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Arrêt
publié le 14 juillet 2017

Extrait de l'arrêt n£ 47/2017 du 27 avril 2017 Numéro du rôle : 6368 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 37 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises, posées par la Cour d'appel de Mons.

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n£ 47/2017 du 27 avril 2017 Numéro du rôle : 6368 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 37 de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises, posées par la Cour d'appel de Mons.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges A. Alen, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût et T. Giet, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêt du 16 février 2016 en cause de l'Etat belge contre Francis Bringard et la SA « BNP Paribas Fortis », en présence de François Finn et Mickaël D'Aloisio, parties intervenantes volontaires, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 24 février 2016, la Cour d'appel de Mons a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « Interprété en ce sens que la créance de l'administration de la TVA se rapportant à des prestations effectuées à l'égard du débiteur en période de réorganisation judiciaire ne peut constituer une dette de la masse en raison de son origine légale, au même titre que toute autre créance institutionnelle d'origine légale née durant cette période, l'article 37 de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il réserve un sort distinct aux différents types de créances se rapportant à des prestations effectuées en période de réorganisation judiciaire, selon leur origine légale ou contractuelle ? »;2. « Interprété en ce sens que la créance de l'administration de la TVA se rapportant à des prestations effectuées à l'égard du débiteur en période de réorganisation judiciaire ne peut constituer une dette de la masse en raison du caractère spécifique des dettes de la TVA, à la différence des dettes de précompte professionnel, lesquelles font partie de la rémunération brute du travailleur et peuvent bénéficier du statut de dette de la masse, l'article 37 de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il réserve un sort distinct aux différents types de créances de l'administration fiscale se rapportant à des prestations effectuées en période de réorganisation judiciaire ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La Cour est interrogée sur l'article 37 de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises (ci-après : LCE).

Celui-ci dispose : « Dans la mesure où les créances se rapportent à des prestations effectuées à l'égard du débiteur pendant la procédure de réorganisation judiciaire, qu'elles soient issues d'engagements nouveaux du débiteur ou de contrats en cours au moment de l'ouverture de la procédure, elles sont considérées comme des dettes de masse dans une faillite ou liquidation subséquente survenue au cours de la période de réorganisation ou à l'expiration de celle-ci, dans la mesure où il y a un lien étroit entre la fin de la procédure de réorganisation et cette procédure collective.

Le cas échéant, les indemnités contractuelles, légales ou judiciaires dont le créancier réclame le paiement du fait de la fin du contrat ou de sa non-exécution sont reparties au prorata en fonction de leur lien avec la période antérieure ou postérieure à l'ouverture de la procédure.

Le paiement des créances ne sera toutefois prélevé par priorité sur le produit de la réalisation de biens sur lesquels un droit réel est établi que, dans la mesure où ces prestations ont contribué au maintien de la sûreté ou de la propriété ».

Dans sa version néerlandaise, il dispose : « In de mate dat de schuldvorderingen ten aanzien van de schuldenaar beantwoorden aan prestaties uitgevoerd tijdens de procedure van gerechtelijke reorganisatie door zijn medecontractant, en ongeacht of zij voortvloeien uit nieuwe verbintenissen van de schuldenaar of uit overeenkomsten die lopen op het ogenblik van het openen van de procedure, worden zij beschouwd als boedelschulden in een navolgende vereffening of faillissement tijdens de periode van reorganisatie of na het beëindigen ervan, in zoverre er een nauwe band bestaat tussen de beëindiging van de procedure en die collectieve procedure.

In voorkomend geval worden de contractuele, wettelijke of gerechtelijke vergoedingen, waarvan de schuldeiser de betaling eist op grond van de beëindiging of niet-uitvoering van de overeenkomst, pro rata opgedeeld in verhouding tot het verband dat zij vertonen met de aan het openen van de procedure voorafgaande of erop volgende periode.

De betaling ervan wordt slechts afgenomen bij voorrang van de opbrengst van de te geldegemaakte goederen waarop een zakelijk recht is gevestigd, voor zover die prestaties bijgedragen hebben tot het behoud van de zekerheid of de eigendom ».

B.2.1. Par une première question préjudicielle, la juridiction a quo demande à la Cour si l'article 37 précité est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il réserve un sort distinct aux différents types de créances se rapportant à des prestations effectuées en période de réorganisation judiciaire, selon leur origine légale ou contractuelle.

