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Arrêt
publié le 12 août 2016

Extrait de l'arrêt n° 94/2016 du 16 juin 2016 Numéro du rôle : 6157 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 127, § 1 er , alinéa 1 er , 8°, et § 3, et à l'article 181, alinéa 1 er , 5°, e La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. (...)

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Extrait de l'arrêt n° 94/2016 du 16 juin 2016 Numéro du rôle : 6157 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 8°, et § 3, et à l'article 181, alinéa 1er, 5°, et alinéa 4, du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme, du Patrimoine et de l'Energie, posée par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 230.075 du 2 février 2015 en cause de Raoul Thybaut et autres contre la Région wallonne, parties intervenantes : la commune d'Orp-Jauche et la SA « Bodymat », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 12 février 2015, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « - L'article 127, § 1er, alinéa 1er, 8°, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, du patrimoine et de l'énergie (' CWATUPE '), tel qu'inséré par l'article 4 du décret wallon du 1er juin 2006 modifiant les articles 4, 111 et 127 du Code wallon de l'Aménagement du territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine, - l'article 127, § 3, du même code, tel que modifié par l'article 4 du décret du 1er juin 2006 précité et remplacé par l'article 16 du décret wallon du 20 septembre 2007 modifiant les articles 1er, 4, 25, 33, 34, 42, 43, 44, 46, 49, 51, 52, 58, 61, 62, 127, 175 et 181 du Code wallon de l'Aménagement du territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine et y insérant l'article 42bis et modifiant les articles 1er, 4 et 10 du décret du 11 mars 2004 relatif aux infrastructures d'accueil des activités économiques et y insérant les articles 1erbis, 1erter, 2bis et 9bis, - et l'article 181, alinéa 1er, 5°, et alinéa 4, du même code, tel qu'insérés par l'article 18 du décret du 20 septembre 2007 précité, lus en combinaison violent-ils les articles 10, 11 et 23 de la Constitution, en particulier le principe de standstill inhérent au droit à la protection d'un environnement sain : 1. en ce qu'ils permettent, pour des permis relatifs aux immeubles qui sont situés à l'intérieur d'un périmètre de remembrement urbain : - de s'écarter du plan de secteur, du plan communal d'aménagement, du règlement communal d'urbanisme et du plan d'alignement sans devoir respecter les conditions prévues, notamment, par les articles 110 à 114 du CWATUPE; - de déclarer d'utilité publique l'expropriation des biens immobiliers compris au sein d'un périmètre de remembrement urbain et de rendre applicables à ces expropriations les alinéas 3 à 6 de l'article 58 du CWATUPE; a fortiori en ce que cela peut valoir aussi pour les permis relatifs à des immeubles situés à l'intérieur du périmètre mais non concernés par le projet d'urbanisme visé par l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 8° ? 2. en ce qu'ils permettent que les propriétaires de parcelles situées à l'intérieur du périmètre de remembrement urbain et les propriétaires de parcelles situées autour de ce périmètre soient traités différemment en ce que les premiers sont soumis à un régime d'octroi des permis d'urbanisme (prévu à l'article 127 du CWATUPE) différent du régime classique (prévu aux articles 107 et s.du CWATUPE) et ce, pour une durée définie de manière vague et imprécise (article 127, § 1er, [alinéa 1er,] 8° in fine du CWATUPE) et même pour des permis n'ayant aucun rapport avec le projet d'urbanisme visé par le périmètre de remembrement urbain ? ». (...) III. En droit (...) Quant aux dispositions en cause et à la question préjudicielle B.1.1. L'article 127, § 1er, alinéa 1er, 8°, du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, du Patrimoine et de l'Energie (CWATUPE), tel qu'il a été inséré par l'article 4 du décret de la Région wallonne du 1er juin 2006 « modifiant les articles 4, 111 et 127 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine », dispose : « Par dérogation aux articles 88, 89, 107 et 109, le permis est délivré par le Gouvernement ou le fonctionnaire délégué : [...] 8° lorsqu'il concerne des actes et travaux situés dans un périmètre de remembrement urbain;le périmètre est arrêté par le Gouvernement, d'initiative ou sur la proposition du conseil communal ou du fonctionnaire délégué; sauf lorsqu'il propose le périmètre, le conseil communal transmet son avis dans le délai de quarante-cinq jours à dater de la demande du fonctionnaire délégué; à défaut, l'avis est réputé favorable; lorsque l'avis est défavorable, la procédure n'est pas poursuivie; le périmètre vise tout projet d'urbanisme de requalification et de développement de fonctions urbaines qui nécessite la création, la modification, l'élargissement, la suppression ou le surplomb de la voirie par terre et d'espaces publics; le projet de périmètre et l'évaluation des incidences relatives au projet d'urbanisme sont soumis préalablement aux mesures particulières de publicité et à la consultation de la commission communale, si elle existe, selon les modalités visées à l'article 4; le collège des bourgmestre et échevins transmet son avis dans le délai de septante jours à dater de la réception de la demande du fonctionnaire délégué; à défaut, l'avis est réputé favorable; au terme de la réalisation du projet ou sur la proposition du conseil communal ou du fonctionnaire délégué, le Gouvernement abroge ou modifie le périmètre; l'arrêté qui établit, modifie ou abroge le périmètre est publié par mention au Moniteur belge ».

