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Arrêt
publié le 02 mai 2017

Extrait de l'arrêt n° 32/2017 du 9 mars 2017 Numéro du rôle : 6389 En cause : le recours en annulation de la loi du 16 décembre 2015 réglant la communication des renseignements relatifs aux comptes financiers, par les institutions financières La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 32/2017 du 9 mars 2017 Numéro du rôle : 6389 En cause : le recours en annulation de la loi du 16 décembre 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/12/2015 pub. 31/12/2015 numac 2015003461 source service public federal finances Loi réglant la communication des renseignements relatifs aux comptes financiers, par les institutions financières belges et le SPF Finances, dans le cadre d'un échange automatique de renseignements au niveau international et à des fins fiscales fermer réglant la communication des renseignements relatifs aux comptes financiers, par les institutions financières belges et le SPF Finances, dans le cadre d'un échange automatique de renseignements au niveau international et à des fins fiscales, introduit par E.M. La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, F. Daoût et T. Giet, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 mars 2016 et parvenue au greffe le 31 mars 2016, un recours en annulation de la loi du 16 décembre 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/12/2015 pub. 31/12/2015 numac 2015003461 source service public federal finances Loi réglant la communication des renseignements relatifs aux comptes financiers, par les institutions financières belges et le SPF Finances, dans le cadre d'un échange automatique de renseignements au niveau international et à des fins fiscales fermer réglant la communication des renseignements relatifs aux comptes financiers, par les institutions financières belges et le SPF Finances, dans le cadre d'un échange automatique de renseignements au niveau international et à des fins fiscales (publiée au Moniteur belge du 31 décembre 2015) a été introduit par E.M. Par la même requête, la partie requérante demande également la suspension de la même loi, ainsi que la commission d'un avocat d'office, conformément à l'article 75, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle. Cette demande de commission d'un avocat d'office a été rejetée par ordonnance de la Cour du 20 avril 2016. Par l'arrêt n° 98/2016 du 16 juin 2016, publié au Moniteur belge du 12 août 2016, la Cour a rejeté la demande de suspension. (...) II. En droit (...) B.1. L'article 2 de la loi du 16 décembre 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/12/2015 pub. 31/12/2015 numac 2015003461 source service public federal finances Loi réglant la communication des renseignements relatifs aux comptes financiers, par les institutions financières belges et le SPF Finances, dans le cadre d'un échange automatique de renseignements au niveau international et à des fins fiscales fermer réglant la communication des renseignements relatifs aux comptes financiers, par les institutions financières belges et le SPF Finances, dans le cadre d'un échange automatique de renseignements au niveau international et à des fins fiscales dispose : « La loi règle les obligations des Institutions financières belges et du SPF Finances en ce qui concerne les renseignements qui doivent être communiqués à une autorité compétente d'une autre juridiction dans le cadre d'un échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers organisé, conformément à la directive 2014/107/UE du Conseil du 9 décembre 2014 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal, la Convention conjointe OCDE/Conseil de l'Europe du 25 janvier 1988 concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale (ci-après, la Convention multilatérale), une convention bilatérale préventive de la double imposition en matières d'impôts sur les revenus ou un traité bilatéral en matière d'échange de renseignements fiscaux, en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales internationales ».

La loi précitée a été adoptée afin de permettre à l'administration fiscale belge d'obtenir les informations qu'elle doit fournir à une administration fiscale étrangère conformément entre autres à la directive 2014/107/UE du Conseil du 9 décembre 2014 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal, à la Convention conjointe OCDE/Conseil de l'Europe du 25 janvier 1988 concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale et à l'Accord bilatéral FATCA. La Belgique a, en effet, signé l'« Accord entre le Gouvernement du Royaume de Belgique et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales à l'échelle internationale et de mettre en oeuvre la loi ' FATCA ' », le 23 avril 2014, et l'« Accord entre le Gouvernement du Royaume de Belgique et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique, fait à Bruxelles les 29 et 30 septembre 2015, complémentaire à l'Accord entre le Gouvernement du Royaume de Belgique et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales internationales et de mettre en oeuvre la loi ' FATCA ' ». Cet accord reprend les renseignements qui doivent être obtenus et échangés, entre la Belgique et les Etats-Unis, et mentionne le calendrier et les modalités pratiques de l'échange.

B.2. Il ressort de l'exposé des moyens que le recours en annulation ne porte que sur les articles 5, 8, §§ 2 et 4, 12, §§ 1er, 3 et 4, 15, 16 et 19 et sur le point A de la partie I de l'annexe II de la loi précitée.

