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Arrêt
publié le 09 janvier 2017

Extrait de l'arrêt n° 140/2016 du 10 novembre 2016 Numéro du rôle : 6254 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 2.6.1, § 3, 4°, et 2.6.2, § 2, alinéa 1 er , du Code flamand de l'aménagement du territ La Cour constitutionnelle, composée des présidents E. De Groot et J. Spreutels, et des juges L. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 140/2016 du 10 novembre 2016 Numéro du rôle : 6254 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 2.6.1, § 3, 4°, et 2.6.2, § 2, alinéa 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire, posées par le Tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents E. De Groot et J. Spreutels, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président E. De Groot, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 27 juillet 2015, en cause de la SPRL « P. Van De Riet » contre la Région flamande, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 5 août 2015, le Tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 2.6.1, § 3, 4°, du Code flamand de l'aménagement du territoire viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, l'article 16 de la Constitution et/ou l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme en ce qu'il dispose que seuls les 50 premiers mètres à partir de l'alignement sont pris en considération pour les dommages résultant de la planification spatiale, alors que les terrains du même ensemble situés plus en profondeur - lesquels ont généralement été négociés dans leur ensemble comme terrain à bâtir ou terrain lotissable - ne peuvent pas, par définition, ne pas entrer en ligne de compte pour recevoir une construction ? 2. L'article 2.6.2, § 2, alinéa 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, l'article 16 de la Constitution et/ou l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme en ce qu'il dispose que l'indemnité accordée pour des dommages résultant de la planification spatiale ne s'élève qu'à 80 % de la moins-value, ce qui représenterait une charge excessive que doivent supporter les propriétaires dans l'intérêt général, lorsque leur bien est frappé d'une interdiction de bâtir qui résulte d'un plan d'exécution spatial ? ». (...) III. Sur le fond (...) B.1.1. Le Gouvernement flamand a introduit un mémoire le 23 octobre 2015 et un mémoire en réponse le 14 décembre 2015. Dans ce dernier, il s'est réservé le droit « de répliquer, si nécessaire, aux observations qui seraient formulées dans l'éventuel mémoire en réponse des parties [intervenantes] ». Le 18 février 2016, le Gouvernement flamand a introduit un mémoire complémentaire, dans lequel il répond aux moyens exposés dans le mémoire en réponse de la première partie intervenante.

B.1.2. L'article 89, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle dispose : « Lorsque la Cour statue, à titre préjudiciel, sur les questions visées à l'article 26, le greffier transmet une copie des mémoires déposés aux autres parties ayant déposé un mémoire. Elles disposent alors de trente jours à dater du jour de la réception pour faire parvenir au greffe un mémoire en réponse. A l'expiration de ce délai, le greffier transmet aux parties ayant introduit [un mémoire], une copie des mémoires [en] réponse déposés ».

Il résulte de cette disposition qu'un mémoire complémentaire du Gouvernement flamand n'est pas prévu et n'est dès lors pas recevable.

Quant aux dispositions en cause B.2.1. Le juge a quo demande à la Cour si les articles 2.6.1, § 3, 4°, et 2.6.2, § 2, alinéa 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire violent les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'ils disposent que seuls les cinquante premiers mètres à partir de l'alignement sont pris en considération pour l'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale (première question préjudicielle) et que l'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale ne s'élève qu'à 80 % de la moins-value (seconde question préjudicielle).

B.2.2. Les deux questions préjudicielles sont examinées conjointement, étant donné qu'elles portent toutes deux sur l'éventuelle inconstitutionnalité d'une limitation de l'indemnité due par l'autorité pour les dommages résultant de la planification spatiale.

B.3.1. L'aménagement du territoire de la Région flamande, des provinces et des communes est déterminé dans des schémas de structure d'aménagement, des plans d'exécution spatiaux et des règlements (article 1.1.3 du Code flamand de l'aménagement du territoire).

L'aménagement du territoire est axé sur un développement spatial durable, gérant l'espace disponible au profit de la présente génération, sans pour autant compromettre les besoins des générations futures. A cet effet, les besoins spatiaux des différentes activités sociales sont simultanément comparés. La portée spatiale, l'impact environnemental et les conséquences culturelles, économiques, esthétiques et sociales sont pris en compte. C'est ainsi que l'on cherche à optimiser la qualité spatiale (article 1.1.4 du Code flamand de l'aménagement du territoire).

