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Arrêt
publié le 24 août 2015

Extrait de l'arrêt n° 94/2015 du 25 juin 2015 Numéros du rôle : 5894 et 6021 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 343, § 1 er , a) et b), 348-3, 348-11, 353, 353-8, 353-9 et 353-10 du Code civil, posées La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De G(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 94/2015 du 25 juin 2015 Numéros du rôle : 5894 et 6021 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 343, § 1er, a) et b), 348-3, 348-11, 353, 353-8, 353-9 et 353-10 du Code civil, posées par le Tribunal de la jeunesse de Namur et par le Tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Moerman, F. Daoût et T. Giet, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure a. Par jugement du 25 avril 2014 en cause de P.L., en présence de E.P., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 30 avril 2014, le Tribunal de la jeunesse de Namur a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. Les articles 343, § 1er, a) et b), et 353 du Code civil violent-ils les articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution, combinés avec les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 21 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce qu'ils ne prévoient pas, dans les circonstances de l'espèce définies ci-dessus, qu'un enfant mineur puisse être adopté par adoption simple par l'ancien partenaire du parent adoptif de cet enfant, dès lors qu'il n'y a plus de cohabitation au moment de l'introduction de la demande d'adoption alors qu'il y a eu pendant au moins trois ans cohabitation affective et permanente avant l'introduction de cette demande et qu'il existe une relation parent-enfant durable sur le plan matériel et moral entre le candidat adoptant et l'enfant adopté ? 2. Les articles 353-8, 353-9 et 353-10 du Code civil violent-ils les articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution et les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 21 de la convention relative aux droits de l'enfant en ce qu'en cas d'adoption simple, ils ne permettent pas à l'enfant biologique ou adoptif mineur d'un ancien partenaire non cohabitant de continuer à bénéficier de l'autorité parentale conjointe de ses deux parents alors que c'est bel et bien le cas pour l'enfant biologique ou adoptif mineur d'un partenaire cohabitant ? ». b. Par jugement du 8 juillet 2014 en cause de C.D., C.S. et N.D., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 6 août 2014, le Tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « Les articles 348-3 et 348-11 du Code civil violent-ils les articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution, combinés ou non avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'ils imposent le consentement de la mère pour qu'une adoption puisse être prononcée (en dehors de l'hypothèse où la mère s'est désintéressée de l'enfant ou en a compromis la santé, la sécurité ou la moralité), alors même : - que la mère a signé avec le (la) candidat(e) à l'adoption une convention, conformément à l'article 7 de la loi du 6 juillet 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/07/2007 pub. 17/07/2007 numac 2007023090 source service public federal securite sociale Loi relative à la procréation médicalement assistée et à la destination des embryons surnuméraires et des gamètes fermer relative à la procréation médicalement assistée; - que la mère et le (la) candidat(e) à l'adoption entretenaient à tout le moins une relation affective au moment de la naissance de l'enfant et se sont ensuite marié(e)s; - que la mère et le (la) candidat(e) à l'adoption étaient marié(e)s au moment du dépôt de la requête en adoption; - qu'il est établi qu'un lien familial effectif existe entre l'enfant et le (la) candidat(e) à l'adoption qui persiste après la séparation des conjoints, notamment en raison d'un accord sur le droit de visite qui a été entériné par le juge de paix ? »; 2. « Les articles 343, § 1er, a), 353-8 et 353-9 du Code civil violent-ils les articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution, combinés ou non avec l'article 21 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, dans la mesure où, en cas d'adoption de l'enfant ou de l'enfant adoptif de l'ex-époux de l'adoptant, ils ne prévoient pas que l'autorité parentale soit exercée conjointement par les deux ex-époux, alors qu'il en est bien ainsi en cas d'adoption de l'enfant ou de l'enfant adoptif du conjoint de l'adoptant ? ». Ces affaires, inscrites sous les numéros 5894 et 6021 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) B.1. L'article 343 du Code civil, modifié en dernier lieu par l'article 2 de la loi du 2 juin 2010Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/06/2010 pub. 21/06/2010 numac 2010009588 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil en ce qui concerne les empêchements à mariage en cas d'adoption type loi prom. 02/06/2010 pub. 16/11/2010 numac 2010000645 source service public federal interieur Loi modifiant le Code civil en ce qui concerne les empêchements à mariage en cas d'adoption. - Traduction allemande fermer « modifiant le Code civil en ce qui concerne les empêchements à mariage en cas d'adoption », dispose : « § 1er. On entend par : a) adoptant : une personne, des époux, ou des cohabitants;b) cohabitants : deux personnes ayant fait une déclaration de cohabitation légale ou deux personnes qui vivent ensemble de façon permanente et affective depuis au moins trois ans au moment de l'introduction de la demande en adoption, pour autant qu'elles ne soient pas unies par un lien de parenté entraînant une prohibition de mariage dont elles ne peuvent être dispensées par le Roi;c) enfant : une personne âgée de moins de dix-huit ans. § 2. II existe deux sortes d'adoption : l'adoption simple et l'adoption plénière ».

B.2.1. Les articles 348-1 à 348-11 du Code civil composent le point E (« Consentements ») du paragraphe 1er (« Des conditions de l'adoption ») de la section 2 (« Dispositions communes aux deux sortes d'adoption ») du chapitre Ier (« Droit interne ») du titre VIII (« De l'adoption ») du livre premier de ce Code.

