qui perdent des périodes du fait d'une réduction des périodes de cours philosophiques suite à la création du cours de philosophie et de citoyenneté.

Les catégories d'enseignants concernées sont les suivantes : - les membres du personnel engagés à titre définitif dans une fonction de maître de religion ou de morale non confessionnelle; - les membres du personnel engagés dans une fonction de maître de religion ou de morale non confessionnelle en qualité de temporaire prioritaire; - les membres du personnel ayant acquis une ancienneté de 180 jours au moins en qualité de temporaire.

Cette disposition établit, pour les membres du personnel concerné, des conditions d'accès à la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté identiques à celles qui sont établies par les dispositions citées en B.2.5 et B.2.6 pour le personnel de l'enseignement organisé par la Communauté. Elle est complétée par l'article 293quatuordecies, inséré par l'article 33 du décret attaqué.

B.5. L'article 29 du décret attaqué insère dans le décret précité du 11 avril 2014 un article 293undecies. L'article 34 du décret attaqué insère dans le même décret un article 293quindecies. Ces deux articles établissent, en des termes similaires, une incompatibilité entre l'exercice d'une charge de maître de religion ou de morale non confessionnelle et celui d'une charge de maître de philosophie et de citoyenneté au sein d'une même implantation. L'article 293undecies concerne l'enseignement officiel subventionné et l'article 293quindecies concerne l'enseignement libre subventionné de caractère non confessionnel. Ces deux dispositions établissent des dérogations à l'incompatibilité susmentionnée dans les cas suivants : 1° dans les pouvoirs organisateurs comptant moins de 6 implantations qui sans recourir à cette dérogation ne peuvent attribuer les périodes conformément à l'article, selon le cas, 293octies ou 293duodecies, § 1er, alinéa 1er;2° dans les pouvoirs organisateurs comptant au moins 6 implantations, si le respect de l'incompatibilité devait conduire le membre du personnel concerné à exercer sa fonction de maître de philosophie et citoyenneté et celle de maître de religion ou morale non confessionnelle dans plus de 6 implantations ou à devoir accomplir, pour se rendre dans chaque implantation concernée, un déplacement de plus de 25 km depuis son domicile ou entraînant une durée de déplacement supérieure à quatre heures par jour, à l'aide des transports en commun. Dans tous les cas, il n'est jamais permis d'exercer les deux fonctions dans la même classe.

Les articles 60 et 61 du décret précité du 19 juillet 2017 modifient ces deux dispositions. Ces nouvelles dispositions entrant en vigueur à partir de l'année scolaire 2017-2018, le recours n'a pas perdu son objet.

Quant à la recevabilité de la requête dans l'affaire n° 6550 B.6.1. Le Gouvernement de la Communauté française soulève une première exception d'irrecevabilité parce que l'intérêt concret des parties requérantes ne serait pas démontré.

B.6.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

B.6.3. Les parties requérantes dans l'affaire n° 6550 se présentent comme étant des maîtres de religion ou de morale enseignant ces matières dans des établissements d'enseignement relevant des trois catégories de pouvoirs organisateurs visées par les dispositions attaquées. Elles justifient d'un intérêt direct et actuel à attaquer les dispositions qui imposent des conditions strictes pour bénéficier de la priorité pour se voir attribuer la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté. Exiger de ces parties requérantes qu'elles prouvent qu'elles ne remplissent pas ces conditions reviendrait à exiger d'elles qu'elles fassent la preuve d'un fait négatif, ce qui serait, compte tenu de la position respective des parties en présence, excessivement formaliste. Ces parties requérantes justifient également d'un intérêt direct et actuel à poursuivre l'annulation des dispositions qui interdisent l'exercice de la fonction de maître de morale ou de religion et celle de maître de philosophie et de citoyenneté dans le même établissement ou la même implantation, dès lors que ces dispositions sont susceptibles d'avoir un effet défavorable sur leurs conditions de travail, que ce soit dès le 1er octobre 2016 ou au cours d'une année scolaire ultérieure.

B.6.4. Le Gouvernement de la Communauté française soulève une seconde exception d'irrecevabilité tirée du défaut de clarté et de précision de l'exposé dans la requête.

