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Arrêt
publié le 06 novembre 2014

Extrait de l'arrêt n° 136/2014 du 25 septembre 2014 Numéro du rôle : 5729 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 111, alinéa 1 er , du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges J.-P. S(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 136/2014 du 25 septembre 2014 Numéro du rôle : 5729 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 111, alinéa 1er, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine, tel qu'il a été remplacé par l'article 48 du décret de la Région wallonne du 18 juillet 2002, posées par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges J.-P. Snappe, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêt n° 225.051 du 10 octobre 2013 en cause de Erdogan Subay contre la Région wallonne, partie intervenante : la SPRL « Atelier CECI », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 16 octobre 2013, le Conseil d'Etat a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 111, alinéa 1er, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine, dans la rédaction résultant du décret de la Région wallonne du 18 juillet 2002, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il permet de déroger aussi bien aux prescriptions des plans de secteur relatives aux zones destinées à l'urbanisation et à celles qui portent sur les zones non destinées à l'urbanisation alors que les zones non destinées à l'urbanisation - dont les zones d'espaces verts - contribuent à la formation du paysage ou participent d'un souci d'esthétique paysagère ou de protection de la flore et appellent, dès lors, en raison de leur différence d'objectifs d'aménagement par rapport aux zones destinées à l'urbanisation, un traitement différencié pour ce qui concerne le régime des dérogations ? 2. L'article 111, alinéa 1er, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine, dans la rédaction résultant du décret de la Région wallonne du 18 juillet 2002, méconnaît-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il permet d'agrandir un bâtiment existant en dérogation aux prescriptions des plans de secteur relatives aussi bien aux zones destinées à l'urbanisation et aux zones non destinées à l'urbanisation alors que, dans l'intention du législateur régional, les secondes contribuent notamment à la formation du paysage et participent d'un souci d'esthétique paysagère ou de protection de la faune et de la flore, au contraire des zones destinées à l'urbanisation, alors spécialement que l'article 111, alinéa 2, du même Code interdit les travaux de transformation ou d'agrandissement d'ouvrages qui impliqueraient un empiétement en zone naturelle, en zone de parc ou en périmètre de point de vue remarquable ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. L'article 111 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine (ci-après : CWATUP), dans sa version applicable au litige pendant devant le juge a quo, dispose : « Des constructions non conformes à la destination d'une zone.

Les constructions ou les installations au sens de l'article 84, § 1er, 1°, existant au moment de l'introduction de la demande de permis, dont l'affectation actuelle ou future ne correspond pas aux prescriptions du plan de secteur peuvent faire l'objet de travaux de transformation, d'agrandissement ou de reconstruction.

Pour des besoins économiques, les constructions ou les installations au sens de l'article 84, § 1er, 1°, existant au moment de l'introduction de la demande de permis, dont l'affectation est conforme aux prescriptions du plan de secteur peuvent faire l'objet de travaux de transformation ou d'agrandissement impliquant une dérogation à l'affectation d'une zone contiguë, à l'exclusion des zones naturelles, des zones de parcs et des périmètres de point de vue remarquable.

La construction telle que transformée, agrandie ou reconstruite doit s'intégrer au site bâti ou non bâti ».

Les questions préjudicielles portent sur l'alinéa 1er de cette disposition.

B.1.2. Les articles 110 à 114 du CWATUP forment la section 2, intitulée « Des dérogations », qui prend place dans le chapitre III (« Des demandes de permis, des décisions et des recours ») du titre V (« Des permis et certificats d'urbanisme ») du livre Ier (« Dispositions organiques de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme ») de ce Code.

Les articles 110 à 113 prévoient que des dérogations, notamment au plan de secteur, peuvent être accordées lors de la délivrance d'un permis d'urbanisme. L'article 114 précise la procédure de demande et d'octroi des dérogations. De manière générale, les dérogations en matière d'urbanisme ne peuvent être accordées qu'à titre exceptionnel par le gouvernement ou par le fonctionnaire délégué.

B.2. Il ressort de la décision de renvoi que le litige devant le juge a quo concerne l'octroi d'un permis unique pour la régularisation de l'extension d'un bâtiment existant et l'exploitation d'un atelier d'artisanat métallique, le bâtiment existant de même que son extension, affectés à l'exploitation de l'atelier, étant partiellement situés en zone d'espaces verts.

La Cour limite son examen à cette hypothèse.

