publié le 22 décembre 2014
Extrait de l'arrêt n° 142/2014 du 9 octobre 2014 Numéro du rôle : 5232 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 8, 9, 16 et 17 de la loi du 10 novembre 2006 relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges E. De G(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 142/2014 du 9 octobre 2014 Numéro du rôle : 5232 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 8, 9, 16 et 17 de la
loi du 10 novembre 2006Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
10/11/2006
pub.
19/12/2006
numac
2006023306
source
service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie
Loi relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services
fermer relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services, posée par le Tribunal de commerce d'Anvers.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 27 octobre 2011 en cause de la SA « Pelckmans Turnhout » contre la SA « Walter Van Gastel Balen » et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 7 novembre 2011, le président du Tribunal de commerce d'Anvers, siégeant comme en référé, a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 8, 9, 16 et 17 de la loi du 10 novembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/11/2006 pub. 19/12/2006 numac 2006023306 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services fermer relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services violent-ils les principes constitutionnels d'égalité et de non-discrimination contenus dans les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec la liberté de commerce et d'industrie, telle qu'elle a été instituée par l'article 7 du décret d'Allarde des 2-17 mars 1791 supprimant les corporations, en ce que l'obligation qu'ils contiennent de prévoir un jour de fermeture hebdomadaire (i) ne s'applique pas aux commerçants qui sont établis dans les gares ferroviaires ou dans les unités d'établissement des sociétés de transport public, ni aux ventes dans les aéroports et les zones portuaires ouverts au trafic international des voyageurs ni aux ventes dans les stations d'essence ou les unités d'établissement situées sur le domaine des autoroutes, mais bien aux commerçants qui sont établis à d'autres endroits et implique de ce fait pour la dernière catégorie de commerçants une limitation dénuée de justification objective de la liberté de commerce et d'industrie, (ii) ne s'applique pas aux commerçants qui sont actifs dans la vente de produits tels que des journaux, magazines, produits de tabac et articles fumeurs, cartes téléphoniques et produits de la Loterie nationale, la vente de supports d'oeuvres audiovisuelles et de jeux vidéo, la vente de crème glacée, mais bien aux commerçants qui offrent d'autres produits et implique de ce fait pour la dernière catégorie de commerçants une limitation dénuée de justification objective de la liberté de commerce et d'industrie, (iii) s'applique uniquement au commerce de détail, à savoir aux entreprises qui s'occupent de la vente au consommateur, alors qu'elle n'est pas applicable aux autres commerçants, et implique de ce fait pour la première catégorie de commerçants une limitation dénuée de justification objective de la liberté de commerce et d'industrie, (iv) implique à tout le moins, pour les commerçants qui exercent leur activité au moyen d'un point de vente physique et qui ont un contact direct avec le consommateur, une limitation nettement plus stricte que pour les commerçants qui exercent leur activité via un magasin en ligne ou éventuellement par d'autres formes de vente à distance, et implique dès lors pour la première catégorie de commerçants une limitation dénuée de justification objective de la liberté de commerce et d'industrie ? ». Par arrêt interlocutoire n° 119/2012 du 18 octobre 2012, publié au Moniteur belge du 18 janvier 2013, la Cour a posé à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « Le principe d'égalité, inscrit à l'article 6, paragraphe 3, du Traité sur l'Union européenne et aux articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, combiné avec les articles 15 et 16 de la Charte précitée et avec les articles 34 à 36, 56 et 57 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation telle que celle que contiennent les articles 8, 9, 16 et 17 de la loi du 10 novembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/11/2006 pub. 19/12/2006 numac 2006023306 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services fermer relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services, en ce que l'obligation que ces articles contiennent de prévoir un jour de fermeture hebdomadaire : (i) ne s'applique pas aux commerçants qui sont établis dans les gares ferroviaires ou dans les unités d'établissement des sociétés de transport public, ni aux ventes dans les aéroports et les zones portuaires ouverts au trafic international des voyageurs ni aux ventes dans les stations d'essence ou les unités d'établissement situées sur le domaine des autoroutes, mais bien aux commerçants qui sont établis à d'autres endroits, (ii) ne s'applique pas aux commerçants qui sont actifs dans la vente de produits tels que des journaux, magazines, produits de tabac et articles fumeurs, cartes téléphoniques et produits de la Loterie nationale, la vente de supports d'oeuvres audiovisuelles et de jeux vidéo, la vente de crème glacée, mais bien aux commerçants qui offrent d'autres produits, (iii) s'applique uniquement au commerce de détail, à savoir aux entreprises qui s'occupent de la vente au consommateur, alors qu'elle n'est pas applicable aux autres commerçants, (iv) implique à tout le moins, pour les commerçants qui exercent leur activité au moyen d'un point de vente physique et qui ont un contact direct avec le consommateur, une limitation nettement plus stricte que pour les commerçants qui exercent leur activité via un magasin en ligne ou éventuellement par d'autres formes de vente à distance ? ». Par arrêt du 8 mai 2014 dans l'affaire C-483/12, la Cour de justice de l'Union européenne a répondu à la question.
