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Arrêt
publié le 06 janvier 2016

Extrait de l'arrêt n° 153/2015 du 29 octobre 2015 Numéros du rôle : 6030, 6033 et 6034 En cause : les recours en annulation de la loi du 28 février 2014 modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie, en vue d'étendre l'euthanasie au La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De G(...)

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06/01/2016
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Extrait de l'arrêt n° 153/2015 du 29 octobre 2015 Numéros du rôle : 6030, 6033 et 6034 En cause : les recours en annulation de la loi du 28 février 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/02/2014 pub. 12/03/2014 numac 2014009093 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie, en vue d'étendre l'euthanasie aux mineurs type loi prom. 28/02/2014 pub. 19/11/2014 numac 2014000800 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie, en vue d'étendre l'euthanasie aux mineurs. - Traduction allemande fermer modifiant la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer relative à l'euthanasie, en vue d'étendre l'euthanasie aux mineurs, introduits par l'ASBL « Jurivie » et l'ASBL « Pro Vita », par Raymond Elsen et Lucien Borkes et par l'ASBL « Jeunes pour la Vie ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 9 septembre 2014 et parvenue au greffe le 11 septembre 2014, un recours en annulation de la loi du 28 février 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/02/2014 pub. 12/03/2014 numac 2014009093 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie, en vue d'étendre l'euthanasie aux mineurs type loi prom. 28/02/2014 pub. 19/11/2014 numac 2014000800 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie, en vue d'étendre l'euthanasie aux mineurs. - Traduction allemande fermer modifiant la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer relative à l'euthanasie, en vue d'étendre l'euthanasie aux mineurs (publiée au Moniteur belge du 12 mars 2014), a été introduit par l'ASBL « Jurivie » et l'ASBL « Pro Vita », assistées et représentées par Me F.Krenc, avocat au barreau de Bruxelles. b. Par deux requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste le 12 septembre 2014 et parvenues au greffe le 15 septembre 2014, des recours en annulation de la même loi ont été introduits respectivement par Raymond Elsen et Lucien Borkes, assistés et représentés par Me H.Coveliers, avocat au barreau d'Anvers, et par l'ASBL « Jeunes pour la Vie », assistée et représentée par Me B. Van Weerdt, avocat au barreau d'Anvers.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 6030, 6033 et 6034 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer relative à l'euthanasie, telle qu'elle a été modifiée par la loi attaquée B.1.1. Les recours dans les affaires nos 6030, 6033 et 6034 sont dirigés contre la loi du 28 février 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/02/2014 pub. 12/03/2014 numac 2014009093 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie, en vue d'étendre l'euthanasie aux mineurs type loi prom. 28/02/2014 pub. 19/11/2014 numac 2014000800 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie, en vue d'étendre l'euthanasie aux mineurs. - Traduction allemande fermer « modifiant la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer relative à l'euthanasie, en vue d'étendre l'euthanasie aux mineurs ».

B.1.2. La loi attaquée modifie la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer relative à l'euthanasie, qui dispose, par suite de ces modifications : «

Article 1er.La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution. CHAPITRE I. - Dispositions générales

Art. 2.Pour l'application de la présente loi, il y a lieu d'entendre par euthanasie l'acte, pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci. CHAPITRE II. - Des conditions et de la procédure

Art. 3.§ 1er. Le médecin qui pratique une euthanasie ne commet pas d'infraction s'il s'est assuré que : - le patient est majeur ou mineur émancipé, capable ou encore mineur doté de la capacité de discernement et est conscient au moment de sa demande; - la demande est formulée de manière volontaire, réfléchie et répétée, et qu'elle ne résulte pas d'une pression extérieure; - le patient majeur ou mineur émancipé se trouve dans une situation médicale sans issue et fait état d'une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable; - le patient mineur doté de la capacité de discernement se trouve dans une situation médicale sans issue de souffrance physique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui entraîne le décès à brève échéance, et qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable; et qu'il respecte les conditions et procédures prescrites par la présente loi. § 2. Sans préjudice des conditions complémentaires que le médecin désirerait mettre à son intervention, il doit, préalablement et dans tous les cas : 1° informer le patient de son état de santé et de son espérance de vie, se concerter avec le patient sur sa demande d'euthanasie et évoquer avec lui les possibilités thérapeutiques encore envisageables ainsi que les possibilités qu'offrent les soins palliatifs et leurs conséquences.Il doit arriver, avec le patient, à la conviction qu'il n'y a aucune autre solution raisonnable dans sa situation et que la demande du patient est entièrement volontaire; 2° s'assurer de la persistance de la souffrance physique ou psychique du patient et de sa volonté réitérée.A cette fin, il mène avec le patient plusieurs entretiens, espacés d'un délai raisonnable au regard de l'évolution de l'état du patient; 3° consulter un autre médecin quant au caractère grave et incurable de l'affection, en précisant les raisons de la consultation.Le médecin consulté prend connaissance du dossier médical, examine le patient et s'assure du caractère constant, insupportable et inapaisable de la souffrance physique ou psychique. Il rédige un rapport concernant ses constatations.

Le médecin consulté doit être indépendant, tant à l'égard du patient qu'à l'égard du médecin traitant et être compétent quant à la pathologie concernée. Le médecin traitant informe le patient concernant les résultats de cette consultation; 4° s'il existe une équipe soignante en contact régulier avec le patient, s'entretenir de la demande du patient avec l'équipe ou des membres de celle-ci;5° si telle est la volonté du patient, s'entretenir de sa demande avec les proches que celui-ci désigne;6° s'assurer que le patient a eu l'occasion de s'entretenir de sa demande avec les personnes qu'il souhaitait rencontrer;7° en outre, lorsque le patient est mineur non émancipé, consulter un pédopsychiatre ou un psychologue, en précisant les raisons de cette consultation. Le spécialiste consulté prend connaissance du dossier médical, examine le patient, s'assure de la capacité de discernement du mineur, et l'atteste par écrit.

Le médecin traitant informe le patient et ses représentants légaux du résultat de cette consultation.

Le médecin traitant s'entretient avec les représentants légaux du mineur en leur apportant toutes les informations visées au § 2, 1°, et s'assure qu'ils marquent leur accord sur la demande du patient mineur. § 3. Si le médecin est d'avis que le décès du patient majeur ou mineur émancipé n'interviendra manifestement pas à brève échéance, il doit, en outre : 1° consulter un deuxième médecin, psychiatre ou spécialiste de la pathologie concernée, en précisant les raisons de la consultation.Le médecin consulté prend connaissance du dossier médical, examine le patient, s'assure du caractère constant, insupportable et inapaisable de la souffrance physique ou psychique et du caractère volontaire, réfléchi et répété de la demande. Il rédige un rapport concernant ses constatations. Le médecin consulté doit être indépendant tant à l'égard du patient qu'à l'égard du médecin traitant et du premier médecin consulté. Le médecin traitant informe le patient concernant les résultats de cette consultation; 2° laisser s'écouler au moins un mois entre la demande écrite du patient et l'euthanasie. § 4. La demande du patient, ainsi que l'accord des représentants légaux si le patient est mineur, sont actés par écrit. Le document est rédigé, daté et signé par le patient lui-même. S'il n'est pas en état de le faire, sa demande est actée par écrit par une personne majeure de son choix qui ne peut avoir aucun intérêt matériel au décès du patient.

Cette personne mentionne le fait que le patient n'est pas en état de formuler sa demande par écrit et en indique les raisons. Dans ce cas, la demande est actée par écrit en présence du médecin, et ladite personne mentionne le nom de ce médecin dans le document. Ce document doit être versé au dossier médical.

Le patient peut révoquer sa demande à tout moment, auquel cas le document est retiré du dossier médical et restitué au patient. § 4/1. Après que la demande du patient a été traitée par le médecin, la possibilité d'accompagnement psychologique est offerte aux personnes concernées. § 5. L'ensemble des demandes formulées par le patient, ainsi que les démarches du médecin traitant et leur résultat, y compris le(s) rapport(s) du (des) médecin(s) consulté(s), sont consignés régulièrement dans le dossier médical du patient.

Art. 3bis.Le pharmacien qui délivre une substance euthanasiante ne commet aucune infraction lorsqu'il le fait sur la base d'une prescription dans laquelle le médecin mentionne explicitement qu'il s'agit conformément à la présente loi.

Le pharmacien fournit la substance euthanasiante prescrite en personne au médecin. Le Roi fixe les critères de prudence et les conditions auxquels doivent satisfaire la prescription et la délivrance de médicaments qui seront utilisés comme substance euthanasiante.

Le Roi prend les mesures nécessaires pour assurer la disponibilité des substances euthanasiantes, y compris dans les officines qui sont accessibles au public. CHAPITRE III. - De la déclaration anticipée

Art. 4.§ 1er. Tout majeur ou mineur émancipé capable peut, pour le cas où il ne pourrait plus manifester sa volonté, consigner par écrit, dans une déclaration, sa volonté qu'un médecin pratique une euthanasie si ce médecin constate : - qu'il est atteint d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable; - qu'il est inconscient; - et que cette situation est irréversible selon l'état actuel de la science.

La déclaration peut désigner une ou plusieurs personnes de confiance majeures, classées par ordre de préférence, qui mettent le médecin traitant au courant de la volonté du patient. Chaque personne de confiance remplace celle qui la précède dans la déclaration en cas de refus, d'empêchement, d'incapacité ou de décès. Le médecin traitant du patient, le médecin consulté et les membres de l'équipe soignante ne peuvent pas être désignés comme personnes de confiance.

La déclaration peut être faite à tout moment. Elle doit être constatée par écrit, dressée en présence de deux témoins majeurs, dont l'un au moins n'aura pas d'intérêt matériel au décès du déclarant, datée et signée par le déclarant, par les témoins et, s'il échet, par la ou les personnes de confiance.

Si la personne qui souhaite faire une déclaration anticipée, est physiquement dans l'impossibilité permanente de rédiger et de signer, sa déclaration peut être actée par écrit par une personne majeure de son choix qui ne peut avoir aucun intérêt matériel au décès du déclarant, en présence de deux témoins majeurs, dont l'un au moins n'aura pas d'intérêt matériel au décès du déclarant. La déclaration doit alors préciser que le déclarant ne peut pas rédiger et signer, et en énoncer les raisons. La déclaration doit être datée et signée par la personne qui a acté par écrit la déclaration, par les témoins et, s'il échet, par la ou les personnes de confiance.

Une attestation médicale certifiant cette impossibilité physique permanente est jointe à la déclaration.

La déclaration ne peut être prise en compte que si elle a été établie ou confirmée moins de cinq ans avant le début de l'impossibilité de manifester sa volonté.

La déclaration peut être retirée ou adaptée à tout moment.

Le Roi détermine les modalités relatives à la présentation, à la conservation, à la confirmation, au retrait et à la communication de la déclaration aux médecins concernés, via les services du Registre national. § 2. Un médecin qui pratique une euthanasie, à la suite d'une déclaration anticipée, telle que prévue au § 1er, ne commet pas d'infraction s'il constate que le patient : - est atteint d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable; - est inconscient; - et que cette situation est irréversible selon l'état actuel de la science; et qu'il respecte les conditions et procédures prescrites par la présente loi.

Sans préjudice des conditions complémentaires que le médecin désirerait mettre à son intervention, il doit préalablement : 1° consulter un autre médecin quant à l'irréversibilité de la situation médicale du patient, en l'informant des raisons de cette consultation.Le médecin consulté prend connaissance du dossier médical et examine le patient. Il rédige un rapport de ses constatations. Si une personne de confiance est désignée dans la déclaration de volonté, le médecin traitant met cette personne de confiance au courant des résultats de cette consultation.

Le médecin consulté doit être indépendant à l'égard du patient ainsi qu'à l'égard du médecin traitant et être compétent quant à la pathologie concernée; 2° s'il existe une équipe soignante en contact régulier avec le patient, s'entretenir du contenu de la déclaration anticipée avec l'équipe soignante ou des membres de celle-ci;3° si la déclaration désigne une personne de confiance, s'entretenir avec elle de la volonté du patient;4° si la déclaration désigne une personne de confiance, s'entretenir du contenu de la déclaration anticipée du patient avec les proches du patient que la personne de confiance désigne. La déclaration anticipée ainsi que l'ensemble des démarches du médecin traitant et leur résultat, y compris le rapport du médecin consulté, sont consignés régulièrement dans le dossier médical du patient. CHAPITRE IV. - De la déclaration

Art. 5.Le médecin qui a pratiqué une euthanasie remet, dans les quatre jours ouvrables, le document d'enregistrement visé à l'article 7, dûment complété, à la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation visée à l'article 6 de la présente loi. CHAPITRE V. - La Commission fédérale de contrôle et d'évaluation

Art. 6.§ 1er. Il est institué une Commission fédérale de contrôle et d'évaluation de l'application de la présente loi, ci-après dénommée ' la commission '. § 2. La commission se compose de seize membres, désignés sur la base de leurs connaissances et de leur expérience dans les matières qui relèvent de la compétence de la commission. Huit membres sont docteurs en médecine, dont quatre au moins sont professeurs dans une université belge. Quatre membres sont professeurs de droit dans une université belge, ou avocats. Quatre membres sont issus des milieux chargés de la problématique des patients atteints d'une maladie incurable.