La circonstance que les deux moyens visent en partie les mêmes dispositions ne rend pas la requête imprécise dans la mesure où ces dispositions contiennent des normes diverses. Par ailleurs, compte tenu de la façon dont les dispositions attaquées sont rédigées, certaines d'entre elles insérant dans d'autres textes des chapitres entiers, il ne saurait être reproché aux parties requérantes d'avoir formellement visé dans leur requête les articles du décret du 13 juillet 2016 attaqué, les développements des moyens permettant de comprendre quelles sont les parties de ces dispositions dont l'annulation est demandée.

B.6.5. Les exceptions dans l'affaire n° 6550 sont rejetées.

Quant à la recevabilité de la requête dans l'affaire n° 6613 B.7.1. Le Gouvernement de la Communauté française soulève une première exception parce que les parties requérantes ne précisent ni leur situation ni leur intérêt. Il estime qu'une requête en annulation ne contenant aucun élément permettant d'apprécier l'intérêt à agir des parties requérantes ne satisfait pas à l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle et doit être déclarée irrecevable pour ce motif.

B.7.2. En vertu de l'article 6 précité, la requête indique l'objet du recours et contient un exposé des faits et moyens. Cette exigence n'est pas de pure forme. La requête doit en effet être notifiée aux autorités mentionnées à l'article 76, § 4, de la même loi spéciale, lesquelles doivent connaître les moyens invoqués pour décider, en connaissance de cause, d'intervenir dans les délais fixés à l'article 85 de la même loi spéciale.

Afin de permettre à la Cour de juger de la recevabilité de la requête, l'exposé des faits que celle-ci doit contenir doit également porter sur la situation des parties requérantes et sur l'intérêt qu'elles entendent faire valoir.

B.7.3. Ayant constaté que la requête introduite dans l'affaire n° 6613 était lacunaire sur ce point, les juges-rapporteurs ont, en application de l'article 71 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, pris des conclusions par lesquelles ils ont fait savoir à la Cour, en chambre restreinte, qu'ils pourraient être amenés à lui proposer de rendre un arrêt déclarant le recours irrecevable. Dans leur mémoire justificatif, les parties requérantes ont exposé leur situation de maîtres de religion ou de professeurs de religion et, pour la dernière d'entre elles, d'association sans but lucratif ayant pour objet la défense des intérêts des professeurs de morale. La Cour a décidé, en conséquence, de ne pas retenir la proposition de prononcer un arrêt d'irrecevabilité. Les conclusions des juges-rapporteurs et le mémoire justificatif ont été notifiés au Gouvernement de la Communauté française en même temps que le recours en annulation.

B.7.4. Il ressort de ce qui précède que le Gouvernement de la Communauté française a été en mesure, dès la réception de la notification de la requête, de juger de l'intérêt des parties requérantes et de soulever l'exception d'irrecevabilité.

Dès lors que la Cour a, en mettant en oeuvre la procédure prévue par l'article 71 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, offert aux parties requérantes l'opportunité d'exposer les faits justifiant leur intérêt, que les parties requérantes ont fait usage de cette possibilité en introduisant un mémoire justificatif et que la Cour a décidé en conséquence de poursuivre l'examen de l'affaire selon la procédure ordinaire, juger que la requête est irrecevable pour défaut d'exposé de la situation des parties requérantes serait faire preuve d'un formalisme excessif.

B.7.5. Pour le surplus, les personnes physiques ont, pour les motifs exprimés en B.6.3, intérêt à demander l'annulation des dispositions attaquées. Il en va de même de la personne morale, dont l'objet social comprend la représentation et la défense des intérêts des maîtres de morale.

B.7.6. Les exceptions d'irrecevabilité dans l'affaire n° 6613 sont rejetées.

Quant au premier moyen dans l'affaire n° 6550 B.8.1. Le premier moyen ne vise, dans les dispositions nouvelles introduites par les articles 23, 24, 26 et 31 du décret attaqué dans divers textes normatifs, qu'une des conditions à remplir par les enseignants qui sont candidats à une fonction de maître de religion ou de maître de morale ou qui sont désignés dans une telle fonction pour se voir confier la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté. La condition concernée par ce moyen est celle d'être porteur d'au moins un diplôme d'instituteur, de bachelier, de graduat, d'AESI ou d'un titre correspondant parmi les titres délivrés en application du décret du 7 novembre 2013 définissant le paysage de l'enseignement supérieur et l'organisation académique des études.