Quant à la recevabilité du recours B.3. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par les dispositions attaquées.

B.4.1. La partie requérante, qui réside en Belgique, a la double nationalité belge et américaine. Elle est à ce titre soumise aux prescriptions fiscales du droit belge et à celles du droit américain.

Elle allègue que deux institutions bancaires belges lui ont fait savoir qu'elles allaient communiquer au SPF Finances les informations relatives aux deux comptes qu'elle y détient et ce, pour se conformer à la loi attaquée du 16 décembre 2015. La partie requérante précise que ces informations seront communiquées alors même que ces institutions ne sont pas tenues de le faire, en application du point A.1 figurant dans la partie I de l'annexe II de la loi précitée, ses comptes ne dépassant pas le montant de 50 000 dollars US au 30 juin 2014.

B.4.2. Le Conseil des ministres observe en substance que l'exposé confus et imprécis des moyens ne répondrait pas aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, de sorte que le recours devrait être déclaré irrecevable. Par ailleurs, la partie requérante n'aurait pas non plus un intérêt à demander l'annulation de la loi du 16 décembre 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/12/2015 pub. 31/12/2015 numac 2015003461 source service public federal finances Loi réglant la communication des renseignements relatifs aux comptes financiers, par les institutions financières belges et le SPF Finances, dans le cadre d'un échange automatique de renseignements au niveau international et à des fins fiscales fermer, dans la mesure où, si sa situation financière pouvait être affectée, comme elle le soutient, ce ne pourrait être qu'en raison de la mise en oeuvre de l'accord FATCA précité, ce dernier n'ayant toutefois pas encore fait l'objet d'une loi d'assentiment.

B.5. L'exposé des moyens permet d'identifier quels sont les articles de la loi du 16 décembre 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/12/2015 pub. 31/12/2015 numac 2015003461 source service public federal finances Loi réglant la communication des renseignements relatifs aux comptes financiers, par les institutions financières belges et le SPF Finances, dans le cadre d'un échange automatique de renseignements au niveau international et à des fins fiscales fermer plus particulièrement visés et les moyens sont suffisamment clairs, le Conseil des ministres y ayant d'ailleurs répondu. Par ailleurs, les dispositions visées permettent aux institutions bancaires de communiquer au SPF Finances des informations relatives aux comptes bancaires que la partie requérante détient en Belgique et ce, en raison de sa double nationalité belge et américaine, ce qui justifie son intérêt à agir.

Le recours est recevable.

Quant au fond B.6. Dans un premier moyen, la partie requérante reproche à l'article 19 de la loi attaquée de prévoir que les articles 458 à 463 du Code des impôts sur les revenus 1992 s'appliquent aux institutions financières qui ne respectent pas les obligations légales prévues par la loi attaquée.

B.7. L'article 19 de la loi attaquée dispose : « § 1er. Toute infraction visée à l'article 18 qui est commise dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, sera punie conformément à l'article 449 du Code des impôts sur les revenus 1992. § 2. Celui qui aura commis un faux en écritures publiques, de commerce ou privées, ou qui aura fait usage d'un tel faux, en vue de commettre une infraction visée à l'article 18 sera puni conformément à l'article 450, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992. § 3. Toutes les dispositions du livre premier du Code pénal, y compris le chapitre VII et l'article 85, sont applicables aux infractions visées au présent article. La loi du 5 mars 1952Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/03/1952 pub. 13/01/2010 numac 2009000850 source service public federal interieur Loi relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales, est également applicable à ces infractions. § 4. Les dispositions des articles 458 à 463 du Code des impôts sur les revenus 1992 sont applicables aux infractions visées au présent article ».

B.8. Le moyen est irrecevable à défaut de préciser quelles dispositions constitutionnelles ou internationales relevant du champ de compétence de la Cour seraient violées par la disposition attaquée précitée.

B.9.1. Un deuxième moyen est pris de la violation, par l'article 8, § 2, de la loi attaquée, des articles 3 et 4 de la Convention pénale sur la corruption et de l'article 17 de la Convention européenne des droits de l'homme. La partie requérante reproche à la disposition attaquée, d'une part, de ne pas avoir prévu un délai suffisant pour que les citoyens binationaux puissent remplir correctement leurs obligations fiscales et, d'autre part, de ne pas avoir prévu que les Etats-Unis respectent leurs obligations d'un échange réciproque d'informations.

