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Arrêt
publié le 15 décembre 2016

Extrait de l'arrêt n° 132/2016 du 20 octobre 2016 Numéro du rôle : 6200 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 257, alinéa 1 er , 4°, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été modifié par l'article 2 La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 132/2016 du 20 octobre 2016 Numéro du rôle : 6200 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 257, alinéa 1er, 4°, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été modifié par l'article 2, 2°, du décret de la Région wallonne du 10 décembre 2009 « d'équité fiscale et d'efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives », posée par le Tribunal de première instance de Liège, division Liège.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Moerman, E. Derycke et F. Daoût, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 27 avril 2015 en cause de Me Xavier Drion, agissant en sa qualité d'administrateur provisoire des biens de Stefan Wachel, contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 13 mai 2015, le Tribunal de première instance de Liège, division Liège, a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 257, 4° du CIR/92, tel que modifié par l'article 2, 2° du Décret wallon du 10 décembre 2009 d'équité fiscale et d'efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu'il réserve la remise ou modération du précompte immobilier dans une mesure proportionnelle à la durée et à l'importance de l'inoccupation, de l'inactivité ou de l'improductivité du bien immobilier bâti aux propriétaires d'un tel immeuble, improductif, qui en auront été propriétaires pendant au moins 180 jours dans le courant de l'année ? ». (...) III. En droit (...) B.1. L'article 257 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 1992) fait partie de la section II (« Précompte immobilier ») du chapitre premier (« Versement de l'impôt par voie de précomptes ») du titre VI (« Dispositions communes aux quatre impôts ») de ce Code.

Tel qu'il a été modifié par l'article 2, 2°, du décret wallon du 10 décembre 2009 « d'équité fiscale et d'efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives », l'article 257, alinéa 1er, 4°, du CIR 1992 dispose : « Sur la demande de l'intéressé, il est accordé : [...] 4° remise ou modération du précompte immobilier dans une mesure proportionnelle à la durée et à l'importance de l'inoccupation, de l'inactivité ou de l'improductivité du bien immeuble : a) dans le cas où un bien immobilier bâti, non meublé, est resté inoccupé et improductif pendant au moins 180 jours dans le courant de l'année; b) dans le cas où la totalité du matériel et de l'outillage, ou une partie de ceux-ci représentant au moins 25 p.c. de leur revenu cadastral, est restée inactive pendant 90 jours dans le courant de l'année; c) dans le cas où la totalité soit d'un bien immobilier bâti, soit du matériel et de l'outillage, ou une partie de ceux-ci représentant au moins 25 p.c. de leur revenu cadastral respectif, est détruite.

Les conditions de réduction doivent s'apprécier par parcelle cadastrale ou par partie de parcelle cadastrale lorsqu'une telle partie forme, soit une habitation séparée, soit un département ou une division de production ou d'activité susceptibles de fonctionner ou d'être considérés séparément, soit une entité dissociable des autres biens ou parties formant la parcelle et susceptible d'être cadastrée séparément.

L'improductivité doit revêtir un caractère involontaire. La seule mise simultanée en location et en vente du bien par le contribuable n'établit pas suffisamment l'improductivité.

A partir du moment où il n'a plus été fait usage du bien depuis plus de douze mois, compte tenu de l'année d'imposition précédente, la remise ou la réduction proportionnelle du a) ci-avant ne peut plus être accordée dans la mesure où la période d'inoccupation dépasse douze mois, sauf dans le cas d'un immeuble dont le contribuable ne peut exercer les droits réels pour cause de calamité, de force majeure, d'une procédure ou d'une enquête administrative ou judiciaire empêchant la jouissance libre de l'immeuble, jusqu'au jour où disparaissent ces circonstances entravant la jouissance libre de l'immeuble. Est notamment considéré comme tel, l'immeuble qui constitue un logement non améliorable, au sens de l'article 1er, 14°, du Code wallon du Logement, reconnu comme tel par un délégué du Ministre du Logement ou par un arrêté du bourgmestre ».

B.2. Il ressort des termes de la question préjudicielle que celle-ci porte sur la compatibilité, avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, d'une différence de traitement entre deux catégories de personnes.

B.3.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'article 172, alinéa 1er, de la Constitution énonce le même principe en matière fiscale.

B.3.2. L'examen de la compatibilité d'une disposition législative avec ce principe suppose notamment l'identification précise de deux catégories de personnes qui font l'objet d'un traitement différent.

B.4. En l'espèce, il ressort à suffisance des termes de la question préjudicielle que la Cour est invitée à statuer sur la constitutionnalité d'une différence de traitement entre deux catégories de redevables du précompte immobilier qui ont été propriétaires d'un bien immobilier bâti, non meublé et improductif, sis sur le territoire de la Région wallonne : d'une part, ceux qui ont été propriétaires d'un tel bien durant au moins 180 jours de l'année civile et, d'autre part, ceux qui ont été propriétaires d'un tel bien durant moins de 180 jours.