B.3.2. « Par schéma de structure d'aménagement », il convient d'entendre « un document politique traçant le cadre de la structure spatiale voulue. Il présente une vision à long terme du développement spatial de la zone concernée. Il vise la cohérence dans la préparation, l'établissement et l'exécution des décisions ayant trait à l'aménagement du territoire » (article 2.1.1, alinéa 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire). Les schémas de structure d'aménagement sont établis à trois niveaux : au niveau de la Région flamande, au niveau provincial et au niveau communal (article 2.1.1, alinéa 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire). Les schémas de structure d'aménagement ne sont contraignants que pour l'autorité qui a établi le schéma de structure et pour les instances subordonnées à celle-ci. Ils ne constituent pas un fondement pour l'examen des demandes de permis (article 2.1.2, § 7, du Code flamand de l'aménagement du territoire).

Les plans d'exécution spatiaux sont établis aux mêmes niveaux (article 2.2.1, § 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire). Ils contiennent des prescriptions urbanistiques concrètes en matière de destination, d'aménagement et de gestion du territoire concerné, qui constituent un fondement pour l'examen des permis (article 4.3.1, § 1er, 1°, du Code flamand de l'aménagement du territoire). Les plans d'exécution spatiaux peuvent à tous moments être remplacés, en tout ou en partie (article 2.2.2, § 2, alinéa 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire), de sorte que les justiciables ne peuvent pas légitimement tabler sur le maintien sans modification, dans le futur, des prescriptions urbanistiques qu'ils contiennent (voir, entre autres, CE, 17 mars 2010, n° 202.011).

B.3.3. Les plans d'exécution spatiaux peuvent faire naître des servitudes d'utilité publique et comporter des restrictions du droit de propriété, y compris des interdictions de bâtir. Dans certains cas, une interdiction de bâtir ou de lotir peut donner lieu à une indemnisation limitée, appelée indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale (article 2.6.1, § 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire).

La moins-value entrant en ligne de compte pour une indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale doit être estimée en calculant la différence entre la valeur du bien au moment de l'acquisition, actualisée jusqu'au jour de la naissance du droit à l'indemnisation, majorée des charges et frais, avant l'entrée en vigueur du plan d'exécution spatial, et la valeur de ce bien au moment de la naissance du droit à l'indemnisation, après l'entrée en vigueur de ce plan d'exécution spatial (article 2.6.2, § 1er, alinéa 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire).

B.3.4. Une indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale est accordée lorsque, en vertu d'un plan d'exécution spatial entré en vigueur, une parcelle ne peut plus faire l'objet d'un permis de bâtir ou de lotir, alors que c'était encore le cas la veille de l'entrée en vigueur de ce plan définitif (article 2.6.1, § 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire).

B.4.1. L'article 2.6.1, § 3, du Code flamand de l'aménagement du territoire dispose : « Pour l'application de l'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale, les critères cumulatifs suivants doivent de surcroît être remplis la veille de l'entrée en vigueur du plan définitif : 1° la parcelle doit être située le long d'une route suffisamment équipée, conformément à l'article 4.3.5, § 1er; 2° la parcelle doit entrer en ligne de compte pour l'édification d'une construction sur le plan de l'urbanisme et de la technique de construction;3° la parcelle doit être située dans une zone constructible, comme définie dans un plan d'aménagement ou dans un plan d'exécution spatial;4° seuls les 50 premiers mètres à partir de l'alignement entrent en ligne de compte pour les dommages résultant de la planification spatiale. Le critère visé au premier alinéa, 1°, ne s'applique toutefois pas aux parcelles sur lesquelles sont situés les bâtiments d'entreprise et l'habitation des exploitants d'une entreprise agricole ou horticole existante ».

B.4.2. L'article 2.6.2, § 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire dispose : « § 2. L'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale s'élève à quatre-vingts pour cent de [la] moins-value. [...] ».