Quant à la première question préjudicielle B.3. Dans une première question préjudicielle, la Cour est interrogée sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de l'article 111, alinéa 1er, du CWATUP, en ce que cette disposition n'instaure pas de régime différencié, en ce qui concerne les possibilités de dérogations aux prescriptions d'un plan de secteur, entre les zones destinées à l'urbanisation et les zones non destinées à l'urbanisation dont les zones d'espaces verts, alors que ces dernières contribuent à la formation du paysage ou participent d'un souci d'esthétique paysagère ou de protection de la flore.

La partie requérante devant le juge a quo se réfère notamment à l'article 1er, § 1er, alinéa 2, du CWATUP, qui dispose : « La Région et les autres autorités publiques, chacune dans le cadre de ses compétences et en coordination avec la Région, sont gestionnaires et garants de l'aménagement du territoire. Elles rencontrent de manière durable les besoins sociaux, économiques, patrimoniaux et environnementaux de la collectivité par la gestion qualitative du cadre de vie, par l'utilisation parcimonieuse du sol et de ses ressources et par la conservation et le développement du patrimoine culturel, naturel et paysager ».

B.4. Dans sa version applicable devant le juge a quo, l'article 25 du CWATUP disposait : « De la division du plan de secteur en zones.

Le plan de secteur comporte des zones destinées à l'urbanisation et des zones non destinées à l'urbanisation.

Les zones suivantes sont destinées à l'urbanisation : l° la zone d'habitat;2° la zone d'habitat à caractère rural;3° la zone de services publics et d'équipements communautaires;4° la zone de loisirs;5° les zones d'activité économique;6° les zones d'activité économique spécifique;7° la zone d'extraction;8° la zone d'aménagement différé;9° la zone d'aménagement différé à caractère industriel. Les zones suivantes ne sont pas destinées à l'urbanisation : 1° la zone agricole;2° la zone forestière;3° la zone d'espaces verts;4° la zone naturelle;5° la zone de parc ». Les articles 26 à 39 du CWATUP définissent chacune des zones visées à l'article 25 du CWATUP. L'article 37 du CWATUP définit comme suit la zone d'espaces verts : « De la zone d'espaces verts.

La zone d'espaces verts est destinée au maintien, à la protection et à la régénération du milieu naturel.

Elle contribue à la formation du paysage ou constitue une transition végétale adéquate entre des zones dont les destinations sont incompatibles ».

B.5. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.6. Il convient tout d'abord de constater que la distinction entre les zones destinées à l'urbanisation et les zones non destinées à l'urbanisation visée dans l'article 25 du CWATUP n'est utilisée que dans certaines dispositions du Code.

Les travaux préparatoires du décret du 27 novembre 1997, qui a inséré cette distinction dans l'article 25 du CWATUP, exposent : « Cette distinction est à mettre en rapport avec la nécessité de soumettre toute révision du plan de secteur à une étude d'incidences lorsqu'il s'agit d'inscrire de nouvelles zones vouées à l'urbanisation tel que le prévoit l'article 42 en projet » (Doc. parl., Parlement wallon, 1996-1997, n° 233/1, p. 9).

Explicitant cette distinction, le ministre a déclaré : « La modification d'une zone agricole pour en faire une zone urbanisable exige nécessairement une étude d'incidences, l'inverse n'étant pas vrai. [...] Les terrains qui ne sont pas destinés à la construction en tant que telle, peuvent néanmoins en recevoir à titre accessoire » (Doc. parl., Parlement wallon, 1996-1997, n° 233/222, pp. 121-122).

Dans sa version applicable devant le juge a quo, le CWATUP ne se référait à cette distinction que dans ses articles 46 (révision du plan de secteur par l'inscription d'une nouvelle zone destinée à l'urbanisation), 54 (élaboration et révision d'un plan communal d'aménagement dérogatoire au plan de secteur et tendant à l'inscription d'une zone destinée à l'urbanisation), 84, § 1er, 8°, b (dispense de permis d'urbanisme pour la culture de sapins de Noël dans une zone non destinée à l'urbanisation), 88, 2°, alinéa 2 (possibilité de limiter la durée du permis d'urbanisme s'il est relatif à des actes et travaux dans une zone non destinée à l'urbanisation) et 175 (droit de préemption).

La distinction entre les zones destinées à l'urbanisation et les zones non destinées à l'urbanisation n'est par contre pas utilisée dans les articles 110 à 112 du Code, relatifs aux dérogations au plan de secteur par des permis.

B.7. La disposition en cause répond au souci du législateur décrétal d'autoriser, dans certains cas, en dépit d'une réglementation relative à l'aménagement du territoire fondée sur des plans et des prescriptions d'affectation du sol, la délivrance de permis d'urbanisme par dérogation à ces plans et prescriptions.

