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Arrêt
publié le 10 janvier 2017

Extrait de l'arrêt n° 146/2016 du 17 novembre 2016 Numéro du rôle : 6461 En cause : le recours en annulation des articles 39 et 40 du décret de la Région wallonne du 17 décembre 2015 contenant le budget des recettes de la Région wallonne pour La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. (...)

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Extrait de l'arrêt n° 146/2016 du 17 novembre 2016 Numéro du rôle : 6461 En cause : le recours en annulation des articles 39 et 40 du décret de la Région wallonne du 17 décembre 2015 contenant le budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2016 et de l'article de base 36 01 90 de la Division organique 17 du Budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2016 annexé à ce décret, introduit par la SA de droit public « Proximus ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Moerman, F. Daoût et T. Giet, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 juin 2016 et parvenue au greffe le 30 juin 2016, la SA de droit public « Proximus », assistée et représentée par Me B. Lombaert, Me H. De Bauw et Me B. Martel, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation des articles 39 et 40 du décret de la Région wallonne du 17 décembre 2015 contenant le budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2016 et de l'article de base 36 01 90 de la Division organique 17 du Budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2016 annexé à ce décret (publié au Moniteur belge du 30 décembre 2015, deuxième édition).

Le 13 juillet 2016, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les juges-rapporteurs J.-P. Moerman et L. Lavrysen, en remplacement du juge A. Alen, légitimement empêché à cette date, ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de mettre fin à l'examen de l'affaire par un arrêt rendu sur procédure préliminaire. (...) II. En droit (...) B.1. La partie requérante, la SA de droit public « Proximus », demande l'annulation des articles 39 et 40 du décret de la Région wallonne du 17 décembre 2015 contenant le budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2016 et de l'article de base 36 01 90 de la Division organique 17 du Budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2016 annexé à ce décret.

B.2. L'article 39 du décret précité dispose : « Dans le décret-programme du 12 décembre 2014 portant des mesures diverses liées au budget en matière de calamité naturelle, de sécurité routière, de travaux publics, d'énergie, de logement, d'environnement, d'aménagement du territoire, de bien-être animal, d'agriculture et de fiscalité, l'article 149 est abrogé ».

L'article 40 du même décret dispose : « Dans le décret-programme du 12 décembre 2014 portant des mesures diverses liées au budget en matière de calamité naturelle, de sécurité routière, de travaux publics, d'énergie, de logement, d'environnement, d'aménagement du territoire, de bien-être animal, d'agriculture et de fiscalité, l'article 150 est remplacé par ce qui suit : ' § 1er. Les communes peuvent établir une taxe additionnelle à la taxe établie à l'article 144 frappant les mâts, pylônes ou antennes établis principalement sur leur territoire. § 2. La taxe additionnelle ne peut être l'objet d'aucune réduction, exemption ou exception. ' ».

Ces deux dispositions ont été publiées au Moniteur belge du 30 décembre 2015 et, en vertu de l'article 49 du décret attaqué du 17 décembre 2015, elles sont entrées en vigueur le 1er janvier 2016.

Quant aux deux moyens réunis B.3. La partie requérante prend deux moyens de la violation de l'article 170, §§ 2 et 4, de la Constitution (premier moyen) et des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec le principe de sécurité juridique ainsi qu'avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et le principe des droits de la défense (second moyen). Elle reproche en substance aux deux articles du décret qu'elle attaque, d'une part, de ne pas respecter les règles répartitrices de compétence en matière fiscale entre l'Etat et les régions et, d'autre part, de violer le principe d'égalité et de non-discrimination, en laissant subsister et ce, dans la mesure où les dispositions attaquées les modifient sans effet rétroactif, des règles qui avaient pourtant été annulées par la Cour.

B.4. Par son arrêt n° 78/2016 du 25 mai 2016, la Cour a annulé les articles 144 à 151 du décret-programme de la Région wallonne du 12 décembre 2014 « portant des mesures diverses liées au budget en matière de calamité naturelle, de sécurité routière, de travaux publics, d'énergie, de logement, d'environnement, d'aménagement du territoire, de bien-être animal, d'agriculture et de fiscalité » ainsi que l'article de base 36 01 90 de la Division organique 17 du Budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2015 annexé au décret de la Région wallonne du 11 décembre 2014 contenant le budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2015.