La juridiction a quo interprète la disposition en cause en ce sens que la créance de l'Administration de la TVA se rapportant à des prestations effectuées à l'égard du débiteur en période de réorganisation judiciaire ne peut constituer une dette de la masse en raison de son origine légale, au même titre que toute autre créance institutionnelle d'origine légale née durant cette période.

B.2.2. Par une seconde question préjudicielle, la juridiction a quo demande à la Cour si, interprété en ce sens que la créance de l'Administration de la TVA se rapportant à des prestations effectuées à l'égard du débiteur en période de réorganisation judiciaire ne peut constituer une dette de la masse en raison du caractère spécifique des dettes de TVA, à la différence des dettes de précompte professionnel, lesquelles font partie de la rémunération brute du travailleur et peuvent bénéficier du statut de dette de la masse, l'article 37 de la LCE est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il réserve un sort distinct aux différents types de créances de l'administration fiscale se rapportant à des prestations effectuées en période de réorganisation judiciaire.

B.3. C'est dans cette interprétation que la Cour répond aux questions préjudicielles, lesquelles portent exclusivement sur l'alinéa 1er de l'article 37 de la LCE. B.4. La procédure de réorganisation judiciaire prévue par la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer a pour but de préserver, sous le contrôle du juge, la continuité de tout ou partie de l'entreprise en difficulté ou de ses activités.

Les travaux préparatoires indiquent à ce sujet : « ' Préserver la continuité de l'entreprise ' fait référence à l'entité elle-même, avec ses différentes composantes. ' Préserver les activités ' fait référence à l'activité économique partiellement détachée de son support. La formulation est, à dessein, très large pour éviter que des interprétations ne dénaturent la volonté du législateur : il s'agit bien d'assurer que, dans des conditions économiques adéquates, des problèmes de nature structurelle ou accidentelle puissent être résolus » (Doc. parl., Chambre, S.E. 2007, DOC 52-0160/001, p. 15).

B.5. Le législateur a entendu, par cette procédure, élargir la portée de la réglementation relative au concordat judiciaire qu'elle remplace (ibid., DOC 52-0160/002, pp. 39 et 82). Il a tenté de concilier l'objectif de préserver la continuité de l'entreprise avec celui de sauvegarder les droits des créanciers : "[La matière relative aux conséquences de la réorganisation judiciaire] est l'une des plus difficiles qui soient, parce qu'une législation sur l'insolvabilité doit tenir compte d'intérêts très divergents : les intérêts des créanciers qui souhaitent être payés le plus vite possible, et la nécessité de donner une chance à la réorganisation (y compris une réorganisation par transfert d'entreprise). La règle est que la continuité de l'entreprise et des contrats est conservée, mais il va de soi que le maintien des droits sera menacé pendant une période de difficultés financières importantes" (ibid., DOC 52-0160/005, p. 10).

B.6.1. Avant d'être abrogée par l'article 85 de la LCE, la loi du 17 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/07/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009767 source ministere de la justice Loi relative au concordat judiciaire fermer relative au concordat judiciaire prévoyait en son article 44, § 2 : « Les actes accomplis par le débiteur au cours de la procédure [en concordat] avec la collaboration, l'autorisation ou l'assistance du commissaire au sursis, sont considérés lors de la faillite comme des actes du curateur, les dettes contractées pendant le concordat étant comprises comme dettes de la masse faillie ».

B.6.2. Au cours des travaux préparatoires de la loi du 17 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/07/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009767 source ministere de la justice Loi relative au concordat judiciaire fermer, ledit article 44 avait été commenté comme suit : « Il est important que les dettes régulièrement contractées pendant le sursis soient considérées comme dettes de la masse dans une faillite éventuelle. Le fait qu'une entreprise se trouve dans ce qui a été appelé la zone grise et les dangers que cela comporte peuvent jouer le rôle d'un frein sur la volonté de certains de nouer encore des relations commerciales avec le débiteur, ce qui menace d'empêcher la poursuite normale des activités de l'entreprise et compromet le but du sursis. Aussi est-il incontestablement indiqué, en tant que stimulant et de sécurité pour les nouveaux créanciers, de donner lors d'une éventuelle faillite une certaine priorité aux dettes survenues pendant le sursis " (Doc. parl., Chambre, 1993-1994, n° 1406/1, p. 34).

B.7.1. L'article 37 de la LCE, en cause dans les questions préjudicielles, remplace l'article 44 précité.