B.2.2. L'article 348-3 du Code civil disposait avant sa modification par l'article 16 de la loi du 17 mars 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/03/2013 pub. 14/06/2013 numac 2013009163 source service public federal justice Loi réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine fermer « réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine » : « Lorsque la filiation d'un enfant, d'un mineur prolongé ou d'un interdit est établie à l'égard de sa mère et de son père, ceux-ci doivent tous deux consentir à l'adoption. Toutefois, si l'un d'eux est dans l'impossibilité de manifester sa volonté, sans aucune demeure connue ou présumé absent, le consentement de l'autre suffit.

Lorsque la filiation d'un enfant, d'un mineur prolongé ou d'un interdit n'est établie qu'à l'égard d'un de ses auteurs, seul celui-ci doit consentir à l'adoption ».

B.2.3. L'article 348-11 du Code civil disposait avant sa modification par l'article 46 de la loi du 30 juillet 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2013 pub. 27/09/2013 numac 2013009420 source service public federal justice Loi portant création d'un tribunal de la famille et de la jeunesse fermer « portant création d'un tribunal de la famille et de la jeunesse » : « Lorsqu'une personne qui doit consentir à l'adoption en vertu des articles 348-2 à 348-7 refuse ce consentement, l'adoption peut cependant être prononcée à la demande de l'adoptant, des adoptants ou du ministère public s'il apparaît au tribunal que ce refus est abusif.

Toutefois, si ce refus émane de la mère ou du père d'un enfant, le tribunal ne peut prononcer l'adoption, sauf s'il s'agit d'une nouvelle adoption, que s'il apparaît, au terme d'une enquête sociale approfondie, que cette personne s'est désintéressée de l'enfant ou en a compromis la santé, la sécurité ou la moralité ».

B.3.1. Les articles 353-1 à 353-18 du Code civil composent le point A (« Effets ») du paragraphe 1er (« De l'adoption simple ») de la section 3 (« Dispositions propres à chaque sorte d'adoption ») du chapitre Ier du titre VIII du livre premier de ce Code.

B.3.2. L'article 353-8 du Code civil disposait avant sa modification par l'article 20 de la loi du 17 mars 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/03/2013 pub. 14/06/2013 numac 2013009163 source service public federal justice Loi réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine fermer : « L'adoptant est investi, à l'égard de l'adopté, des droits de l'autorité parentale, y compris le droit de jouissance légale, le droit de requérir son émancipation et de consentir à son mariage.

Lorsque l'adoptant décède ou se trouve dans l'impossibilité d'exercer l'autorité parentale pendant la minorité de l'adopté, la tutelle est organisée conformément au présent livre, titre X, chapitre II ».

L'article 353-9 du même Code disposait, avant sa modification par l'article 21 de la loi du 17 mars 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/03/2013 pub. 14/06/2013 numac 2013009163 source service public federal justice Loi réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine fermer : « En cas d'adoption par des époux ou cohabitants, ou lorsque l'adopté est l'enfant ou l'enfant adoptif du conjoint ou cohabitant de l'adoptant, l'autorité parentale est exercée conjointement par les deux époux ou cohabitants. Les dispositions du présent livre, titre IX, sont applicables.

Lorsque les deux adoptants décèdent ou se trouvent dans l'impossibilité d'exercer l'autorité parentale pendant la minorité de l'adopté, la tutelle est organisée conformément au présent livre, titre X, chapitre II ».

L'article 353-10 du même Code disposait, avant sa modification par l'article 50 de la loi du 30 juillet 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2013 pub. 27/09/2013 numac 2013009420 source service public federal justice Loi portant création d'un tribunal de la famille et de la jeunesse fermer : « En cas de décès de l'adoptant ou des adoptants, la mère et le père de l'enfant adoptif, conjointement, ou l'un d'eux peuvent demander au tribunal de la jeunesse que l'enfant soit replacé sous leur autorité parentale. Si cette demande est agréée, la tutelle organisée antérieurement prend fin ».

Quant à la première question préjudicielle dans l'affaire n° 5894 B.4.1. Il ressort des motifs de la décision de renvoi et du libellé de la question préjudicielle que la Cour est invitée à statuer sur la compatibilité de l'article 343, § 1er, b), du Code civil avec les articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 21 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que, en exigeant que la demande en adoption soit introduite durant la vie en commun, cette disposition législative empêche l'homme qui, de façon permanente et affective, a vécu plus de trois ans avec la mère adoptive d'un enfant et avec celui-ci, sans être l'époux ou le cohabitant légal de cette femme, de demander l'adoption simple de cet enfant en qualité de cohabitant.

B.4.2. Il ressort des motifs de la décision de renvoi et du dossier sur lequel elle repose que la juridiction qui interroge la Cour est saisie d'une demande en adoption simple introduite par un homme qui a formé un couple avec la mère adoptive d'un enfant durant près de dix ans, période durant laquelle l'enfant est né.

Il apparaît aussi que celui-ci, né à l'étranger de père inconnu et abandonné par sa mère biologique, n'a pas de père légal et qu'il a, dès son arrivée sur le territoire du Royaume, quelques mois après sa naissance, vécu au sein du ménage formé par sa mère adoptive et le demandeur en adoption, même si la cohabitation officielle de ces derniers n'a débuté que près de deux mois après cette arrivée et plus de six mois après l'établissement de l'acte d'adoption. Il apparaît, en outre, qu'il existe entre le demandeur en adoption et l'enfant une relation de fait durable d'un point de vue tant moral que matériel, que le choix de l'adoption simple est motivé par le souhait de ne pas substituer le nom du demandeur en adoption au nom de la mère adoptive, et que la mère adoptive est d'accord avec l'adoption pour autant que l'adoption ne modifie pas son lien avec l'enfant.