B.5.1. Le Code flamand de l'aménagement du territoire a été élaboré en 2009 et résulte de la coordination des dispositions du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire (ci-après : décret du 18 mai 1999) et de l'article 90bis du décret forestier du 13 juin 1990 (article 1er de l'arrêté du Gouvernement flamand du 15 mai 2009 portant coordination de la législation décrétale relative à l'aménagement du territoire).

B.5.2.1. L'article 2.6.1, § 3, du Code flamand de l'aménagement du territoire ne diffère pas de l'article 84, § 3, du décret du 18 mai 1999.

Les travaux préparatoires de l'article 84, § 3, du décret du 18 mai 1999 mentionnent ce qui suit : « § 3. Le présent paragraphe précise un certain nombre de critères supplémentaires auxquels il doit être satisfait de manière cumulative pour qu'une parcelle puisse entrer en ligne de compte en vue d'une indemnité de réparation des dommages résultant de la planification spatiale. Ces conditions sont fixées parce que l'indemnité de dommages résultant de la planification spatiale n'est accordée que pour des parcelles ayant le caractère de terrain à bâtir.

Le point 2 pose la condition que la parcelle soit constructible, du point de vue urbanistique et technique. Il est évidemment possible de bâtir sur tous les terrains, mais ceux-ci n'acquièrent pas pour autant le statut de terrain à bâtir. La jurisprudence et la doctrine dominantes confèrent d'ores et déjà à ce critère un contenu satisfaisant. Sont exclus les terrains qui, par nature, ne conviennent pas à la construction, à moins d'en changer le caractère de manière artificielle afin de rendre le terrain constructible.

Le point 3 exige explicitement que la parcelle soit située dans une zone constructible, fixée dans un plan d'aménagement ou dans un plan d'exécution spatial. Sont exclues les parcelles qui ont déjà été réservées, dans un plan d'aménagement ou un plan d'exécution spatial, à d'autres fins que la construction, par exemple les espaces verts.

La condition mentionnée au point 2, à savoir que la parcelle soit adjacente à une voie suffisamment équipée, ne s'applique pas à l'obtention d'une indemnité de réparation de dommages résultant de la planification spatiale pour les entreprises agricoles existantes et leur siège d'exploitation, étant donné que, par nature, ces bâtiments ne remplissent pas toujours cette condition.

Seuls les cinquante premiers mètres à partir de l'alignement entrent en ligne de compte pour une indemnité de réparation des dommages résultant de la planification spatiale (point 4). Cette limitation découle d'une part déjà de l'exigence de situation le long d'une voie suffisamment équipée et est tirée de l'analyse de la jurisprudence dominante qui en a déduit la règle des 50 mètres. La profondeur de 50 mètres à partir de l'alignement est la profondeur de construction habituelle. Les terrains de fond qui sont situés au-delà de la première bande de 50 mètres n'entrent pas en ligne de compte pour une indemnité de réparation des dommages résultant de la planification spatiale (voyez, entre autres, Cour de cassation, n° 7008, 30 novembre 1999) » (Doc.parl., Parlement flamand, 1998-1999, n° 1332/1, p. 46).

B.5.2.2. En ce qui concerne l'article 85, § 2, du décret du 18 mai 1999, les travaux préparatoires soulignent le maintien de la déduction de vingt pour cent de la moins-value existant dans l'ancien système, qui reste en tout état de cause à charge de la personne lésée (Doc.

Parl., Parlement flamand, 1998-1999, n° 1332/1, p. 47).

B.5.3. L'article 84, § 3, du décret du 18 mai 1999 découle lui-même de l'article 35 du décret relatif à l'aménagement du territoire, coordonné le 22 octobre 1996 (ci-après : décret de coordination du 22 octobre 1996), lequel ne prévoyait toutefois pas expressément la règle précitée des cinquante mètres. L'article 35 du décret de coordination du 22 octobre 1996 a repris en grande partie l'article 37 de la loi du 29 mars 1962 organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme (ci-après : loi du 29 mars 1962), tel qu'il avait été remplacé par l'article 2 de la loi du 22 décembre 1970 et modifié par les lois des 12 juillet 1976 et 22 décembre 1977.