B.5. Les articles du décret du 12 décembre 2014 précité annulés par la Cour disposaient : «

Art. 144.Il est établi par la Région wallonne une taxe annuelle sur les mâts, pylônes ou antennes affectés à la réalisation, directement avec le public, d'une opération mobile de télécommunications par l'opérateur d'un réseau public de télécommunications.

Art. 145.La taxe est due par l'opérateur du mât, pylône ou antenne au 1er janvier de l'exercice d'imposition.

Si l'opérateur n'est pas le propriétaire du mât, pylône ou antenne, ce dernier est tenu solidairement au paiement de la taxe.

Art. 146.Le montant annuel de base de la taxe est fixé à 8.000 euros par site. Ce montant, est, à partir de l'exercice d'imposition 2015, indexé selon la formule suivante : Montant indexé = montant de base * (indice des prix à la consommation de janvier de l'exercice d'imposition/indice des prix à la consommation de janvier 2014).

On entend par site l'ensemble, indissociable sans travaux substantiels, formé par le mât, pylône ou antenne(s) et leurs équipements connexes, qu'un ou plusieurs opérateurs ont installé.

Les opérateurs qui partagent un site visé par la présente taxe sont tenus solidairement au paiement de la taxe.

Le montant de la taxe est annulé pour un site installé, mais non exploité effectivement.

Art. 147.Tout redevable de la taxe est tenu de déposer chaque année auprès de l'organe de taxation établi par le Gouvernement wallon, une déclaration établissant le nombre de sites installés, exploités, seul ou de manière partagée, par commune.

Art. 148.La déclaration, la procédure de taxation, les délais d'imposition et d'exigibilité, le recouvrement et les voies de recours sont établis conformément au décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales directes et à ses arrêtés d'exécution.

Art. 149.Il est fait interdiction aux communes de lever une taxe ayant le même objet.

Les règlements communaux portant sur une taxe ayant le même objet sont abrogés.

Art. 150.§ 1er. Par dérogation à l'article 150, les communes peuvent établir une taxe additionnelle de maximum cent centimes additionnels à la taxe établie à l'article 145 frappant les mâts, pylônes ou antennes visés à l'article 145 établis principalement sur leur territoire. § 2. La taxe additionnelle ne peut être l'objet d'aucune réduction, exemption ou exception.

Art. 151.§ 1er. Un pour cent du produit de la taxe additionnelle est retenu à titre de frais administratifs avant attribution du solde aux communes. § 2. Le Gouvernement détermine les modalités particulières d'attribution du produit de la taxe additionnelle aux communes ».

B.6. Par son arrêt n° 78/2016 précité, la Cour a jugé : « B.2. Il ressort des travaux préparatoires du décret-programme du 12 décembre 2014 que les dispositions attaquées visent à ' pérenniser ' la taxe sur les mâts, pylônes et antennes.

Selon l'exposé des motifs : ' Les mesures envisagées consistent à effectuer certaines modifications techniques suite à la sixième réforme de l'Etat, à supprimer l'éco malus pour les véhicules des personnes physiques et à pérenniser certains régimes mis en place lors d'exercices budgétaires antérieurs ' (Doc. parl., Parlement wallon, 2014-2015, n° 63/1, p. 2). ' Ces dispositions pérennisent [le] régime mis en place en matière de taxes sur les mâts, pylônes et antennes par le décret du 11 décembre 2013 contenant le budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2014 ' (ibid., p. 22).

B.3.1. Les dispositions attaquées sont, en effet, identiques aux articles 37 à 44 du décret de la Région wallonne du 11 décembre 2013 contenant le budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2014.

B.3.2. Il ressort des travaux préparatoires de ce décret que les articles 37 à 44 avaient pour objectif de faire bénéficier les communes du montant de la taxe régionale sur les mâts, pylônes ou antennes affectés à la réalisation, directement avec le public, d'une opération mobile de télécommunications par l'opérateur d'un réseau public de télécommunications.

Dans son exposé, le ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville précisait, en effet : ' A partir de 2014, l'enveloppe octroyée au Fonds des communes sera complétée d'une part communale de la recette liée à la taxation annuelle, par la Région wallonne, des éoliennes et des mâts, pylônes ou antennes affectés à la réalisation, directement avec le public, d'une opération mobile de télécommunications par l'opérateur d'un réseau public de télécommunications.