L'article 127, § 3, du même Code, tel qu'il a été modifié par l'article 4 du décret du 1er juin 2006 précité et remplacé par l'article 16 du décret de la Région wallonne du 20 septembre 2007 « modifiant les articles 1er, 4, 25, 33, 34, 42, 43, 44, 46, 49, 51, 52, 58, 61, 62, 127, 175 et 181 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine et y insérant l'article 42bis et modifiant les articles 1er, 4 et 10 du décret du 11 mars 2004 relatif aux infrastructures d'accueil des activités économiques et y insérant les articles 1erbis, 1erter, 2bis et 9bis », dispose : « Pour autant que la demande soit préalablement soumise aux mesures particulières de publicité déterminées par le Gouvernement ainsi qu'à la consultation obligatoire visée à l'article 4, alinéa 1er, 3°, lorsqu'il s'agit d'actes et travaux visés au § 1er, alinéa 1er, 1°, 2°, 4°, 5°, 7° et 8°, et qui soit respectent, soit structurent, soit recomposent les lignes de force du paysage, le permis peut être accordé en s'écartant du plan de secteur, d'un plan communal d'aménagement, d'un règlement communal d'urbanisme ou d'un plan d'alignement ».

Les alinéas 1er, 5°, et 4 de l'article 181 du même Code, tels qu'ils ont été insérés par l'article 18, respectivement 1° et 2°, du décret du 20 septembre 2007, précité disposent : « Le Gouvernement peut décréter d'utilité publique l'expropriation de biens immobiliers compris : [...] ' 5° dans un périmètre de remembrement urbain '; [...] Dans un périmètre de remembrement urbain, nonobstant l'absence d'un plan communal d'aménagement, il peut être fait application de l'article 58, alinéas 3 à 6 ».

L'article 58, alinéas 3 à 6, du même Code dispose : « Peuvent agir comme pouvoir expropriant : la Région, les provinces, les communes, les régies communales autonomes, les intercommunales ayant dans leur objet social l'aménagement du territoire ou le logement et les établissements publics et organismes habilités par la loi ou le décret à exproprier pour cause d'utilité publique.

Lorsque l'expropriation envisagée a pour but de réaliser l'aménagement d'une partie du territoire destinée au permis de lotir ou permis d'urbanisation en vue de la construction d'immeubles à l'usage d'habitation ou de commerce, le propriétaire ou les propriétaires possédant en superficie plus de la moitié des terrains repris dans ce territoire, sont en droit de demander à être chargés, dans les délais et conditions fixés par le pouvoir expropriant et pour autant qu'ils justifient des ressources nécessaires, de l'exécution des travaux que postule cet aménagement, ainsi que des opérations de relotissement et de remembrement.

Cette demande doit, à peine de forclusion, être introduite dans les trois mois de la publication au Moniteur belge de l'arrêté du Gouvernement approuvant le plan d'expropriation.

Lorsque l'expropriation a pour but d'organiser l'aménagement d'une partie du territoire affecté à une destination particulière en vertu de l'article 49, alinéa 1er, 2°, le ou les propriétaires peuvent, dans les conditions fixées ci-avant, demander à être chargés de l'exécution des travaux d'aménagement ».

B.1.2. Les articles 110 à 114 du même Code, qui figurent dans la section 2 « Des dérogations », disposent : « Sous-section 1ère - Des dérogations au plan de secteur

Art. 110.En dehors des zones d'extraction, peut être autorisé pour une durée limitée, sur avis de la Commission visée à l'article 5, l'établissement destiné à l'extraction ou à la valorisation de roches ornementales à partir d'une carrière ayant été exploitée et nécessaire à un chantier de rénovation, de transformation, d'agrandissement ou de reconstruction d'un immeuble dans le respect du site bâti.

