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Arrêt
publié le 18 mai 2015

Extrait de l'arrêt n° 36/2015 du 19 mars 2015 Numéros du rôle : 5849 et 5850 En cause : les recours en annulation des articles 3, 4, 5, 33 et 38 du décret de la Région wallonne du 18 avril 2013 « modifiant certaines dispositions du Code de la La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De G(...)

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Extrait de l'arrêt n° 36/2015 du 19 mars 2015 Numéros du rôle : 5849 et 5850 En cause : les recours en annulation des articles 3, 4, 5, 33 et 38 du décret de la Région wallonne du 18 avril 2013 « modifiant certaines dispositions du Code de la Démocratie locale et de la Décentralisation », introduits par Tomaso Antonacci et autres et par Pierre Blondeau.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste le 20 février 2014 et parvenues au greffe le 21 février 2014, des recours en annulation des articles 3, 4, 5, 33 et 38 du décret de la Région wallonne du 18 avril 2013 « modifiant certaines dispositions du Code de la Démocratie locale et de la Décentralisation » (publié au Moniteur belge du 22 août 2013, deuxième édition) ont été introduits respectivement par Tomaso Antonacci, Pierre Demolin et Philippe Delcommune, et par Pierre Blondeau, tous assistés et représentés par Me X. Koener, avocat au barreau de Liège.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 5849 et 5850 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) B.1.1. Les parties requérantes poursuivent l'annulation des articles 3, 4, 5, 33 et 38 du décret de la Région wallonne du 18 avril 2013 « modifiant certaines dispositions du Code de la Démocratie locale et de la Décentralisation ». Ces articles disposent : «

Art. 3.L'article L1124-1 du même Code est remplacé par ce qui suit : ' Art. L1124-1. Le contrat d'objectifs contient la description des missions légales du directeur général et qui ressortent du programme de politique générale, ainsi que tout autre objectif quantifiable et réalisable relevant de ses missions.

Il décrit la stratégie de l'organisation de l'administration au cours de la législature pour réaliser les missions et atteindre les objectifs visés à l'alinéa 1er, et les décline en initiatives et projets concrets. Il contient une synthèse des moyens humains et financiers disponibles et/ou nécessaires à sa mise en oeuvre.

Le contrat d'objectifs est rédigé par le directeur général sur base et dans les six mois de la réception de la lettre de mission que lui aura remis le collège communal à l'occasion du renouvellement intégral du conseil communal ou du recrutement du directeur général.

Cette lettre de mission comporte au moins les éléments suivants : 1° la description de fonction et le profil de compétence de l'emploi de directeur général;2° les objectifs à atteindre pour les diverses missions, notamment sur base du programme de politique générale;3° les moyens budgétaires et les ressources humaines attribués;4° l'ensemble des missions qui lui sont conférées par le présent Code et notamment sa mission de conseil et de disponibilité à l'égard de l'ensemble des membres du conseil communal. Une concertation a lieu entre le directeur général et le collège communal sur les moyens nécessaires à la réalisation du contrat d'objectifs. Le directeur financier y est associé pour les matières dont il a la charge. En cas d'absence d'accord du directeur général sur les moyens, l'avis de ce dernier est annexé au contrat d'objectifs tel qu'approuvé par le collège communal.

L'actualisation du contrat d'objectifs est annuelle. Sur demande expresse du directeur général, le contrat d'objectifs peut être adapté par le collège en cours d'année. Le contrat d'objectifs est communiqué au conseil, de même que ses actualisations et éventuelles adaptations.

La lettre de mission est annexée au contrat d'objectifs. '.

Art. 4.L'article L1124-2 du même Code est remplacé par ce qui suit : ' Art. L1124-2. § 1er. Le directeur général est nommé par le conseil communal aux conditions fixées à l'article L1212-1 et dans le respect des règles minimales établies par le Gouvernement. Il est pourvu à l'emploi dans les six mois de la vacance.

La nomination définitive a lieu à l'issue du stage. § 2. Le statut administratif du directeur général est fixé par un règlement établi par le conseil communal et dans le respect des règles minimales établies par le Gouvernement.