B.7.2. Son alinéa 1er était à l'origine rédigé comme suit, en français : « Dans la mesure où les créances d'un cocontractant se rapportent à des prestations effectuées pendant la procédure de réorganisation judiciaire, qu'elles soient issues d'engagements nouveaux du débiteur ou de contrats en cours au moment de l'ouverture de la procédure, elles jouissent du privilège du conservateur, qui peut être exercé sur tous les actifs du débiteur » (Doc. parl. Chambre, 2007, DOC 52-0160/001, p. 53).

Dans sa version néerlandaise, le texte disposait : « In de mate dat de schuldvorderingen van een medecontractant beantwoorden aan prestaties die hij heeft uitgevoerd tijdens de procedure tot gerechtelijke reorganisatie, ongeacht of zij voortvloeien uit nieuwe verbintenissen van de schuldenaar of uit overeenkomsten die lopen op het ogenblik van het openen van de procedure, genieten zij het voorrecht van het behoud van de zaak, dat kan uitgeoefend worden op alle activa van de schuldenaar ».

Selon les développements de la proposition de loi initiale : « Pour assurer la confiance des contractants du débiteur, facteur essentiel pour la continuité de l'entreprise, il faut donner un droit de priorité à ce contractant au cas où la procédure en réorganisation serait un échec. Faute de donner de telles assurances aux contractants du débiteur, celui-ci serait confronté avec des créanciers exigeant le paiement comptant.

Dans le droit actuel du concordat de la loi du 17 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/07/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009767 source ministere de la justice Loi relative au concordat judiciaire fermer, le contractant bénéficie d'un super-privilège qui lui donne la primauté par rapport à tous les créanciers du failli, et ce par le biais d'une fiction juridique selon laquelle les engagements conclus avec l'assentiment du commissaire au sursis sont considérés comme des dettes de la masse.

Le commissaire au sursis n'étant plus un des organes de la procédure de réorganisation, une autre solution s'impose.

L'article 27 confère au contractant le privilège du conservateur de la chose pour les nouveaux engagements (qui sont définis dans le texte).

Ce privilège porte sur tous les actifs du débiteur.

Le conflit de priorité avec les droits des créanciers gagistes, hypothécaires ou créanciers-propriétaires sera réglé en faveur du contractant si les prestations ont contribué à la conservation de la sûreté ou propriété » (ibid., pp. 23-24).

B.7.3. A la suite du dépôt de la proposition de loi, le ministre de la Justice a créé un groupe de travail d'experts, en matière de concordat judiciaire, issus de la magistrature, du barreau et du monde académique chargé de formuler des amendements à cette proposition tout en en conservant les grandes lignes.

B.7.4. Un amendement, fruit du groupe de travail ainsi créé, a été déposé par le Gouvernement, en vue de remplacer l'ensemble de la proposition de loi.

L'article 37, alinéa 1er, a été modifié comme suit : « Dans la mesure où les créances d'un cocontractant se rapportent à des prestations effectuées à l'égard du débiteur pendant la procédure de réorganisation judiciaire, qu'elles soient issues d'engagements nouveaux du débiteur ou de contrats en cours au moment de l'ouverture de la procédure, elles sont considérées comme des dettes de masse dans une faillite ou liquidation subséquente survenue au cours de la période de réorganisation ou à l'expiration de celle-ci dans la mesure où il y a un lien étroit entre la fin de la procédure de réorganisation et cette procédure collective » (Doc. parl., Chambre, 2007-2008, DOC 52-0160/002, p. 17).

Dans sa version néerlandaise, l'article 37, alinéa 1er, ainsi modifié disposait : « In de mate de schuldvorderingen ten aanzien van de schuldenaar beantwoorden aan prestaties uitgevoerd tijdens de procedure van gerechtelijke reorganisatie door zijn medecontractant, en ongeacht of zij voortvloeien uit nieuwe verbintenissen van de schuldenaar of uit overeenkomsten die lopen op het ogenblik van het openen van de procedure, worden zij beschouwd als boedelschulden in een navolgende vereffening of faillissement tijdens de periode van reorganisatie of na het beëindigen ervan in zoverre er een nauwe band bestaat tussen de beëindiging van de procedure en die collectieve procedure » (ibid.).

La justification de cet amendement, qui reproduit la justification initiale pour l'adoption de la disposition en cause, y a ajouté ce qui suit : « Dans le nouveau texte, les nouvelles obligations sont à considérer comme des dettes de masse dans une procédure collective subséquente.

Cela renforce sans doute à un très haut degré le crédit du débiteur.