B.5. Le propriétaire d'un bien immobilier sis sur le territoire du Royaume et qui n'est pas donné en location est, en principe, redevable du précompte immobilier (article 7, § 1er, 1°, a), du CIR 1992, lu en combinaison avec l'article 251 du même Code, tels qu'ils sont applicables sur le territoire de la Région wallonne).

L'exercice d'imposition relatif au précompte immobilier est l'année dont les revenus servent de base audit précompte (article 254 du CIR 1992, tel qu'il est applicable sur le territoire de la Région wallonne). La période imposable coïncide avec l'année dont le millésime désigne l'exercice d'imposition (article 199, a), de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il est applicable sur le territoire de la Région wallonne). Les revenus de cette période sont les revenus des biens immobiliers bâtis ou non bâtis qui sont afférents à cette période (article 204, 1°, du même arrêté royal).

B.6. Une remise du précompte immobilier ne peut être accordée qu'au redevable de ce précompte.

En cas de transfert du droit de propriété du bien durant l'exercice d'imposition, est redevable de ce précompte celui qui est propriétaire le 1er janvier de l'année désignant l'exercice d'imposition.

B.7. Il ressort de ce qui précède et des motifs de la décision de renvoi que la Cour est invitée à statuer sur la compatibilité, avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, de l'article 257, 4°, a), du CIR 1992, tel qu'il est applicable sur le territoire de la Région wallonne, en ce qu'il crée une différence de traitement entre deux catégories d'assujettis à l'impôt des personnes physiques qui, le 1er janvier 2012, étaient propriétaires d'un bien immobilier bâti, non meublé, et resté inoccupé et improductif durant l'exercice d'imposition 2012 et qui ont, par une vente, cédé leur droit de propriété durant cet exercice : d'une part, ceux qui ont cessé d'être propriétaire avant le 181ème jour de l'année 2012, qui ne peuvent obtenir une remise du précompte immobilier dans une mesure proportionnelle à la durée et à l'importance de l'inoccupation ou de l'improductivité de leur bien et, d'autre part, ceux qui sont restés propriétaires au-delà du 180ème jour de cette année, qui, eux, peuvent obtenir une telle remise.

B.8. Cette différence de traitement découle de la règle selon laquelle une remise du précompte immobilier fondée sur l'inoccupation et l'improductivité d'un bien immeuble ne peut être accordée que si ce bien est resté inoccupé et improductif durant au moins 180 jours dans le courant de l'exercice d'imposition.

Une telle remise ne peut être accordée qu'au redevable de ce précompte. Lorsque, par une vente, celui-ci cède son droit de propriété sur l'immeuble avant le 181ème jour de l'exercice d'imposition, il ne peut se prévaloir auprès de l'administration d'une inoccupation de son bien durant une période d'au moins 180 jours.

B.9. L'instauration de la possibilité d'accorder une remise du précompte immobilier en cas d'inoccupation ou d'improductivité de l'immeuble concerné répond au souci de « ne pas taxer le possesseur d'un bien immobilier qui vient d'être mis temporairement dans l'impossibilité de percevoir des revenus de son immeuble, pour des causes indépendantes de sa volonté » (Doc. parl., Parlement wallon, 2009-2010, n° 118/1, p. 3).

L'exigence d'une inoccupation et d'une improductivité d'au moins 180 jours vise à « limiter le bénéfice de [la remise du précompte immobilier] aux inoccupations suffisamment importantes pour entraîner une perte substantielle de revenus durant l'année », à l'exclusion des « inoccupations assez limitées dans le temps » (ibid., p. 4).

B.10. Le redevable du précompte immobilier qui sait qu'il ne pourra obtenir une remise en raison du fait que c'est avant le 181ème jour de l'exercice d'imposition que, par une vente, il perdra son droit de propriété sur un bien immobilier bâti non meublé inoccupé et improductif reste libre de convenir avec l'acquéreur de ce bien que celui-ci lui versera, au moment de la vente, une somme d'argent correspondant à la quote-part du précompte immobilier relative à la période de l'exercice d'imposition durant laquelle l'acquéreur aura la jouissance du bien vendu.

B.11. Il résulte de ce qui précède que la différence de traitement décrite en B.7 n'est pas dénuée de justification raisonnable.

B.12. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 257, alinéa 1er, 4°, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été modifié par l'article 2, 2°, du décret de la Région wallonne du 10 décembre 2009 « d'équité fiscale et d'efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives », ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 20 octobre 2016.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, J. Spreutels

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