L'emploi de directeur général est accessible par recrutement, promotion et mobilité. '.

Art. 5.L'article L1124-4 du même Code est remplacé par ce qui suit : ' Art. L1124-4. § 1er. Le directeur général est chargé de la préparation des dossiers qui sont soumis au conseil communal ou au collège communal. Il assiste, sans voix délibérative aux séances du conseil et du collège.

Le directeur général est également chargé de la mise en oeuvre des axes politiques fondamentaux du programme de politique générale traduits dans le contrat d'objectifs visé à l'article L1124-1.

Dans ce cadre, il met en oeuvre et évalue la politique de gestion des ressources humaines. § 2. Sous le contrôle du collège communal, il dirige et coordonne les services communaux et, sauf les exceptions prévues par la loi ou le décret, il est le chef du personnel. Dans ce cadre, il arrête le projet d'évaluation de chaque membre du personnel et le transmet à l'intéressé et au collège.

Le directeur général ou son délégué, de niveau supérieur à celui de l'agent recruté ou engagé, participe avec voix délibérative au jury d'examen constitué lors du recrutement ou de l'engagement des membres du personnel. § 3. Le directeur général assure la présidence du comité de direction visé à l'article L1211-3. § 4. Le directeur général est chargé de la mise sur pied et du suivi du système de contrôle interne du fonctionnement des services communaux.

Le système de contrôle interne est un ensemble de mesures et de procédures conçues pour assurer une sécurité raisonnable en ce qui concerne : 1° la réalisation des objectifs;2° le respect de la législation en vigueur et des procédures;3° la disponibilité d'informations fiables sur les finances et la gestion. Le cadre général du système de contrôle interne est soumis à l'approbation du conseil communal. § 5. Le directeur général rédige les procès-verbaux des séances du conseil et assure la transcription de ceux-ci. Dans le mois qui suit leur adoption par le conseil communal, les procès-verbaux transcrits sont signés par le bourgmestre et le directeur général.

Le directeur général donne des conseils juridiques et administratifs au conseil communal et au collège communal. Il rappelle, le cas échéant, les règles de droit applicables, mentionne les éléments de fait dont il a connaissance et veille à ce que les mentions prescrites par la loi figurent dans les décisions.

Ces avis et conseils sont annexés, à la décision du collège communal ou du conseil communal, et transmis au directeur financier. § 6. Après concertation avec le comité de direction, le directeur général est chargé de la rédaction des projets : 1° de l'organigramme;2° du cadre organique;3° des statuts du personnel '.» «

Art. 33.L'article suivant : L1124-50 du même Code est remplacé par le texte : ' Art. L1124-50. Aux conditions et modalités arrêtées par le Gouvernement, le collège communal procède à l'évaluation du directeur général, du directeur général adjoint et du directeur financier. ' ». «

Art. 38.L'article L1217-1 du même Code est complété comme suit : ' En cas de licenciement pour inaptitude professionnelle du directeur général, du directeur général adjoint ou du directeur financier, à l'exception des agents promus, la commune ou la province leur octroie une indemnité correspondant à minimum trois mois de traitement par tranche de cinq années de travail entamée. ' ».

B.1.2. Le programme de politique générale est soumis par le collège communal au conseil communal dans les trois mois après l'élection des échevins. Il couvre la durée du mandat et comporte au moins les principaux projets politiques pour la commune. Il est approuvé par le conseil communal et publié (article L1123-27 du Code de la Démocratie locale et de la Décentralisation).

B.2. Par leurs deux moyens, qui sont examinés ensemble, les parties requérantes reprochent en substance au législateur décrétal d'avoir méconnu les articles 10, 11 et 23 de la Constitution en investissant le directeur général d'une commune d'une responsabilité politique et en autorisant son licenciement pour raison d'inaptitude professionnelle.