Par ordonnance du 18 juin 2014, la Cour a fixé l'audience au 9 juillet 2014, après avoir invité les parties à exposer, dans un mémoire complémentaire à introduire le 7 juillet 2014 au plus tard et dont elles feraient parvenir une copie aux autres parties dans le même délai, leurs observations éventuelles à la suite de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne précité. (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle concerne les articles 8, 9, 16 et 17 de la loi du 10 novembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/11/2006 pub. 19/12/2006 numac 2006023306 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services fermer relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services.
B.1.2. L'article 8 dispose : « L'accès du consommateur à l'unité d'établissement, la vente directe de produits ou de services au consommateur et les livraisons à domicile sont interdits pendant une période ininterrompue de vingt-quatre heures commençant le dimanche à 5 heures ou à 13 heures et se terminant le lendemain à la même heure ».
B.1.3. L'article 9 dispose : « Tout commerçant ou prestataire de services peut choisir un autre jour de repos hebdomadaire que celui visé à l'article 8, commençant le jour choisi à 5 heures ou à 13 heures et prenant fin le lendemain à la même heure ».
B.1.4. L'article 16 dispose : « § 1er. Les interdictions visées à l'article 6 et à l'article 8 ne s'appliquent pas aux : a) ventes au domicile d'un consommateur autre que l'acheteur, à condition que la vente se déroule dans la partie habitée d'une habitation exclusivement utilisée à des fins privées;b) ventes à domicile effectuées à l'invitation du consommateur, pour lesquelles le client a expressément demandé au préalable la visite du vendeur, en vue de négocier l'achat d'un produit ou d'un service;c) ventes et prestations de services dans les unités d'établissement des sociétés de transport public et dans les gares exploitées directement ou indirectement par la SNCB-Holding ou ses filiales, de même que dans l'ensemble immobilier où ces gares sont situées;d) ventes et prestations de services dans les aéroports et les zones portuaires ouverts au trafic international des voyageurs;e) prestations de services à effectuer en cas de nécessité impérieuse;f) ventes, dans les stations d'essence ou les unités d'établissement situées sur le domaine des autoroutes, d'un assortiment de denrées alimentaires générales et d'articles ménagers, à l'exception des boissons alcoolisées distillées et des boissons à base de levure ayant un volume d'alcool supérieur à 6 %, à condition que la surface commerciale nette ne dépasse pas les 250 m2. Le fait que le consommateur accepte une offre de visite à l'initiative du vendeur ne constitue pas une invitation au sens du point b). § 2. Ces interdictions ne s'appliquent pas davantage aux unités d'établissement dont l'activité principale constitue la vente d'un des groupes de produits suivants : a) journaux, magazines, produits de tabac et articles fumeurs, cartes téléphoniques et produits de la Loterie nationale;b) supports d'oeuvres audiovisuelles et jeux vidéos, ainsi que leur location;c) carburant et huile pour véhicules automobiles;d) crème glacée en portions individuelles;e) denrées alimentaires préparées dans l'unité d'établissement et qui n'y sont pas consommées. Il est question d'une activité principale lorsque la vente du groupe de produits constituant l'activité principale représente au moins 50 % du chiffre d'affaires annuel. § 3. Sur la proposition du ministre, le Roi peut compléter la liste des secteurs du commerce et de l'artisanat figurant au § 1er ainsi que la liste des activités principales visées au § 2 ».