La Cour répond à la question préjudicielle en tenant compte de cette situation particulière.

B.5.1. L'article 22 de la Constitution dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit ».

L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». Le Constituant a recherché la plus grande concordance possible entre l'article 22 de la Constitution et cette disposition internationale (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 997/5, p. 2).

La portée de celle-ci est analogue à celle de la disposition constitutionnelle précitée, de sorte que les garanties que fournissent ces deux dispositions forment un ensemble indissociable.

B.5.2. L'article 22bis de la Constitution dispose : « Chaque enfant a droit au respect de son intégrité morale, physique, psychique et sexuelle.

Chaque enfant a le droit de s'exprimer sur toute question qui le concerne; son opinion est prise en considération, eu égard à son âge et à son discernement.

Chaque enfant a le droit de bénéficier des mesures et services qui concourent à son développement.

Dans toute décision qui le concerne, l'intérêt de l'enfant est pris en considération de manière primordiale.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent ces droits de l'enfant ».

L'article 21, a), de la Convention relative aux droits de l'enfant dispose : « Les Etats parties qui admettent et/ou autorisent l'adoption s'assurent que l'intérêt supérieur de l'enfant est la considération primordiale en la matière, et : a) Veillent à ce que l'adoption d'un enfant ne soit autorisée que par les autorités compétentes, qui vérifient, conformément à la loi et aux procédures applicables et sur la base de tous les renseignements fiables relatifs au cas considéré, que l'adoption peut avoir lieu eu égard à la situation de l'enfant par rapport à ses père et mère, parents et représentants légaux et que, le cas échéant, les personnes intéressées ont donné leur consentement à l'adoption en connaissance de cause, après s'être entourées des avis nécessaires;».

B.6. Il ressort de la disposition en cause que l'homme qui, de façon permanente et affective, a vécu plus de trois ans avec la mère adoptive d'un enfant et avec celui-ci, sans être l'époux de cette femme ou lié à elle par une cohabitation légale, ne peut plus demander l'adoption de cet enfant, en qualité de cohabitant, lorsque la vie commune a pris fin, même si l'enfant est né alors que cet homme et cette femme formaient un couple, et même si la relation de fait entre cet homme et cet enfant a, depuis l'accueil de l'enfant par sa mère adoptive, toujours été celle d'un père et de son enfant.

B.7.1. L'exigence de la persistance, au moment de la demande en adoption, d'une vie commune entre le demandeur en adoption et le parent de l'enfant a été justifiée comme suit lors des travaux préparatoires de la loi du 24 avril 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/04/2003 pub. 16/05/2003 numac 2003009435 source service public federal justice Loi réformant l'adoption fermer : « La loi du 23 novembre 1998 instaurant la cohabitation légale, entrée en vigueur le 1er janvier 2000, a d'une certaine manière consacré en droit civil l'existence d'une forme de vie commune en-dehors du mariage. D'autre part, de plus en plus de voix se sont élevées ces dernières années pour exprimer le souhait de rendre l'adoption possible pour des couples non mariés, et cela notamment depuis l'abrogation par la loi du 31 mars 1987 des notions de filiations ' légitime ' et ' naturelle '. Le fait que l'adoption par deux personnes ne puisse intervenir que dans le cadre du mariage a donc été de plus en plus perçu comme incohérent.

Il convenait de tenir compte de cette évolution en matière d'adoption également. Alors que précédemment, seuls deux époux pouvaient adopter ensemble un même enfant, le présent projet introduit la possibilité d'adopter pour deux personnes non mariées de sexe différent. De même, l'adoption par une personne de l'enfant ou de l'enfant adoptif de son cohabitant (pour autant que l'adoptant et son cohabitant soient de sexe différent) sera possible aux mêmes conditions et avec les mêmes effets que si l'adoptant était marié avec le parent de l'adopté.

Trois conditions doivent cependant être remplies. La première est que ces personnes ne peuvent être parentes l'une de l'autre. Une personne ne peut donc être adoptée par un frère et une soeur, ou par un oncle et sa nièce.

La deuxième est une condition de stabilité. Les adoptants doivent vivre ensemble de façon permanente depuis au moins trois ans au moment de l'introduction de la demande. Il y va de l'intérêt de l'adopté, le plus souvent un enfant, qui a déjà vécu un déracinement et doit pouvoir bénéficier des meilleurs garanties que la famille dans laquelle il aboutit constitue un environnement stable.

La troisième condition porte sur la qualité de la relation des adoptants. Il est exigé que leur union ait une nature affective.

L'intérêt de l'adopté, de l'enfant adopté essentiellement, est de trouver une famille, au sens commun du terme. Deux amis, pour honorables que soient leurs objectifs, ne pourraient lui offrir cela (voyez à l'article 343 en projet du Code civil ce que l'on entend par ' adoptant ' [et] par ' cohabitant ' » (Doc. parl., Chambre, 2000-2001, DOC 50-1366/001 et 50-1367/001, pp. 11-12).