B.9.2. L'article 8, § 2, de la loi attaquée dispose : « Les renseignements visés par la loi sont communiqués, pour les années spécifiées aux articles 9 et 10, en ce qui concerne respectivement les Etats-Unis et les autres Etats membres de l'Union européenne, et pour les années spécifiées par arrêté royal, en ce qui concerne chaque autre juridiction soumise à déclaration, et toutes les années suivantes, dans les six mois qui suivent la fin de l'année civile à laquelle ils se rapportent. Par dérogation à cette règle, en ce qui concerne les Etats-Unis, les renseignements relatifs à la période allant du 1er juillet 2014 au 31 décembre 2014 doivent être communiqués 10 jours après la publication de la présente loi au Moniteur belge ».

B.10. La Cour n'est pas compétente pour contrôler directement la compatibilité d'une disposition législative avec des dispositions de droit international comme les articles 3 et 4 de la Convention pénale sur la corruption et l'article 17 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.11.1. Un troisième moyen est pris de l'absence d'assentiment par la Belgique à l'accord FATCA. La partie requérante considère que cet assentiment serait indispensable, étant donné que la loi attaquée du 16 décembre 2015 instaure une différence de traitement entre deux catégories de personnes : d'une part, les titulaires de comptes auprès d'institutions financières belges qui sont des « résidents fiscaux » en Belgique et, d'autre part, les titulaires de comptes auprès d'institutions financières belges qui sont des « non-résidents fiscaux ».

B.11.2. A la suite de l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat sur l'avant-projet de loi (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1448/001, pp. 179 à 180), un projet de loi portant assentiment à l'accord FATCA a été déposé à la Chambre des représentants (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2174/001). Au cours de la discussion de ce projet de loi, il a été précisé qu'en attendant la ratification, il n'y aurait pas d'échange d'informations avec les Etats-Unis (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2174/002, p. 6). Le Conseil des ministres le souligne également dans son mémoire.

La loi du 22 décembre 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/2016 pub. 09/01/2017 numac 2016015151 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment aux actes internationaux suivants fermer « portant assentiment aux actes internationaux suivants : l'Accord entre le Gouvernement du Royaume de Belgique et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales internationales et de mettre en oeuvre la loi ' FATCA ', fait à Bruxelles le 23 avril 2014; l'Accord entre le Gouvernement du Royaume de Belgique et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique, fait à Bruxelles les 29 et 30 septembre 2015, complémentaire à l'Accord entre le Gouvernement du Royaume de Belgique et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales internationales et de mettre en oeuvre la loi ' FATCA ', signé à Bruxelles le 23 avril 2014 » a été publiée au Moniteur belge du 9 janvier 2017.

Les travaux préparatoires de la loi attaquée indiquent encore : « Même si l'Accord FATCA, l'Accord multilatéral concernant la norme NCD-CRS et les éventuels autres accords en matière d'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers seront soumis à assentiment parlementaire, le gouvernement considère qu'il convient d'inclure les conditions et modalités prévues pour l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers dans une seule et même loi quels que [soient] les instruments sur la base desquels cet échange est organisé (la directive 2014/107/UE, la Convention multilatérale ou une convention bilatérale). [...] Cette intégration permet d'avoir une vue claire des règles que les institutions financières belges doivent appliquer avec les Etats-Unis et des règles qu'elles doivent appliquer avec les autres juridictions » (ibid., pp. 15 à 17).

Le législateur a pu, dans un souci de cohérence et de clarté, intégrer dans la loi attaquée des dispositions qui ne pourront être appliquées dans l'ordre juridique interne qu'après que les accords qu'elles mettent en oeuvre auront fait l'objet de l'assentiment parlementaire et de la ratification requis.

B.12. Le moyen n'est pas fondé.

B.13.1. Un quatrième moyen est pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que de la loi du 10 mai 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/05/2007 pub. 30/05/2007 numac 2007002097 source service public federal de programmation integration sociale, lutte contre la pauvrete et economie sociale Loi modifiant la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie type loi prom. 10/05/2007 pub. 30/05/2007 numac 2007002099 source service public federal de programmation integration sociale, lutte contre la pauvrete et economie sociale Loi tendant à lutter contre certaines formes de discrimination fermer modifiant la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie. Selon la partie requérante, la loi attaquée ferait des différences de traitement, notamment entre les titulaires de comptes bancaires qui sont Belges, d'une part, et ceux qui sont binationaux, d'autre part, cette différence de traitement étant basée sur la seule nationalité.