Art. 111.Les constructions, les installations ou les bâtiments existant avant l'entrée en vigueur du plan de secteur ou qui ont été autorisés, dont l'affectation actuelle ou future ne correspond pas aux prescriptions du plan de secteur peuvent faire l'objet de travaux de transformation, d'agrandissement ou de reconstruction. Les modules de production d'électricité ou de chaleur qui alimentent directement ces constructions, installations ou bâtiments, situés sur le même bien immobilier et dont la source d'énergie est exclusivement d'origine solaire, peuvent être autorisés, en ce compris lorsqu'ils sont implantés de manière isolée.

Pour des besoins économiques ou touristiques, les bâtiments et installations ou ensembles de bâtiments et installations qui forment une unité fonctionnelle peuvent faire l'objet de travaux de transformation ou d'agrandissement impliquant une dérogation à l'affectation d'une zone contiguë, à l'exclusion des zones naturelles, des zones de parcs et des périmètres de point de vue remarquable.

Aux fins de production d'électricité ou de chaleur, peuvent être autorisés dans une zone contiguë les modules qui alimentent directement toute construction, installation ou tout bâtiment situé sur le même bien immobilier, conformes au plan de secteur et dont la source d'énergie est exclusivement d'origine solaire.

La construction, l'installation ou le bâtiment tel que transformé, agrandi ou reconstruit ainsi que le module de production d'électricité ou de chaleur doivent soit respecter, soit structurer, soit recomposer les lignes de force du paysage.

Art. 112.A l'exclusion des zones naturelles, des zones de parcs et des périmètres de point de vue remarquable, un permis d'urbanisme peut être octroyé dans une zone du plan de secteur qui n'est pas compatible avec l'objet de la demande pour autant que : 1° le terrain soit situé entre deux habitations construites avant l'entrée en vigueur du plan de secteur et distantes l'une de l'autre de 100 mètres maximum;2° ce terrain et ces habitations soient situés à front de voirie et du même côté d'une voie publique suffisamment équipée en eau, électricité et égouttage, pourvue d'un revêtement solide et d'une largeur suffisante, compte tenu de la situation des lieux;3° les constructions, transformations, agrandissements ou reconstructions s'intègrent au site bâti ou non bâti et ne compromettent pas l'aménagement de la zone. Toutefois, aucun permis ne peut être délivré pour des terrains situés à front de voies publiques divisées en quatre bandes de circulation au moins.

Sous-section 2 - Des autres dérogations

Art. 113.Pour autant que les actes et travaux projetés soit respectent, soit structurent, soit recomposent les lignes de force du paysage, un permis d'urbanisme peut être octroyé en dérogation : 1° aux prescriptions d'un règlement régional d'urbanisme, d'un règlement communal d'urbanisme, d'un plan communal d'aménagement ou aux prescriptions ayant valeur réglementaire d'un permis de lotir, dans une mesure compatible avec la destination générale de la zone considérée et les options urbanistique ou architecturale;2° à l'option architecturale d'ensemble ou aux prescriptions relatives aux constructions et à leurs abords, ayant valeur réglementaire, d'un permis d'urbanisation, dans une mesure compatible avec son option urbanistique. Dans les mêmes conditions, un permis d'urbanisation peut être octroyé en dérogation aux prescriptions d'un règlement régional d'urbanisme, d'un règlement communal d'urbanisme ou d'un plan communal d'aménagement.

Sous-section 3 - Des dispositions communes

Art. 114.Pour toute demande de permis qui implique l'application des dispositions de la présente section, une ou plusieurs dérogations peuvent être accordées, à titre exceptionnel, pour autant que la demande soit préalablement soumise aux mesures particulières de publicité déterminées par le Gouvernement ainsi qu'à la consultation visée à l'article 4, alinéa 1er, 3°.

Sur avis préalable du fonctionnaire délégué, le collège communal accorde toute dérogation qui porte exclusivement sur les prescriptions d'un règlement communal d'urbanisme, d'un plan communal d'aménagement ou d'un permis de lotir ainsi qu'aux prescriptions d'un permis d'urbanisation visées à l'article 88, § 3, 3°, sauf lorsque la demande porte sur des actes et travaux visés à l'article 127, § 1er.