B.8.2. Cette condition est imposée immédiatement aux enseignants désireux de dispenser le nouveau cours de philosophie et de citoyenneté. En revanche, deux autres conditions relatives aux titres requis, à savoir la possession d'un titre pédagogique et celle du certificat en didactique du cours, peuvent être remplies ultérieurement à la désignation jusqu'au 1er septembre 2020.

B.9. Par les deux premières branches de ce moyen, les parties requérantes font grief au législateur décrétal d'avoir, en imposant la condition précitée, instauré une discrimination incompatible avec les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution entre les enseignants qui possèdent un tel diplôme et ceux qui n'en possèdent pas, ainsi qu'entre les maîtres de religion qui, dans leur grande majorité, ne possèdent pas un tel diplôme et les maîtres de morale qui, pour la majorité d'entre eux, possèdent un tel diplôme. Par la quatrième branche du moyen, les parties requérantes reprochent au législateur d'avoir également, en instituant cette discrimination, violé l'obligation de standstill attachée au droit au travail garanti par l'article 23 de la Constitution. Par la troisième branche du premier moyen, les parties requérantes critiquent en outre le fait que la condition d'être porteur d'un diplôme est exigée immédiatement, alors que deux autres conditions ne doivent être remplies qu'au 1er septembre 2020.

B.10.1. En application de l'article 60bis, § 3, du décret du 24 juillet 1997 « définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre », inséré par le décret du 22 octobre 2015 « relatif à l'organisation d'un cours et d'une éducation à la philosophie et à la citoyenneté », le nouveau cours vise notamment « la connaissance, dans une perspective historique et sociologique, des différents courants de pensée, philosophies et religions », « la capacité de développer un questionnement philosophique ou éthique, un discernement éthique, une pensée propre sur des questions de sens et/ou de société », « la connaissance des sources, principes et fondements de la démocratie », « les normes et sources de droit, les droits fondamentaux des personnes, les différents pouvoirs, l'organisation des institutions » et « la connaissance des grands enjeux et débats des sociétés contemporaines ».

B.10.2. L'introduction au référentiel établi par le Gouvernement de la Communauté française pour le cours et l'éducation à la philosophie et à la citoyenneté indique que « l'acquisition de certains savoirs (notion, concept, théorie, modèle) est indispensable pour pouvoir comprendre les enjeux d'une société complexe et y jouer un rôle actif » (Moniteur belge, 12 avril 2017, p. 50326). Parmi les « savoirs » visés sont cités les « caractéristiques essentielles d'une question philosophique », les « critères de pertinence et de fiabilité d'une ressource », les notions de « stéréotype » et de « préjugé », les « opérations logiques et erreurs de raisonnement », les « énoncés descriptif, normatif, expressif, évaluatif », les notions de « valeur » et de « norme », les « bonnes pratiques dans l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication », le « rôle d'une règle », les « catégories de normes », la « diversité culturelle », la « citoyenneté », la « souveraineté populaire », la « souveraineté nationale », les notions de « légitimité et légalité, démocratie, dictature », d'« égalité devant la loi, équité, impartialité », la distinction entre les « pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire », le principe de la séparation des pouvoirs politique et religieux, le rôle des médias, les sources des droits civils et fondamentaux, les notions de « droit, devoir, égalité de droit, autorité légitime, abus de pouvoir » (ibid., pp. 50328 à 50335).

B.11.1. L'exigence d'être porteur d'un diplôme d'un niveau équivalent à celui de bachelier répond à l'intention du législateur décrétal de garantir le niveau de connaissances des enseignants et en conséquence, la qualité du nouveau cours de philosophie et de citoyenneté, au bénéfice des élèves (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2015-2016, n° 312/3, p. 20). Une telle exigence est légitime.

L'objectif de sauvegarder l'emploi des maîtres de religion et de morale, s'il peut justifier que des priorités de désignation leur soient réservées et que certains aménagements provisoires soient appliqués quant aux titres dont ils doivent faire preuve, ne peut en effet porter atteinte à la nécessité de garantir la qualité du nouveau cours de philosophie et de citoyenneté. Compte tenu des objectifs assignés par le législateur décrétal au nouveau cours et de la description des notions à acquérir par les élèves, l'exigence d'un diplôme dans le chef des enseignants et le niveau équivalent à celui de bachelier de celui-ci ne sont pas dépourvus de justification.