B.7.2. La disposition en cause a, dès lors, pour objectif de permettre l'adoption conjointe par deux personnes non mariées ainsi que l'adoption de l'enfant de la personne avec laquelle le demandeur en adoption cohabite.

La condition relative à l'existence d'une vie commune au moment de la demande en adoption est justifiée par l'« intérêt » de l'enfant adopté - qui « a déjà vécu un déracinement » - d'aboutir dans « une famille, au sens commun du terme », considérée par le législateur comme un « environnement stable » pour l'enfant.

B.8. Selon l'article 22bis, alinéa 4, de la Constitution et l'article 21 de la Convention relative aux droits de l'enfant, l'intérêt de l'enfant doit constituer la considération « primordiale » pour toute décision le concernant.

B.9.1. La disposition en cause empêche l'ancien partenaire de la mère de l'enfant de donner à la relation de fait durable décrite en B.6 des effets consacrant officiellement les engagements que cet homme souhaite prendre à l'égard de cet enfant.

B.9.2. Dans cette mesure, cette disposition a des effets disproportionnés par rapport à l'objectif poursuivi par le législateur, lequel est dicté, comme il est dit en B.7.2, par la considération qu'il est dans l'intérêt de l'enfant - qui « a déjà vécu un déracinement » - qu'il soit accueilli dans un « environnement stable ».

Dans le cas d'une relation de fait durable entre un enfant et l'ancien partenaire de sa mère, l'adoption de cet enfant par cet homme, dès lors que les liens juridiques entre l'enfant et sa famille d'origine restent maintenus, n'aurait pour effet ni que l'enfant vive un déracinement, ni qu'il soit élevé dans un environnement devant être considéré, par définition, comme instable. Une telle adoption pourrait au contraire généralement contribuer à la stabilité de l'environnement dans lequel l'enfant grandit et confirmer juridiquement les rapports de fait existant au sein de cet environnement.

B.10.1. En ce que la disposition en cause ne permet pas l'adoption d'un enfant dans les circonstances définies en B.4.2, elle n'est pas compatible avec l'article 22bis, alinéa 4, de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 21 de la Convention relative aux droits de l'enfant.

B.10.2. L'examen de la compatibilité de la disposition en cause avec les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne saurait conduire à un plus large constat de violation.

B.11. Dès lors que le constat de la lacune qui a été fait en B.10.1 est exprimé en des termes suffisamment précis et complets qui permettent l'application de la disposition en cause dans le respect des normes de référence sur la base desquelles la Cour exerce son contrôle, il appartient au juge a quo de mettre fin à la violation de ces normes.

B.12. La première question préjudicielle dans l'affaire n° 5894 appelle une réponse positive.

Quant à la seconde question préjudicielle dans l'affaire n° 5894 B.13. Il ressort des motifs de la décision de renvoi et du libellé de la question préjudicielle que la Cour est invitée à statuer sur la compatibilité des articles 353-8, 353-9 et 353-10 du Code civil avec les articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution, combinés avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 21 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que ces dispositions législatives établiraient une différence de traitement entre deux catégories d'enfants adoptifs mineurs qui sont l'objet d'une adoption simple : d'une part, celui qui est adopté par un homme qui, au sens de l'article 343, § 1er, b), du Code civil, cohabite avec la femme qui l'a adopté et, d'autre part, celui qui, dans les circonstances décrites en B.4.2, est adopté par un ancien partenaire de la femme qui l'a adopté mais qui ne cohabite plus avec celui-ci au sens de l'article 343, § 1er, b), du Code civil.

Seul le premier pourrait « continuer à bénéficier » de l'exercice conjoint de l'autorité parentale par les deux adoptants.

B.14. L'homme qui cohabite avec une femme qui a adopté un enfant n'est pas, du seul fait de cette cohabitation, investi des droits de l'autorité parentale.

Il ne peut donc être considéré que l'adoption simple de cet enfant par cet homme permet à cet enfant de « continuer à bénéficier » de l'exercice de l'autorité parentale de cet homme.

B.15. La réponse à la première question préjudicielle indique que le respect de l'article 22bis, alinéa 4, de la Constitution commande d'étendre la notion de « cohabitants » définie par l'article 343, § 1er, b), du Code civil au cas de figure décrit en B.4.2.

Or, lorsque, en cas d'adoption simple, l'adopté est l'enfant adoptif du cohabitant de l'adoptant, l'autorité parentale est exercée conjointement par les deux cohabitants (article 353-9, alinéa 1er, du Code civil).

L'adoption simple ne prive dès lors aucune des deux catégories d'enfants décrites en B.13 du « bénéfice » de l'exercice conjoint de l'autorité parentale par ses deux adoptants.

B.16. Par conséquent, la différence de traitement alléguée n'existe pas. La seconde question préjudicielle, dans l'affaire n° 5894, appelle une réponse négative.