Quant aux nouvelles missions attribuées au directeur général B.3. Les parties requérantes estiment que le législateur décrétal a discriminé les directeurs généraux communaux par rapport aux autres hauts fonctionnaires exerçant des activités équivalentes au sein des administrations régionales, communautaires ou fédérales au motif qu'il leur a confié une mission politique, en les rendant en partie responsables de l'application de la déclaration de politique générale, alors qu'ils demeurent soumis à l'autorité du collège.

Elles font également valoir que bien que leur situation ne soit pas comparable à celle des autorités politiques de la commune, les directeurs généraux se voient imposer des responsabilités de nature politique.

B.4.1. L'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 exige que la requête portant un recours en annulation expose, pour chaque moyen, en quoi les règles dont la violation est alléguée devant la Cour auraient été transgressées par la disposition législative attaquée.

Lorsque le moyen est pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution, il doit préciser quelle est la catégorie de personnes dont la situation doit être comparée avec celle de la catégorie de personnes prétendument discriminée. Le moyen doit aussi préciser en quoi la disposition attaquée entraîne une différence de traitement qui serait discriminatoire.

B.4.2. Or, en l'espèce, les parties requérantes se bornent à évoquer une différence de traitement quant à la nature politique des tâches à accomplir entre les directeurs généraux des communes wallonnes et les autres fonctionnaires dirigeants exerçant des activités équivalentes, sans identifier plus précisément ces derniers, ni déterminer précisément en quoi les missions qui leur sont dévolues diffèrent des tâches attribuées par les dispositions attaquées aux directeurs généraux.

B.5. Dans la mesure où les parties requérantes critiqueraient une différence de traitement par rapport à des hauts fonctionnaires exerçant des activités équivalentes au sein des administrations d'autres régions que la Région wallonne, des communautés ou de l'autorité fédérale, il convient d'observer qu'une différence de traitement qui trouve sa source dans l'application de normes de législateurs différents dans l'exercice de leurs compétences propres ne saurait en soi être considérée comme contraire au principe d'égalité et de non-discrimination. Il s'agit en effet de la conséquence possible de politiques distinctes permises par l'autonomie qui leur est accordée par la Constitution ou en vertu de celle-ci.

B.6.1. Dans la mesure où les parties requérantes critiqueraient une différence de traitement par rapport à des hauts fonctionnaires exerçant des activités équivalentes au sein des administrations de la Région wallonne, l'exposé des motifs du décret attaqué précise : « Le contrat d'objectif a tout d'abord pour but de clarifier, après concertation et donc dialogue au sein du comité de Direction, les tâches dévolues à chacun. Pour rappel, il appartient bien aux seuls élus de déterminer les objectifs politiques. Il appartiendra ensuite au directeur général, après concertation des services et notamment du Directeur financier et du collège, dans le cadre du contrat d'objectifs d'identifier quelles sont les ressources à disposition pour [...] parvenir [à] décliner ces objectifs politiques en termes opérationnels. [...] [Le contrat d'objectifs] visera à traduire les axes politiques identifiés dans le programme de politique générale ou PST en termes opérationnels et actions concrètes. Conclu entre l'Exécutif et le directeur général et son administration, il traduira le programme de politique générale en missions et objectifs à atteindre. Il les déclinera en initiatives et projets concrets et contiendra une synthèse des moyens humains et financiers disponibles et/ou nécessaires à sa mise en oeuvre. Ces derniers seront concertés entre le collège et le directeur général. Le contrat d'objectifs impliquant l'administration dans son ensemble, il est primordial que le comité de direction, ayant vocation à connaître de toutes les questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services, en soit saisi également. Il résulte notamment de ce qui précède qu'il n'appartient pas au directeur général de déterminer les objectifs politiques » (Doc. parl., Parlement wallon, 2012-2013, n° 744/1, pp. 2-3).

De même, lorsqu'il s'agit de décrire la mission du directeur général, l'exposé des motifs du décret attaqué précise qu'il est notamment « chargé de la préparation et l'exécution des axes politiques fondamentaux contenus dans le programme de politique générale » (ibid., p. 6).