Il y a pourtant une limite : ces dettes ne sont pas prioritaires sur les titulaires d'un droit réel quand dans la procédure collective subséquente ses actifs seront liquidés. Le conflit de priorité avec les droits des créanciers gagistes ou hypothécaires ou des créanciers-propriétaires sera décidé à l'avantage du contractant si les prestations ont contribué au maintien de la sûreté ou de la propriété.

Les créances dont il s'agit sont celles qui seront introduites dans une procédure collective subséquente qui découle directement de l'échec de la procédure ou qui est étroitement liée à cet échec. Cette dernière possibilité est inspirée par une décision de la Cour constitutionnelle du 22 juin 2005 » (ibid., p. 63).

B.7.5. Par son arrêt n° 108/2005, du 22 juin 2005, auquel les travaux préparatoires précités renvoient, la Cour a constaté qu'il ressortait des travaux préparatoires de l'article 44, § 2, de la loi du 17 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/07/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009767 source ministere de la justice Loi relative au concordat judiciaire fermer relative au concordat judiciaire que le législateur avait voulu encourager les commerçants à entretenir des relations commerciales avec un débiteur sous concordat judiciaire, afin d'assurer la continuité de l'entreprise et d'offrir au concordat judiciaire une chance de réussite. C'est pourquoi il avait prévu qu'en cas de faillite du débiteur, les dettes nées dans ce contexte sont considérées comme dettes de la masse faillie.

La Cour en a conclu qu'en ne considérant ces dettes comme dettes de la masse que lorsque le débiteur est déclaré failli, par suite de l'échec du concordat, au cours de la procédure en concordat et non lorsque la faillite intervient après qu'il a été mis fin à cette procédure, alors même qu'il existe un lien étroit entre la déclaration de faillite et l'échec du concordat, l'article 44, § 2, précité établissait une distinction qui était sans rapport avec l'objectif décrit et qui dépendait d'événements sur lesquels les créanciers qui contractent avec le débiteur au cours de la procédure en concordat n'avaient aucune prise.

B.8. Dans la première question préjudicielle, la Cour est invitée à se prononcer sur la différence de traitement, entre créanciers, qui résulterait de l'article 37, alinéa 1er, de la LCE en ce qu'il priverait la créance de l'Administration de la TVA du bénéfice du statut de dette de la masse, en raison de son origine légale, tandis que les créances qui se rapportent à des prestations effectuées en période de réorganisation judiciaire mais qui ont une origine contractuelle peuvent bénéficier de ce statut.

B.9. La créance de l'Administration de la TVA trouve son origine dans l'article 2 du Code de la TVA qui prévoit que sont soumises à la taxe, lorsqu'elles ont lieu en Belgique, les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.

Cette taxe est due, en vertu des articles 17 et 22 du même Code, pour les livraisons de biens, au moment de l'émission de la facture, à concurrence du montant facturé et, pour les prestations de services, au moment où celles-ci sont effectuées.

B.10. Comme il ressort des travaux préparatoires cités en B.4 à B.7, le législateur a entendu concilier le souci de préserver la continuité de l'entreprise avec celui de préserver les droits des créanciers.

C'est dans cet objectif qu'il a prévu, en faveur des cocontractants de l'entreprise en difficulté, un droit de préférence par rapport aux autres créanciers afin de les encourager à entretenir avec cette entreprise des relations commerciales et d'offrir ainsi au concordat judiciaire une chance de réussite.

A la lumière de l'objectif cité du législateur, il existe entre l'Administration de la TVA, qui est un créancier non contractuel de l'entreprise en difficulté, et les cocontractants de cette entreprise, qui sont des créanciers contractuels, une différence essentielle qui justifie que ces deux catégories soient traitées de manière différente en vertu de l'article 37 de la LCE en cause. Si l'on peut admettre qu'il faille offrir aux cocontractants de l'entreprise en difficulté les garanties nécessaires afin de les encourager à entretenir avec cette entreprise des relations contractuelles, une telle sécurité ne doit en effet pas être offerte à l'égard de l'Administration de la TVA qui n'engage pas de telles relations contractuelles avec l'entreprise concernée mais dispose de créances fiscales à son égard qui, bien qu'elles puissent être liées à des opérations commerciales, ont un caractère automatique résultant de la seule application de la loi.