B.1.5. L'article 17 dispose : « Les interdictions visées à l'article 6 a) et b) et à l'article 8 ne sont pas applicables dans les stations balnéaires et les communes ou parties de communes reconnues comme centres touristiques.
Le Roi détermine ce qu'il faut entendre par centres touristiques, dont il détermine les critères et la procédure de reconnaissance ».
B.2. La Cour est interrogée sur la compatibilité des articles 8, 9, 16 et 17 de la loi du 10 novembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/11/2006 pub. 19/12/2006 numac 2006023306 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services fermer relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec la liberté de commerce et d'industrie telle qu'elle est garantie par l'article 7 du décret d'Allarde des 2-17 mars 1791, actuellement remplacé par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, en ce que l'obligation de respecter un jour de fermeture hebdomadaire ne s'applique pas à certaines catégories de commerçants (première et deuxième branches de la question préjudicielle), s'applique uniquement au commerce de détail (troisième branche) et implique une plus grande restriction pour les commerçants qui exercent leur activité via un point de vente physique et ont un contact direct avec le consommateur (quatrième branche).
B.3.1. Par son arrêt n° 119/2012 du 18 octobre 2012, la Cour a posé à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle concernant l'interprétation du principe d'égalité, tel qu'il est prescrit à l'article 6, paragraphe 3, du Traité sur l'Union européenne et aux articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, combinés avec les articles 15 et 16 de la Charte précitée et avec les articles 34 à 36, 56 et 57 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
B.3.2. Par son arrêt du 8 mai 2014 (C-483/12, Pelckmans Turnhout NV), la Cour de justice s'est déclarée incompétente pour répondre à cette question préjudicielle.
B.3.3. La Cour de justice a jugé : « 23. [...] cette décision, tout comme les observations écrites soumises à la Cour, n'établit nullement que ledit litige présente des éléments de rattachement à l'une quelconque des situations envisagées par les dispositions du traité visées par la juridiction de renvoi. 24. En tout état de cause, en ce qui concerne l'application des articles 34 TFUE à 36 TFUE en matière de libre circulation des marchandises, mentionnés par cette juridiction, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà jugé, à plusieurs reprises, que ces dispositions ne s'appliquent pas à une réglementation nationale en matière de fermeture des magasins qui est opposable à tous les opérateurs économiques concernés exerçant des activités sur le territoire national et qui affecte de la même manière, en droit et en fait, la commercialisation des produits nationaux et celles des produits en provenance d'autres Etats membres (voir, notamment, arrêts Punto Casa et PPV, C-69/93 et C-258/93, EU : C : 1994 : 226, point 15, ainsi que Semeraro Casa Uno e.a., C-418/93 à C-421/93, C-460/93 à C-462/93, C-464/93, C-9/94 à C-11/94, C-14/94, C-15/94, C-23/94, C-24/94 et C-332/94, EU : C : 1996 : 242, point 28). 25. De même, en ce qui concerne les articles 56 TFUE et 57 TFUE en matière de libre prestation des services, également évoqués par la juridiction de renvoi, il suffit de constater que la législation en cause est opposable à tous les opérateurs exerçant des activités sur le territoire national, qu'elle n'a d'ailleurs pas pour objet de régler les conditions concernant l'exercice de prestation des services des entreprises concernées et que, enfin, les effets restrictifs qu'elle pouvait produire sur la libre prestation des services sont trop aléatoires et trop indirects pour que l'obligation qu'elle édicte puisse être regardée comme étant de nature à entraver cette liberté (voir, par analogie, arrêt Semeraro Casa Uno e.a., EU : C : 1996 : 242, point 32). 26. Il résulte de l'ensemble de ces considérations que la compétence de la Cour pour interpréter les dispositions de la Charte évoquées par la juridiction de renvoi n'est pas établie ». B.3.4. Il ressort de l'arrêt C-483/12 précité que le droit de l'Union européenne ne s'applique pas à l'affaire soumise au juge a quo, celle-ci ne présentant pas de point de rattachement avec ce droit.