B.6.2. Au cours de la discussion en commission, le ministre précisa encore : « Un contrat d'objectifs a pour but de clarifier, après concertation au sein d'un comité de direction, les tâches dévolues à chacun. Pour rappel, s'il appartient bien aux seuls élus de déterminer les objectifs politiques, c'est à l'administration de les mettre en oeuvre avec ce qui s'apparente plus à une obligation de moyens qu'une obligation de résultat.

Il appartient ensuite au directeur général, après concertation des services et notamment du directeur financier et du collège, de décliner ces objectifs politiques en termes opérationnels. [...] En cas de désaccord sur les moyens, l'avis du secrétaire communal est annexé au contrat d'objectifs, lequel peut quand même être approuvé par le collège. Il indiquera que les objectifs politiques sont trop ambitieux par rapport aux moyens humains ou financiers présents dans la commune. [...] [Le] côté politique de la mission du secrétaire communal est bien assuré par les élus qui fixent des objectifs stratégiques. Le rôle du patron de l'administration est de dire comment il va les mettre en oeuvre et de quels moyens humains et financiers il a besoin pour les atteindre.

La conclusion du secrétaire communal pouvant être que l'objectif fixé par le collège est trop ambitieux et qu'il faut revoir ces objectifs à la baisse. Un dialogue responsable est instauré et il n'y a clairement pas de fonction politique pour le futur directeur général » (Doc. parl., Parlement wallon, 2012-2013, n° 744/23, pp. 3, 15 et 16).

Le ministre précisa encore que « s'il s'agit d'une nouveauté dans la fonction publique locale, tous les fonctionnaires wallons connaissent déjà ce type de contrat d'objectifs et cela a plutôt amélioré le fonctionnement de la Région wallonne » (ibid., p. 16).

B.7.1. Il s'ensuit que le moyen part d'une prémisse erronée en ce qu'il considère que le législateur décrétal a confié au directeur général une responsabilité de nature politique alors que celle-ci continue de relever exclusivement du collège et du conseil communal.

Le directeur général est appelé, en réalité, à mettre en oeuvre les choix politiques des autorités communales élues. A cette fin, il rédige un contrat d'objectifs qui est approuvé par le collège communal. Il ressort par ailleurs des travaux préparatoires, cités en B.6, que le directeur général n'est tenu qu'à une obligation de moyen, et non de résultat.

S'il estime que les moyens humains et matériels nécessaires à la réalisation des objectifs qui lui sont impartis ne sont pas réunis, l'avis défavorable du directeur général est de surcroît annexé au contrat d'objectifs.

B.7.2. L'appréciation de la qualité du travail du directeur général ne peut se faire qu'en tenant dûment compte des limites prédécrites, dans lesquelles il est appelé à exercer sa mission. La responsabilité du directeur général ne saurait ainsi être engagée lorsque les objectifs qui lui ont été assignés n'ont pu être réalisés en raison d'une modification des priorités politiques poursuivies par le conseil et le collège communal.

B.8. Le premier moyen n'est pas fondé.

Quant à la faculté de licencier le directeur général B.9.1. Les parties requérantes font encore valoir que le législateur décrétal permet que les directeurs généraux des communes soient licenciés pour inaptitude professionnelle, au motif qu'ils n'ont pas mené à bien le programme de politique générale, et sans que les modalités de ce licenciement soient prévues par le décret ou que la notion d'« inaptitude professionnelle » y soit définie, alors que l'article 162 de la Constitution consacre le principe de la légalité dans l'organisation locale.

Elles estiment qu'il en résulte, d'une part, une discrimination par rapport aux autres hauts fonctionnaires exerçant des activités équivalentes au sein des administrations régionales, communautaires et fédérales et, d'autre part, une restriction de l'étendue de leurs droits économiques et sociaux, garantis à l'article 23 de la Constitution.

B.9.2. Les parties requérantes estiment par ailleurs qu'en s'abstenant d'adopter une mesure transitoire au profit des directeurs généraux en fonction, le législateur décrétal aurait également méconnu le principe de standstill contenu à l'article 23 de la Constitution.