Dans l'exposé des motifs du projet de loi devenu la loi du 29 mars 1962 il est dit : « Il fut précisé que dans l'intention de leurs auteurs, ces dispositions visaient à concilier l'intérêt général avec les droits des particuliers, en lésant ces derniers le moins possible, le droit à indemnité étant en tout cas limité au cas de dommage certain, actuel et objectivement déterminable.

Afin d'éviter des réclamations trop nombreuses et pour des dommages relativement peu importants, il est prévu qu'aucune indemnité ne sera allouée pour les dommages inférieurs à 20 % de la valeur totale du bien.

Enfin, les seules prescriptions urbanistiques pouvant donner lieu à indemnité étaient les interdictions de bâtir ou de lotir; toutes autres prescriptions étant considérées comme des servitudes d'utilité publique, que les particuliers doivent subir dans l'intérêt général.

Vos Commissions ont tenu à souligner que, pour donner lieu à indemnité, l'interdiction de bâtir ou de lotir doit être totale. Ne peut donc donner lieu à indemnité l'interdiction de bâtir à tel endroit tel immeuble déterminé, parce que, par exemple, il dépasse la hauteur autorisée ou que l'on utilise dans sa construction des matériaux dont l'usage serait interdit par les prescriptions du plan. [...] Certains cas furent expressément prévus dans lesquels l'interdiction de bâtir ou de lotir ou des restrictions à ces droits, ne seraient pas indemnisées parce qu'elles ne tendaient qu'à empêcher un usage anormal et irrationnel de la propriété.

Afin d'éviter que l'affectation et surtout la destination, dont il est question à l'alinéa 1er [lire : de l'article 37] de la loi, - ne soient interprétées par les tribunaux d'une façon extensive et qui ne serait pas conforme aux intentions du législateur, vos Commissions ont désiré que celles-ci soient précisées clairement dans le rapport. La notion ' terrain à bâtir ' n'est pas inconnue de notre doctrine et de notre jurisprudence qui furent amenées, à plusieurs reprises, à en définir les éléments à l'occasion de contestations sur les indemnités d'expropriation. [...] Il résulte de ces décisions que pour être considéré comme terrain à bâtir, plusieurs conditions doivent être réunies : 1° il doit être riverain d'une voie de communication;2° il doit être voisin d'autres terrains à bâtir;3° il doit être apte à recevoir des constructions. Si une ou deux seulement de ces conditions sont remplies, le terrain ne sera pas du terrain à bâtir » (Doc. parl., Sénat, 1959-1960, n° 275, pp. 57-59).

B.5.4. Il ressort des travaux préparatoires précités que le législateur a voulu éviter un afflux trop important de demandes d'indemnisation relatives à des moins-values de moindre importance et que, s'inspirant de la jurisprudence, il a voulu faire dépendre la qualité de « terrain à bâtir » des caractéristiques intrinsèques du terrain en cause en matière de construction et d'environnement.

Quant à la recevabilité des interventions B.6. Le gouvernement flamand fait valoir que la première demande d'intervention est irrecevable parce que les parties n'apporteraient pas une preuve suffisante de l'effet direct que l'arrêt de la Cour aurait sur leur situation personnelle, et parce que, dans leur premier mémoire, elles ne prennent pas position sur le fond, de sorte qu'il y aurait violation des droits de la défense et du principe de l'égalité des armes.

B.7.1. L'article 87, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle dispose : « Lorsque la Cour constitutionnelle statue, à titre préjudiciel, sur les questions visées à l'article 26, toute personne justifiant d'un intérêt dans la cause devant la juridiction qui ordonne le renvoi, peut adresser un mémoire à la Cour dans les trente jours de la publication prescrite par l'article 74. Elle est, de ce fait, réputée partie au litige ».

B.7.2. Justifient d'un intérêt à intervenir devant la Cour les personnes qui font la preuve suffisante de l'effet direct que peut avoir sur leur situation personnelle la réponse que la Cour donnera à une question préjudicielle.

B.8.1. La première requête en intervention a été introduite par cinq personnes physiques et une personne morale. Elles estiment qu'elles ont un intérêt à intervenir « puisqu'elles sont confrontées à la même problématique dans trois procédures pendantes devant la Cour d'appel de Gand [...] et ont déjà formulé des questions préjudicielles similaires par voie de conclusions ».