Pour rappel, conformément au principe de l'autonomie fiscale reconnue aux communes par l'article 170, § 4 de la Constitution, qui dispose que '' l'agglomération, la fédération des communes et la commune disposent d'une compétence fiscale autonome, sauf lorsque la loi a déterminé ou détermine ultérieurement les exceptions dont la nécessité est démontrée '', les communes lèvent aujourd'hui une taxe sur les mâts, pylônes affectés à un système global de communication mobile (G.S.M) ou tout autre système d'émission et/ou de réception de signaux de communication mobile.

Cette taxe est par ailleurs reprise dans la nomenclature des taxes autorisées par la circulaire budgétaire et un taux maximum recommandé y est renseigné.

Cependant, un contentieux important s'est développé au fil des années; on dénombre en effet de nombreux dossiers de contentieux en la matière, tant devant les juridictions civiles qu'administratives et les décisions qui en découlent sont majoritairement défavorables aux pouvoirs locaux. Cette situation n'est partant pas favorable aux finances communales (charges financières pour traitement des réclamations et contentieux judiciaire, dégrèvement, charges d'intérêts lors du remboursement des taxes,...).

Quant à la Région wallonne, en vertu de l'article 170, § 2 de la Constitution, elle dispose d'une compétence fiscale propre identique.

Elle est donc compétente, indépendamment de sa compétence matérielle, pour instaurer toute taxe, sous réserve des restrictions établies par la Constitution, la loi spéciale de financement des communautés et des régions et les lois prises en application de celles-ci.

Jusque récemment, une incertitude subsistait quant à la possibilité que laissaient les articles 97 et 98 de la loi du 21 mars 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/03/1991 pub. 09/01/2013 numac 2012000673 source service public federal interieur Loi portant réforme de certaines entreprises publiques économiques. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 21/03/1991 pub. 18/01/2016 numac 2015000792 source service public federal interieur Loi portant réforme de certaines entreprises publiques économiques. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer portant réforme de certaines entreprises publiques économiques, qui instaurent précisément une telle restriction en matière de télécommunications, de taxer les antennes utilisées par les opérateurs de réseau de téléphonie mobile. La Cour constitutionnelle, dans son arrêt 2011/189, a néanmoins dit pour droit que l'article 98, § 2, de la loi du 21 mars 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/03/1991 pub. 09/01/2013 numac 2012000673 source service public federal interieur Loi portant réforme de certaines entreprises publiques économiques. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 21/03/1991 pub. 18/01/2016 numac 2015000792 source service public federal interieur Loi portant réforme de certaines entreprises publiques économiques. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer portant réforme de certaines entreprises publiques économiques '' n'interdit pas aux communes de taxer, pour des motifs budgétaires ou autres, l'activité économique des opérateurs de télécommunications qui se matérialise sur le territoire de la commune par la présence sur le domaine public ou privé de pylônes, mâts ou antennes GSM affectés à cette activité. ''. Les communes peuvent donc en principe établir de telles taxes. La Cour de cassation a dans quatre arrêts du 30 mars 2012 fait sien l'enseignement de l'arrêt de la Cour constitutionnelle.

Ces arrêts s'appliquent par analogie à la Région wallonne.

Soucieux de garantir des recettes stables en faveur des Communes, le Gouvernement s'est prononcé au cours de ses travaux budgétaires quant à l'avenir de cette taxation contestée. Dès l'année budgétaire 2014, il s'agira dès lors de lever une taxe régionale sur les mâts, pylônes ou antennes affectés à la réalisation d'une opération mobile de télécommunications par l'opérateur d'un réseau public de télécommunications dont le bénéfice reviendra en partie à l'ensemble des communes grâce à des dotations spécifiques et des majorations du Fonds des communes.

Les communes, qui abandonneront la taxation locale des antennes GSM, ne subiront ainsi aucune perte de recettes à la suite de cet abandon de la taxe communale.

Le présent projet de décret instaure une taxe sur les mâts, pylônes ou antennes affectés à la réalisation d'une opération mobile de télécommunications par l'opérateur d'un réseau public de télécommunications, qui en constituent la matière imposable. [...] Enfin, les communes pourront établir une taxe additionnelle à la taxe régionale, de sorte que les taxes similaires qu'elles lèvent actuellement seront abolies.

Le nombre de sites d'émissions soumis à la taxe est estimé à 3 000 en Région wallonne, de sorte que le législateur escompte une recette initiale de 24 000 000 euros, qui rend possible, dès 2014, la majoration du Fonds des communes telle que prévue par ce projet de décret ' (Doc. parl., Parlement wallon, 2013-2014, Doc. 4 - V a, Doc. 4 - V bcd, n° 1, Annexe 5, pp. 3 à 5).