La qualité de membre de la commission est incompatible avec le mandat de membre d'une des assemblées législatives et avec celui de membre du gouvernement fédéral ou d'un gouvernement de communauté ou de région.

Les membres de la commission sont nommés, dans le respect de la parité linguistique - chaque groupe linguistique comptant au moins trois candidats de chaque sexe - et en veillant à assurer une représentation pluraliste, par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres, sur une liste double présentée par la Chambre des représentants, pour un terme renouvelable de quatre ans. Le mandat prend fin de plein droit lorsque le membre perd la qualité en laquelle il siège. Les candidats qui n'ont pas été désignés comme membres effectifs sont nommés en qualité de membres suppléants, selon une liste déterminant l'ordre dans lequel ils seront appelés à suppléer. La commission est présidée par un président d'expression française et un président d'expression néerlandaise. Les présidents sont élus par les membres de la commission appartenant à leur groupe linguistique respectif.

La commission ne peut délibérer valablement qu'à la condition que les deux tiers de ses membres soient présents. § 3. La commission établit son règlement d'ordre intérieur.

Art. 7.La commission établit un document d'enregistrement qui doit être complété par le médecin chaque fois qu'il pratique une euthanasie.

Ce document est composé de deux volets. Le premier volet doit être scellé par le médecin. Il contient les données suivantes : 1° les nom, prénoms et domicile du patient;2° les nom, prénoms, numéro d'enregistrement à l'INAMI et domicile du médecin traitant;3° les nom, prénoms, numéro d'enregistrement à l'INAMI et domicile du (des) médecin(s) qui a (ont) été consulté(s) concernant la demande d'euthanasie;4° les nom, prénoms, domicile et qualité de toutes les personnes consultées par le médecin traitant, ainsi que les dates de ces consultations;5° s'il existait une déclaration anticipée et qu'elle désignait une ou plusieurs personnes de confiance, les nom et prénoms de la (des) personne(s) de confiance qui est (sont) intervenue(s). Ce premier volet est confidentiel. Il est transmis par le médecin à la commission. Il ne peut être consulté qu'après une décision de la commission, et ne peut en aucun cas servir de base à la mission d'évaluation de la commission.

Le deuxième volet est également confidentiel et contient les données suivantes : 1° le sexe et les date et lieu de naissance du patient et, en ce qui concerne le patient mineur, s'il était émancipé;2° la date, le lieu et l'heure du décès;3° la mention de l'affection accidentelle ou pathologique grave et incurable dont souffrait le patient;4° la nature de la souffrance qui était constante et insupportable;5° les raisons pour lesquelles cette souffrance a été qualifiée d'inapaisable;6° les éléments qui ont permis de s'assurer que la demande a été formulée de manière volontaire, réfléchie et répétée et sans pression extérieure;7° si l'on pouvait estimer que le décès aurait lieu à brève échéance;8° s'il existe une déclaration de volonté;9° la procédure suivie par le médecin;10° la qualification du ou des médecins consultés, l'avis et les dates de ces consultations;11° la qualité des personnes consultées par le médecin, et les dates de ces consultations;12° la manière dont l'euthanasie a été effectuée et les moyens utilisés.

Art. 8.La commission examine le document d'enregistrement dûment complété que lui communique le médecin. Elle vérifie, sur la base du deuxième volet du document d'enregistrement, si l'euthanasie a été effectuée selon les conditions et la procédure prévues par la présente loi. En cas de doute, la commission peut décider, à la majorité simple, de lever l'anonymat. Elle prend alors connaissance du premier volet du document d'enregistrement. Elle peut demander au médecin traitant de lui communiquer tous les éléments du dossier médical relatifs à l'euthanasie.

Elle se prononce dans un délai de deux mois.

Lorsque, par décision prise à la majorité des deux tiers, la commission estime que les conditions prévues par la présente loi n'ont pas été respectées, elle envoie le dossier au procureur du Roi du lieu du décès du patient.

Lorsque la levée de l'anonymat fait apparaître des faits ou des circonstances susceptibles d'affecter l'indépendance ou l'impartialité du jugement d'un membre de la commission, ce membre se récusera ou pourra être récusé pour l'examen de cette affaire par la commission.

Art. 9.La commission établit à l'intention des Chambres législatives, la première fois dans les deux ans de l'entrée en vigueur de la présente loi, et, par la suite, tous les deux ans : a) un rapport statistique basé sur les informations recueillies dans le second volet du document d'enregistrement que les médecins lui remettent complété en vertu de l'article 8;b) un rapport contenant une description et une évaluation de l'application de la présente loi;c) le cas échéant, des recommandations susceptibles de déboucher sur une initiative législative et/ou d'autres mesures concernant l'exécution de la présente loi. Pour l'accomplissement de ces missions, la commission peut recueillir toutes les informations utiles auprès des diverses autorités et institutions. Les renseignements recueillis par la commission sont confidentiels.

Aucun de ces documents ne peut contenir l'identité d'aucune personne citée dans les dossiers remis à la commission dans le cadre du contrôle prévu à l'article 8.

La commission peut décider de communiquer des informations statistiques et purement techniques, à l'exclusion de toutes données à caractère personnel, aux équipes universitaires de recherche qui en feraient la demande motivée. Elle peut entendre des experts.

Art. 10.Le Roi met un cadre administratif à la disposition de la commission en vue de l'accomplissement de ses missions légales. Les effectifs et le cadre linguistique du personnel administratif sont fixés par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres, sur proposition des ministres qui ont la Santé publique et la Justice dans leurs attributions.

Art. 11.Les frais de fonctionnement et les frais de personnel de la commission, ainsi que la rétribution de ses membres sont imputés par moitié aux budgets des ministres qui ont la Justice et la Santé publique dans leurs attributions.

Art. 12.Quiconque prête son concours, en quelque qualité que ce soit, à l'application de la présente loi, est tenu de respecter la confidentialité des données qui lui sont confiées dans l'exercice de sa mission et qui ont trait à l'exercice de celle-ci. L'article 458 du Code pénal lui est applicable.

Art. 13.Dans les six mois du dépôt du premier rapport et, le cas échéant, des recommandations de la commission, visés à l'article 9, la Chambre des représentants organise un débat à ce sujet. Ce délai de six mois est suspendu pendant la période au cours de laquelle la Chambre des représentants est dissoute et/ou au cours de laquelle il n'y a pas de gouvernement ayant la confiance de la Chambre des représentants. CHAPITRE VI. - Dispositions particulières

Art. 14.La demande et la déclaration anticipée de volonté telles que prévues aux articles 3 et 4 de la présente loi n'ont pas de valeur contraignante.

Aucun médecin n'est tenu de pratiquer une euthanasie.

Aucune autre personne n'est tenue de participer à une euthanasie.

Si le médecin consulté refuse de pratiquer une euthanasie, il est tenu d'en informer en temps utile le patient ou la personne de confiance éventuelle, en en précisant les raisons. Dans le cas où son refus est justifié par une raison médicale, celle-ci est consignée dans le dossier médical du patient.

Le médecin qui refuse de donner suite à une requête d'euthanasie est tenu, à la demande du patient ou de la personne de confiance, de communiquer le dossier médical du patient au médecin désigné par ce dernier ou par la personne de confiance.

Art. 15.La personne décédée à la suite d'une euthanasie dans le respect des conditions imposées par la présente loi est réputée décédée de mort naturelle pour ce qui concerne l'exécution des contrats auxquels elle était partie, en particulier les contrats d'assurance.

Les dispositions de l'article 909 du Code civil sont applicables aux membres de l'équipe soignante visés à l'article 3.

Art. 16.La présente loi entre en vigueur au plus tard trois mois après sa publication au Moniteur belge ».

B.1.3. L'article 2 de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer relative à l'euthanasie définit par euthanasie « l'acte, pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci ».

B.1.4. Depuis son entrée en vigueur, la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer dépénalise la pratique de l'euthanasie par un médecin lorsque le patient est majeur ou un mineur émancipé, capable et conscient au moment de sa demande, et pour autant qu'il se trouve dans une situation médicale sans issue et fait état d'une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable.

B.1.5. La demande d'euthanasie d'une personne majeure ou d'un mineur émancipé doit être formulée de manière volontaire, réfléchie et répétée, ne peut résulter d'une pression extérieure (article 3, § 1er) et doit être actée par écrit (article 3, § 4). Le document est rédigé, daté et signé par le patient lui-même.

Lorsque le patient n'est pas en état de formuler sa demande par écrit, sa demande est actée par écrit par une personne majeure de son choix qui ne peut avoir aucun intérêt matériel au décès du patient (article 3, § 4). Le patient peut révoquer sa demande à tout moment (article 3, § 4, alinéa 3).

Tout majeur ou mineur émancipé capable peut, pour le cas où il ne pourrait plus manifester sa volonté, consigner par écrit, dans une déclaration, sa volonté qu'un médecin pratique une euthanasie si ce médecin constate qu'il est atteint d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, qu'il est inconscient, et que cette situation est irréversible selon l'état actuel de la science. La déclaration ne peut être prise en compte que si elle a été établie ou confirmée moins de cinq ans avant le début de l'impossibilité de manifester sa volonté et elle peut être retirée ou adaptée à tout moment (article 4, § 1er).

B.1.6. Le médecin traitant est soumis au respect de plusieurs obligations, définies à l'article 3, §§ 2 et 3, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer : - le médecin traitant doit informer le patient de son état de santé et de son espérance de vie, se concerter avec le patient sur sa demande d'euthanasie et évoquer avec lui les possibilités thérapeutiques encore envisageables, ainsi que les possibilités qu'offrent les soins palliatifs et leurs conséquences. Il doit ensuite arriver, avec le patient, à la conviction qu'il n'y a aucune autre solution raisonnable dans sa situation et que la demande du patient est entièrement volontaire (article 3, § 2, 1°); - le médecin doit s'assurer de la persistance de la souffrance physique ou psychique du patient et de sa volonté réitérée. A cette fin, il mène avec le patient plusieurs entretiens, espacés d'un délai raisonnable au regard de l'évolution de l'état du patient (article 3, § 2, 2°); - le médecin doit consulter un autre médecin à propos du caractère grave et incurable de l'affection. Ce second médecin doit être indépendant tant à l'égard du patient qu'à l'égard du médecin traitant et être compétent quant à la pathologie concernée. Après avoir examiné le patient, ce second médecin rédige un rapport qui porte également sur le caractère constant, insupportable et inapaisable de la souffrance physique ou psychique. Le patient est informé des résultats de cette consultation (article 3, § 2, 3°); - s'il existe une équipe soignante en contact régulier avec le patient, le médecin traitant doit s'entretenir de la demande du patient avec l'équipe ou des membres de celle-ci (article 3, § 2, 4°); - si telle est la volonté du patient, le médecin traitant doit s'entretenir de la demande avec les proches que celui-ci désigne (article 3, § 2, 5°); - le médecin doit s'assurer que le patient a eu l'occasion de s'entretenir de sa demande avec les personnes qu'il souhaitait rencontrer (article 3, § 2, 6°); - lorsque le médecin est d'avis que le décès du patient majeur ou mineur émancipé n'interviendra manifestement pas à brève échéance, il doit laisser s'écouler au moins un mois entre la demande écrite du patient et l'euthanasie et consulter un deuxième médecin, psychiatre ou spécialiste de la pathologie concernée, qui doit s'assurer du caractère constant, insupportable et inapaisable de la souffrance physique ou psychique et du caractère volontaire, réfléchi et répété de la demande (article 3, § 3).

B.2.1. La loi attaquée modifie la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer en vue de dépénaliser la pratique de l'euthanasie sur des patients mineurs non émancipés. En vertu de cette loi, le médecin qui pratique une euthanasie sur un patient mineur non émancipé, doté de la capacité de discernement et qui est conscient au moment de sa demande ne commet pas une infraction pour autant qu'il respecte les conditions et la procédure prévues par la loi.