B.8.2. En l'espèce, les articles en cause du Code flamand de l'aménagement du territoire ne s'appliquent cependant pas aux trois procédures pendantes devant la Cour d'appel de Gand, étant donné que ces procédures se rapportent à des demandes d'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale qui sont le fait d'un plan de secteur, et qu'il y a donc lieu de tenir compte de l'article 7.4.11 du Code flamand de l'aménagement du territoire. Cet article prévoit que les demandes d'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale qui sont le résultat de plans d'aménagement antérieurs, comme en l'espèce le plan de secteur de Termonde, établi par l'arrêté royal du 7 novembre 1978, sont réglées conformément aux dispositions du décret de coordination du 22 octobre 1996.

En outre, les parties intervenantes devant la Cour ne peuvent modifier ou étendre la portée d'une question préjudicielle, de sorte que l'examen des questions ne peut être étendu à l'article 7.4.11 du Code flamand de l'aménagement du territoire. C'est en effet au juge a quo qu'il appartient de décider quelles questions préjudicielles doivent être posées à la Cour et de déterminer ainsi l'étendue de la saisine.

B.8.3. La première demande en intervention est irrecevable.

B.9.1. La seconde demande en intervention a été introduite par trois personnes morales distinctes qui estiment disposer d'un intérêt suffisant pour intervenir, étant donné qu'elles sont toutes propriétaires d'une série de parcelles qui, en conséquence de l'arrêté du gouvernement flamand du 9 juillet 2010 approuvant le plan d'exécution spatial délimitant la zone urbaine de Gand, ne sont plus situées dans une zone d'habitat, mais dans une zone à laquelle s'applique aujourd'hui une interdiction de bâtir ou de lotir.

B.9.2. La seconde demande en intervention est par conséquent recevable.

Quant au fond B.10. Le juge a quo demande à la Cour si la double limitation découlant des articles 2.6.1, § 3, 4°, et 2.6.2, § 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire est contraire aux articles 10, 11 et 16 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

B.11. En adoptant l'article 37 de la loi du 29 mars 1962, le législateur a pour la première fois instauré un droit généralisé à une indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale subis par un propriétaire lorsqu'un plan d'aménagement définitivement entré en vigueur instituait une interdiction de bâtir ou de lotir et mettait un terme à l'utilisation ou à la destination normale du bien.

B.12.1. L'article 16 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».

L'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.

Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».

B.12.2. Cette disposition de droit international ayant une portée analogue à celle de l'article 16 de la Constitution, les garanties qu'elle contient forment un ensemble indissociable avec celles qui sont inscrites dans cette disposition constitutionnelle, de sorte que la Cour en tient compte lors de son contrôle de la disposition en cause.

B.12.3. L'article 1 du Protocole précité offre une protection non seulement contre une expropriation ou une privation de propriété (premier alinéa, seconde phrase) mais également contre toute ingérence dans le droit au respect des biens (premier alinéa, première phrase) et contre toute réglementation de l'usage des biens (second alinéa).

La limitation du droit de propriété découlant d'un plan d'exécution spatial règle « l'usage des biens conformément à l'intérêt général », au sens du second alinéa de l'article 1 du Premier Protocole additionnel, et relève donc du champ d'application de cette disposition conventionnelle, combinée avec l'article 16 de la Constitution.

B.12.4. Toute ingérence dans le droit de propriété doit réaliser un juste équilibre entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens. Il faut qu'existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi.

B.13.1. Le seul fait que l'autorité impose des restrictions au droit de propriété dans l'intérêt général n'a pas pour conséquence qu'elle soit tenue à indemnisation.

L'établissement, par ou en vertu d'une disposition législative, d'une servitude d'utilité publique ou d'une restriction au droit de propriété dans l'intérêt général, ne confère, en principe, pas un droit à indemnisation au propriétaire de l'immeuble grevé (Cass., 16 mars 1990, Pas., 1990, I, n° 427; CEDH, 25 juin 2015, Couturon c.

France, §§ 34 à 43).