B.8. En choisissant de n'exclure aucune zone - ni les zones non destinées à l'urbanisation, ni, plus spécifiquement, les zones d'espaces verts - de la possibilité de dérogation prévue par la disposition en cause, le législateur décrétal a instauré une procédure identique applicable dans toutes les zones, tout en laissant à l'autorité compétente le soin d'apprécier les conditions strictes prévues par la disposition en cause, au regard de l'ensemble des éléments concrets de la demande, en tenant compte du caractère dérogatoire, et partant, exceptionnel, de la mesure, des spécificités de la zone concernée, ainsi que des objectifs énoncés dans l'article 1er du CWATUP. Si la disposition en cause laisse à l'autorité un pouvoir d'appréciation important, elle l'oblige de manière équivalente à motiver spécialement sa décision sur ce point, sous le contrôle du Conseil d'Etat.

L'article 114 du CWATUP étant applicable à l'article 111, alinéa 1er, c'est en effet « à titre exceptionnel » que, conformément à cette disposition, des dérogations peuvent être délivrées par le Gouvernement concernant des travaux de transformation, d'agrandissement ou de reconstruction portant sur des constructions existant au moment de l'introduction de la demande de permis, et dont l'affectation actuelle ou future ne correspond pas aux prescriptions du plan de secteur.

B.9. Le Conseil d'Etat a ainsi jugé que la mesure en cause, en tant que mécanisme dérogatoire, « est d'interprétation restrictive », et doit faire l'objet d'une « application des plus limitées lorsque la parcelle litigieuse est classée en une zone où les constructions doivent demeurer, sinon interdites, du moins exceptionnelles » (CE, n° 128.133 du 12 février 2004; CE, n° 170.235 du 19 avril 2007; CE, n° 172.780 du 27 juin 2007).

L'autorité est en outre tenue de donner à l'acte une motivation qui fasse apparaître « outre le respect des conditions propres au mécanisme dérogatoire appliqué, les raisons de recourir dans l'espèce donnée au mécanisme de la dérogation » (CE, n° 161.715 du 7 août 2006;

CE, n° 166.575 du 11 janvier 2007; CE, n° 211.202 du 11 février 2011; voy. aussi CE, n° 197.278 du 23 octobre 2009).

B.10. La possibilité de dérogation prévue par la disposition en cause doit donc s'interpréter de manière restrictive et son application doit être dûment motivée par une appréciation individualisée, au regard de la finalité spécifique de la zone concernée par la demande de dérogation.

La dérogation aux prescriptions du plan de secteur est d'autant plus exceptionnelle qu'elle doit mettre en balance, d'une part, l'intérêt de travaux de transformation, d'agrandissement ou de reconstruction portant sur un bâtiment existant ne correspondant pas lui-même aux prescriptions du plan de secteur avec, d'autre part, l'intérêt de protection de la nature et du paysage que poursuivent des zones non destinées à l'urbanisation, et plus particulièrement des zones d'espaces verts, aux prescriptions desquelles il est demandé de déroger.

C'est au Conseil d'Etat qu'il appartient d'apprécier si l'application de la mesure en cause respecte les conditions strictes prévues dans les articles 111, alinéas 1er et 3, et 114 du CWATUP. B.11. La disposition en cause n'est pas sans justification raisonnable.

La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la seconde question préjudicielle B.12. Dans une seconde question préjudicielle, la Cour est interrogée sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de l'article 111, alinéa 1er, du CWATUP, en ce que cette disposition permet d'agrandir un bâtiment existant en dérogation aux prescriptions des plans de secteur relatives aussi bien aux zones destinées à l'urbanisation qu'aux zones non destinées à l'urbanisation, alors que l'article 111, alinéa 2, du même Code interdit les travaux de transformation ou d'agrandissement d'ouvrages qui impliqueraient un empiétement en zone naturelle, en zone de parc ou en périmètre de point de vue remarquable.

B.13.1. Alors que l'article 111, alinéa 1er, du CWATUP vise l'hypothèse où des constructions ou installations au sens de l'article 84, § 1er, 1°, dérogeant aux prescriptions du plan de secteur font l'objet de travaux de transformation, d'agrandissement ou de reconstruction, l'article 111, alinéa 2, du même Code vise l'hypothèse où des constructions ou installations au sens de l'article 84, § 1er, 1°, ne dérogeant pas aux prescriptions du plan de secteur font, pour des besoins économiques, l'objet de travaux de transformation ou d'agrandissement impliquant une dérogation aux prescriptions du plan de secteur sur une zone contiguë; en cas d'empiétement marginal sur une zone contiguë, l'article 111, alinéa 2, exclut une dérogation aux prescriptions du plan de secteur pour les zones naturelles, les zones de parcs et les périmètres de point de vue remarquable.