Quant à la première question préjudicielle dans l'affaire n° 6021 B.17. La Cour est invitée à statuer sur la compatibilité des articles 348-3 et 348-11 du Code civil avec les articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que ces dispositions législatives empêchent le tribunal de prononcer l'adoption sans le consentement de la mère de l'enfant dans les circonstances suivantes : - la mère a, avec la femme qui introduit la demande en adoption simple, signé une convention conformément à l'article 7 de la loi du 6 juillet 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/07/2007 pub. 17/07/2007 numac 2007023090 source service public federal securite sociale Loi relative à la procréation médicalement assistée et à la destination des embryons surnuméraires et des gamètes fermer « relative à la procréation médicalement assistée et à la destination des embryons surnuméraires et des gamètes »; - la mère de l'enfant et cette femme avaient au moins eu une relation affective au moment de la naissance de l'enfant et se sont ensuite mariées; - la mère ne s'est pas désintéressée de l'enfant et n'en a pas compromis la santé, la sécurité ou la moralité; - la mère de l'enfant et la femme qui en demande l'adoption simple étaient mariées au moment de l'introduction de la demande en adoption; - il existe un lien familial effectif entre l'enfant et la demanderesse en adoption qui a continué à exister après la séparation des épouses, entre autres par un accord sur le droit de visite ratifié par le juge de paix.

La Cour limite l'examen de la question à cette situation.

En ce qui concerne la recevabilité de la question B.18.1. La question préjudicielle porte entre autres sur la compatibilité des dispositions législatives en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.18.2. En l'espèce, le libellé de la question préjudicielle n'indique pas si la Cour est invitée à statuer sur la constitutionnalité d'une différence ou d'une identité de traitement.

Il n'identifie pas davantage deux catégories de personnes.

La question préjudicielle ne contient donc pas les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer.

B.18.3. En ce qu'elle porte sur la compatibilité des dispositions législatives en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, la question préjudicielle est irrecevable.

En ce qui concerne le fond B.19.1. L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne garantit pas plus le droit de fonder une famille ou d'adopter (CEDH, grande chambre, 22 janvier 2008, E.B. c. France, § 41; 15 mars 2012, Gas et Dubois c. France, § 37; 16 décembre 2014, Chbihi Loudoudi et autres c. Belgique, § 89) que le droit d'être adopté.

Les relations entre un adopté et un adoptant n'en sont pas moins en principe de même nature que les relations familiales protégées par l'article 8 de la Convention (CEDH, 22 juin 2004, Pini et autres c.

Roumanie, § 140; 28 juin 2007, Wagner et J.M.W.L. c. Luxembourg, § 121).

Le droit au respect d'une « vie familiale » au sens de cette disposition présuppose l'existence d'une famille (CEDH, Marckx c.

Belgique, 13 juin 1979, § 31), voire, dans des circonstances exceptionnelles, d'une « vie familiale projetée », c'est-à-dire d'une relation potentielle qui aurait pu se développer (CEDH, 22 juin 2004, Pini et autres c. Roumanie, § 143; grande chambre, 22 janvier 2008, E.B. c. France, § 41; 5 juin 2014, I.S. c. Allemagne, § 69; décision, 8 juillet 2014, D. et autres c. Belgique, § 49), notamment lorsque le fait que la vie familiale n'est pas encore totalement établie n'est pas imputable à la personne dont le respect de la vie familiale est en cause (CEDH, 22 mars 2012, Kautzor c. Allemagne, § 61; 22 mars 2012, Ahrens c. Allemagne, § 58; 12 février 2013, Krisztissn Barnabsss Tóth c. Hongrie, § 27) ou lorsqu'il existe, comme dans la vie familiale (CEDH, décision, 31 août 2010, Gas et Dubois c.France, A.2), des liens personnels étroits entre cette personne et celle avec laquelle elle pourrait développer une relation (CEDH, 21 décembre 2010, Anayo c. Allemagne, §§ 57 et 61;15 septembre 2011, Schneider c. Allemagne, §§ 81 et 88).

B.19.2. L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme tend pour l'essentiel à prémunir l'individu contre des ingérences arbitraires des pouvoirs publics. Cette disposition peut aussi engendrer des obligations positives inhérentes à un « respect » effectif de la vie familiale (CEDH, grande chambre, 3 octobre 2014, Jeunesse c. Pays-Bas, § 106).

La frontière entre les obligations positives et les obligations négatives qui découlent de cet article 8 ne se prête toutefois pas à une définition précise. Les principes applicables aux unes et aux autres sont comparables. Dans les deux cas, il faut avoir égard au juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents de l'individu concerné et ceux de la société (CEDH, grande chambre, 16 juillet 2014, Hämäläinen c. Finlande, § 65; grande chambre, 3 octobre 2014, Jeunesse c. Pays-Bas, § 106;16 décembre 2014, Chbihi Loudoudi et autres c.

Belgique, § 92).

Dans certains circonstances, l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme fait aux Etats contractants l'obligation positive de permettre la formation et le développement de liens familiaux (CEDH, 4 octobre 2012, Harroudj c. France, § 41; 16 décembre 2014, Chbihi Loudoudi et autres c. Belgique, § 89). Lorsqu'un lien familial avec un enfant est établi, les Etats doivent agir de manière à permettre à ce lien de se développer et accorder une protection juridique rendant possible l'intégration de l'enfant dans sa famille (CEDH, 28 juin 2007, Wagner et J.M.W.L. c. Luxembourg, § 119; 4 octobre 2012, Harroudj c. France, § 41; 16 décembre 2014, Chbihi Loudoudi et autres c. Belgique, § 89). Ces obligations positives doivent s'interpréter à la lumière de la Convention relative aux droits de l'enfant (CEDH, 4 octobre 2012, Harroudj c. France, § 42).

B.19.3. Pour être compatible avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie familiale doit être prévue par une disposition législative suffisamment précise, poursuivre l'un des buts légitimes énoncés au paragraphe 2 de cette disposition, et être « nécessaire dans une société démocratique » à la réalisation de ce but.