De même, « lorsqu'une mesure de réglementation de l'usage des biens est en cause, l'absence d'indemnisation est l'un des facteurs à prendre en compte pour établir si un juste équilibre a été respecté, mais elle ne saurait, à elle seule, être constitutive d'une violation de l'article 1 du Protocole n° 1 » (voir notamment CEDH, grande chambre, 29 mars 2010, Depalle c. France, § 91; 26 avril 2011, Antunes Rodrigues c. Portugal, § 32).

En cas d'atteinte grave au droit au respect des biens, telle qu'une interdiction de bâtir ou de lotir, cette charge ne peut toutefois être imposée à un propriétaire sans une indemnisation raisonnable de la perte de valeur de la parcelle (CEDH, 19 juillet 2011, Varfis c.

Grèce).

B.13.2. C'est au législateur compétent qu'il appartient de déterminer les cas dans lesquels une limitation du droit de propriété peut donner lieu à une indemnité et les conditions auxquelles cette indemnité peut être octroyée, sous réserve du contrôle exercé par la Cour quant au caractère raisonnable et proportionné de la mesure prise.

B.14. Le législateur décrétal a choisi d'instaurer un régime d'indemnisation des moins-values liées à une interdiction de bâtir ou de lotir résultant d'un plan d'exécution spatial lorsque cette interdiction a pour conséquence qu'une parcelle ne peut plus faire l'objet d'un permis de bâtir ou de lotir, alors qu'elle le pouvait encore la veille de l'entrée en vigueur de ce plan (article 2.6.1, §§ 1er et 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire).

B.15. S'il est indiscutable que le législateur décrétal peut, dans le cadre de son large pouvoir d'appréciation, fixer les conditions à remplir pour bénéficier d'une indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale, il convient d'examiner si ces conditions n'ont pas des conséquences disproportionnées pour les propriétaires concernés.

B.16. En prévoyant que l'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale s'élève à 80 % de la moins-value et est limitée aux cinquante premiers mètres à partir de l'alignement, le législateur décrétal n'a, en principe, pas pris une mesure qui serait manifestement disproportionnée au but qu'il poursuit ou qui puisse être considérée comme une atteinte illicite au droit de propriété, en vertu de l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

En effet, la double limitation du montant de l'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale est liée à la condition qu'une telle indemnisation soit uniquement accordée au propriétaire d'un terrain à bâtir, qui doit en outre avoir subi un dommage certain, actuel et objectivement déterminable et qui n'est indemnisé que partiellement, à titre de compensation pour la non-indemnisation de principe des servitudes d'utilité publique.

C'est au législateur décrétal qu'il appartient de déterminer les cas dans lesquels une limitation du droit de propriété donne lieu à une indemnisation et il dispose en l'espèce d'un large pouvoir d'appréciation. En règle générale, et particulièrement en zone d'habitat, aucune charge disproportionnée n'est donc imposée aux propriétaires de terrains à bâtir, puisque l'on ne peut, d'ordinaire, construire sur une profondeur supérieure à cinquante mètres à partir de l'alignement.

Il en va autrement toutefois pour les terrains situés dans des zones autres que les zones d'habitat telles que les zones industrielles, les zones artisanales, les zones pour petites et moyennes entreprises et d'autres zones qui sont destinées à accueillir des bâtiments d'une profondeur de construction plus importante. Dans un tel cas, la limitation de l'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale aux cinquante premiers mètres à partir de l'alignement n'est pas raisonnablement justifiée.

B.17. Dans cette mesure, la première question préjudicielle appelle une réponse positive et la seconde question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 2.6.1, § 3, 4°, du Code flamand de l'aménagement du territoire viole les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, combinés avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, mais uniquement en ce qui concerne des terrains situés dans des zones autres que des zones d'habitat, telles que des zones industrielles, des zones artisanales, des zones pour petites et moyennes entreprises et d'autres zones qui, la veille de l'entrée en vigueur du plan définitif imposant une interdiction de bâtir, étaient destinées à accueillir des bâtiments d'une profondeur de construction supérieure à 50 mètres à partir de l'alignement. - L'article 2.6.2, § 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire ne viole pas les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 10 novembre 2016.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, E. De Groot

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