Lors de la séance plénière, le ministre des Pouvoirs locaux avait justifié la taxe litigieuse comme suit : ' Je conclurai en vous parlant - et j'espère ne pas avoir été trop long - de cette fameuse taxe sur les pylônes GSM. D'abord, un mot de contexte. A l'heure actuelle, je n'ai rien inventé, les communes prélèvent des taxes sur les mâts, pylônes GSM. Cette taxe est d'ailleurs reprise, et vous le savez, dans la nomenclature des taxes autorisées par la circulaire budgétaire.

On dénombre aujourd'hui 186 communes, [...] qui ont adopté un règlement taxe. Le budget estimé pour 2013 s'élève à un peu plus de 4 millions d'euros, tant les communes sont fatiguées d'aller en contentieux - ce qui coûte très cher - pour réclamer leur dû et tant les opérateurs, même parfois condamnés à payer, ne s'exécutent pas.

Je vous l'ai dit, il est apparu, au fil des années, un contentieux important en la matière, tant devant les juridictions civiles qu'administratives. Ces décisions sont largement ou majoritairement défavorables aux communes. Cette situation n'est pas favorable aux finances communales. Parce qu'elles ne perçoivent pas leurs recettes et parce qu'il y a des charges financières de traitement de réclamations, des contentieux judiciaires, des dégrèvements, des charges d'intérêts. Pourtant, la Cour constitutionnelle, dans un arrêt célèbre de 2011 - c'est l'arrêt 189 - a dit, pour droit, que les communes pouvaient légitimement percevoir cette taxe. La Cour de cassation a même confirmé cet enseignement de la Cour constitutionnelle, dans quatre arrêts.

De son côté, la Région wallonne, en vertu de l'article 170 de la Constitution, dispose bien d'une compétence en la matière. Donc, soucieuse à la fois de garantir - parce qu'il y a 10 millions d'euros prélevés par la grande caisse, ne nous en cachons pas - l'équilibre de son propre budget, mais voulant aussi donner un avenir aux finances communales, a repris la perception de cette taxe.

Pour lever toute équivoque, cette taxe fait aujourd'hui partie du décret budgétaire que nous vous proposons au vote; elle sera ensuite finalisée, pour les années à venir, dans un décret pérenne qui vous sera présenté dans quelques semaines. [...] Il est fait interdiction aux communes de lever une taxe similaire.

Vous avez dit que, à juste titre, nous n'en avions aucun droit et il y a eu des jugements devant le Conseil d'Etat qui ont plaidé en votre faveur lorsqu'une commune - étonnamment, je crois que c'est la Commune de Huy - avait querellé la circulaire budgétaire. La circulaire budgétaire, chaque année, nous la votons, nous l'envoyons aux communes. Croyez-moi, je ne verrais pas l'intérêt des communes d'aller en recours contre un mécanisme, qui leur garantit une recette, qui leur garantit un additionnel pour une recette qui est aujourd'hui, d'une part, incertaine et, d'autre [part], non perçue ' (Parlement wallon, 2013-2014, C.R.I. n° 7, séance plénière du 11 décembre 2013, pp. 95-96). [...] B.5. Le quatrième moyen dans l'affaire n° 6214 est pris de la violation, par les articles 144 à 151 du décret-programme attaqué ainsi que par l'article de base 36 01 90 de la Division organique 17 du Budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2015 annexé au décret de la Région wallonne du 11 décembre 2014, des articles 41, 162 et 170, §§ 2 et 4, de la Constitution. Selon la partie requérante, il ressort clairement des travaux préparatoires du décret de la Région wallonne du 11 décembre 2013, auxquels le législateur décrétal s'est référé pour adopter les décrets attaqués, que la finalité poursuivie par le législateur décrétal est de consolider en une taxe régionale des taxes qui étaient auparavant communales, afin de garantir aux communes, par le biais d'une redistribution via le Fonds des communes, des recettes stables que ne garantissaient pas les règlements-taxes communaux qui étaient majoritairement censurés par les juridictions civiles et administratives. Selon la partie requérante, ce moyen est de nature à entraîner l'annulation de l'ensemble des dispositions attaquées.