Une ingérence est, dans ce contexte, considérée comme « nécessaire dans une société démocratique » si elle répond à un « besoin social impérieux » et, en particulier, si elle est proportionnée au but légitime poursuivi et si les motifs invoqués pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants » (CEDH, grande chambre, 12 juin 2014, Fernssndez Mart¤nez c. Espagne).

Pour être proportionnée au but poursuivi, une ingérence doit non seulement ménager un équilibre entre les intérêts concurrents de l'individu et de la société dans son ensemble mais aussi entre les intérêts contradictoires des personnes concernées (CEDH, 6 juillet 2010, Backlund c. Finlande, § 46; 15 janvier 2013, Laakso c. Finlande, § 46; 29 janvier 2013, Röman c. Finlande, § 51).

Dans toute décision concernant un enfant, l'intérêt supérieur de celui-ci doit primer (CEDH, grande chambre, 26 novembre 2013, X c.

Lettonie, § 96). Sans être déterminant à lui seul, cet intérêt a assurément un poids important (CEDH, grande chambre, 3 octobre 2014, Jeunesse c. Pays-Bas, § 109).

B.20.1. L'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant dispose : « 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. 2. Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées. [...] ».

B.20.2. Tant l'article 22bis, alinéa 4, de la Constitution que l'article 3.1 de la Convention relative aux droits de l'enfant imposent aux juridictions de prendre en compte, de manière primordiale, l'intérêt de l'enfant dans les procédures le concernant.

Si l'intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale, il n'a pas un caractère absolu. Dans la mise en balance des différents intérêts en jeu, l'intérêt de l'enfant occupe une place particulière du fait qu'il représente la partie faible dans la relation familiale.

Il ne ressort pas de cette place particulière que les intérêts des autres parties en présence ne pourraient pas être pris en compte.

B.20.3. Le législateur a pris de nombreuses mesures législatives en exécution de l'article 3.2 de la Convention relative aux droits de l'enfant : - depuis la loi du 31 mars 1987 modifiant diverses dispositions légales relatives à la filiation, l'autorité parentale n'est plus attachée à la situation matrimoniale des parents : la filiation paternelle et maternelle légalement établie est le seul élément qui soit déterminant; - par la loi du 13 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/04/1995 pub. 02/07/2009 numac 2009000438 source service public federal interieur Loi contenant des dispositions en vue de la répression de la traite et du trafic des êtres humains. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à l'exercice conjoint de l'autorité parentale, le législateur a instauré, pour renforcer la responsabilité des deux parents à l'égard de l'enfant, le principe de la « co-parenté », c'est-à-dire d'une autorité conjointe qu'ils exercent sur la personne et les biens du mineur, qu'ils vivent ensemble ou qu'ils soient séparés; - lorsque les parents ne vivent pas ensemble, ils doivent conclure un accord « sur l'organisation de l'hébergement de l'enfant » (article 374, § 1er, alinéa 2, du Code civil); le tribunal peut confier l'exercice exclusif de l'autorité parentale à un des deux parents (articles 374, § 1er, alinéa 2, et 376, alinéa 3), l'autre conservant, en principe, le droit à des relations personnelles et le droit de surveiller l'éducation de l'enfant (article 374, § 1er, alinéa 4); lorsqu'il confie l'exercice exclusif de l'autorité parentale à un seul des parents, le tribunal peut préciser qu'un certain nombre de décisions importantes relatives à l'éducation de l'enfant ne peuvent être prises que de l'accord des deux parents (article 374, § 1er, alinéa 3); - la loi du 6 juillet 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/07/2007 pub. 17/07/2007 numac 2007023090 source service public federal securite sociale Loi relative à la procréation médicalement assistée et à la destination des embryons surnuméraires et des gamètes fermer définit l'« auteur du projet parental » comme étant « toute personne ayant pris la décision de devenir parent par le biais d'une procréation médicalement assistée, qu'elle soit effectuée ou non au départ de ses propres gamètes ou embryons » (article 2, f)) et indique comment doit être établie la convention à signer préalablement à toute démarche médicale relative à la procréation médicalement assistée (article 7); - la loi du 13 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/02/2003 pub. 28/02/2003 numac 2003009163 source service public federal justice Loi ouvrant le mariage à des personnes de même sexe et modifiant certaines dispositions du Code civil fermer « ouvrant le mariage à des personnes de même sexe et modifiant certaines dispositions du Code civil » est entrée en vigueur le 1er juin 2003, tandis que la loi du 18 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/05/2006 pub. 20/06/2006 numac 2006009465 source service public federal justice Loi modifiant certaines dispositions du Code civil en vue de permettre l'adoption par des personnes de même sexe fermer « modifiant certaines dispositions du Code civil en vue de permettre l'adoption par des personnes de même sexe » a ouvert l'adoption nationale et internationale aux couples de personnes de même sexe présentant certaines garanties de stabilité (mariage, cohabitation légale ou cohabitation de fait de plus de trois ans).

B.20.4. Ces mesures législatives ne permettent toutefois pas qu'un enfant qui se trouve dans la situation décrite en B.17 puisse voir consacrer juridiquement son droit à la protection et au bien-être lié à l'établissement d'un second lien de filiation alors que la personne qui souhaite établir ce lien est associée au projet parental conçu avec la personne à l'égard de laquelle le premier lien de filiation est établi.