B.13.2. L'article 38 du CWATUP définit comme suit la zone naturelle : « De la zone naturelle.

La zone naturelle est destinée au maintien, à la protection et à la régénération de milieux naturels de grande valeur biologique ou abritant des espèces dont la conservation s'impose, qu'il s'agisse d'espèces des milieux terrestres ou aquatiques.

Dans cette zone ne sont admis que les actes et travaux nécessaires à la protection active ou passive de ces milieux ou espèces ».

Dans sa version applicable devant le juge a quo, l'article 39 du CWATUP définissait comme suit la zone de parc : « De la zone de parc.

La zone de parc est destinée aux espaces verts ordonnés dans un souci d'esthétique paysagère.

N'y sont autorisés que les actes et travaux nécessaires à leur création, leur entretien ou leur embellissement.

La zone de parc dont la superficie excède cinq hectares peut également faire l'objet d'autres actes et travaux, pour autant qu'ils ne mettent pas en péril la destination principale de la zone et qu'un plan communal d'aménagement couvrant sa totalité soit entré en vigueur. Le Gouvernement arrête la liste des actes et travaux qui peuvent être réalisés en zone de parc, ainsi que le pourcentage de la superficie de la zone qui peut être concerné par ces travaux ».

Dans sa version applicable devant le juge a quo, l'article 40 du CWATUP, remplacé par l'article 20 du décret du 18 juillet 2002, disposait : « Le plan peut comporter en surimpression aux zones précitées les périmètres suivants dont le contenu est déterminé par le Gouvernement : 1° de point de vue remarquable; [...] ».

Les périmètres sont conçus comme étant « complémentaire [s] aux prescriptions de mise en oeuvre des plans de secteur » (Doc. parl., Parlement wallon, 1996-1997, n° 233/1, p. 11) visées par les articles 25 à 39 du CWATUP. L'article 452/20 du CWATUP définit le périmètre de point de vue remarquable comme suit : « Du périmètre de point de vue remarquable.

Le périmètre de point de vue remarquable vise à maintenir des vues exceptionnelles sur un paysage bâti ou non bâti.

Les actes et travaux soumis à permis peuvent y être soit interdits, soit subordonnés à des conditions propres à éviter de mettre en péril la vue remarquable ».

Ce périmètre s'inscrit en surimpression aux zones du plan de secteur.

B.14.1. En ce qui concerne la possibilité d'empiétement sur une zone contiguë visée à l'article 111, alinéa 2, du CWATUP, les travaux préparatoires relatifs à l'article 48 du décret de la Région wallonne du 18 juillet 2002, qui a remplacé l'article 111 du CWATUP, exposent : « Deux hypothèses de dérogation aux prescriptions des plans de secteur sont ajoutées. [...] La seconde concerne la problématique de l'agrandissement de constructions conformes au zonage du plan de secteur mais qui ne pourrait se faire que dans une zone contiguë qui, elle, ne permet pas d'accueillir ce type de constructions ou d'activités. L'actuel article 111 permet notamment d'autoriser l'agrandissement d'un bâtiment industriel non conforme à la zone agricole du plan de secteur, mais ne permet pas l'agrandissement d'un bâtiment sis en zone d'activité économique mais dont l'extension ne peut être implantée que sur une zone contiguë, agricole par exemple. Ceci crée une certaine discrimination entre les deux situations. [...] C'est la raison pour laquelle il est proposé de permettre l'octroi, dans les conditions notamment de l'actuel second alinéa de l'article 111 et de l'article 114, d'un permis autorisant tout ou partie de l'extension demandée en dérogation à l'affectation de la zone contiguë. Ce mécanisme dérogatoire ne pourrait en outre être utilisé que pour satisfaire des besoins économiques. En d'autres termes, il est exclu que l'utilisation de ce mécanisme ne provoque des dérapages inacceptables » (Doc. parl., Parlement wallon, 2001-2002, n° 309/1, p. 12).

Il est précisé : « En outre, ce mécanisme sera exclu lorsque la zone contiguë est une zone naturelle, une zone de parc ou un périmètre de point de vue remarquable » (ibid., p. 47).