B.2.2. Tel qu'il a été modifié par l'article 2 de la loi attaquée, l'article 3, § 1er, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer précitée dispose : « Le médecin qui pratique une euthanasie ne commet pas d'infraction s'il s'est assuré que : [...] - le patient mineur doté de la capacité de discernement se trouve dans une situation médicale sans issue de souffrance physique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui entraîne le décès à brève échéance, et qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable; et qu'il respecte les conditions et procédures prescrites par la présente loi ».

B.2.3. A l'exception de l'obligation, prévue par l'article 3, § 3, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer qui concerne la situation dans laquelle le médecin est d'avis que le décès du patient majeur ou mineur émancipé n'interviendra manifestement pas à brève échéance, les obligations, définies en B.1.6, imposées au médecin traitant s'appliquent aussi lorsqu'une euthanasie est pratiquée sur un mineur non émancipé (Doc. parl., Sénat, 2013-2014, n° 5-2170/4, p. 31).

La loi attaquée prévoit toutefois des obligations supplémentaires en ce qui concerne les mineurs non émancipés.

Tel qu'il a été modifié par l'article 2 de la loi attaquée, l'article 3, § 2, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer dispose : « Sans préjudice des conditions complémentaires que le médecin désirerait mettre à son intervention, il doit, préalablement et dans tous les cas : [...] 7° en outre, lorsque le patient est mineur non émancipé, consulter un pédopsychiatre ou un psychologue, en précisant les raisons de cette consultation. Le spécialiste consulté prend connaissance du dossier médical, examine le patient, s'assure de la capacité de discernement du mineur, et l'atteste par écrit.

Le médecin traitant informe le patient et ses représentants légaux du résultat de cette consultation.

Le médecin traitant s'entretient avec les représentants légaux du mineur en leur apportant toutes les informations visées au § 2, 1°, et s'assure qu'ils marquent leur accord sur la demande du patient mineur ».

B.2.4. Tel qu'il a été modifié par la loi attaquée, l'article 3, § 4, première phrase, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer dispose : « La demande du patient, ainsi que l'accord des représentants légaux si le patient est mineur, sont actés par écrit ».

B.2.5. Par rapport aux conditions relatives à l'euthanasie d'un patient majeur ou mineur émancipé, le législateur établit les distinctions suivantes : - le patient mineur non émancipé doté de la capacité de discernement doit se trouver dans une situation médicale sans issue de souffrance physique constante et insupportable - et donc pas psychique - (article 3, § 1er, quatrième tiret, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer), alors que pour les patients majeurs et pour les patients mineurs émancipés, la souffrance psychique constante et insupportable peut aussi être prise en considération sous certaines conditions (article 3, § 1er, troisième tiret); - la situation médicale sans issue du mineur non émancipé doté de la capacité de discernement doit entraîner son décès à brève échéance (article 3, § 1er, quatrième tiret), alors que l'euthanasie peut aussi être pratiquée, sous certaines conditions, sur des patients majeurs ou sur des mineurs émancipés lorsque le médecin est d'avis que le décès du patient concerné n'interviendra manifestement pas à brève échéance (article 3, § 3). - en cas d'euthanasie sur un mineur non émancipé, le médecin doit consulter un pédopsychiatre ou un psychologue. Ce spécialiste « prend connaissance du dossier médical, examine le patient, s'assure de la capacité de discernement du mineur, et l'atteste par écrit ». Le médecin traitant doit informer « le patient et ses représentants légaux du résultat de cette consultation » (article 3, § 2, 7°). Une telle consultation n'est pas requise pour pratiquer l'euthanasie sur des patients majeurs ou sur des mineurs émancipés; - en cas d'euthanasie sur un mineur non émancipé, le médecin traitant doit s'entretenir « avec les représentants légaux du mineur », leur apporter « toutes les informations visées » à l'article 3, § 2, 1°, de la loi et s'assurer « qu'ils marquent leur accord sur la demande du patient mineur » (article 3, § 2, 7°). L'accord des représentants légaux du mineur doit être acté par écrit (article 3, § 4). Aucune condition comparable n'est prévue en ce qui concerne les patients majeurs et les patients mineurs émancipés; - le mineur non émancipé ne peut rédiger une déclaration anticipée pour le cas où il ne pourrait plus exprimer sa volonté, alors que les patients majeurs et les mineurs émancipés le peuvent (article 4, § 1er).

B.2.6. La Commission fédérale de contrôle et d'évaluation visée par l'article 6 de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer veille au respect des conditions fixées par cette loi. Cette Commission se compose de seize membres, désignés sur la base de leurs connaissances et de leur expérience dans les matières qui relèvent de la compétence de la Commission. Huit membres sont docteurs en médecine, dont quatre au moins sont professeurs dans une université belge. Quatre membres sont professeurs de droit dans une université belge, ou avocats. Quatre membres sont issus des milieux chargés de la problématique des patients atteints d'une maladie incurable.

B.2.7. La Commission fédérale de contrôle et d'évaluation exerce son contrôle sur la base d'un document qui doit être complété et transmis à la Commission par le médecin ayant pratiqué l'euthanasie (article 7 de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer).

Ce document doit, entre autres, contenir les données suivantes : - la mention de l'affection accidentelle ou pathologique grave et incurable dont souffrait le patient; - la nature de la souffrance qui était constante et insupportable; - les raisons pour lesquelles cette souffrance a été qualifiée d'inapaisable; - les éléments qui ont permis de s'assurer que la demande a été formulée de manière volontaire, réfléchie et répétée et sans pression extérieure; - les éléments qui ont permis d'estimer que le patient décéderait à brève échéance; - la qualification du ou des médecins consultés, l'avis et les dates de ces consultations; - la qualité des autres personnes consultées par le médecin, et les dates de ces consultations.

Le document d'enregistrement doit également mentionner, en ce qui concerne les patients mineurs, si le patient concerné était ou non émancipé (article 7, alinéa 4, 1°).

B.2.8. Lorsque, par décision prise à la majorité des deux tiers, la Commission estime que les conditions prévues par la loi n'ont pas été respectées, elle envoie le dossier au procureur du Roi (article 8, alinéa 3, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer).

Quant à l'objectif poursuivi par le législateur B.3.1. En ce qui concerne l'objectif général poursuivi par la loi attaquée, les travaux préparatoires mentionnent ce qui suit : « La loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer relative à l'euthanasie dépénalisant partiellement l'euthanasie est en vigueur depuis dix ans. [...] Cette loi a rendu au patient le magistère sur sa vie, tout en le protégeant contre les abus. La loi a libéré la parole du patient et du médecin quant à la fin de vie, qui peuvent échanger en confiance, sans dissimulation ou décision hâtive. Cela rassure le malade, qui sachant que sa demande d'euthanasie pourra être rencontrée, peut, s'il le souhaite, accepter plus sereinement une prise en charge palliative, délivré de la peur de souffrir excessivement ou de se voir perdre toute dignité. Cela rassure le médecin, qui sait désormais qu'il peut accomplir l'acte ultime d'humanité pour délivrer un patient de la souffrance sans transgresser la loi, quand il agit dans le cadre de celle-ci, à la demande du patient.

La législation de 2002 concernait à la fois l'euthanasie et les soins palliatifs considérant que les deux approches étaient nécessaires.

Les auditions tenues entre février et mai 2013 ont permis d'identifier quelques problèmes d'application de la loi, et d'en examiner certaines modifications ou extensions possibles.

Les auteurs de la présente proposition ont retenu quelques-uns de ces points qui leur paraissent pouvoir faire accord auprès d'une majorité de sénateurs. [...] Cette proposition de loi concerne la situation des mineurs. [...] La loi de dépénalisation partielle de l'euthanasie a réservé ses effets aux patients majeurs (ou mineurs émancipés). Les mineurs non émancipés ne peuvent donc pas bénéficier d'une euthanasie.

La plupart des intervenants qui soignent des mineurs (pédiatres intensivistes, oncologues, etc.) ont confirmé aux auditions que face à des situations de douleur inapaisable, des soignants choisissent d'administrer à des mineurs des substances létales qui accélèrent ou causent le décès. Cette réalité, exposée déjà lors des auditions de 2001, s'est confirmée par la suite.

La loi de 2002 a réservé le droit à l'euthanasie aux personnes juridiquement capables.

Le critère de la capacité juridique était déjà mis en cause à l'époque : du point de vue de la santé du mineur.

Le législateur en était parfaitement conscient, puisqu'en parallèle aux travaux sur la fin de vie, était élaborée la loi relative aux droits des patients. Cette loi du 22 août 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/08/2002 pub. 26/09/2002 numac 2002022737 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi relative aux droits du patient type loi prom. 22/08/2002 pub. 10/09/2002 numac 2002022684 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi portant des mesures en matière de soins de santé type loi prom. 22/08/2002 pub. 17/09/2002 numac 2002011312 source ministere des affaires economiques Loi portant diverses dispositions relatives à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs fermer prévoit qu'il doit être tenu compte de l'avis des mineurs en matière de décisions médicales.

En effet, après avoir indiqué que ' Si le patient est mineur, les droits fixés par la présente loi sont exercés par les parents exerçant l'autorité sur le mineur ou par son tuteur ', le paragraphe 2 de l'article 12 de la loi porte : ' suivant son âge et sa maturité, le patient est associé à l'exercice de ses droits. Les droits énumérés dans cette loi peuvent être exercés de manière autonome par le patient mineur qui peut être estimé apte à apprécier raisonnablement ses intérêts '.

Intégrant ces évolutions législatives, l'Ordre des médecins soulignait dès 2003 que ' du point de vue déontologique, l'âge mental d'un patient est plus à prendre en considération que son âge civil '.

De nombreuses personnes auditionnées ont confirmé ce point de vue devant les commissions réunies.

Plusieurs ont plaidé pour une intervention législative. [...] Instruits de l'expérience de l'application de la loi de 2002 concernant les personnes juridiquement capables, plusieurs médecins concernés sont venus plaider pour que le législateur intervienne afin de poser les conditions suivant lesquelles l'euthanasie d'un mineur deviendrait possible.

L'euthanasie est définie par la loi, reprenant la définition proposée à l'époque par le Comité de bioéthique, comme étant ' l'acte, pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci '.

L'euthanasie est donc un acte répondant à la demande de la personne concernée.

Pour exprimer valablement cette demande, il faut être capable d'en juger raisonnablement.

Selon la définition légale des auteurs de la proposition, l'euthanasie ne concerne que les mineurs disposant de la capacité de discernement.

Pour rappel, la capacité de discernement n'est pas un état absolu dont disposerait une personne à partir d'un certain âge et pour le reste de sa vie, pour toute situation vécue. Elle est évaluée pour chaque individu, face à une situation particulière. Elle doit être attestée pour chaque question nouvelle.

Mais par ailleurs, un mineur non émancipé n'a pas la capacité juridique. C'est donc ses représentants légaux (parents ayant autorité parentale, tuteur,...) qui agissent par représentation pour poser des actes juridiques. En conséquence, l'intervention des représentants légaux est nécessaire pour pouvoir pratiquer une euthanasie sur un mineur.

La présente proposition vise donc à autoriser la pratique de l'euthanasie, dans les conditions déjà fixées par la loi de 2002, sur un mineur dont la capacité de discernement est attestée et dont la demande, émise dans les conditions de la loi, est confirmée par ses représentants légaux.

L'évaluation de la capacité de discernement devra être réalisée par un pédo-psychiatre ou un psychologue, qui attestera que le mineur est à même d'apprécier raisonnablement les conséquences de sa demande.

Le discernement ne peut pas être déduit simplement de l'âge de l'enfant. Les personnes auditionnées admettent que la capacité de discernement est variable d'un individu à l'autre, d'une situation à l'autre.

Tous les spécialistes pédiatriques entendus ont insisté sur l'extraordinaire maturité que des enfants peuvent acquérir quand ils font face à une maladie létale. Des mêmes personnes auditionnées, il ressort qu'il est préférable de ne pas tracer de limite d'âge arbitraire, mais de se fonder sur la réponse à la question : la demande du patient est-elle éclairée, est-il en capacité d'en apprécier toutes les conséquences ? » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2170/1, pp.1-4).