B.4.1. Selon les travaux préparatoires de la loi du 10 novembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/11/2006 pub. 19/12/2006 numac 2006023306 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services fermer, l'intention du législateur était, d'une part, de fondre toutes les dispositions relatives aux heures d'ouverture (c'est-à -dire la loi du 22 juin 1960 instaurant le repos hebdomadaire dans l'artisanat et le commerce et la loi du 24 juillet 1973 instaurant la fermeture obligatoire du soir dans le commerce, l'artisanat et les services) dans une loi unique, et, d'autre part, de moderniser une législation vieille de plus de 30 ans. Le législateur visait donc à trouver un équilibre entre les intérêts des consommateurs et les conditions de travail des personnes actives dans le secteur du commerce de détail : « [Le projet de loi] s'applique au commerce de détail et laisse la possibilité au Roi d'étendre le champ d'application aux services qu'Il détermine. Il ne s'applique donc pas au secteur horeca, à l'hôtellerie, aux campings, et aux débits de boissons. [...] Le présent projet de loi renverse le système en imposant un jour de repos hebdomadaire à tous les secteurs en laissant au Roi le soin d'octroyer des dérogations aux secteurs qui en ont besoin.
Il harmonise les listes des secteurs bénéficiant de dérogations à la fermeture obligatoire du soir et au repos hebdomadaire. [...] Le présent projet de loi harmonise les règles et prévoit pour les centres touristiques une seule procédure de reconnaissance avec des critères harmonisés, qui seront définis par un arrêté royal » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2486/001, pp. 4-5).
B.4.2. Le fondement légal originaire de l'instauration d'un jour de repos hebdomadaire réside dans la loi du 22 juin 1960 instaurant le repos hebdomadaire dans l'artisanat et le commerce. Cette loi « permet [tait] au Roi de prescrire un jour de repos par semaine dans certaines branches du commerce et de l'artisanat, à la demande d'une ou de plusieurs fédérations professionnelles représentatives » (Doc. parl., Sénat, 1962-1963, n° 241, p. 1). A cet égard, les travaux préparatoires indiquent : « Nul ne peut contester le droit des commerçants et des artisans au repos.
C'est ce droit, actuellement théorique, que ce projet de loi a pour objet de transformer en une réalité positive et utilisable par tous. [...] Il faut donc tenir compte des nécessités économiques et des conditions particulières dans lesquelles s'exercent le commerce et l'artisanat dans les différentes régions, voire dans les différentes communes du pays.
C'est pourquoi, dans le projet, il n'est nullement question d'imposer un jour de fermeture hebdomadaire uniforme pour tous; une telle mesure risquerait d'avoir pour effet de léser gravement certains commerçants et certains artisans.
C'est donc vers une formule particulièrement souple que s'oriente le présent projet.
Elle pose le principe du droit du commerçant et de l'artisan à un repos hebdomadaire.
Elle pose un second principe : ce repos hebdomadaire est le repos dominical. Normalement, c'est le dimanche qu'il doit être pris. Ceci est conforme à toutes nos traditions et aux principes généraux de notre civilisation. C'est d'ailleurs le dimanche que les enfants disposent eux-mêmes de loisirs et il est normal de souhaiter que ce soit le même jour que leurs parents disposent de liberté.
Mais, ce principe étant posé, il faut tenir compte de cas particuliers.
Or, qui est juge de ces cas, sinon le commerçant ou l'artisan lui-même [?] » (Doc. parl., Chambre, 1959-1960, n° 470/1, p. 3).
En ce que la loi du 22 juin 1960 autorisait le Roi à imposer un jour de repos hebdomadaire aux secteurs qui en avaient fait la demande par le biais des fédérations professionnelles concernées, elle visait à protéger la santé des indépendants et à laisser à ces derniers la liberté de juger si l'instauration d'une journée de repos obligatoire était nécessaire et de choisir ce jour de repos sans autre obligation que celles qu'ils avaient décidé de s'imposer à eux-mêmes pour faire face à la concurrence.