B.20.5. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 18 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/05/2006 pub. 20/06/2006 numac 2006009465 source service public federal justice Loi modifiant certaines dispositions du Code civil en vue de permettre l'adoption par des personnes de même sexe fermer qu'aucune majorité parlementaire ne s'était dégagée pour permettre l'adoption par deux personnes de même sexe ni au moment où était discuté le projet de loi qui est devenu la loi du 24 avril 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/04/2003 pub. 16/05/2003 numac 2003009435 source service public federal justice Loi réformant l'adoption fermer réformant l'adoption, ni au moment où fut adoptée la loi du 13 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/02/2003 pub. 28/02/2003 numac 2003009163 source service public federal justice Loi ouvrant le mariage à des personnes de même sexe et modifiant certaines dispositions du Code civil fermer « ouvrant le mariage à des personnes de même sexe et modifiant certaines dispositions du Code civil » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0664/001, p. 3). Dans l'avis qu'elle a rendu sur l'avant-projet de loi réformant l'adoption, la section de législation du Conseil d'Etat, constatant « le caractère non définitif de certaines dispositions et lacunes du projet », avait observé en particulier : « [...] l'exposé des motifs souligne qu'il faudra examiner, '... à l'occasion de la discussion du présent projet, si, à terme, il faut prévoir de permettre à deux cohabitants du même sexe d'adopter. Cette question devra naturellement faire l'objet d'un large débat de société qui devra se répercuter dans l'hémicycle parlementaire. '.

Cette question est fondamentale puisqu'elle concerne le mode de vie, l'état civil des personnes qui pourront se porter candidates à une adoption.

L'option retenue par le projet (article 344-2 en projet du Code civil), à savoir réserver l'adoption soit à des couples de sexe différent mariés ou non, soit à des célibataires, n'est visiblement pas définitivement arrêtée.

L'attention de l'auteur du projet est attirée d'une part, sur le fait qu'une telle question ne peut être abandonnée aux autorités communautaires dans le cadre de l'examen de l'aptitude à adopter et que, d'autre part, la Cour d'arbitrage a souvent été saisie de questions préjudicielles en rapport avec l'adoption soulevant des problèmes d'égalité et de non-discrimination par rapport aux différentes catégories d'adoptants » (ibid., 2000-2001, DOC 50-1366/001 et 50-1367/001, pp. 157-158).

Les développements précédant la proposition de loi qui est devenue la loi du 18 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/05/2006 pub. 20/06/2006 numac 2006009465 source service public federal justice Loi modifiant certaines dispositions du Code civil en vue de permettre l'adoption par des personnes de même sexe fermer précitée la justifient ainsi : « C'est simplement reconnaître la réalité sociale que de constater que dans notre société, les enfants sont élevés avec amour dans le cadre d'une multiplicité de formes de vie commune : par des isolés, des divorcés, des couples composés de personnes de même sexe ou de sexe différent, ou des familles recomposées.

Cette diversité de formes de vie commune se reflète de plus en plus dans notre législation, comme en témoigne l'ouverture prévue de l'institution du mariage aux partenaires de même sexe.

Il n'appartient pas au législateur d'exclure de l'adoption une forme déterminée de cohabitation, à savoir celle de deux personnes du même sexe. En effet, aucune raison objective, qu'il s'agisse de l'intérêt de l'enfant ou de celui des candidats adoptants, ne justifie cette exclusion : les enfants qui grandissent au sein d'une relation homosexuelle sont au moins aussi heureux que ceux qui grandissent au sein d'un autre type de relation. C'est pourquoi la disposition selon laquelle seuls les époux ou cohabitants de sexe différent sont considérés comme des adoptants engendre une discrimination inacceptable et est contraire à l'article 11 de la Constitution » (ibid., 2003-2004, DOC 51-0664/001, p. 3).

Le législateur a donc eu pour objectif de protéger les enfants qui grandissent dans une cellule familiale formée d'un couple de personnes de même sexe en permettant d'établir un double lien de filiation entre les enfants et les deux membres de ce couple, par le lien d'une filiation adoptive, simple ou plénière.

B.21. L'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».

B.22. L'article 7 de la loi du 6 juillet 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/07/2007 pub. 17/07/2007 numac 2007023090 source service public federal securite sociale Loi relative à la procréation médicalement assistée et à la destination des embryons surnuméraires et des gamètes fermer dispose : « Préalablement à toute démarche médicale relative à la procréation médicalement assistée, le ou les auteurs du projet parental et le centre de fécondation consulté établissent une convention.

La convention mentionne les informations relatives à l'identité, l'âge et l'adresse du ou des auteurs du projet parental et les coordonnées du centre de fécondation consulté.

Lorsqu'il s'agit d'un couple, la convention est signée par les deux auteurs du projet parental.

La convention est rédigée en deux exemplaires, l'un destiné au centre de fécondation, l'autre à l'auteur ou aux auteurs du projet parental ».

B.23. L'intérêt potentiel de l'enfant à bénéficier d'un double lien de filiation juridique l'emporte en principe sur le droit de la mère de refuser son consentement à l'adoption par la femme avec laquelle elle était mariée, qui avait conçu avec elle un projet parental avant la naissance de l'enfant et avait poursuivi sa réalisation après celle-ci, dans le cadre d'une procédure d'adoption.