Dans le rapport de la Commission, il est expliqué que le nouveau texte « propose la notion d'empiétement marginal et donc la possibilité d'accorder un permis d'urbanisme pour une extension qui déborde dans une zone contiguë non urbanisable, dérogation accordée exclusivement pour des raisons économiques » (Doc. parl., Parlement wallon, 2001-2002, n° 309/170, p. 13).

B.14.2. En ce qui concerne l'article 48 en projet, un amendement avait été déposé afin de supprimer l'article 111, alinéa 2 (Doc. parl., Parlement wallon, 2001-2002, n° 309/116); il était considéré que cette mesure « contribue à déréguler le zonage tel qu'il est repris au plan de secteur en matière de protection des zones agricoles » et qu'il serait « préférable d'introduire une appréciation d'espèce plutôt qu'une dérogation automatique qui ' sape ' le zonage, et ce d'autant plus que cette dérogation n'est pas balisée » (Doc. parl., Parlement wallon, 2001-2002, n° 309/170, p. 267).

Un autre parlementaire soulignait également ses craintes par rapport à l'utilisation parcimonieuse du sol et s'interrogeait sur « l'opportunité d'ajouter parmi l'ensemble des zones exclues les zones d'espaces verts et le périmètre visé à l'article 40, 1°, 2° et 5° » (ibid., p. 268) : « De fait, la zone d'espaces verts est cataloguée comme zone de régénération au plan de secteur; il convient donc d'éviter de mettre celle-ci en péril. De plus, cette zone fait souvent office de zone de transition idéale entre deux zones incompatibles au niveau du plan de secteur.

L'intervenant pense que le texte actuel met en péril le rôle tenu par les zones d'espaces verts et ouvre la porte à une série de conflits de voisinage. En outre, il pense qu'il en va de l'intérêt collectif d'exclure les zones à risques majeurs » (ibid.).

Face à ces inquiétudes, le ministre a rappelé : « [L]'article 111 relève de la section des dérogations et ne s'entend donc qu'à titre exceptionnel et moyennant la réalisation d'une enquête publique.

De plus, le projet prévoit que cette dérogation ne peut être accordée qu'exclusivement pour des besoins économiques et ne peut en aucun cas concerner des zones naturelles, des zones de parc et des périmètres de point de vue remarquable » (ibid., p. 94).

Le ministre a également répondu : « Ce sont les éléments de la cause qui détermineront si les raisons économiques avancées sont suffisamment justifiées et probantes. [...] En outre, une dérogation peut être accordée plusieurs fois, pour autant que son caractère reste exceptionnel. Il faut cependant avoir à l'esprit que l'exception présuppose que la situation ne se produise pas de manière récurrente; mais rien n'interdit qu'elle soit accordée une ou deux fois. C'est une question d'appréciation, il n'y a pas de réponse a priori. C'est par un recours au Conseil d'Etat que l'interprétation du concept sera appréhendée » (ibid., p. 268).

B.15. L'article 111, alinéa 2, du CWATUP n'instaure pas de régime différencié de possibilité de dérogations au plan de secteur selon que la zone concernée est ou non une zone d'espaces verts, mais laisse à l'autorité le soin d'apprécier et de motiver in concreto la nécessité d'une dérogation au caractère exceptionnel, conformément à l'article 114 du CWATUP, sous le contrôle du Conseil d'Etat.

B.16. L'article 111, alinéa 2, du CWATUP n'instaure pas davantage un régime différencié de dérogations au plan de secteur selon que la zone est ou non destinée à l'urbanisation.

En effet, cette disposition ne prévoit une exclusion du régime de l'empiétement marginal que pour les zones naturelles, les zones de parc et les périmètres de point de vue remarquable.

Le régime spécifique instauré pour cette mesure ne concerne donc que certaines zones non destinées à l'urbanisation, ainsi que les périmètres de point de vue remarquable; cette disposition confirme que le législateur décrétal n'a pas souhaité exclure du régime dérogatoire de l'empiétement marginal l'ensemble des zones non destinées à l'urbanisation, mais uniquement certaines d'entre elles, au regard de leurs finalités particulières en matière de milieu naturel et d'esthétique paysagère.

B.17. L'article 111, alinéa 2, du CWATUP ne traite donc distinctement ni, de manière générale, les zones non destinées à l'urbanisation, ni, de manière spécifique, les zones d'espaces verts au regard de la possibilité de dérogations au plan de secteur qu'il instaure.

B.18. La seconde question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 111, alinéa 1er, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine, tel qu'il a été remplacé par l'article 48 du décret de la Région wallonne du 18 juillet 2002, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 25 septembre 2014.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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