Dans les autres cas, toute dérogation est accordée par le Gouvernement ou le fonctionnaire délégué ».

B.2. Le Conseil d'Etat demande à la Cour si les dispositions visées en B.1.1 violent les articles 10, 11 et 23 de la Constitution, en particulier le principe de standstill inhérent au droit à la protection d'un environnement sain. Dans une première branche, la juridiction a quo interroge la Cour sur le point de savoir s'il est conforme aux dispositions constitutionnelles susvisées que, pour des permis relatifs aux immeubles qui sont situés à l'intérieur d'un périmètre de remembrement urbain (ci-après : PRU), l'on puisse s'écarter du plan de secteur, du plan communal d'aménagement, du règlement communal d'urbanisme et du plan d'alignement, sans devoir respecter les conditions prévues, notamment, par les articles 110 à 114 du CWATUPE. Le Conseil d'Etat interroge encore la Cour sur la compatibilité avec les dispositions constitutionnelles susvisées de la possibilité de déclarer d'utilité publique l'expropriation des biens immobiliers compris au sein d'un PRU et de l'application à ces expropriations des alinéas 3 à 6 de l'article 58 du CWATUPE, et ce, a fortiori, en ce que cela peut aussi valoir pour des permis relatifs à des immeubles situés dans le PRU qui ne sont pas concernés par le projet d'urbanisme visé par l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 8°.

Dans une seconde branche, le Conseil d'Etat demande à la Cour de se prononcer sur la constitutionnalité des dispositions en cause en ce qu'elles permettent de traiter différemment les propriétaires de parcelles situées à l'intérieur du PRU et les propriétaires de parcelles situées autour de ce PRU, les premiers étant soumis à un régime d'octroi des permis d'urbanisme différent du régime classique applicable aux seconds et ce, pour une durée définie de manière vague et imprécise, et même pour des permis n'ayant aucun rapport avec le projet d'urbanisme visé par le PRU. Quant au fond B.3. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.4. L'article 23, alinéa 1er, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.

A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.

Ces droits comprennent notamment : [...] 4° le droit à la protection d'un environnement sain ». Cette disposition contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire sensiblement le niveau de protection offert par la législation applicable, sans qu'existent pour ce faire des motifs d'intérêt général.

B.5. Toute mesure en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire n'a pas ipso facto une incidence sur le droit à un environnement sain, au sens de l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution. En l'espèce, il peut toutefois être admis que les dispositions en cause, qui portent sur la réalisation de projets urbains qui pourraient avoir des implications importantes pour les riverains et pour l'espace public, ont une portée qui entre au moins partiellement dans le champ d'application de l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution.

B.6. Il découle des dispositions en cause que les conséquences juridiques de l'adoption d'un PRU sont triples : 1) c'est le Gouvernement ou le fonctionnaire délégué, et non pas le collège communal, qui est compétent pour l'octroi de permis relatifs à des actes et travaux dans la zone géographique comprise dans le périmètre;2) les actes et travaux situés dans ce périmètre peuvent bénéficier du régime de dérogation aux prescriptions urbanistiques prévu par l'article 127, § 3, du CWATUPE;3) le Gouvernement peut décréter d'utilité publique l'expropriation de biens immobiliers compris dans un PRU, conformément aux règles inscrites à l'article 58, alinéas 3 à 6, du CWATUPE. B.7. A la suite de l'arrêt n° 137/2006 du 14 septembre 2006, par lequel la Cour a annulé l'article 55 du décret-programme de la Région wallonne du 3 février 2005 de relance économique et de simplification administrative, le Gouvernement wallon a proposé de modifier l'article 34 du CWATUPE mais également de « consolider » les paragraphes 1er et 3 de l'article 127 en précisant que l'écartement des prescriptions urbanistiques ne peut intervenir qu'à titre exceptionnel. C'est également à cette occasion qu'il a été proposé d'étendre au PRU la possibilité de décréter d'utilité publique l'expropriation de biens immobiliers.

Le projet de décret concerné a abouti au décret du 20 septembre 2007, lequel, cependant, n'a pas ajouté la précision « à titre exceptionnel » à l'article 127, § 3, du CWATUPE. B.8.1. Tel qu'il a été modifié par les décrets du 1er juin 2006 et du 20 septembre 2007 précités, l'article 127, § 3, du CWATUPE multiplie les cas dans lesquels il est possible d'obtenir une dérogation au plan de secteur, à un plan communal d'aménagement, à un règlement communal d'urbanisme ou à un plan d'alignement, de telle sorte que la portée des prescriptions qui s'attachent aux zones concernées par un PRU s'en trouve amoindrie.