B.5.1. Les troisième et quatrième branches de la question préjudicielle concernent le champ d'application de la loi du 10 novembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/11/2006 pub. 19/12/2006 numac 2006023306 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services fermer. Le juge a quo souhaite savoir si l'obligation de principe de prévoir un jour de repos hebdomadaire viole le principe de la liberté de commerce et d'industrie, en ce que les articles 8 et 9 de la loi précitée sont uniquement applicables aux commerces de détail et affectent donc davantage les commerçants qui exercent leur activité via un point de vente physique, en contact direct avec le consommateur.
B.5.2. Les troisième et quatrième branches de la question préjudicielle peuvent être examinées conjointement, la présence d'un point de vente physique (quatrième branche) étant inhérente à la définition de la notion de « commerce de détail » (troisième branche), selon l'article 2 de la loi du 10 novembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/11/2006 pub. 19/12/2006 numac 2006023306 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services fermer, qui prévoit que par « commerce de détail », il faut entendre « la revente de manière habituelle [au consommateur] de marchandises [...] qui exigent la présence physique et simultanée du vendeur et du consommateur dans l'unité d'établissement ».
B.6. Il découle des travaux préparatoires de la loi du 22 juin 1960 instaurant le repos hebdomadaire dans l'artisanat et le commerce que le champ d'application de la législation en cause est limité « aux entreprises commerciales, artisanales ou de prestations de service qui sont en contact direct avec le consommateur. En effet, c'est la crainte de voir le consommateur ou l'usager s'adresser au concurrent, qui oblige trop de commerçants ou d'artisans à maintenir leur magasin ouvert tous les jours de la semaine. [...] La loi ne vise donc pas les opérations de vente en gros, ni non plus l'interdiction, pour le commerçant ou l'artisan, de se livrer à son activité, du moment que celle-ci ne s'accompagne pas d'un contact, quel qu'il soit, avec la clientèle.
Par ailleurs, dans le cadre d'une profession envisagée, le champ d'application de la loi est très large, la loi s'applique à tous les établissements où sont effectuées des ventes au consommateur ou prestés des services qui nécessitent des contacts avec la clientèle, quelle que soit la dimension de l'entreprise dans laquelle s'exercent ces activités » (ibid., pp. 4-5).
B.7.1. Le critère distinctif prévu par la loi, à savoir un contact direct avec le consommateur, est objectif et pertinent.
En effet, eu égard à ce qui est dit en B.4.1, B.4.2 et B.6, la législation en cause a pour but de préserver l'équilibre entre la vie privée des commerçants indépendants et l'intérêt des consommateurs, en instaurant, pour le secteur concerné, un régime qui n'entrave pas inutilement le jeu de la libre concurrence.
En l'absence d'un point de vente physique, le commerçant peut répondre à une demande indirecte du consommateur, par courriel, par internet, par courrier, etc., à un moment de son choix, le consommateur comprenant aussi que le commerçant n'est pas disponible sans interruption.
B.7.2. Par ailleurs, ni la liberté de commerce et d'industrie, ni la liberté d'entreprise, telles qu'elles sont garanties par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, ne peuvent être conçues comme des libertés absolues. Le législateur n'interviendrait de manière déraisonnable que s'il limitait la liberté de commerce et d'industrie sans aucune nécessité ou si cette limitation était disproportionnée au but poursuivi.
Les dispositions en cause imposent un jour de repos hebdomadaire au secteur du commerce de détail. Il appartient toutefois au législateur d'apprécier si un jour de repos hebdomadaire doit être imposé à certaines catégories de commerçants. La Cour ne pourrait rejeter ce choix que s'il n'est pas raisonnablement justifié.
B.7.3. L'instauration d'un jour de repos hebdomadaire est une nécessité généralement acceptée, comme il a été rappelé en B.4.1 et B.4.2.
Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 10 novembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/11/2006 pub. 19/12/2006 numac 2006023306 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services fermer qu'« une grande majorité [de commerçants] [sont satisfaits] des heures d'ouverture actuelles et sont partisans du maintien de la législation actuelle. Une extension des heures d'ouverture n'aurait pas de répercussions positives sur la rentabilité des entreprises, et donc sur l'emploi. Les répercussions pourraient même être négatives » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2486/005, p. 7).