B.6.1. Les articles 41, alinéa 1er, première phrase, 162, alinéas 1er, 2, 2° et 6°, et 4, et 170, §§ 2 et 4, de la Constitution disposent : '

Art. 41.Les intérêts exclusivement communaux ou provinciaux sont réglés par les conseils communaux ou provinciaux, d'après les principes établis par la Constitution '. '

Art. 162.Les institutions provinciales et communales sont réglées par la loi.

La loi consacre l'application des principes suivants : [...] 2° l'attribution aux conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est d'intérêt provincial et communal, sans préjudice de l'approbation de leurs actes, dans les cas et suivant le mode que la loi détermine; [...] 6° l'intervention de l'autorité de tutelle ou du pouvoir législatif fédéral, pour empêcher que la loi ne soit violée ou l'intérêt général blessé. [...] En exécution d'une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, le décret ou la règle visée à l'article 134 règle les conditions et le mode suivant lesquels plusieurs provinces, plusieurs collectivités supracommunales ou plusieurs communes peuvent s'entendre ou s'associer. Toutefois, il ne peut être permis à plusieurs conseils provinciaux, à plusieurs conseils de collectivités supracommunales ou à plusieurs conseils communaux de délibérer en commun '. '

Art. 170.[...] § 2. Aucun impôt au profit de la communauté ou de la région ne peut être établi que par un décret ou une règle visée à l'article 134.

La loi détermine, relativement aux impositions visées à l'alinéa 1er, les exceptions dont la nécessité est démontrée. [...] § 4. Aucune charge, aucune imposition ne peut être établie par l'agglomération, par la fédération de communes et par la commune que par une décision de leur conseil.

La loi détermine, relativement aux impositions visées à l'alinéa 1er, les exceptions dont la nécessité est démontrée '.

B.6.2. La Cour n'est pas compétente pour contrôler les dispositions attaquées directement au regard des articles 41, alinéa 1er, première phrase, et 162, alinéas 1er, 2, 2° et 6°, et 4, de la Constitution.

Elle n'examine dès lors le moyen qu'en ce qu'il est pris de la violation de l'article 170 de la Constitution.

B.7. En vertu de l'article 170, § 2, de la Constitution, les régions disposent d'une compétence fiscale propre, sauf les exceptions que la loi a prévues ou qu'elle prévoit ultérieurement lorsque la nécessité est démontrée.

B.8. En vertu de l'article 170, § 4, alinéa 2, de la Constitution, la loi peut ' [déterminer] les exceptions dont la nécessité est démontrée ' à l'égard des impositions qui sont établies pour les besoins d'une commune.

Conformément à cette disposition, l'agglomération, la fédération des communes et la commune disposent d'une compétence fiscale autonome, sauf lorsque la loi a déterminé ou détermine ultérieurement les exceptions dont la nécessité est démontrée.

B.9.1. L'on peut déduire des travaux préparatoires de l'article 170 de la Constitution que le Constituant entendait, en adoptant la règle contenue à l'alinéa 2 de l'article 170, § 4, prévoir une ' sorte de mécanisme de défense ' de l'Etat ' à l'égard des autres niveaux de pouvoir, de manière à se réserver une matière fiscale propre ' (Doc. parl., Chambre, S.E. 1979, n° 10-8/4°, p. 4).

Cette règle a également été décrite par le Premier ministre comme un ' mécanisme régulateur ' : ' La loi doit être ce mécanisme régulateur et doit pouvoir déterminer quelle matière imposable est réservée à l'Etat. Si on ne le faisait pas, ce serait le chaos et cet imbroglio n'aurait plus aucun rapport avec un Etat fédéral bien organisé ou avec un Etat bien organisé tout court ' (Ann., Chambre, 22 juillet 1980, p. 2707. Voy. également : ibid., p. 2708; Ann., Sénat, 28 juillet 1980, pp. 2650-2651). ' Je tiens à souligner [...] que, dans ce nouveau système de répartition des compétences fiscales entre l'Etat, les communautés et les régions et institutions du même niveau, les provinces et les communes, c'est l'Etat qui a le dernier mot. C'est ce que j'appelle le mécanisme régulateur ' (Ann., Sénat, 28 juillet 1980, p. 2661).

B.9.2. Il découle de l'article 170, § 4, alinéa 2, de la Constitution que celui-ci réserve au législateur fédéral, en ce qui concerne les impôts communaux, les exceptions dont la nécessité est démontrée, de sorte que les régions ne peuvent adopter une réglementation qui aurait pour effet de restreindre le pouvoir des communes d'instaurer une taxe que si les conditions d'application de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles sont réunies.