B.10.1. La mesure attaquée est justifiée dans l'exposé des motifs de la manière suivante : « A l'instar d'autres niveaux de pouvoir, il était primordial que les fonctionnaires dirigeants d'une collectivité locale soient soumis à une évaluation obligatoire. [...] Elle est effectuée par un collège d'évaluateurs composé des membres du collège accompagnés de ' pairs ' et, éventuellement, d'un expert externe. L'évaluation portera notamment sur la réalisation des objectifs précisés, s'agissant du directeur général, dans le contrat d'objectifs, la manière dont ils ont été atteints, et surtout, sur les compétences mises en oeuvre pour y parvenir. L'ensemble des débats ainsi que les positions exprimées par chacun des membres du collège d'évaluation seront portés au procès-verbal.

Une attention particulière sera portée aux éventuelles incompatibilités dont seraient frappés les ' pairs ' amenés à composer le collège d'évaluateurs. Il conviendra que ces derniers exercent ou aient exercé dans des structures d'importance similaire à celle où oeuvre le grade légal évalué.

Une nouvelle classification est opérée. Ainsi, un grade légal pourra, en cas d'évaluation excellente, se voir attribuer une bonification financière équivalente à une augmentation annuelle. En cas de deux évaluations défavorables successives, la procédure d'inaptitude professionnelle pourra être mise en oeuvre » (Doc. parl., Parlement wallon, 2012-2013, n° 744/1, p. 3).

B.10.2. Au cours des débats en commission, il fut encore précisé par le ministre : « Une évaluation de type politique aurait pu être envisagée, mais cela pouvait engendrer des risques en cas de changement de majorité.

D'un autre côté, il ne fallait pas cadenasser l'évaluation telle qu'elle est aujourd'hui perçue par les différents responsables politiques. L'évaluation portera donc notamment sur la réalisation des objectifs et la façon dont ils ont été atteints. [...] Enfin, il est insisté sur l'importance du reclassement dans ce cas d'inaptitude. Si celui concernant des agents promus peut s'opérer sans difficulté, en ce qui concerne les agents recrutés, rien n'interdit aux entités concernées de procéder au reclassement de ces derniers. [...] [Les] garde-fous mis en place par le projet de décret avant d'arriver à un licenciement montrent qu'il n'y sera recouru que dans des cas extrêmes. [...] [Le Ministre] se dit nettement moins ouvert concernant la période transitoire, étant donné la longueur de la carrière d'un secrétaire communal ou d'un receveur. Une période transitoire reviendrait à exonérer la génération actuelle de toutes modifications, de toutes évaluations et donc, cela ne lui paraît pas opportun. [...] Ce sont donc bien les objectifs qui constituent les éléments d'évaluation du grade légal. Il s'agira des moyens mis en oeuvre, de la détermination, de la volonté déployée pour rencontrer un certain nombre d'orientations politiques en s'assurant au préalable des moyens humains et financiers communaux. Si, par exemple, un permis d'urbanisme ne vient pas, il fera l'objet d'une évaluation. S'il a fallu six ans pour obtenir le permis malgré toute la détermination des services pour mener ce dossier à bien, ce qui sera évalué c'est la mise en oeuvre des moyens pour que le dossier aboutisse. C'est aussi cela qui est l'objet du contrat d'objectifs tout comme pour le contrat d'entreprise, il y a un certain nombre d'incertitudes » (Doc. parl., Parlement wallon, 2012-2013, n° 744/23, pp. 5, 11 et 12).

B.11. Les parties requérantes reprochent tout d'abord au législateur décrétal d'avoir instauré une différence de traitement injustifiée entre les directeurs généraux des communes wallonnes et les autres hauts fonctionnaires dépendant de l'Etat fédéral, des communautés ou des régions.

B.12.1. Dès lors que, comme il a été dit en B.5, une différence de traitement qui trouve son origine dans l'application de normes de différents législateurs dans le cadre de l'exercice de leurs compétences propres n'est pas en soi discriminatoire, la Cour limite son examen à la comparaison entre les directeurs généraux communaux et les hauts fonctionnaires de l'administration régionale wallonne.