B.11.2. Cette exigence n'est pas rendue superflue par les trois autres conditions à remplir pour être désigné en tant que maître de philosophie et de citoyenneté. La condition relative à la neutralité est spécifique et n'est pas de nature à garantir ou à démontrer le niveau de connaissances générales de l'enseignant concerné quant aux matières de la philosophie et de la citoyenneté. Les conditions relatives au titre pédagogique et au certificat en didactique ont pour fonction de garantir et de prouver les aptitudes pédagogiques et les connaissances spécifiques de la personne concernée relatives aux contenus fixés par le référentiel établi pour le nouveau cours.

B.11.3. Le certificat en didactique est créé par l'article 19 du décret attaqué. Ce certificat ne pouvant évidemment pas être obtenu avant que la formation y donnant accès ait été organisée, il est logique que l'exigence relative à sa possession ne puisse être immédiatement imposée dès lors que l'organisation de cette formation n'a pas débuté avant le 1er octobre 2016.

B.11.4. Le titre pédagogique visé à l'article 17, § 1er, du décret du 11 avril 2014, auquel renvoient les dispositions attaquées, consiste, au niveau de l'enseignement primaire, en un diplôme d'instituteur primaire. Afin de permettre aux maîtres de religion ou de morale souhaitant se voir désigner à une fonction de maître de philosophie et de citoyenneté qui ne sont pas porteurs ou qui ne sont pas réputés porteurs de ce diplôme de l'acquérir, le législateur décrétal a décidé qu'il ne serait exigible qu'au 1er septembre 2020.

B.11.5. Dans ces circonstances, il peut être admis que le législateur décrétal ait jugé qu'en vue de garantir que le nouveau cours, qui devait être organisé dès le 1er octobre 2016, serait dispensé par des enseignants disposant d'un socle minimal de connaissances et d'aptitudes générales en matière de philosophie et de citoyenneté, les enseignants à qui ce cours serait confié devraient à tout le moins être immédiatement porteurs d'un diplôme d'un niveau équivalent à celui de bachelier. De la sorte, les candidatures prioritaires ne sont pas limitées aux personnes disposant d'un diplôme d'instituteur puisqu'elles peuvent être étendues à tous les porteurs d'un autre diplôme de niveau équivalent et le législateur garantit que les maîtres de philosophie et de citoyenneté disposent des connaissances minimales nécessaires à l'enseignement de cette matière.

B.12. La condition d'être porteur d'un diplôme au moins équivalent à celui de bachelier étant justifiée, la circonstance que cette condition empêcherait, en pratique, un nombre plus important de maîtres de religion que de maîtres de morale non confessionnelle de se voir désigner dans la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté n'est pas de nature à mettre cette justification en cause.

B.13. En outre, le législateur décrétal a, dans le souci de préserver l'emploi de maîtres de religion et de morale qui, à cause du remplacement d'une période hebdomadaire du cours qu'ils dispensent par une période de philosophie et de citoyenneté, voient leur horaire réduit, mis en place, d'une part, un calcul de l'encadrement spécifique pour les cours de religion et de morale et, d'autre part, des mécanismes permettant aux enseignants qui ne remplissent pas les conditions pour donner le cours de philosophie et de citoyenneté de donner les cours de religion ou de morale non confessionnelle donnés antérieurement par leurs collègues qui se verront confier la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté. De cette manière, le législateur décrétal a cherché à limiter les conséquences de l'instauration du cours de philosophie et de citoyenneté sur l'emploi des enseignants de religion et de morale, de sorte que les dispositions attaquées ne peuvent être considérées comme disproportionnées à l'objectif poursuivi.

B.14. Les dispositions attaquées sont raisonnablement justifiées et ne violent pas le principe d'égalité et de non-discrimination garanti par les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution.

B.15. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner la question de savoir si, dans l'hypothèse où l'application des dispositions attaquées occasionnerait une perte de périodes de cours pour certains enseignants de religion ou de morale non confessionnelle, cette situation représenterait pour les personnes concernées un recul significatif dans la protection du droit au travail garanti par l'article 23 de la Constitution, il suffit de constater que ce recul serait justifié par les motifs d'intérêt général qui sont exposés en B.11.