De plus, à la différence de l'article 114 du CWATUPE qui s'applique aux dérogations au plan de secteur prévues par les articles 110, 111 et 112 du CWATUPE, cette disposition ne précise pas que les dérogations au plan de secteur qu'elle autorise ne peuvent être accordées qu'à titre exceptionnel.

Il n'est pas nécessaire, pour répondre à la question préjudicielle posée à la Cour, de se demander si le PRU doit être considéré comme un plan ou un programme au sens de l'article 2 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, ni, le cas échéant, s'il s'agit dans l'affaire devant le juge a quo d'un plan ou programme qui détermine l'utilisation d'une petite zone au niveau local au sens de l'article 3, alinéa 3, de cette directive.

La disposition en cause constitue dès lors une réduction sensible du niveau de protection de l'environnement sain des personnes dont l'environnement peut être affecté par la délivrance d'un permis d'urbanisme portant sur des actes et travaux situés dans une zone à laquelle s'applique la prescription visée à l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 8°, du CWATUPE. B.8.2. L'exposé des motifs du projet devenu le décret du 1er juin 2006, qui a introduit le 8° dans l'article 127, § 1er, alinéa 1er, du CWATUPE, justifie le PRU comme suit : « De la même manière, il est proposé de répondre aux principes consacrés dans la Déclaration de politique régionale du Gouvernement qui visent le recentrage des activités et la valorisation des zones urbanisées en insérant, dans le même article 127 du Code, la notion de périmètre de remembrement urbain.

Cette notion de remembrement urbain se distingue du remembrement et du relotissement visés à l'article 72 du Code en ce qu'elle découle directement des implications du projet sur l'espace public et de la nécessité d'apporter des modifications importantes aux voies de communication, que ce soit la route, le fer ou l'eau.

Défini en complémentarité ou non d'un périmètre de revitalisation, le périmètre de remembrement urbain que le Gouvernement est habilité à arrêter, vise la réalisation de projets urbains qui, en raison même de leur taille, ne peuvent être conçus sans une intervention active des pouvoirs publics, au titre de gestionnaires de la voirie. Ainsi, peut-il en aller de projets qui impliquent d'importantes modifications à la voirie et au domaine public en général, un accroissement de ce dernier, ou qui sont de nature, vu leur envergure et leur complexité, à ne pas avoir été envisagés dans des documents d'aménagement du territoire et d'urbanisme, qu'ils soient à valeur indicative ou réglementaire.

Par la simplification administrative qui découle de l'application de l'article 127 du Code, la disposition en projet vise à encourager toute relance économique dans le domaine de l'investissement immobilier en centre urbain, c'est-à-dire la requalification et le développement des fonctions urbaines, au sens de ce qui peut s'implanter en zone d'habitat, à savoir principalement le logement, les fonctions de commerce et de service, les établissements socioculturels, les complexes hôteliers ou encore les activités récréatives et de loisirs » (Doc. parl., Parlement wallon, 2005-2006, n° 354-1, p.3).

B.8.3. Destiné à requalifier et à développer des fonctions urbaines, au sens de ce qui peut s'implanter en zone d'habitat, le PRU a naturellement vocation à être utilisé dans des zones principalement affectées à l'habitat, de sorte que les dérogations éventuelles aux plans de secteur ne pourront être que marginales. De plus, comme la Cour l'a déjà indiqué dans son arrêt n° 87/2007 du 20 juin 2007 à propos du même article 127 du CWATUPE, la délivrance des permis reste en principe soumise aux règles applicables aux zones concernées. Des dispositions dérogatoires doivent s'interpréter de manière restrictive et leur application doit être dûment motivée.

B.8.4. Le PRU a pour seul objet de déterminer un périmètre, c'est-à-dire le contour d'une zone géographique susceptible de voir se réaliser un projet d'urbanisme, lequel devra, en tous les cas, faire l'objet d'un permis d'urbanisme ou de permis uniques qui nécessitent une évaluation des incidences.