B.12.2. Pour le surplus, il n'est pas déraisonnable de prévoir, en vue d'assurer un meilleur fonctionnement des institutions communales, un mécanisme de licenciement du directeur général lorsque celui-ci a fait l'objet de deux évaluations négatives. En effet, ces évaluations doivent tenir compte de la spécificité de la mission du directeur général, telle qu'elle est décrite en B.7. Il s'ensuit qu'un directeur général ne peut pas être licencié pour des raisons politiques ou alors qu'il n'était pas en mesure de remplir les objectifs qui lui avaient été assignés, à défaut pour lui de disposer des moyens nécessaires ou des prérogatives suffisantes pour ce faire.

B.12.3. Dans cette mesure, le second moyen n'est pas fondé.

B.13. En ce que les parties requérantes font aussi valoir que le législateur décrétal a violé les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le principe de légalité contenu à l'article 162 de la Constitution, cette branche de leur second moyen n'est pas fondée.

En effet, l'article 162 de la Constitution exprime le principe de la légalité de l'organisation des institutions communales qui exige que les éléments essentiels de cette organisation soient, en principe, déterminés par une norme législative. La disposition constitutionnelle précitée ne va toutefois pas jusqu'à obliger le législateur compétent à régler lui-même chacun des aspects de l'organisation des institutions communales. Une délégation conférée à une autre autorité n'est pas contraire au principe de légalité pour autant qu'elle soit définie de manière suffisamment précise et qu'elle porte sur l'exécution de mesures dont les éléments essentiels ont été fixés par le législateur compétent.

En l'espèce, les critères d'évaluation sont circonscrits dans les travaux préparatoires des dispositions attaquées et la sanction en cas d'évaluation négative est définie par le législateur décrétal lui-même, si bien que le Gouvernement n'est habilité qu'à adopter des mesures accessoires, suffisamment encadrées par l'habilitation confiée par le législateur décrétal.

B.14. Les parties requérantes estiment enfin que le législateur décrétal a restreint l'étendue de leurs droits économiques et sociaux, consacrés à l'article 23 de la Constitution, et a méconnu l'obligation de standstill imposée par ce même article.

B.15.1. L'article 23, alinéa 1er, de la Constitution dispose que chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine et l'alinéa 3, 1°, mentionne parmi les droits économiques, sociaux et culturels « le droit au travail » et « le droit à des conditions de travail [...] équitables ». Ces dispositions ne précisent pas ce qu'impliquent ces droits, dont seul le principe est posé, étant donné que chaque législateur est chargé de garantir ces droits, conformément à l'article 23, alinéa 2, « en tenant compte des obligations correspondantes ».

B.15.2. S'il appartient au législateur compétent de préciser les conditions d'exercice du droit au travail et du droit à des conditions de travail équitables, celui-ci ne peut cependant instaurer, sans nécessité, des restrictions à l'égard de certaines catégories de personnes, ni imposer des limitations dont les effets seraient disproportionnés par rapport au but poursuivi.

Comme il a déjà été dit en B.12.2, compte tenu du but poursuivi par le législateur décrétal consistant à assurer un meilleur fonctionnement des institutions communales, le mécanisme de licenciement du directeur général lorsque celui-ci a fait l'objet de deux évaluations négatives n'est pas dénué de justification raisonnable.

B.15.3. L'article 23 de la Constitution implique, certes, une obligation de standstill qui fait obstacle à ce que le législateur compétent réduise de manière sensible le niveau de protection qu'offre la législation applicable sans qu'existent pour ce faire des motifs liés à l'intérêt général.

Sans qu'il soit besoin de vérifier si les dispositions attaquées constituent un recul sensible ou non du niveau de protection du droit au travail des parties requérantes, il y a toutefois lieu de constater que l'instauration d'une procédure de licenciement pour inaptitude professionnelle dans le chef du directeur général d'une commune repose sur des motifs d'intérêt général, mentionnés en B.12.2.

B.16. Le second moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette les recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 mars 2015.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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