Selon le législateur, la loi en cause est également le fruit d'une très large concertation et répond aux souhaits de l'ensemble des acteurs concernés (ibid.).
B.8. Les troisième et quatrième branches de la question préjudicielle appellent une réponse négative.
B.9. Les première et deuxième branches de la question préjudicielle concernent les exceptions à la règle du jour de repos hebdomadaire. La Cour est interrogée sur la compatibilité des articles 16 et 17 de la loi du 10 novembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/11/2006 pub. 19/12/2006 numac 2006023306 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services fermer avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le principe de la liberté de commerce et d'industrie, en ce que l'obligation de prévoir un jour de fermeture hebdomadaire ne s'applique pas à certaines catégories de commerçants.
B.10.1. Il découle des travaux préparatoires de la loi du 10 novembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/11/2006 pub. 19/12/2006 numac 2006023306 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services fermer que l'obligation de prévoir un jour de repos ne s'applique pas aux exceptions énumérées aux articles 16 et 17.
En ce qui concerne l'article 16, § 1er : « Dans les gares exploitées par la SNCB-Holding ou ses filiales, ce sont toutes les unités d'établissement qui sont situées dans l'ensemble immobilier abritant la gare qui bénéficient de la dérogation » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2486/001, p. 9).
En ce qui concerne l'article 16, § 2 : « Le § 2 précise que c'est l'activité principale d'un commerce qui doit être prise en considération pour déterminer s'il peut bénéficier de la dérogation. Cinq types d'unité d'établissement peuvent bénéficier de la dérogation : les librairies (journaux, magazines, produits du tabac et article fumeurs, cartes téléphoniques et produits de la Loterie nationale), les vidéo-clubs (vente et location de supports d'oeuvres audiovisuelles et de jeux vidéos), les stations-services, les vendeurs de glaces et de denrées alimentaires préparées dans l'unité d'établissement et qui n'y sont pas consommées (friteries, plats chinois à emporter...) » (ibid., p. 10).
En ce qui concerne l'article 17 : « [L']article [17] maintient la dérogation pour les centres touristiques et les stations balnéaires. Le soin est laissé au Roi de définir ce qu'il faut entendre par centres touristiques » (ibid., p. 10).
Le projet de loi harmonise en outre les listes des secteurs bénéficiant des dérogations au repos hebdomadaire (ibid., p. 4).
B.10.2. La modification de la loi du 22 juin 1960 par la loi du 30 juillet 1963 a eu pour effet d'étendre l'article 1er, § 4, à « l'activité qui consiste à fournir au consommateur [...] des marchandises préalablement préparées et présentées de manière telle qu'elles doivent normalement être consommées sur place » : « Le motif qui justifie la disposition prévue à l'article 1er, § 1 [er], de la loi du 22 juin 1960 sur le repos hebdomadaire, ne peut donc être invoqué en ce qui concerne les établissements du type ' snack-bar '.
D'autre part, l'assujettissement de ces entreprises à cette législation présente de graves inconvénients d'ordre économique, du fait des problèmes spécifiques que pose leur exploitation.
Ces entreprises assument, en effet, des charges particulièrement lourdes en personnel, frais de fonctionnement et autres, qui sont inhabituelles dans le secteur de la distribution et qui ne peuvent normalement être couvertes que si leur activité peut être exercée tous les jours de la semaine. En outre, l'originalité de ces entreprises consiste à tenir constamment à la disposition de la clientèle des denrées alimentaires susceptibles d'être consommées immédiatement et qui, dès lors, doivent être préparées d'avance. D'autre part, ces marchandises ne peuvent être conservées dans un état de fraîcheur satisfaisant au-delà de quelques heures et la fermeture hebdomadaire obligatoire entraîne nécessairement une perte importante » (Doc. parl., Sénat, 1962-1963, n° 241, p. 2).
B.10.3. Une modification législative par la loi du 5 juillet 1973 a instauré une exception au jour de repos hebdomadaire pour les points de vente situés sur les aires d'autoroutes. A cet égard, le législateur a considéré que « notre réseau d'autoroutes faisant partie du réseau européen, il est impensable d'instaurer des mesures restrictives, notamment quant à l'ouverture des points de vente de l'essence » (Doc. parl., Sénat, 1972-1973, n° 86, p. 2).