B.13.2. Ni l'article 142 de la Constitution, ni la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle ne confèrent à la Cour le pouvoir de contrôler des dispositions législatives au regard d'autres dispositions législatives qui ne sont pas des règles répartitrices de compétence.

La Cour n'est dès lors pas compétente pour examiner le moyen en ce qu'il est pris de la violation de la loi du 10 mai 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/05/2007 pub. 30/05/2007 numac 2007002097 source service public federal de programmation integration sociale, lutte contre la pauvrete et economie sociale Loi modifiant la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie type loi prom. 10/05/2007 pub. 30/05/2007 numac 2007002099 source service public federal de programmation integration sociale, lutte contre la pauvrete et economie sociale Loi tendant à lutter contre certaines formes de discrimination fermer précitée.

B.13.3. La partie requérante fait état d'une pratique discriminatoire de la part des banques à son égard ainsi qu'à l'égard d'autres personnes qui auraient, comme elle, la double nationalité, belge et américaine. Cette différence de traitement aurait pour origine, selon elle, la loi attaquée.

Il semble ressortir des éléments exposés par la partie requérante qu'elle reproche à certaines institutions bancaires dont elle est cliente de ne plus vouloir contracter avec elle en raison de sa nationalité américaine.

Le traitement inégal dénoncé par la partie requérante ne pourrait résulter de la loi attaquée mais, le cas échéant, d'une pratique des banques.

Il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur l'application d'une norme législative.

B.14. Le moyen n'est pas fondé.

B.15.1. Un cinquième moyen est pris de la violation, par l'article 12 de la loi attaquée, de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 7, 8 et 52, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que de l'article 4, alinéa 3, de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel.

Etant donné que le Constituant visait un degré de concordance élevé entre l'article 22 de la Constitution et l'article 8 de la Convention précitée, les garanties offertes par les deux dispositions constituant un ensemble indissociable, il peut être admis en l'espèce que la violation de cette disposition constitutionnelle est invoquée.

Selon la partie requérante, la disposition attaquée permettrait de conserver des données bancaires au-delà de ce qui est nécessaire et ce, en violation des dispositions conventionnelles et législatives susvisées.

B.15.2. L'article 12 de la loi attaquée dispose : « § 1er. Les institutions financières déclarantes peuvent faire appel à des prestataires tiers pour s'acquitter des obligations de déclaration et de diligence raisonnable prévues par la loi mais ces obligations restent néanmoins du domaine de la responsabilité des institutions financières déclarantes. § 2. Les institutions financières déclarantes vérifient l'identité du titulaire de compte, au moyen d'un document probant, dont il est pris copie, sur support papier ou électronique. Les copies des données d'identification et les enregistrements, bordereaux et documents des opérations effectuées sur le compte déclarable doivent être conservés pendant sept ans au moins à compter du 1er janvier de l'année civile qui suit l'année au cours de laquelle le compte est clôturé. § 3. Pour les personnes physiques, l'identification et la vérification de l'identité portent sur le nom, le prénom, le lieu et la date de naissance. Des informations pertinentes doivent en outre être recueillies, dans la mesure du possible, concernant l'adresse des personnes identifiées. Pour les personnes morales, les trusts, les fiducies et les constructions juridiques similaires, l'identification et la vérification de l'identité portent sur la dénomination sociale, le siège social, les administrateurs et les dispositions régissant le pouvoir d'engager la personne morale, le trust, la fiducie ou la construction juridique similaire. § 4. Les institutions financières déclarantes conservent les banques de données informatisées qu'elles ont communiquées à l'autorité compétente belge pendant sept ans à compter du 1er janvier de l'année civile qui suit l'année civile au cours de laquelle elles les ont communiquées à cette autorité. Les banques de données sont effacées à l'expiration de ce délai. § 5. Les institutions financières belges ont l'obligation de communiquer à l'administration fiscale, sans déplacement, en vue de leur vérification, tous les livres et documents nécessaires pour déterminer si elles satisfont aux obligations de déclaration et de diligence raisonnable prévues par la loi, les dossiers d'analyse, de programmation et d'exploitation du système utilisé ainsi que les supports d'information et toutes les données qu'ils contiennent.