Il est requis, à cette fin, que la réglementation adoptée soit nécessaire à l'exercice des compétences de la région, que la matière se prête à un régime différencié et que l'incidence des dispositions en cause sur cette matière ne soit que marginale.

B.10.1. L'article 149 du décret-programme attaqué ' fait interdiction aux communes de lever une taxe ayant le même objet ' et prévoit que ' les règlements communaux portant sur une taxe ayant le même objet sont abrogés '.

Cette disposition a ainsi pour objet et pour effet de supprimer en Région wallonne le pouvoir des communes de maintenir ou d'instaurer une taxe sur les mâts, pylônes ou antennes affectés à la réalisation, directement avec le public, d'une opération mobile de télécommunications par l'opérateur d'un réseau public de télécommunications.

B.10.2. Il ressort par ailleurs des travaux préparatoires cités en B.2 et en B.3.2 que par les dispositions attaquées, le législateur décrétal entendait ' lever une taxe régionale sur les mâts, pylônes ou antennes affectés à la réalisation d'une opération mobile de télécommunications par l'opérateur d'un réseau public de télécommunications dont le bénéfice reviendra en partie à l'ensemble des communes grâce à des dotations spécifiques et des majorations du Fonds des communes ' en vue ' de garantir des recettes stables en faveur des communes '. Cette nouvelle taxe régionale remplace donc les taxes communales qui, selon les mêmes travaux préparatoires, donnent lieu à un contentieux important qui n'est pas favorable aux finances communales. La taxe régionale est ainsi indissociablement liée à la suppression des taxes communales similaires et au versement d'une partie importante du produit de cette taxe aux communes. Les articles 144 à 151 du décret-programme attaqué forment donc un ensemble indivisible.

B.10.3. Par ces dispositions qui forment un ensemble indivisible, la Région wallonne entend dès lors substituer à des taxes communales existantes une taxe régionale ayant le même objet et rétrocéder ensuite le produit de cette taxe régionale aux communes via une majoration des recettes du Fonds des communes.

Compte tenu du système mis en place par les dispositions attaquées, les communes ne disposent plus de la possibilité de lever une taxe sur les mâts, pylônes ou antennes affectés à la réalisation d'une opération mobile de télécommunications par l'opérateur d'un réseau public de télécommunications. En limitant l'autonomie fiscale communale, le législateur décrétal porte atteinte à une compétence réservée au législateur fédéral par l'article 170, § 4, alinéa 2, de la Constitution.

B.11. La Cour doit encore examiner si les conditions d'application de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles sont remplies.

Abstraction faite de la question de savoir s'il existe un lien de rattachement avec une compétence régionale, le Gouvernement wallon n'expose pas, et il n'apparaît pas que les articles attaqués soient nécessaires à l'exercice d'une compétence régionale.

B.12. Il s'ensuit que le quatrième moyen dans l'affaire n° 6214 est fondé et que les articles 144 à 151 du décret-programme attaqué ainsi que l'article de base 36 01 90 de la Division organique 17 du Budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2015 annexé au décret de la Région wallonne du 11 décembre 2014 qui sont indissociablement liés doivent être annulés ».

B.7. L'article 39 attaqué abroge l'article 149 du décret du 12 décembre 2014 qui a été annulé par la Cour par son arrêt n° 78/2016.

L'article 40 attaqué remplace, dans les termes cités en B.2, l'article 150 du même décret qui a lui aussi été annulé par le même arrêt.

Les dispositions attaquées forment un tout indivisible avec les dispositions du décret-programme du 12 décembre 2014 annulées par la Cour par son arrêt précité.

B.8. Il s'ensuit que pour les mêmes motifs que ceux qui ont justifié l'annulation des articles 144 à 151 du décret de la Région wallonne du 12 décembre 2014, les moyens invoqués sont fondés et que les articles 39 et 40 du décret de la Région wallonne du 17 décembre 2015 contenant le budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2016 ainsi que l'article de base 36 01 90 de la Division organique 17 du Budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2016 annexé à ce décret doivent être annulés.

Par ces motifs, la Cour annule les articles 39 et 40 du décret de la Région wallonne du 17 décembre 2015 contenant le budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2016 et l'article de base 36 01 90 de la Division organique 17 du Budget des recettes de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2016 annexé à ce décret.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 novembre 2016.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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