B.8.5. La différence de traitement entre les propriétaires selon que leur parcelle est située à l'intérieur ou à l'extérieur du PRU n'est pas dénuée de justification raisonnable. A cet égard, il convient de souligner que l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 8°, dispose que la procédure n'est pas poursuivie si l'avis du conseil communal est défavorable, que le périmètre doit viser un projet d'urbanisme de requalification et de développement de fonctions urbaines et que le projet de périmètre et l'évaluation des incidences relatives au projet d'urbanisme qu'il vise sont soumis au préalable aux mesures particulières de publicité et à la consultation de la commission communale.

Quant aux dispositions dérogatoires autorisées par l'article 127, § 3, elles doivent s'interpréter de manière restrictive et leur application doit être dûment motivée, et ce, quand bien même le législateur décrétal n'a pas inscrit dans la disposition en cause, s'agissant des permis accordés en application d'un PRU, que c'est à titre exceptionnel que ces dérogations peuvent être consenties.

B.8.6. Il ressort de ce qui précède que des motifs d'intérêt général justifient la disposition en cause, de sorte que la réduction du niveau de protection de l'environnement qu'elle entraîne n'est pas incompatible avec l'article 23, alinéas 1er, 2 et 3, 4°, de la Constitution.

B.9. Il en est de même s'agissant de la faculté donnée au Gouvernement par l'article 181 du CWATUPE de déclarer d'utilité publique l'expropriation de biens situés à l'intérieur du PRU. Il convient de rappeler que le PRU concerne des projets d'urbanisme qui nécessitent la création, la modification, l'élargissement ou la suppression de la voirie par terre et d'espaces publics, de sorte que le projet d'urbanisme qui se développera au sein du PRU, une fois adopté, nécessitera régulièrement l'acquisition, par les pouvoirs publics, des terrains nécessaires à l'édification de ces infrastructures. Pareille faculté, qui doit être exercée dans le respect de l'article 16 de la Constitution et de l'article 79, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, n'est pas en soi susceptible d'entraîner une réduction sensible du niveau de protection de l'environnement. Il appartiendra au juge compétent d'apprécier dans chaque cas d'espèce si l'expropriation décrétée répond aux motifs d'utilité publique.

B.10. Concernant les autres différences de traitement soulevées dans la question préjudicielle, l'article 58, alinéa 4, du CWATUPE laisse à n'importe quel auteur d'un projet immobilier qui possède plus de la moitié des terrains repris dans un PRU le droit de demander d'être chargé de l'exécution des travaux d'utilité publique situés dans ce PRU. Cette disposition est raisonnablement justifiée au regard des objectifs du PRU rappelés en B.8.2. En outre, cette demande doit être introduite au plus tard dans les trois mois de la publication au Moniteur belge de l'arrêté d'expropriation, ce qui implique qu'à cet égard, il ne peut être reproché à la disposition en cause de ne pas prévoir de terme ou de permettre que soient introduites des demandes sans limite dans le temps.

Pour le surplus, il est raisonnablement justifié que les propriétaires de terrains situés dans un PRU puissent être soumis à d'autres règles en matière de permis que celles applicables aux propriétaires de parcelles situées à l'extérieur de ce périmètre, et ce à peine de rendre impossible la mise en oeuvre du projet d'urbanisme qui justifie qu'un PRU soit arrêté.

B.11. Sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.8.5, alinéa 2, la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.8.5, alinéa 2, l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 8°, du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme, du Patrimoine et de l'Energie, tel qu'il a été inséré par l'article 4 du décret de la Région wallonne du 1er juin 2006 « modifiant les articles 4, 111 et 127 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine », l'article 127, § 3, du même Code, tel qu'il a été modifié par l'article 4 du décret du 1er juin 2006 précité et remplacé par l'article 16 du décret de la Région wallonne du 20 septembre 2007 « modifiant les articles 1er, 4, 25, 33, 34, 42, 43, 44, 46, 49, 51, 52, 58, 61, 62, 127, 175 et 181 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine et y insérant l'article 42bis et modifiant les articles 1er, 4 et 10 du décret du 11 mars 2004 relatif aux infrastructures d'accueil des activités économiques et y insérant les articles 1erbis, 1erter, 2bis et 9bis », et les alinéas 1er, 5°, et 4 de l'article 181 du même Code, tels qu'ils ont été insérés par l'article 18, respectivement 1° et 2°, du décret du 20 septembre 2007 précité, lus en combinaison, ne violent pas les articles 10, 11 et 23 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 16 juin 2016.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, J. Spreutels

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