Nonobstant les pouvoirs conférés à l'administration par toute autre législation, les investigations susvisées peuvent être effectuées, sans notification préalable, durant l'année civile au cours de laquelle les Institutions financières belges doivent communiquer les renseignements à l'autorité compétente belge et dans un délai de trois ans à compter du 1er janvier de l'année civile qui suit l'année civile au cours de laquelle lesdits renseignements doivent être communiqués. § 6. Nonobstant le § 5, des investigations peuvent être effectuées dans un délai supplémentaire de quatre ans lorsque l'administration fiscale dispose d'indices qu'une Institution financière belge n'a pas respecté les obligations de déclaration et de diligence raisonnable prévues par la loi dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire ou lorsque l'autorité compétente d'une autre juridiction a notifié à l'autorité compétente belge qu'elle a des raisons de croire que des renseignements erronés ou incomplets ont été communiqués ou qu'une institution financière belge ne respecte pas les obligations qui lui incombent dans le cadre d'un échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers. Préalablement aux investigations, l'administration fiscale doit notifier à l'institution financière concernée, par écrit et de manière précise, les indices de fraude qui existent ou la notification reçue de l'autorité compétente d'une autre juridiction suivant les cas ».

B.16.1. Pour le motif énoncé en B.13.2, la Cour n'est pas compétente pour examiner le moyen en ce qu'il est pris de la violation, par l'article 12 précité, de l'article 4, alinéa 3, de la loi précitée du 8 décembre 1992.

B.16.2. En permettant la collecte de données financières en vue de leur transmission à l'administration fiscale des Etats-Unis, l'article attaqué de la loi autorise une ingérence dans la vie privée des personnes concernées par cette collecte et cette transmission.

La récolte de ces données et leur transmission s'inscrivent dans le cadre de l'objectif de la loi qui doit permettre de mettre en oeuvre l'échange automatique de renseignements financiers entre la Belgique et un Etat partenaire afin de lutter contre la fraude fiscale internationale et l'évasion fiscale.

On peut lire à ce sujet dans les travaux préparatoires : « L'échange automatique de données financières au niveau mondial est considéré comme un instrument particulièrement efficace dans la lutte contre la fraude fiscale internationale et l'évasion fiscale.

L'objectif est de le généraliser. Le projet de loi à l'examen vise donc principalement à mettre en oeuvre cet échange d'informations financières entre la Belgique et une juridiction participante.

L'objectif principal de cet avant-projet de loi est de permettre à l'autorité belge compétente d'obtenir des établissements financiers belges la transmission d'informations que cette même autorité devra fournir aux juridictions étrangères concernées » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1448/003, p. 3).

En organisant la collecte des renseignements qui devront être communiqués aux administrations fiscales des Etats contractants, l'article 12, attaqué, permet d'atteindre cet objectif par un moyen qui est pertinent.

La récolte des renseignements est proportionnée dans la mesure où la loi définit dans ses annexes les critères pris en compte pour déterminer quelles données doivent être communiquées ainsi que des procédures de diligence raisonnable. Dans le point A de la partie I de l'annexe II, il est précisé que les comptes de faible valeur, en l'occurrence inférieurs à 50 000 dollars US, ne sont pas soumis aux procédures de déclaration, sauf si l'institution financière déclarante en décide autrement.

Enfin, la loi attaquée contient un chapitre IV (« Confidentialité et protection de la vie privée ») qui consacre des garanties destinées à assurer la confidentialité et la protection de données personnelles et, notamment, l'encadrement des procédures par la loi du 8 décembre 1992 (article 13, § 1er), les devoirs d'information des clients par chaque institution financière (article 14), et l'application de la loi du 3 août 2012 « portant dispositions relatives aux traitements de données à caractère personnel réalisés par le Service public fédéral Finances dans le cadre de ses missions » (article 15, § 2).

B.17. Le moyen n'est pas fondé.

B.18. Le sixième moyen est pris de la violation par la loi attaquée de la directive 88/361/CEE du Conseil du 24 juin 1988 « pour la mise en oeuvre de l'article 67 du traité » ainsi que des articles 63 à 66 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. La partie requérante reproche à la loi attaquée de ne pas respecter le principe de confidentialité dès lors que les avoirs détenus par des Belges dans un Etat membre seront soumis à une obligation de déclaration, ce qui ne serait pas le cas lorsque les avoirs sont détenus dans des banques belges.

B.19. Pour le motif énoncé en B.10, la Cour n'est pas compétente pour contrôler directement la compatibilité d'une loi avec des dispositions du droit de l'Union européenne.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 9 mars 2017.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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