B.11.1. En ce qui concerne la première branche de la question préjudicielle, le critère distinctif prévu par la loi, à savoir l'emplacement du point de vente, est objectif et pertinent.
Les exceptions permettent à l'utilisateur des transports publics et à l'utilisateur des voies aériennes et maritimes internationales d'effectuer son voyage sans craindre des difficultés causées par la fermeture des points de vente dans une gare ferroviaire ou dans une unité d'établissement de sociétés de transport public, dans un aéroport ou un port ouverts au transport international, du fait de l'obligation de respecter un jour de repos hebdomadaire.
Il en est de même pour l'utilisateur d'une autoroute qui ne pourrait pas non plus poursuivre sa route si les stations-services situées le long de l'autoroute ne pouvaient être ouvertes en permanence. La possibilité, pour les stations-services situées le long de l'autoroute, de proposer également à la vente un assortiment de denrées d'alimentation générale et d'articles d'entretien est, elle aussi, raisonnablement justifiée, étant donné qu'elle permet à l'usager de l'autoroute de ne plus devoir « la quitter afin d'acheter [des denrées alimentaires] » (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1308/1, p. 5).
B.11.2. En ce qui concerne la deuxième branche de la question préjudicielle, le critère distinctif utilisé par la loi, à savoir l'activité principale des unités d'établissement, est objectif et pertinent.
Ainsi qu'il a été dit dans les travaux préparatoires de la loi du 10 novembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/11/2006 pub. 19/12/2006 numac 2006023306 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services fermer, la loi en cause harmonise les listes des secteurs bénéficiant de dérogations au repos hebdomadaire (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2486/001, p. 4), de sorte que l'on peut admettre que les exceptions prévues correspondent aux exceptions qui existaient déjà quant au jour de repos hebdomadaire.
Les fédérations professionnelles des autres secteurs n'ayant pas demandé, sous l'empire de la loi du 22 juin 1960, d'imposer un jour de repos hebdomadaire, on peut admettre qu'elles ont considéré qu'il n'était pas nécessaire de pouvoir bénéficier d'un jour de repos hebdomadaire.
B.12. Le législateur a consulté toutes les fédérations professionnelles et interprofessionnelles agréées, dont le Conseil supérieur des indépendants et des PME, ainsi que le Conseil national du travail et le Conseil de la consommation (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2486/005, p. 6).
En outre, seule l'activité principale d'un établissement est prise en considération, de sorte que les commerces qui ne relevaient pas, sur le plan sectoriel, du repos hebdomadaire obligatoire peuvent aujourd'hui continuer à vendre d'autres biens de consommation, sans pour autant tomber sous l'application des règles du jour de repos hebdomadaire prévues par la loi du 10 novembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/11/2006 pub. 19/12/2006 numac 2006023306 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services fermer.
Enfin, conformément à l'article 16, § 3, de la loi du 10 novembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/11/2006 pub. 19/12/2006 numac 2006023306 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services fermer, le Roi peut toujours, sur proposition du ministre compétent, compléter la liste des secteurs du commerce et de l'artisanat figurant à l'article 16, § 1er, ainsi que la liste des activités principales figurant à l'article 16, § 2.
Par conséquent, le choix du législateur est raisonnablement justifié.
B.13. Quant à la liberté de commerce et d'industrie, elle n'est pas concernée en l'espèce, étant donné que les première et deuxième branches de la question préjudicielle portent sur les commerçants qui bénéficient déjà des exceptions au jour de repos hebdomadaire et qui, par conséquent, ont déjà le choix de prévoir ou non un jour de repos.
B.14. Les dispositions en cause sont compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec la liberté de commerce et d'industrie.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 8, 9, 16 et 17 de la loi du 10 novembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/11/2006 pub. 19/12/2006 numac 2006023306 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services fermer relative aux heures d'ouverture dans le commerce, l'artisanat et les services ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec la liberté de commerce et d'industrie.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 9 octobre 2014.
Le greffier, F. Meersschaut Le président, A. Alen