B.3.2. Il en ressort que le législateur a voulu répondre à la demande, formulée par des pédiatres et autres prestataires de soins, de dépénaliser la pratique de l'euthanasie sur les mineurs qui se trouvent dans une situation médicale sans issue de souffrance constante, insupportable et inapaisable. Il a considéré, à cet égard, qu'un mineur peut être doté d'une capacité de discernement suffisante pour pouvoir évaluer la portée d'une demande d'euthanasie et que cette capacité de discernement doit s'apprécier cas par cas. A cet égard, le législateur s'est notamment basé sur la position de l'Ordre des médecins, selon laquelle, en matière médicale, « l'âge mental d'un patient est plus à prendre en considération que son âge civil ». Il a néanmoins jugé nécessaire, notamment en raison de l'incapacité juridique de principe du mineur, d'exiger aussi l'accord des représentants légaux du mineur qui demande l'euthanasie.

Quant à la recevabilité B.4. L'article 142 de la Constitution et l'article 2, 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle requièrent que toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation justifie d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée. Il s'ensuit que l'action populaire n'est pas admissible.

B.5.1. L'ASBL « Jurivie » et l'ASBL « Pro Vita », parties requérantes dans l'affaire n° 6030, et l'ASBL « Jeunes pour la Vie », partie requérante dans l'affaire n° 6034, estiment justifier de l'intérêt requis à l'annulation de la loi attaquée en ce que celle-ci affecte directement leur objet social qui est de promouvoir et de protéger la vie humaine jusqu'à la mort naturelle, en agissant le cas échéant en justice.

B.5.2. Lorsqu'une association sans but lucratif qui n'invoque pas son intérêt personnel agit devant la Cour, il est requis que son objet social soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; qu'elle défende un intérêt collectif; que la norme attaquée soit susceptible d'affecter son objet social; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que cet objet social n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi.

B.5.3. Les parties requérantes dans les affaires nos 6030 et 6034 répondent aux conditions précitées, notamment en ce qu'elles ont entre autres pour objet de défendre la vie humaine à tous les stades de son développement jusqu'à la mort naturelle. Cet objet social est distinct de l'intérêt général et leurs recours en annulation de la loi attaquée n'y sont pas étrangers. Les parties requérantes dans ces affaires justifient donc de l'intérêt requis.

B.6.1. Les parties requérantes dans l'affaire n° 6033 sont des personnes physiques. Elles font notamment valoir qu'en raison de leur situation personnelle, elles peuvent être affectées directement et défavorablement par la loi attaquée. Elles relèvent notamment que cette loi pourrait s'appliquer à des membres de leur famille proche, âgés de moins de 18 ans, et les autoriser à solliciter une euthanasie.

B.6.2. Compte tenu du caractère irréversible d'une euthanasie, les parties requérantes dans l'affaire n° 6033 justifient d'un intérêt suffisamment personnel et direct à poursuivre l'annulation de la loi attaquée.

L'exception soulevée par le Conseil des ministres quant à l'intérêt des parties requérantes dans l'affaire n° 6033 est rejetée.

Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen dans l'affaire n° 6030, le troisième moyen dans l'affaire n° 6030, le deuxième moyen dans l'affaire n° 6033 et le premier moyen dans l'affaire n° 6034 B.7. Le premier moyen dans l'affaire n° 6030, le troisième moyen dans l'affaire n° 6030, le deuxième moyen dans l'affaire n° 6033 et le premier moyen dans l'affaire n° 6034 portent tous principalement sur la compatibilité de la loi attaquée avec le droit à la vie et sont, pour cette raison, examinés conjointement.

B.8.1. Le premier moyen dans l'affaire n° 6030 est pris de la violation des articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution, combinés avec les articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 6 de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Dans la première branche, les parties requérantes reprochent au législateur de ne pas avoir respecté son obligation de protéger les mineurs. Dans la seconde branche, elles reprochent au législateur d'avoir traité de la même manière les mineurs et les personnes majeures, alors que les situations de ces deux catégories de personnes sont fondamentalement différentes.

B.8.2. Le troisième moyen dans l'affaire n° 6030 est pris de la violation des articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution, combinés avec l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 6 de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le moyen concerne la consultation, par le médecin traitant, d'un pédopsychiatre ou d'un psychologue, visée à l'article 3, § 2, 7°, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, inséré par l'article 2 de la loi attaquée. Les parties requérantes font valoir que la garantie contenue dans cette disposition est insuffisante pour pouvoir satisfaire aux exigences des dispositions constitutionnelles et internationales mentionnées dans le moyen, en ce que : - la loi attaquée n'exige aucune formation ou compétence spécifique de la part du pédopsychiatre ou du psychologue (première branche); - la loi attaquée ne précise pas les critères à l'aune desquels le médecin traitant optera pour un pédopsychiatre ou pour un psychologue (deuxième branche); - la loi attaquée ne précise pas les critères à l'aune desquels les praticiens précités seront appelés à apprécier la capacité de discernement du mineur (troisième branche); - la loi attaquée n'impose au pédopsychiatre ou au psychologue aucune obligation d'indépendance à l'égard du médecin traitant, du patient mineur ou de ses représentants légaux (quatrième branche); - la loi attaquée ne prévoit pas une seconde appréciation de la capacité de discernement lorsque le pédopsychiatre ou le psychologue conclut à la capacité de discernement du mineur (cinquième branche); et - la loi attaquée n'exclut pas que le médecin traitant pratique l'euthanasie lorsque le pédopsychiatre ou le psychologue estime que le mineur non émancipé est dépourvu du discernement requis (sixième branche).

B.8.3. Le deuxième moyen dans l'affaire n° 6033 est pris de la violation des articles 22bis et 23 de la Constitution, combinés avec l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Les parties requérantes font valoir que le droit à la vie ne comprend pas le droit de mettre fin à la vie et que l'autorisation de pratiquer l'euthanasie sur des patients mineurs non émancipés est contraire à l'obligation, pour le législateur, de protéger la vie de ces patients.

Dans la mesure où les parties requérantes dans l'affaire n° 6033 font encore valoir, dans leur mémoire en réponse, que la loi attaquée fait naître une différence de traitement non justifiée entre les mineurs capables et les mineurs incapables et que la condition de l'accord des représentants légaux du mineur est contraire au fait d'admettre la capacité de discernement du mineur, elles invoquent des moyens nouveaux qui, pour cette raison, ne sont pas recevables.

B.8.4. Le premier moyen dans l'affaire n° 6034 est pris de la violation des articles 22, 22bis et 23 de la Constitution, combinés avec les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Le moyen concerne la condition, visée à l'article 3, § 2, 7°, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, tel qu'il a été inséré par l'article 2 de la loi attaquée, de l'accord des représentants légaux du mineur par rapport à sa demande d'euthanasie. La partie requérante dans l'affaire n° 6034 fait valoir en substance que l'euthanasie pratiquée avec l'accord d'un tiers constitue une atteinte directe et irréversible à l'intégrité morale et physique du patient mineur, ainsi qu'une atteinte à son droit à la vie.

B.9.1. Le Conseil des ministres soutient que la partie requérante dans l'affaire n° 6034 ne justifie pas d'un intérêt au premier moyen qu'elle invoque, puisqu'une annulation de la disposition qui prévoit l'accord des représentants légaux du mineur aurait pour effet de supprimer une garantie applicable dans le cadre d'une euthanasie pratiquée sur un mineur, alors que la partie requérante vise précisément à faire interdire l'euthanasie de mineurs.

B.9.2. Dès lors que la partie requérante dans l'affaire n° 6034 a démontré son intérêt à l'annulation des dispositions de la loi attaquée, il n'y a pas lieu d'examiner en outre si elle possède un intérêt à chacun des moyens qu'elle invoque.

L'exception est rejetée.

B.10.1. L'article 22 de la Constitution dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit ».

L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». Il ressort des travaux préparatoires relatifs à l'article 22 de la Constitution que le Constituant a cherché la plus grande concordance possible avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 997/5, p. 2).

B.10.2. Le droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu'il est garanti par les dispositions précitées, a pour but essentiel de protéger les personnes contre des ingérences dans leur vie privée et familiale.

L'article 22, alinéa 1er, de la Constitution et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme n'excluent pas une ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée mais ils exigent que cette ingérence soit autorisée par une disposition législative suffisamment précise, qu'elle corresponde à un besoin social impérieux et soit proportionnée à l'objectif légitime qu'elle poursuit.

Ces dispositions engendrent de surcroît l'obligation positive pour l'autorité publique de prendre des mesures qui assurent le respect effectif de la vie privée et familiale, même dans la sphère des relations entre les individus (CEDH, 27 octobre 1994, Kroon e.a. c.

Pays-Bas, § 31; grande chambre, 12 novembre 2013, Söderman c. Suède, § 78).

B.11.1. L'article 22bis de la Constitution dispose : « Chaque enfant a droit au respect de son intégrité morale, physique, psychique et sexuelle.

Chaque enfant a le droit de s'exprimer sur toute question qui le concerne; son opinion est prise en considération, eu égard à son âge et à son discernement.

Chaque enfant a le droit de bénéficier des mesures et services qui concourent à son développement.

Dans toute décision qui le concerne, l'intérêt de l'enfant est pris en considération de manière primordiale.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent ces droits de l'enfant ».

B.11.2. L'alinéa 1er de cette disposition fut adopté à la suite du rapport final de la Commission nationale contre l'exploitation sexuelle des enfants. Cet alinéa fut justifié comme suit : « Le rapport indique bien que les enfants ne sont pas des adultes et qu'il ne s'agit pas de dire simplement que tout individu a droit à l'intégrité morale, physique, psychique et sexuelle : il faut sans doute accentuer la dimension 'enfant' parce qu'on a tendance, aussi par une mauvaise interprétation de la Convention relative aux droits de l'enfant, à mettre sur un pied d'égalité enfant et adulte. Il faut vraiment faire une bonne lecture de la Convention relative aux droits de l'enfant en disant que les enfants sont des sujets de droit mais aussi des sujets à protéger. [...] [La] notion de respect est plus large que celle de protection. Elle indique que ce droit n'est pas seulement un droit passif, mais implique pour les autorités de mener une politique active dans la matière. [...] [E]n utilisant la notion ' droit au respect ', l'enfant est considéré comme un sujet de droit et pas seulement comme objet de droit ou personne à protéger » (Doc. parl., Sénat, 1999-2000, n° 2-21/4, pp. 5 et 49).

Le lien entre l'article 22bis, alinéa 1er, de la Constitution et les articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme fut aussi souligné (Doc. parl., Sénat, 1999-2000, n° 2-21/1, p. 3).

B.11.3. Les alinéas 2 à 4 de l'article 22bis de la Constitution ont été insérés par la révision constitutionnelle du 22 décembre 2008 qui visait à étendre la reconnaissance constitutionnelle des droits de l'enfant à ce qui constitue l'essence de la Convention relative aux droits de l'enfant. Ces alinéas ont pour objet de « mettre l'accent sur la place de l'enfant au sein de la société et sur son droit d'expression », et ont avant tout « un rôle de ' passerelle ' vers la Convention relative aux droits de l'enfant » (Doc. parl., Chambre, 2007-2008, DOC 52-0175/005, pp. 6 et 7).

Tant l'article 22bis, alinéa 4, de la Constitution que l'article 3, paragraphe 1, de la Convention relative aux droits de l'enfant imposent à toutes les institutions qui prennent des mesures vis-à-vis des enfants de prendre en compte, de manière primordiale, l'intérêt de l'enfant dans les procédures le concernant. L'article 22bis, alinéa 5, de la Constitution donne par ailleurs au législateur compétent la mission de garantir que l'intérêt de l'enfant soit pris en considération de manière primordiale. Pour déterminer ce qui est dans l'intérêt de l'enfant, il faut notamment tenir compte de l'opinion de celui-ci, « eu égard à son âge et à son discernement » (article 22bis, alinéa 2, de la Constitution).

B.12. L'article 23 de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.

A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.

Ces droits comprennent notamment : 1° le droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle dans le cadre d'une politique générale de l'emploi, visant entre autres à assurer un niveau d'emploi aussi stable et élevé que possible, le droit à des conditions de travail et à une rémunération équitables, ainsi que le droit d'information, de consultation et de négociation collective;2° le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l'aide sociale, médicale et juridique;3° le droit à un logement décent;4° le droit à la protection d'un environnement sain;5° le droit à l'épanouissement culturel et social;6° le droit aux prestations familiales ». B.13. L'article 6 de la Convention relative aux droits de l'enfant dispose : « 1. Les Etats parties reconnaissent que tout enfant a un droit inhérent à la vie. 2. Les Etats parties assurent dans toute la mesure possible la survie et le développement de l'enfant ». B.14. L'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. 2. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire : a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale;b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue;c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection ». B.15. L'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

B.16. Il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que le « droit d'un individu de décider de quelle manière et à quel moment sa vie doit prendre fin, à condition qu'il soit en mesure de former librement sa volonté à ce propos et d'agir en conséquence », est l'un des aspects du droit au respect de sa vie privée (CEDH, 20 janvier 2011, Haas c. Suisse, § 51; voy. aussi, 19 juillet 2012, Koch c. Allemagne, § 52; 14 mai 2013, Gross c. Suisse, § 59).