B.16. Le premier moyen pris dans l'affaire n° 6550 n'est fondé en aucune de ses branches.

Quant au second moyen dans l'affaire n° 6550 et au moyen unique dans l'affaire n° 6613 B.17.1. Par le second moyen, les parties requérantes dans l'affaire n° 6550 poursuivent l'annulation des articles 23, 24, 29 et 34 du décret attaqué en ce que ces dispositions établissent le principe selon lequel les fonctions de maître de philosophie et de citoyenneté et de religion ou de morale ne peuvent être exercées que dans des établissements ou des implantations différents. Ce moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 22, 23 et 24 de la Constitution. Les parties requérantes estiment que l'interdiction d'exercer les deux fonctions dans la même implantation ou dans le même établissement, ainsi que les dérogations à cette interdiction dans la mesure où elles sont trop restrictives, portent atteinte à l'égalité entre enseignants, à la liberté de l'enseignement ainsi qu'au droit à la vie privée des enseignants concernés.

B.17.2. Par leur moyen unique, les parties requérantes dans l'affaire n° 6613 poursuivent l'annulation des mêmes dispositions, pour les mêmes motifs.Ce moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution. Les parties requérantes estiment que l'interdiction d'exercer les deux fonctions dans la même implantation ou dans le même établissement, ainsi que les dérogations à cette interdiction dans la mesure où elles sont trop restrictives, créent des différences de traitement non justifiées entre enseignants, selon qu'ils souhaitent cumuler la fonction de maître de morale ou de religion avec celle de maître de philosophie et de citoyenneté ou qu'ils souhaitent cumuler l'une de ces fonctions avec l'enseignement de n'importe quel autre cours.

B.18.1. L'exposé des motifs relatif aux dispositions attaquées indique : « Ce projet de décret introduit un principe selon lequel un enseignant ne peut donner un cours de religion ou de morale et un cours de philosophie et de citoyenneté dans la même implantation. Pour des raisons organisationnelles et de conditions de travail des membres du personnel, il est néanmoins permis de déroger à cette règle d'incompatibilité au sein de la même implantation dans certains cas précis. [...] Cette dérogation ne peut en aucun cas conduire à exercer les deux fonctions au sein de la même classe » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2015-2016, n° 312/3, p. 6).

Lors des discussions en commission, la ministre a expliqué à ce sujet que « les organisations syndicales ne voulaient aucune règle d'incompatibilité et que les pouvoirs organisateurs ne voulaient aucune dérogation à cette règle » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2015-2016, n° 312/3, p. 7).

Elle a ajouté : « il y avait une demande très claire des associations de parents et des pouvoirs organisateurs de ne pas permettre de dérogations, alors que les organisations syndicales avaient, quant à elles, une vision opposée en proposant de supprimer totalement le principe d'incompatibilité » (ibid., p. 11).

B.18.2. Il résulte de ce qui précède que les dispositions attaquées, qui prévoient l'interdiction du cumul des deux fonctions au sein de la même implantation assortie d'exceptions lorsque l'application de ce principe conduirait l'enseignant concerné soit à prester des périodes d'enseignement dans plus de six implantations différentes soit à effectuer des trajets représentant plus de 25 km ou plus de quatre heures de transports en commun, sont le fruit d'un compromis entre les différents acteurs de l'enseignement qui avaient des positions opposées.

B.18.3. Quoique les objectifs poursuivis par l'incompatibilité elle-même n'aient pas été précisés lors des travaux préparatoires et que ceux des dispositions attaquées en général ne l'aient été que par des raisons organisationnelles et de conditions de travail des intéressés (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2015-2016, n° 312/3, p. 6), le législateur a pu considérer, ainsi que l'expose le Gouvernement de la Communauté française devant la Cour, que cette incompatibilité était indispensable afin d'éviter de créer la confusion, dans l'esprit des enfants fréquentant l'enseignement fondamental, entre les fonctions de maître de morale ou de religion, d'une part, et de maître de philosophie et de citoyenneté, d'autre part.