L'enfant qui fait l'objet d'une adoption simple ne cesse pas d'appartenir à sa famille d'origine. En conséquence, la mesure qui érige le refus du consentement de la mère en fin de non-recevoir, sauf si la mère s'est désintéressée de l'enfant ou en a compromis la santé, la sécurité ou la moralité, et qui ne laisse donc au juge aucune possibilité de tenir compte de l'intérêt de l'enfant pour apprécier, le cas échéant, le caractère abusif du refus de ce consentement, n'est pas raisonnablement justifiée et n'est dès lors pas compatible avec les articles 22 et 22bis de la Constitution.

B.24. La question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

B.25. Dès lors que le constat de la lacune qui a été fait en B.20.4 est exprimé en des termes suffisamment précis et complets qui permettent l'application des dispositions en cause dans le respect des normes de référence sur la base desquelles la Cour exerce son contrôle, il appartient au juge a quo de mettre fin à la violation de ces normes.

Quant à la seconde question préjudicielle dans l'affaire n° 6021 B.26. Il ressort des motifs de la décision de renvoi et du libellé de la question préjudicielle que la Cour est invitée à statuer sur la compatibilité des articles 343, § 1er, a), 353-8, alinéa 1er, et 353-9, alinéa 1er, du Code civil avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 22 et 22bis de la Constitution et avec l'article 21, a), de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que ces dispositions législatives prévoient que l'adoption simple d'un enfant mineur par l'ex-épouse de sa mère biologique a pour effet de faire perdre à celle-ci son autorité parentale sur cet enfant.

B.27. C'est en règle à la juridiction qui interroge la Cour qu'il appartient de déterminer quelles sont les normes qui sont applicables au litige dont elle est saisie, et plus généralement, d'apprécier si la réponse à une question préjudicielle est utile à la solution du litige qu'elle doit trancher.

Ce n'est que lorsque la réponse n'est manifestement pas utile à la solution du litige, notamment parce que la norme en cause n'est manifestement pas applicable à celui-ci, que la Cour peut décider que la question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

B.28.1. Les articles 353-8, alinéa 1er, et 353-9, alinéa 1er, du Code civil règlent les effets de l'adoption simple sur l'autorité parentale sous laquelle se trouve l'adopté.

L'article 343, § 1er, a), du même Code définit l'un des mots utilisés dans les deux dispositions précitées.

B.28.2. L'article 349-1 du Code civil, inséré par l'article 2 de la loi du 24 avril 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/04/2003 pub. 16/05/2003 numac 2003009435 source service public federal justice Loi réformant l'adoption fermer, dispose : « L'adoption prononcée par décision transcrite conformément à l'article 1231-19 du Code judiciaire produit ses effets à partir du dépôt de la requête ».

C'est donc à partir du dépôt de la requête en adoption que l'adoption simple produit ses effets sur l'autorité parentale sous laquelle se trouve l'adopté.

B.28.3. Il ressort de la motivation de la décision de renvoi que, dans la cause qui est à l'origine de la question préjudicielle, la requête portant la demande en adoption a été déposée alors que l'auteur de cette requête était encore l'épouse de la mère biologique de l'enfant concerné.

Par conséquent, si, statuant sur cette requête, le tribunal saisi venait à décider de prononcer l'adoption, l'adoptante et la mère biologique de l'enfant exerceront, en principe, conjointement l'autorité parentale, en application de l'article 353-9, alinéa 1er, du Code civil, lu en combinaison avec l'article 349-1 du même Code.

B.28.4. L'examen de la constitutionnalité des normes législatives mentionnées en B.26, qui concerne une situation étrangère aux faits qui sont à l'origine de la question préjudicielle, n'est dès lors manifestement pas utile à la solution du litige pendant devant la juridiction qui interroge la Cour.

B.29. La question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1. L'article 343, § 1er, b), du Code civil viole l'article 22bis, alinéa 4, de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 21 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce qu'il ne permet pas, dans les circonstances définies en B.4.2, que l'ancien partenaire de la mère adoptive d'un enfant puisse demander l'adoption simple de cet enfant. 2. Les articles 353-8 et 353-9 du Code civil, tels qu'ils étaient libellés avant leur modification par la loi du 17 mars 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/03/2003 pub. 28/03/2003 numac 2003003173 source service public federal finances Loi modifiant les articles 628 et 1395 du Code judiciaire à l'occasion de la loi du 21 février 2003 créant un Service des créances alimentaires au sein du SPF Finances fermer « réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine », et l'article 353-10 du Code civil, tel qu'il était libellé avant sa modification par la loi du 30 juillet 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2013 pub. 27/09/2013 numac 2013009420 source service public federal justice Loi portant création d'un tribunal de la famille et de la jeunesse fermer « portant création d'un tribunal de la famille et de la jeunesse », ne violent pas les articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution, combinés avec les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 21 de la Convention relative aux droits de l'enfant. 3. Les articles 348-3 et 348-11 du Code civil violent les articles 22 et 22bis de la Constitution, combinés avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'ils ne permettent au tribunal invité à prononcer une adoption dans les circonstances décrites en B.17 d'écarter le refus de la mère à consentir à cette adoption que lorsqu'elle s'est désintéressée de l'enfant ou en a compromis la santé, la sécurité ou la moralité. 4. La seconde question préjudicielle dans l'affaire n° 6021 n'appelle pas de réponse. Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 25 juin 2015.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, J. Spreutels

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