Le libre choix d'une personne, fait en connaissance de cause, d'éviter ce qui, à ses yeux, constituera une fin de vie indigne et pénible, relève dès lors de la protection des droits fondamentaux garantis par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, 29 avril 2002, Pretty c. Royaume uni, § 67; 20 janvier 2011, Haas c.

Suisse, § 50) et par l'article 22 de la Constitution.

B.17.1. Le droit à la vie et le droit à l'intégrité physique, tels qu'ils sont garantis par les dispositions constitutionnelles et conventionnelles mentionnées dans les moyens, ne s'opposent pas au principe même de la dépénalisation de l'euthanasie. En effet, il ne pourrait découler de ces droits fondamentaux une obligation de vivre, imposée à un individu capable de discernement, quelles que soient les circonstances auxquelles celui-ci est confronté.

B.17.2. Le droit à la vie, tel qu'il est garanti à l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, impose toutefois au législateur de prendre les mesures nécessaires pour « protéger les personnes vulnérables même contre des agissements par lesquelles elles menacent leur propre vie », ce qui implique notamment qu'il soit tenu de veiller à empêcher « un individu de mettre fin à ses jours si sa décision n'a pas été prise librement et en toute connaissance de cause » (CEDH, 20 janvier 2011, Haas c. Suisse, § 54).

Une telle obligation positive de prendre des mesures visant à protéger l'intégrité physique de personnes vulnérables, telles que les enfants, découle également de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, grande chambre, 10 mai 2001, Z e.a. c.

Royaume Uni, § 73; 4 décembre 2003, M.C. c. Bulgarie, § 149), de l'article 6 de la Convention relative aux droits de l'enfant et de l'article 22bis de la Constitution.

B.17.3. Compte tenu de leur vulnérabilité, les enfants ont droit à la protection de l'Etat, sous la forme d'une prévention efficace, les mettant à l'abri de formes graves d'atteinte à leur intégrité physique ou psychologique (voy. CEDH, 2 décembre 2008, K.U. c. Finlande, § 46; 17 décembre 2009, B.B. c. France, § 62). « Dans le cas des personnes vulnérables, dont font partie les enfants, les autorités doivent faire preuve d'une attention particulière et doivent assurer aux victimes une protection accrue [...] » (CEDH, 10 mai 2012, R.I.P.et D.L.P. c.

Roumanie, § 58).

B.18. Il découle de ce qui précède que, lorsque le législateur permet de pratiquer l'euthanasie sur des mineurs non émancipés qui se trouvent dans une situation médicale sans issue, il doit prévoir des mesures de protection accrues pour éviter des abus en la matière, et ce, afin de garantir le droit à la vie et le droit à l'intégrité physique. Il appartient dès lors au législateur de mettre « en place une procédure propre à s'assurer qu'une décision de mettre fin à sa vie corresponde bien à la libre volonté de l'intéressé » (CEDH, 20 janvier 2011, Haas c. Suisse, §§ 57-58).

B.19.1. Comme le soutient le Conseil des ministres, la Cour européenne des droits de l'homme reconnaît une large marge d'appréciation aux Etats lorsqu'ils réglementent l'euthanasie, essentiellement au motif qu'il n'existe pas de consensus européen en la matière (CEDH, 20 janvier 2011, Haas c. Suisse, § 55; CEDH, 19 juillet 2012, Koch c.

Allemagne, § 70).

B.19.2. La Cour doit toutefois tenir compte du fait que dans des matières éthiques, il appartient avant tout au législateur d'apprécier les choix qui doivent être faits en la matière.

B.20. Il appartient à la Cour, eu égard au pouvoir d'appréciation du législateur en l'espèce, de vérifier si la loi attaquée instaure ou non un juste équilibre entre, d'une part, le droit de décider de mettre fin à la vie, qui découle du droit au respect de la vie privée, en vue d'éviter une fin de vie indigne et pénible et, d'autre part, le droit des personnes vulnérables à des mesures de protection accrues mises en oeuvre par le législateur, qui découle du droit à la vie et à l'intégrité physique.

A cette fin, la Cour doit vérifier si le législateur a respecté son obligation positive de prévoir des garanties efficaces pour prévenir les abus en ce qui concerne la pratique de l'euthanasie sur des mineurs non émancipés.

B.21.1. En vertu de l'article 3, § 1er, quatrième tiret, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, inséré par l'article 2 de la loi attaquée, le médecin qui pratique une euthanasie ne commet pas d'infraction s'il s'est assuré que le patient mineur doté de la capacité de discernement « se trouve dans une situation médicale sans issue de souffrance physique constante et insupportable » résultant d'une « affection accidentelle ou pathologique grave et incurable », et que cette souffrance ne peut être « apaisée » et entraîne le décès « à brève échéance ».

B.21.2. Ainsi qu'il a été rappelé en B.2.5, l'euthanasie d'un mineur non émancipé doté de la capacité de discernement, contrairement à ce qui est le cas pour les patients majeurs et pour les patients mineurs émancipés, n'est pas autorisée lorsque la souffrance du patient mineur est de nature psychique et n'entraînera manifestement pas le décès à brève échéance.

A cet égard, les travaux préparatoires mentionnent ce qui suit : « Mme [...] trouve [...] tout à fait inacceptable que l'euthanasie soit appliquée aux mineurs à cause d'une souffrance purement psychique. Les pédiatres qui ont lancé un appel en vue d'autoriser également l'euthanasie pour les mineurs l'ont fait eux aussi pour des mineurs atteints de cancers incurables ou d'une affection musculaire au stade terminal, et pas uniquement d'affections psychiques. Comme cet amendement répond à la demande du terrain, l'intervenante ne souhaite donc pas que la législation relative à l'euthanasie soit étendue aux mineurs atteints d'affections purement psychiques. En effet, il est très difficile d'établir un diagnostic psychiatrique dans le cas de mineurs. [...] [Monsieur] [...] est d'accord pour dire qu'il est particulièrement difficile de constater des affections psychiques chez les jeunes de moins de dix-huit ans. De même, il est clair que les pédiatres qui lancent un appel pour que la législation relative à l'euthanasie soit étendue aux mineurs, visent les patients qui endurent une souffrance insupportable consécutive à une affection physique. [...] [...] [Monsieur] [...] aborde ensuite la question de la souffrance psychique. [...]. Les auditions ont montré que l'élément de souffrance psychique ne peut pas être appréhendé de manière équivalente pour les patients mineurs.

Lorsque la souffrance psychique est exclusive et qu'elle ne découle pas d'une souffrance physique, [Monsieur] [...] pense qu'il est plus sage de l'exclure comme critère pour une euthanasie sur un mineur.

Quoi qu'il en soit, cette question est essentiellement théorique car il semble que des demandes basées exclusivement sur une souffrance psychique ne se présentent pas sur le terrain. [Monsieur] [...] fait en outre remarquer que le diagnostic de la maladie mentale est souvent progressif. La détermination du caractère incurable d'une telle maladie prend du temps. Pour toutes ces raisons, l'intervenant peut se rallier à l'idée d'exclure, pour les mineurs, le critère de la souffrance psychique. Cela ne remet pas en cause la logique de la loi de 2002. [...] [...] En effet, la législation actuelle parle de ' souffrance physique ou psychique '. Si l'on décide d'étendre tout simplement cette possibilité aux mineurs, comme vise à le faire la proposition de loi n° 5-2170/1, on risque d'en arriver à ce que des jeunes souffrant de dépression puissent demander l'euthanasie en toute légalité. L'intervenante estime que cela irait beaucoup trop loin. [...] Il est évident que les patients mineurs qui sont atteints d'une affection physique souffrent aussi psychiquement. Mais étendre l'euthanasie aux mineurs souffrant d'une affection purement psychique irait beaucoup trop loin, dans la mesure où il est impossible de poser un diagnostic psychique exact chez des jeunes qui n'ont pas encore atteint l'âge de dix-huit ans. Situer cette affection psychique dans son juste contexte et rechercher des solutions demande du temps. [Monsieur] [...] se rallie à l'intervention de la préopinante sur la question de la souffrance psychique. A la suite des auditions et des débats, il confirme qu'il est admissible que la seule souffrance psychique ne soit pas retenue comme critère permettant l'euthanasie sur un mineur. [Monsieur] [...] se réfère à l'appel publié par seize pédiatres dans différents médias en vue d'étendre le plus rapidement possible la législation relative à l'euthanasie aux mineurs capables d'exprimer leur volonté et qui endurent des souffrances physiques insupportables. [...] Les auteurs de la proposition de loi avaient l'intention de procéder de la manière la plus simple possible pour élargir la législation relative à l'euthanasie aux mineurs capables d'exprimer leur volonté, mais l'intervenant ne voit aucun inconvénient à exclure expressément la souffrance psychique chez les mineurs. Il va de soi que le but n'est pas de pratiquer une euthanasie chez un adolescent confronté à un chagrin d'amour » (Doc. parl., Sénat, 2013-2014, n° 5-2170/4, pp. 61-65).

B.21.3. Il ressort des travaux préparatoires cités que, lorsqu'il a déterminé les circonstances dans lesquelles l'euthanasie peut être pratiquée sur des mineurs non émancipés dotés de la capacité de discernement, le législateur, d'une part, n'a pas voulu aller plus loin que ce qu'avaient demandé les pédiatres qui sont confrontés, sur le terrain, à des patients mineurs en situation médicale de souffrance constante et insupportable sans issue et, d'autre part, a tenu compte des caractéristiques particulières propres à la psychologie des patients mineurs, caractéristiques qui, de son avis, faisaient obstacle à la pratique de l'euthanasie sur des mineurs dont la souffrance est de nature exclusivement psychique. Il est du reste cohérent d'exclure la souffrance psychique, eu égard à la condition selon laquelle la souffrance doit entraîner le décès à brève échéance.

B.21.4. Compte tenu de la situation extrême dans laquelle se trouvent les patients mineurs non émancipés dotés de la capacité de discernement qui répondent aux conditions mentionnées en B.21.1, le législateur a pu raisonnablement considérer que ces patients peuvent en principe demander l'euthanasie.

B.22.1. Comme il est dit en B.1.6, le médecin traitant est tenu au respect de plusieurs obligations qui concernent, entre autres, les conditions mentionnées en B.21.1.

En vertu de l'article 3, § 2, 3°, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, le médecin traitant doit consulter un second médecin quant au « caractère grave et incurable de l'affection ». Ce second médecin doit être indépendant, tant à l'égard du patient qu'à l'égard du médecin traitant, et être compétent quant à la pathologie concernée.

En ce qui concerne la « souffrance physique constante et insupportable qui ne peut être apaisée », le médecin traitant doit, en vertu de l'article 3, § 2, 2°, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, s'assurer de cette souffrance en menant avec le patient plusieurs entretiens, espacés d'un délai raisonnable au regard de l'évolution de l'état du patient.

En vertu de l'article 3 § 2, 3°, de cette loi, le second médecin précité doit, après avoir examiné le patient, rédiger un rapport qui porte également sur le « caractère constant, insupportable et inapaisable de la souffrance physique [...] ».

En vertu de l'article 3, § 2, 1°, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, le médecin traitant doit informer le patient de son état de santé et de son espérance de vie, se concerter avec le patient sur sa demande d'euthanasie et évoquer avec lui les possibilités thérapeutiques encore envisageables, ainsi que les possibilités qu'offrent les soins palliatifs et leurs conséquences, après quoi ce médecin doit arriver, avec le patient, à la conviction qu'il n'y a aucune autre solution raisonnable dans sa situation et que la demande du patient est entièrement volontaire.

B.22.2. Le législateur a pu raisonnablement estimer que les obligations précitées imposées au médecin traitant garantissent un diagnostic objectif et correct du « caractère grave et incurable de l'affection » et de la « souffrance physique constante et insupportable qui ne peut être apaisée », d'autant que le médecin traitant, ainsi qu'il a été rappelé en B.2.7, doit définir, dans le document d'enregistrement qu'il doit transmettre à la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation, les caractéristiques de l'affection et de la souffrance. Le médecin traitant sait donc que, si cette Commission - qui se compose pour moitié de médecins - estime qu'il n'est pas satisfait aux conditions précitées, son dossier peut être transmis au procureur du Roi.