Certes, l'exercice de la fonction de maître de morale ou de religion ne peut être considéré comme ne permettant pas à son titulaire de faire preuve de la neutralité requise pour enseigner la philosophie et la citoyenneté. En effet, l'objet du décret attaqué est de créer une priorité pour les maîtres de morale et de religion dans l'accès à la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté, ce qui suppose qu'il est, de manière générale, possible pour la même personne d'exercer les deux fonctions. De même, le fait d'avoir bénéficié, avant le 1er octobre 2016, d'une formation à la neutralité constituant une condition d'accès à la fonction permet de considérer que les enseignants qui se voient confier la fonction de maître de philosophie et de citoyenneté ont la capacité de transmettre les compétences fixées dans le référentiel du cours de manière neutre.

B.19. Cela étant, le référentiel adopté par le Gouvernement de la Communauté française, déjà cité en B.1.2 et en B.10.2, insiste en l'espèce sur le développement de l'esprit critique et sur l'ouverture à la diversité des opinions et des cultures : « L'éducation à la philosophie et à la citoyenneté doit permettre aux élèves de questionner ce qui leur semble évident ainsi que de se poser des questions de sens et/ou de société. Ce questionnement doit les conduire à élaborer progressivement une pensée autonome, argumentée et cohérente. A travers la réflexion critique, ils apprendront à prendre position sur une série de questions controversées » (Moniteur belge, 12 avril 2017, p. 50328). « Au travers de la reconnaissance de la diversité des valeurs, normes, convictions et cultures, les élèves apprendront à élargir leur propre perspective, à s'ouvrir à la différence et à s'enrichir mutuellement » (ibid., p. 50331).

B.20.1. Dans cette optique, il peut être admis que, s'agissant d'un nouveau cours dans une matière sensible, le législateur décrétal veuille s'assurer non seulement de la capacité des enseignants à le dispenser de manière neutre mais également du fait qu'aucune confusion ne puisse être créée chez les enfants, qui, à l'âge auquel ils fréquentent l'enseignement fondamental, n'ont pas encore développé d'esprit critique, entre les convictions affichées par les maîtres de morale ou de religion, d'une part, et le contenu neutre du nouveau cours, dispensé par les maîtres de philosophie et de citoyenneté, d'autre part. L'interdiction d'exercer les deux fonctions dans le même établissement ou dans la même implantation, est un moyen pertinent pour atteindre cet objectif légitime. En effet, cette interdiction permet de s'assurer qu'aucun enfant ne se verra confronté au risque de confusion qui pourrait naître de la circonstance qu'il se verrait enseigner la philosophie et la citoyenneté par la même personne que celle qui, par ailleurs, lui a enseigné ou lui enseignera la morale non confessionnelle ou la religion au cours de son cursus scolaire.

B.20.2. Il est vrai que l'interdiction d'exercer les deux fonctions au sein du même établissement et de la même implantation peut créer pour les enseignants concernés des inconvénients, en termes d'organisation de leur vie professionnelle, de déplacements, d'adaptation à plusieurs établissements ou implantations.

Ces inconvénients ne sont toutefois pas disproportionnés au regard de l'objectif poursuivi, dès lors que l'interdiction du cumul des fonctions dans le même établissement ou dans la même implantation n'est pas absolue. Le législateur a en effet établi des dérogations qui tempèrent cette interdiction et a veillé à les assortir de conditions qui tiennent compte, tout à la fois, du nombre d'établissements ou d'implantations où l'enseignant exerce ses fonctions et des trajets que celui-ci doit parcourir pour les rejoindre. L'enseignant ne peut ainsi être amené à exercer sa fonction dans plus de six établissements ou implantations différents ou à devoir accomplir, pour s'y rendre, un déplacement de plus de 25 km depuis son domicile ou entraînant une durée de déplacement en transports en commun supérieure à quatre heures par jour.

B.20.3. Compte tenu de la diversité des situations, tenant tout à la fois au nombre d'heures de cours concerné et à la répartition géographique des établissements et implantations scolaires, le choix du législateur décrétal, fruit d'un compromis (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2015-2016, n° 312/1, p. 7 et n° 312/3, pp. 10 et 27), n'est pas sans justification raisonnable.

B.21.1. Les dispositions attaquées ne violent pas le principe d'égalité et de non-discrimination. Les parties requérantes ne tirent pas des autres normes de référence qu'elles invoquent des arguments pouvant conduire à une autre conclusion.

B.21.2. Le second moyen dans l'affaire n° 6550 et le moyen unique dans l'affaire n° 6613 ne sont pas fondés.

Par ces motifs, la Cour rejette les recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 29 mars 2018.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

^