La circonstance que le terme « cocontractant » soit absent de la version française de l'article 37, alinéa 1er, de la LCE finalement adopté en vertu de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer n'est pas de nature à modifier ce constat. Il résulte, en effet, tant de la version néerlandaise du texte de la loi que de ses travaux préparatoires que le législateur a effectivement entendu viser les cocontractants du débiteur en leur conférant un droit de préférence pour préserver les relations commerciales de l'entreprise durant la période de réorganisation judiciaire, sans que l'on y trouve un quelconque motif pour lequel le terme a disparu de la version française du texte.

B.11. Il en résulte qu'interprété en ce sens que les dettes fiscales en matière de TVA ne peuvent constituer « des dettes de la masse », l'article 37 de la LCE n'est pas incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.12. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

B.13. Par la seconde question préjudicielle, la juridiction a quo interroge la Cour sur la compatibilité de l'article 37, alinéa 1er, de la LCE avec les articles 10 et 11 de la Constitution, interprété en ce sens que les dettes de précompte professionnel, à la différence des dettes de TVA se rapportant à des prestations effectuées à l'égard du débiteur en période de réorganisation judiciaire, peuvent bien constituer des « dettes de la masse ». La Cour doit dès lors se prononcer sur la différence de traitement qui résulte de cette interprétation entre les différents types de créances de l'administration fiscale.

B.14. Le précompte professionnel est une avance sur l'impôt, retenue à la source, perçue durant l'année même au cours de laquelle les revenus sont recueillis et calculée sur des revenus qui présentent une certaine stabilité. Le versement du précompte professionnel est obligatoire et est à charge de l'employeur du contribuable.

B.15. Tel qu'il est établi ci-dessus, l'objectif que le législateur a poursuivi en adoptant l'article 37, alinéa 1er, de la LCE, en cause, est d'offrir les garanties nécessaires aux cocontractants de l'entreprise en difficulté afin de les encourager à entretenir des relations contractuelles avec cette entreprise. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont conduit à la réponse à la première question préjudicielle, il y a lieu de constater qu'il n'est pas nécessaire d'offrir de telles garanties en faveur de l'administration fiscale pour la dette en matière de précompte professionnel, puisque l'administration fiscale n'entretient pas des relations commerciales avec le débiteur en question, mais que le précompte professionnel constitue, comme la TVA, une créance fiscale dont l'administration fiscale est titulaire par la seule application de la loi. Le fait que le précompte professionnel fait partie de la rémunération brute et que cette rémunération constitue la contrepartie des prestations effectuées en exécution d'un contrat de travail au cours de la procédure de réorganisation judiciaire n'y change rien et n'a pas pour conséquence que l'administration fiscale, qui n'a pas effectué elle-même de prestations et dont la relation vis-à-vis du débiteur est déterminée par la loi, puisse être considérée comme un cocontractant de l'entreprise en question auquel des garanties doivent être offertes afin d'encourager des relations contractuelles.

Par conséquent, la disposition en cause, dans l'interprétation selon laquelle le précompte professionnel peut constituer une « dette de la masse », fait naître une différence de traitement entre les créances de l'administration fiscale qui n'est pas raisonnablement justifiée.

B.16. Dès lors, dans l'interprétation que lui confère la juridiction a quo dans la seconde question préjudicielle, l'article 37, alinéa 1er, de la LCE n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.17. L'article 37, alinéa 1er, en cause peut toutefois recevoir une autre interprétation, selon laquelle le précompte professionnel ne peut constituer une « dette de la masse ».

B.18. Dans cette interprétation, qui n'est contredite ni par le texte de la disposition en cause, ni par ses travaux préparatoires, et qui trouve appui dans deux arrêts du 27 mars 2015 de la Cour de cassation (Pas., 2015, n° 3, pp. 854 et s., et F.14.0157.N), la différence de traitement dénoncée dans la seconde question préjudicielle entre les créances de l'administration fiscale est inexistante de sorte que l'article 37, alinéa 1er, de la LCE est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1. L'article 37, alinéa 1er, de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises, interprété en ce sens que la créance de l'Administration de la TVA se rapportant à des prestations effectuées à l'égard du débiteur en période de réorganisation judiciaire ne peut constituer une dette de la masse, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.2. - La même disposition, interprétée en ce sens que la dette de précompte professionnel peut constituer une dette de la masse, viole les articles 10 et 11 de la Constitution. - La même disposition, interprétée en ce sens que la dette de précompte professionnel ne peut constituer une dette de la masse, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 27 avril 2017.

Le greffier, Le président, F. Meersschaut J. Spreutels

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