B.23.1. En vertu de l'article 3, § 1er, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, une demande d'euthanasie doit être « formulée de manière volontaire, réfléchie et répétée »; elle ne peut « [résulter] d'une pression extérieure » et le patient doit être « conscient au moment de sa demande ».

Cette disposition oblige le médecin traitant à s'assurer que la demande d'euthanasie remplit ces critères. Cette obligation est également soulignée à l'article 3, § 2, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, en ce que le médecin, en vertu de cette disposition, doit arriver à la conviction « que la demande du patient est entièrement volontaire » ( § 2, 1°, deuxième phrase) et doit s'assurer de la « volonté réitérée » du patient ( § 2, 2°).

En vertu de l'article 3, § 2, 4°, de la loi précitée, le médecin doit, s'il existe une équipe soignante en contact régulier avec le patient, s'entretenir de la demande du patient avec l'équipe ou des membres de celle-ci, ces entretiens devant avant tout porter sur le caractère volontaire, réfléchi et répété de la demande. En vertu de l'article 3, § 2, 6°, de la loi précitée, le médecin doit s'assurer que le patient a eu l'occasion de s'entretenir de sa demande avec les personnes qu'il souhaitait rencontrer. En vertu de l'article 3, § 2, 7°, de la loi précitée, le médecin doit s'entretenir avec les représentants légaux du patient mineur, afin, non seulement, de s'assurer qu'ils donnent leur accord, mais aussi, eu égard aux conditions de principe quant au caractère volontaire de la demande d'euthanasie, que la décision du patient mineur ne résulte pas d'une pression de ses proches.

En vertu de l'article 7, alinéa 4, 6°, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, le médecin doit transmettre à la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation un document d'enregistrement qui contient « les éléments qui ont permis de s'assurer que la demande a été formulée de manière volontaire, réfléchie et répétée et sans pression extérieure ». Le médecin traitant sait ainsi que, si la Commission estime que les éléments qu'il a pris en considération ne sont pas convaincants, son dossier peut être transmis au procureur du Roi.

B.23.2. Le législateur a pu raisonnablement considérer que les conditions et les obligations précitées, imposées au médecin traitant, garantissent qu'une euthanasie n'est pratiquée que si le patient mineur doté de la capacité de discernement l'a demandée de manière volontaire et réfléchie.

B.24.1. En vertu de l'article 3, § 1er, quatrième tiret, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, tel qu'il a été inséré par l'article 2 de la loi attaquée, l'euthanasie ne peut être pratiquée sur un patient mineur non émancipé que si ce patient est doté de la « capacité de discernement ».

Il ressort de cette disposition qu'en l'absence de cette capacité de discernement, le médecin qui pratiquerait l'euthanasie sur un mineur non émancipé le ferait hors du champ d'application de la loi et commettrait une infraction.

La manière dont le médecin doit s'assurer de la capacité de discernement du mineur non émancipé dont émane la demande est réglée par l'article 3, § 2, 7°, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, tel qu'il a été inséré par l'article 2 de la loi attaquée.

B.24.2. Les travaux préparatoires de la loi attaquée font apparaître que le législateur n'a pas estimé qu'il s'indiquait de fixer un âge minimum du patient mineur pour que celui-ci puisse demander l'euthanasie et qu'à cet égard, le législateur s'est inspiré, d'une part, de la position de l'Ordre des médecins qui « réclame déjà depuis longtemps la suppression du critère de l'âge du mineur concerné au bénéfice du critère de la capacité de discernement réelle du patient » (Doc. parl., Sénat, 2013-2014, n° 5-2170/4, p. 38) et, d'autre part, des points de vue adoptés par plusieurs experts consultés lors de l'élaboration de la loi attaquée (cf. entre autres : Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2170/1, p. 4; n° 5-2170/4, pp. 8, 11, 26, 28 et 36; Chambre, 2013-2014, DOC 53-3245/004, p. 28).

Il ressort également des travaux préparatoires que le législateur a estimé le critère de la capacité de discernement moins « arbitraire » que le critère de l'âge au motif que son appréciation repose sur des données qui ne sont pas purement juridiques, mais médicales et évaluées in concreto (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2170/1, p. 3;

Chambre, 2013-2014, DOC 53-3245/004, pp. 4, 8, 28 et 36). En outre, il fut souligné que « la maturité tant physique qu'intellectuelle est un facteur infiniment plus important que l'âge », que la maturité du mineur évolue en raison de sa maladie et peut être identique, quant à l'appréhension de la mort, à celle d'un adulte (Doc. parl., Sénat, 2013-2014, n° 5-2170/4, pp. 13, 14, 21, 22 et 27; Chambre, 2013-2014, DOC 53-3245/004, p. 50). Il a également été souligné que la notion de « capacité de discernement » du mineur n'est pas neuve en droit médical et qu'elle s'inscrit dans le droit fil de ce que prévoit l'article 12 de la loi du 22 août 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/08/2002 pub. 26/09/2002 numac 2002022737 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi relative aux droits du patient type loi prom. 22/08/2002 pub. 10/09/2002 numac 2002022684 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi portant des mesures en matière de soins de santé type loi prom. 22/08/2002 pub. 17/09/2002 numac 2002011312 source ministere des affaires economiques Loi portant diverses dispositions relatives à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs fermer relative aux droits du patient (Doc. parl., Sénat, 2013-2014, n° 5-2170/4, p. 38; Chambre, 2013-2014, DOC 53-3245/004, pp. 36 et 50).

B.24.3. En ce qui concerne la portée de la notion de « capacité de discernement », les travaux préparatoires mentionnent ce qui suit : « La capacité de discernement ne peut s'apprécier qu'au cas par cas, en fonction de la nature et de l'importance de l'acte considéré. Le tribunal fédéral suisse ou la Cour suprême du Canada ont donné une définition de la notion de capacité de discernement. Cela fixe des lignes directrices et donne des indications. Les éléments à prendre en considération sont : la nature, le but, l'utilité du traitement médical, les risques et les bénéfices, la capacité intellectuelle de l'enfant, le discernement requis pour comprendre les renseignements qui lui permettraient de prendre la décision et d'en évaluer les conséquences possibles, l'opinion bien arrêtée de l'enfant, la question de savoir si elles reflètent véritablement ses valeurs et croyances profondes, etc.

Ce sont autant de critères qui ont été approchés puisque c'est une appréciation au cas par cas. C'est cette logique qui est suivie par les auteurs de la proposition de loi pour évaluer avec une acuité d'autant plus grande que l'acte à poser est extrêmement lourd de conséquences » (Doc. parl., Sénat, 2013-2014, n° 5-2170/4, pp. 69-70). « Cette notion ne peut être interprétée sur un plan strictement juridique. Il s'agit d'un terme clinique qui vise la capacité effective et qui doit se comprendre à la lumière de l'acte spécifique - l'accomplissement de la demande d'euthanasie - qui doit être posé.

Le mineur doit en effet être doté de la capacité de discernement, étant donné que c'est à lui - et à lui seul - qu'est accordé le droit de mourir dignement. Ce droit a un caractère strictement individuel et il constitue une prérogative exclusive du mineur. Il faut en effet établir une nette distinction entre l'expression ' capacité de discernement ' et la notion de ' capacité juridique ' qui a, par essence, une dimension juridique. Cette capacité juridique est déterminante pour savoir si les représentants légaux doivent intervenir ou pas » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3245/004, p. 52). « En outre, [la ministre de la Justice] se rallie à l'interprétation de [madame] [...] de la notion de ' capacité de discernement '.

L'intervenante ajoute que celle-ci doit être comprise de la même manière que celle de l'article 12, § 2, de la loi du 22 août 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/08/2002 pub. 26/09/2002 numac 2002022737 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi relative aux droits du patient type loi prom. 22/08/2002 pub. 10/09/2002 numac 2002022684 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi portant des mesures en matière de soins de santé type loi prom. 22/08/2002 pub. 17/09/2002 numac 2002011312 source ministere des affaires economiques Loi portant diverses dispositions relatives à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs fermer. Ce qui implique notamment que l'on tienne compte de l'âge et la maturité de l'enfant » (ibid., p. 53).

B.24.4. Il ressort de ces extraits des travaux préparatoires, ainsi que de l'objet et de la portée générale de la loi attaquée, que la notion de « capacité de discernement » porte sur l'aptitude du patient mineur à évaluer la portée réelle de sa demande d'euthanasie et les conséquences de cette demande. Dans ce contexte, il a été souligné, lors des travaux préparatoires, que « l'objectif est d'étendre l'euthanasie aux mineurs capables d'exprimer leur volonté, ce qui exclut bien entendu les nouveau-nés et les enfants en bas âge » (Doc. parl., Sénat, 2013-2014, n° 5-2170/4, p. 65).

B.24.5. Il est inhérent au critère utilisé que la capacité de discernement du patient mineur doive être appréciée cas par cas, compte tenu de toutes les circonstances qui déterminent la situation du patient mineur (situation médicale, âge, maturité, etc.).

Contrairement à ce que les parties requérantes dans l'affaire n° 6030 font valoir dans la troisième branche du troisième moyen, il n'est pas sans justification raisonnable que le législateur n'ait pas prévu de critères plus précis pour constater la capacité de discernement du patient mineur, eu égard notamment à la signification suffisamment claire de la notion concernée et au fait que, pour apprécier celle-ci, il convient de tenir compte de toutes les circonstances qui déterminent la situation du patient mineur.

B.24.6. En vertu de l'article 3, § 1er, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, il incombe avant tout au médecin à qui la demande d'euthanasie est adressée de s'assurer de la capacité de discernement du patient mineur.

Comme il est dit en B.1.6, ce médecin doit se concerter avec le patient sur sa demande d'euthanasie, mener avec le patient plusieurs entretiens, espacés d'un délai raisonnable au regard de l'évolution de l'état du patient, pour évoquer la « souffrance physique [...] constante [...] du patient », et il doit, à l'occasion de ces entretiens, arriver avec le patient à la conviction que la demande est « entièrement volontaire » ainsi que s'assurer de la volonté réitérée du patient.

En outre, le médecin doit s'entretenir de la demande du patient avec l'équipe soignante en contact régulier avec le patient et, en vertu de l'article 3, § 2, 7°, dernier alinéa, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, s'entretenir avec les représentants légaux du mineur, ce qui permet tant à l'équipe soignante qu'aux représentants légaux de faire connaître leur point de vue quant à la capacité de discernement du patient mineur.

B.24.7.1. En vertu de l'article 3, § 2, 7°, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, tel qu'il a été inséré par l'article 2 de la loi attaquée, le médecin traitant doit en outre consulter un pédopsychiatre ou un psychologue, qui doit également s'assurer de la capacité de discernement du patient mineur et attester celle-ci par écrit. Le médecin traitant doit informer le patient et ses représentants légaux du résultat de cette consultation.

Eu égard à la formation qu'un pédopsychiatre et un psychologue doivent avoir suivie pour accéder à leur profession, le législateur pouvait, contrairement à ce que font valoir les parties requérantes dans l'affaire n° 6030 dans les première et deuxième branches du troisième moyen, raisonnablement estimer que tant les pédopsychiatres que les psychologues disposent des connaissances et aptitudes nécessaires pour pouvoir apprécier et attester la capacité de discernement du patient mineur.

Eu égard au fait que le patient se trouve dans une situation de souffrance physique constante et insupportable entraînant le décès à brève échéance et au fait que le médecin traitant doit aussi s'assurer de la capacité de discernement du patient mineur, il est raisonnablement justifié, contrairement à ce que font valoir les parties requérantes dans l'affaire n° 6030 dans la cinquième branche du troisième moyen, que la loi attaquée ne prévoie pas un examen complémentaire de la capacité de discernement du patient mineur lorsque le pédopsychiatre ou le psychologue estime que le patient est effectivement capable de discernement.

B.24.7.2. Ainsi que les parties requérantes dans l'affaire n° 6030 le font valoir dans la quatrième branche du troisième moyen, l'article 3, § 2, 7°, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer n'impose au pédopsychiatre ou au psychologue aucune obligation d'indépendance à l'égard du médecin traitant, du patient mineur et de ses représentants légaux, alors que l'article 3, § 2, 3°, de cette loi prévoit que le second médecin qui doit être consulté par le médecin traitant pour vérifier le caractère grave et incurable de l'affection « doit être indépendant, tant à l'égard du patient qu'à l'égard du médecin traitant ».

L'article 121, § 1er, du Code de déontologie médicale élaboré par le Conseil national de l'Ordre des médecins stipule que « le médecin chargé d'une mission qualifiée à l'article 119 doit refuser l'examen de toute personne avec laquelle il aurait ou aurait eu des relations susceptibles d'influencer sa liberté de jugement ». L'article 119 vise notamment « le médecin chargé d'expertiser la capacité ou la qualification physique ou mentale d'une personne ». L'article 122 du même code précise : « Le médecin mandaté pour accomplir une des missions énumérées à l'article 119 doit garder son indépendance professionnelle à l'égard de son mandant, aussi bien qu'à l'égard d'autres parties éventuelles. Les conclusions médicales qu'il a à déposer relèvent de sa seule conscience ».

L'article 34 de l'arrêté royal du 2 avril 2014 fixant les règles de déontologie du psychologue dispose : « En cas de maladie, de conflit d'intérêt ou d'incapacité morale qui implique une entrave à son objectivité ou une limitation de ses compétences professionnelles, le psychologue invite son client ou son sujet à s'adresser à un confrère ».

L'article 45 du même arrêté royal précise : « Lorsqu'un psychologue exerce diverses activités (par exemple expertise, diagnostic à la demande de tiers, thérapie, fonctions administratives,...) il veille à ce que le client ou sujet soit au courant de ces divers types d'activités. Il précise toujours dès le départ à son client ou sujet dans quel cadre il le rencontre. Il s'en tient à une seule activité avec la même personne ».

Il résulte des textes précités que les pédopsychiatres et les psychologues ne peuvent, en vertu des obligations déontologiques qui s'imposent à eux, accepter la mission d'attester de la capacité de discernement du mineur, dans le cadre de la loi attaquée, s'ils ne sont pas indépendants tant vis-à-vis de celui-ci et de ses représentants légaux que vis-à-vis du médecin traitant.

Le troisième moyen, en sa quatrième branche, procède dès lors d'une prémisse inexacte.

B.24.8.1. Compte tenu des obligations précitées imposées au médecin traitant et de la circonstance qu'une personne n'a accès à la profession de médecin qu'après avoir suivi une formation médicale satisfaisant aux conditions définies par la loi, le législateur a pu raisonnablement considérer que le médecin traitant se trouve dans une situation qui lui permet de se prononcer en connaissance de cause sur la question de savoir si le patient mineur peut évaluer la portée réelle de sa demande d'euthanasie et les conséquences de cette demande.

B.24.8.2. Du reste, le médecin qui pratique l'euthanasie sait qu'il doit transmettre à la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation les éléments qui lui ont permis de s'assurer que la demande a été formulée « de manière volontaire, réfléchie et répétée et sans pression extérieure », et qu'il doit fournir les informations relatives au pédopsychiatre ou au psychologue consulté et à l'avis de ce dernier. Si la Commission estime qu'en ce qui concerne la capacité de discernement du patient mineur, les éléments définis par le médecin traitant ne sont pas convaincants, elle peut envoyer le dossier au procureur du Roi.

Compte tenu de ce qui est dit en B.24.1, contrairement à ce que les parties requérantes dans l'affaire n° 6030 font valoir dans la sixième branche du troisième moyen, la loi attaquée ne saurait raisonnablement être interprétée en ce sens que le médecin traitant pourrait pratiquer l'euthanasie sur un patient mineur, lorsque le pédopsychiatre ou le psychologue consulté estime que ce patient n'est pas doté de la capacité de discernement requise. En effet, la consultation d'un pédopsychiatre ou d'un psychologue a été conçue par le législateur comme une garantie supplémentaire pour la bonne application de la loi; il a prévu que cette personne, spécialement qualifiée, « atteste par écrit » que le mineur dispose de la capacité de discernement (article 3, § 2, 7°, alinéa 2, nouveau, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer) et s'est donc écarté de la formulation choisie pour le paragraphe 2, 3°, et pour le paragraphe 3, 1°, de la même disposition en ce qui concerne la consultation d'un autre médecin : la mission de ce dernier est certes également de prendre connaissance du dossier médical, d'examiner le patient, et de s'assurer, en l'espèce, du caractère constant, insupportable et inapaisable de la souffrance physique ou psychique, mais elle se limite ensuite à « rédige [r] un rapport concernant ses constatations », ce qui apparaît comme moins décisif que, comme l'indiquent les développements de la proposition de loi, d'« attester [...] que le mineur est à même d'apprécier raisonnablement les conséquences de sa demande » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2170/1, p. 4). Il ne serait dès lors pas cohérent qu'il puisse être passé outre à l'évaluation ainsi émise. Lors des travaux préparatoires, la ministre de la Justice a du reste déclaré, pour obtenir le rejet d'un amendement tendant à confier cette évaluation à l'équipe pluridisciplinaire en charge du mineur, que « le choix a été fait dans ce projet de loi de confier la responsabilité finale de l'évaluation de la capacité de discernement au pédopsychiatre ou au psychologue » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3245/004, pp. 59 et 60). La disposition attaquée, qui ne peut être interprétée autrement, est compatible avec celles dont la violation est alléguée par le moyen.

B.25.1. En vertu de l'article 3, § 2, 7°, dernier alinéa, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, inséré par l'article 2 de la loi attaquée, il est impossible de pratiquer l'euthanasie sur un patient mineur lorsque ses représentants légaux ne marquent pas leur accord sur sa demande.

Lorsque les représentants légaux marquent leur accord sur cette demande, cet accord doit, en vertu de l'article 3, § 4, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, inséré par l'article 2 de la loi attaquée, être acté par écrit.

B.25.2. Les travaux préparatoires de la loi attaquée font apparaître que le législateur a estimé qu'il s'indiquait d'exiger l'accord explicite des représentants légaux du patient mineur, notamment en raison de l'incapacité juridique de principe du mineur et de la nécessité juridique - qui en découle -, pour le mineur, d'être représenté (Doc. parl., Sénat, 2013-2014, n° 5-2170/1, p. 3; n° 5-2170/4, pp. 9, 26 et 50).

Le législateur a également voulu tenir compte des difficultés émotionnelles auxquelles les parents sont confrontés lorsque leur enfant demande l'euthanasie. En ce sens, il a été souligné que « sur le plan humain [...], il semble difficilement concevable d'accéder à la demande d'euthanasie d'un mineur, alors même que ses parents ou l'un d'eux seraient en désaccord total » (Doc. parl., Sénat, 2013-2014, n° 5-2170/4, p. 26).

Enfin, la condition de l'accord des représentants légaux s'explique aussi par le souci de ne pas compromettre la sécurité juridique du médecin traitant (Doc. parl., Sénat, 2013-2014, n° 5-2170/4, pp. 50-51).

B.25.3. Dans le cadre de la demande d'euthanasie formulée par un patient mineur, il n'est pas déraisonnable de tenir compte des intérêts émotionnels des représentants légaux du patient mineur, qui sont en général les parents. Si la condition de l'accord des représentants légaux limite l'autonomie du patient mineur, elle se justifie par le droit des parents au respect de la vie privée et familiale et par leur obligation de veiller au bien-être de leur enfant.

En outre, le législateur a pu raisonnablement considérer que la condition de l'accord des représentants légaux constitue une garantie supplémentaire de respect, par le médecin traitant, des conditions, fixées par la loi, pour pratiquer l'euthanasie sur un patient mineur non émancipé. Bien que les représentants légaux n'aient pas nécessairement pu suivre une formation médicale, leur situation leur permet généralement d'apprécier, en connaissance de cause, la « capacité de discernement » du patient mineur, le caractère « volontaire, réfléchi et répété » de sa demande et sa « souffrance physique constante et insupportable ».

B.26. Eu égard aux garanties décrites en B.21 à B.25, la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, telle qu'elle a été modifiée par la loi attaquée, est fondée sur un juste équilibre entre, d'une part, le droit de chacun de choisir de mettre fin à sa vie pour éviter une fin de vie indigne et pénible, qui découle du droit au respect de la vie privée, et, d'autre part, le droit du mineur à des mesures visant à prévenir les abus quant à la pratique de l'euthanasie, qui découle du droit à la vie et à l'intégrité physique.

B.27. Dans la deuxième branche du premier moyen dans l'affaire n° 6030, les parties requérantes font encore valoir que le législateur n'a pas tenu compte des situations fondamentalement différentes du patient mineur et du patient majeur, ce dernier étant, contrairement au premier, capable de poser des actes touchant à sa personne et à ses biens, et que le législateur a donc traité de la même manière, sans justification raisonnable, deux catégories de personnes qui se trouvent dans des situations fondamentalement différentes.

B.28.1. En ce qui concerne la situation médicale sans issue de souffrance physique constante et insupportable qui ne peut être apaisée, entraînant le décès à brève échéance et résultant d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, visée dans la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, la situation du patient mineur non émancipé ne diffère pas fondamentalement de la situation du patient majeur ou du patient mineur émancipé.

Par contre, comme il est dit en B.2.5, les autres conditions légales d'euthanasie diffèrent selon que celle-ci est pratiquée sur des patients mineurs non émancipés ou sur des patients majeurs et des patients mineurs émancipés. Ces différences s'expliquent précisément par l'état de vulnérabilité et d'incapacité juridique du patient mineur non émancipé.

B.28.2. La circonstance que le patient mineur n'est en principe pas juridiquement capable de poser des actes touchant à sa personne et à ses biens n'empêche pas le législateur, dans le cadre d'un régime légal d'euthanasie, de déroger en partie à cette incapacité de principe, pour pouvoir tenir compte du choix volontaire et réfléchi d'un patient mineur capable de discernement qui souffre de manière constante et insupportable.

B.29. Sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.24.8.2, le premier moyen dans l'affaire n° 6030, le troisième moyen dans l'affaire n° 6030, le deuxième moyen dans l'affaire n° 6033 et le premier moyen dans l'affaire n° 6034 ne sont pas fondés.

En ce qui concerne le deuxième moyen dans l'affaire n° 6030, le premier moyen dans l'affaire n° 6033 et le deuxième moyen dans l'affaire n° 6034 B.30.1. Dans le deuxième moyen dans l'affaire n° 6030, dans le premier moyen dans l'affaire n° 6033 et dans le deuxième moyen dans l'affaire n° 6034, les parties requérantes font valoir en substance que la portée de la notion de « capacité de discernement », contenue dans l'article 3, § 1er, quatrième tiret, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, inséré par l'article 2 de la loi attaquée, n'est pas suffisamment claire et n'est donc pas compatible avec le principe de légalité garanti par les dispositions constitutionnelles et conventionnelles mentionnées dans les moyens précités. B.30.2. Le deuxième moyen dans l'affaire n° 6030 est pris de la violation des articles 10, 11, 12, 14 et 22 de la Constitution, combinés avec les articles 2, 7 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec l'article 6 de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le premier moyen dans l'affaire n° 6033 est pris de la violation de l'article 12 de la Constitution.

Le deuxième moyen dans l'affaire n° 6034 est pris de la violation des articles 12, 14, 22, 22bis et 23 de la Constitution, combinés avec les articles 2, 7 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.31.1. Le Conseil des ministres fait valoir que les parties requérantes n'ont aucun intérêt à invoquer une violation des articles 12 et 14 de la Constitution, puisqu'elles ne sont pas médecins et qu'elles ne peuvent donc être pénalement responsables d'une euthanasie pratiquée illégalement.

B.31.2. Dès lors que les parties requérantes ont démontré leur intérêt à l'annulation des dispositions de la loi attaquée, il n'y a pas lieu d'examiner si elles justifient en outre d'un intérêt à chacun des moyens qu'elles invoquent.

Les exceptions sont rejetées.

B.32.1. Les articles 12 et 14 de la Constitution disposent : «

Art. 12.La liberté individuelle est garantie.

Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit.

Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu'en vertu de l'ordonnance motivée du juge, qui doit être signifiée au moment de l'arrestation, ou au plus tard dans les vingt-quatre heures ». «

Art. 14.Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi ».

B.32.2. L'article 7.1 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise ».

L'article 15, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose : « Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier ».

B.32.3. En ce qu'ils garantissent le principe de légalité en matière pénale, l'article 7.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 15, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ont une portée analogue à celle des articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution.

Dès lors, les garanties fournies par ces dispositions forment, dans cette mesure, un ensemble indissociable.

B.33. En attribuant au pouvoir législatif la compétence de déterminer dans quels cas des poursuites pénales sont possibles, l'article 12, alinéa 2, de la Constitution garantit à tout citoyen qu'aucun comportement ne sera punissable qu'en vertu de règles adoptées par une assemblée délibérante, démocratiquement élue.

En outre, le principe de légalité en matière pénale qui découle des dispositions constitutionnelle et conventionnelles précitées procède de l'idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est ou non punissable. Il exige que le législateur indique, en des termes suffisamment précis, clairs et offrant la sécurité juridique, quels faits sont sanctionnés, afin, d'une part, que celui qui adopte un comportement puisse évaluer préalablement, de manière satisfaisante, quelle sera la conséquence pénale de ce comportement et afin, d'autre part, que ne soit pas laissé au juge un trop grand pouvoir d'appréciation.

Toutefois, le principe de légalité en matière pénale n'empêche pas que la loi attribue un pouvoir d'appréciation au juge. Il faut en effet tenir compte du caractère de généralité des lois, de la diversité des situations auxquelles elles s'appliquent et de l'évolution des comportements qu'elles répriment.

La condition qu'une infraction doit être clairement définie par la loi se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin, à l'aide de son interprétation par les juridictions, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale.

Ce n'est qu'en examinant une disposition pénale spécifique qu'il est possible de déterminer, en tenant compte des éléments propres aux infractions qu'elle entend réprimer, si les termes généraux utilisés par le législateur sont à ce point vagues qu'ils méconnaîtraient le principe de légalité en matière pénale.

B.34. La loi attaquée n'a ni pour but ni pour effet d'instaurer une nouvelle incrimination. Elle vise à dépénaliser, à des conditions strictes, un comportement déterminé qui est qualifié d'infraction. En tant que telle, cette loi détermine aussi les conditions auxquelles le comportement en question est qualifié d'infraction. Pour cette raison, elle doit satisfaire aux exigences du principe de légalité en matière pénale.

B.35. En vertu de l'article 3, § 1er, quatrième tiret, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, inséré par l'article 2 de la loi attaquée, le médecin qui pratique une euthanasie sur un patient mineur ne commet pas d'infraction s'il s'est assuré que ce patient est doté de la « capacité de discernement ».

B.36.1. Ainsi qu'il est dit en B.24.4, la formulation de cette disposition, eu égard également à l'objet et à la portée générale de la loi attaquée, fait apparaître de manière suffisamment claire que la notion de « capacité de discernement » porte sur la capacité du mineur à évaluer la portée réelle de sa demande d'euthanasie, ainsi que les conséquences de cette demande.

B.36.2. Ainsi qu'il est dit en B.24.5, il est inhérent au critère utilisé que la capacité de discernement du patient mineur soit appréciée cas par cas, compte tenu de toutes les circonstances qui déterminent la situation du patient mineur (situation médicale, âge, maturité, etc.). En soi, ce critère s'inscrit dans le droit fil de la condition, contenue dans la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer et applicable à la fois aux patients majeurs et aux patients mineurs, que la demande d'euthanasie soit « volontaire et réfléchie », cette condition devant aussi être nécessairement appréciée cas par cas par le médecin à qui la demande a été adressée.

B.36.3. Il incombe au médecin à qui la demande d'euthanasie a été adressée de s'assurer que le patient mineur concerné est capable d'évaluer la portée réelle de sa demande et les conséquences de celle-ci. Il doit consulter un pédopsychiatre ou un psychologue, qui doit à son tour s'assurer de la capacité de discernement du patient mineur et doit l'attester par écrit.

Le médecin traitant et le pédopsychiatre ou psychologue à consulter agissent à titre professionnel. En cette qualité, ils ne sauraient être censés ignorer la portée de la notion de « capacité de discernement » visée par la loi, eu égard notamment à la formation qu'ils doivent avoir suivie pour pouvoir accéder à leur profession.

Par ailleurs, la loi attaquée oblige le médecin traitant à s'entretenir plusieurs fois avec le patient de sa demande d'euthanasie et des conditions légales liées à cette demande, à se concerter avec l'équipe soignante en contact régulier avec le patient et avec les représentants légaux du patient mineur sans l'accord desquels la demande du mineur ne peut être admise. Le médecin traitant dispose dès lors des informations nécessaires pour apprécier, en connaissance de cause, la « capacité de discernement » du patient mineur.

Eu égard au fait que la notion de « capacité de discernement » a essentiellement une portée médicale, la circonstance que le psychiatre ou le psychologue à consulter ne doit pas avoir suivi une formation juridique n'est pas un obstacle pour les praticiens concernés qui doivent apprécier, en connaissance de cause, la capacité du mineur à évaluer la portée réelle de sa demande d'euthanasie ainsi que les conséquences de cette demande.

B.36.4. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes dans l'affaire n° 6030, la notion de « capacité de discernement » figurant dans la loi attaquée ne diffère pas fondamentalement, du reste, de la notion, employée dans l'article 12, § 2, de la loi du 22 août 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/08/2002 pub. 26/09/2002 numac 2002022737 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi relative aux droits du patient type loi prom. 22/08/2002 pub. 10/09/2002 numac 2002022684 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi portant des mesures en matière de soins de santé type loi prom. 22/08/2002 pub. 17/09/2002 numac 2002011312 source ministere des affaires economiques Loi portant diverses dispositions relatives à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs fermer relative aux droits du patient, selon laquelle le « patient mineur [...] peut être estimé apte à apprécier raisonnablement ses intérêts ». Lors des travaux préparatoires de la loi attaquée, la ministre de la Justice a déclaré, en la matière, que la notion de « capacité de discernement » « doit être comprise de la même manière que celle de l'article 12, § 2, de la loi du 22 août 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/08/2002 pub. 26/09/2002 numac 2002022737 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi relative aux droits du patient type loi prom. 22/08/2002 pub. 10/09/2002 numac 2002022684 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi portant des mesures en matière de soins de santé type loi prom. 22/08/2002 pub. 17/09/2002 numac 2002011312 source ministere des affaires economiques Loi portant diverses dispositions relatives à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs fermer » (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3245/004, p. 53).

B.37. Compte tenu de ce qui précède et eu égard au fait que l'euthanasie ne peut être pratiquée sur un patient mineur non émancipé que si celui-ci se trouve dans une situation médicale sans issue de souffrance physique constante et insupportable ne pouvant être apaisée et « entraînant le décès à brève échéance », le législateur a pu raisonnablement considérer qu'eu égard au droit du patient de choisir de mettre fin à sa vie pour éviter une fin de vie indigne et pénible, qui découle du droit au respect de la vie privée, il ne s'indiquait pas de prévoir une procédure juridictionnelle spécifique pour contester l'avis des praticiens concernés quant à la capacité du mineur à évaluer la portée réelle de sa demande d'euthanasie et aux conséquences de celle-ci.

B.38. En ce qu'ils sont pris de la violation du principe de légalité en matière pénale, le deuxième moyen dans l'affaire n° 6030, le premier moyen dans l'affaire n° 6033 et le deuxième moyen dans l'affaire n° 6034 ne sont pas fondés.

B.39. L'on ne saurait déduire des autres dispositions constitutionnelles et conventionnelles mentionnées dans ces moyens aucun principe de légalité dont la portée excéderait celle du principe de légalité en matière pénale.

En ce qu'ils sont pris de la violation du principe de légalité contenu dans ces dispositions, les moyens précités ne sont pas davantage fondés.

B.40. Dans la deuxième branche du deuxième moyen dans l'affaire n° 6034, la partie requérante fait encore valoir qu'il n'est pas raisonnablement justifié de permettre au patient mineur de demander l'euthanasie, alors que celui-ci est appréhendé par la législation civile comme « une personne immature, influençable et inexpérimentée [et qu'il] lui est interdit d'acheter du tabac ou de l'alcool parce que c'est dommageable pour sa santé ».

B.41. Ainsi qu'il est dit en B.26, la loi attaquée est fondée sur un juste équilibre entre, d'une part, le droit de chacun de mettre fin à sa vie pour éviter une fin de vie indigne et pénible, qui découle du droit au respect de la vie privée, et, d'autre part, le droit à des mesures visant à éviter des abus dans la pratique de l'euthanasie, qui découle du droit à la vie et à l'intégrité physique.

Ainsi qu'il est dit en B.28.2, la circonstance que le patient mineur n'est en principe pas doté de la capacité juridique pour poser des actes touchant à sa personne et à ses biens n'empêche pas le législateur de déroger en partie à l'incapacité de principe, dans le cadre d'un régime légal d'euthanasie, pour pouvoir tenir compte du choix volontaire et réfléchi d'un mineur capable de discernement qui souffre de manière constante et insupportable. Par ailleurs, l'euthanasie ne peut être pratiquée sur un patient mineur non émancipé que moyennant l'accord de ses représentants légaux.

Eu égard à l'objet et au but fondamentalement différents, d'une part, de l'émancipation et, d'autre part, de l'euthanasie, l'on ne saurait déduire de la circonstance que l'émancipation d'un mineur requiert, en principe, une décision judiciaire, aucune obligation, pour le législateur, de prévoir également, en matière d'euthanasie, une autorisation judiciaire préalable. Le législateur a pu raisonnablement considérer que, eu égard au droit du patient dont la souffrance « entraîne le décès à brève échéance » de choisir de mettre fin à sa vie pour éviter une fin de vie indigne et pénible, il ne s'indiquait pas de prévoir une autorisation judiciaire préalable. Une telle autorisation suppose en effet une procédure judiciaire qui, même si elle était organisée de manière telle qu'elle pourrait être clôturée à court terme, pèserait sur la situation émotionnelle du patient dont le décès surviendra à brève échéance.

B.42. Le deuxième moyen dans l'affaire n° 6030, le premier moyen dans l'affaire n° 6033 et le deuxième moyen dans l'affaire n° 6034 ne sont pas fondés.

En ce qui concerne le quatrième moyen dans l'affaire n° 6030 et le troisième moyen dans l'affaire n° 6033 B.43. Les parties requérantes dans l'affaire n° 6030 prennent un quatrième moyen de la violation, par la loi attaquée, des articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution, combinés avec l'article 160 de la Constitution et avec les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Elles reprochent à la loi attaquée de ne pas avoir été précédée de l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat alors même que tel fut le cas de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer autorisant l'euthanasie des majeurs et des mineurs émancipés. Les parties requérantes estiment que les personnes concernées par la loi attaquée ont ainsi été privées d'une garantie sans qu'apparaisse une justification objective et raisonnable.

B.44. Le troisième moyen dans l'affaire n° 6033 est pris de la violation du principe de minutie, en ce que la loi attaquée « a été imposée au citoyen, sans qu'aucune tendance philosophique, religieuse, éthique ou morale du pays, ni aucune instance internationale n'y ait marqué son accord ». Les parties requérantes estiment que ceci entraîne « une violation des droits de l'enfant contenus dans les articles 22bis et 23 de la Constitution ».

B.45. En vertu de l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la Cour statue, par voie d'arrêt, sur les recours en annulation, en tout ou en partie, d'une loi, d'un décret ou d'une règle visée à l'article 134 de la Constitution pour cause de violation : « 1° des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des Communautés et des Régions; ou 2° des articles du titre II ' Des Belges et de leurs droits ', et des articles 170, 172 et 191 et de la Constitution;3° de l'article 143, § 1er, de la Constitution ». B.46. En vertu de cette disposition, la Cour est uniquement compétente pour contrôler le contenu d'une disposition de nature législative au regard des articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution, mentionnés dans le quatrième moyen invoqué dans l'affaire n° 6030.

Cette compétence ne lui permet pas de vérifier le respect des modalités d'élaboration d'une loi. Ainsi qu'il a déjà été jugé par l'arrêt n° 97/99 du 15 septembre 1999, la Cour n'est pas compétente pour contrôler si l'obligation de consulter le Conseil d'Etat, qui découle des articles 2 et suivants des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, a été respectée ou non. La circonstance que la proposition qui a conduit à la loi originaire du 28 mai 2002 a été soumise pour avis au Conseil d'Etat, alors que tel ne fut pas le cas pour la proposition qui a conduit à la loi attaquée, ne mène pas à une autre conclusion.

B.47.1. Aux termes de l'article 1er, précité, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la Cour n'est pas compétente pour procéder au contrôle d'une norme législative au regard du principe invoqué dans le troisième moyen dans l'affaire n° 6033.

B.47.2. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, les moyens de la requête doivent du reste faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.

Les parties requérantes dans l'affaire n° 6033 n'exposent nullement, dans leur troisième moyen, en quoi la circonstance que la loi attaquée « [aurait été] imposée au citoyen sans qu'aucune tendance philosophique, religieuse, éthique ou morale du pays, ni aucune instance internationale n'y ait marqué son accord » emporterait « une violation des droits de l'enfant contenus dans les articles 22bis et 23 de la Constitution ».

B.48. Le quatrième moyen dans l'affaire n° 6030 et le troisième moyen dans l'affaire n° 6033 sont irrecevables.

Par ces motifs, la Cour, sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.24.8.2, rejette les recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 29 octobre 2015.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, J. Spreutels

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