publié le 30 juin 2014
Extrait de l'arrêt n° 82/2014 du 22 mai 2014 Numéro du rôle : 5664 En cause : le recours en annulation de l'article 16 de la loi du 4 décembre 2012 modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges E. De G(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 82/2014 du 22 mai 2014 Numéro du rôle : 5664 En cause : le recours en annulation de l'article 16 de la
loi du 4 décembre 2012Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
04/12/2012
pub.
14/12/2012
numac
2012009519
source
service public federal justice
Loi modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l'immigration
fermer modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l'immigration (remplacement de l'article 19 du Code de la nationalité belge), introduit par Philipp Sirij.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 12 juin 2013 et parvenue au greffe le 14 juin 2013, Philipp Sirij, assisté et représenté par Me D. De Keuster, avocat au barreau d'Anvers, a introduit un recours en annulation de l'article 16 de la loi du 4 décembre 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/12/2012 pub. 14/12/2012 numac 2012009519 source service public federal justice Loi modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l'immigration fermer modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l'immigration (publiée au Moniteur belge du 14 décembre 2012, deuxième édition), qui a remplacé l'article 19 du Code de la nationalité belge. (...) II. En droit (...) B.1.1. L'article 19 du Code de la nationalité belge du 28 juin 1984, tel qu'il a été remplacé par l'article 16 de la loi du 4 décembre 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/12/2012 pub. 14/12/2012 numac 2012009519 source service public federal justice Loi modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l'immigration fermer, dispose : « § 1er. Pour pouvoir demander la naturalisation, l'intéressé doit : 1° avoir atteint l'âge de dix-huit ans;2° séjourner légalement en Belgique;3° et avoir témoigné ou pouvoir témoigner à la Belgique de mérites exceptionnels dans les domaines scientifique, sportif ou socioculturel et, de ce fait, pouvoir apporter une contribution particulière au rayonnement international de la Belgique;4° et motiver pourquoi il lui est quasiment impossible d'acquérir la nationalité belge en faisant une déclaration de nationalité conformément à l'article 12bis. Pour pouvoir se prévaloir de mérites exceptionnels, l'intéressé doit, sous peine d'irrecevabilité, pouvoir fournir la preuve des éléments suivants : 1° en cas de mérites exceptionnels dans le domaine scientifique : un doctorat;2° en cas de mérites exceptionnels dans le domaine sportif : avoir satisfait aux critères de sélection internationaux ou aux critères imposés par le COIB pour un championnat d'Europe, un championnat du monde ou les Jeux olympiques, ou se trouver dans le cas où la fédération de la discipline sportive concernée considère qu'il ou elle peut représenter une valeur ajoutée pour la Belgique dans le cadre des phases éliminatoires ou finales d'un championnat d'Europe, d'un championnat du monde ou des Jeux olympiques;3° en cas de mérites exceptionnels dans le domaine socioculturel: avoir atteint la sélection finale d'une compétition culturelle internationale ou être récompensé sur la scène internationale en raison de ses mérites sur le plan culturel ou en raison de son investissement social et sociétal. § 2. La naturalisation peut également être demandée par un étranger âgé de dix-huit ans qui a la qualité d'apatride en Belgique en vertu des conventions internationales qui y sont en vigueur, et qui séjourne légalement en Belgique depuis deux ans au moins ».
B.1.2. Il ressort de la portée du moyen unique que l'objet du recours est limité au nouvel article 19, § 2, du Code de la nationalité belge.
Le requérant fait valoir que cette disposition n'est pas compatible avec le principe d'égalité et de non-discrimination, en ce qu'elle est uniquement applicable aux personnes qui ont été reconnues comme apatrides, à l'exclusion des étrangers qui ne peuvent prouver leur nationalité, parce que le pays dont ils sont ressortissants refuserait de coopérer.
B.2. L'article premier, paragraphe 1, de la Convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides définit l'apatride comme étant « une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ».
B.3. Le statut d'apatride, qui est requis pour relever du champ d'application de la disposition attaquée, est, en vertu de l'article 569, 1°, du Code judiciaire, attribué par le tribunal de première instance du lieu de séjour du candidat apatride, après une procédure sur requête unilatérale.
B.4.1. Par la loi du 4 décembre 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/12/2012 pub. 14/12/2012 numac 2012009519 source service public federal justice Loi modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l'immigration fermer modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l'immigration, le législateur a voulu renforcer à nouveau les conditions d'obtention de la nationalité belge, par dérogation à la loi du 1er mars 2000Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/03/2000 pub. 05/04/2000 numac 2000009306 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions relatives à la nationalité belge type loi prom. 01/03/2000 pub. 06/04/2000 numac 2000009343 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions relatives à la nationalité belge fermer modifiant certaines dispositions relatives à la nationalité belge. L'acquisition de la nationalité belge est, selon les travaux préparatoires de la loi du 4 décembre 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/12/2012 pub. 14/12/2012 numac 2012009519 source service public federal justice Loi modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l'immigration fermer, rendue objective et neutre du point de vue de l'immigration (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-0476/001, p. 3).
Il a en outre été souligné, au cours des travaux préparatoires, qu'un étranger ne peut prétendre à l'obtention de la nationalité belge qu'à partir du moment où il jouit d'un statut de séjour stable sur le territoire et que la nationalité ne peut en aucun cas constituer un moyen d'obtenir un titre de séjour ou de consolider le statut administratif de l'étranger (ibid.).
B.4.2. La réforme de la procédure de naturalisation est conforme à cet objectif général. A la suite de la loi du 1er mars 2000Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/03/2000 pub. 05/04/2000 numac 2000009306 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions relatives à la nationalité belge type loi prom. 01/03/2000 pub. 06/04/2000 numac 2000009343 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions relatives à la nationalité belge fermer, la naturalisation est devenue le mode d'acquisition de la nationalité le plus prisé (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-0476/001, p. 21).
Le législateur a voulu, pour cette raison, ramener la naturalisation « à sa finalité première : une faveur octroyée par le législateur dans des cas exceptionnels ' honoris causa '. L'intéressé doit avoir témoigné ou pouvoir témoigner à la Belgique de mérites exceptionnels dans les domaines scientifique, sportif, culturel ou social et, de ce fait, pouvoir apporter une contribution particulière au rayonnement international de notre pays » (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-0476/013, p. 32).
B.4.3. Outre la naturalisation honoris causa, le législateur a toutefois maintenu la possibilité de naturalisation des apatrides, afin de respecter les obligations internationales qui reposent sur la Belgique en la matière (ibid.) en vertu notamment de la Convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides.
B.5. L'article 32 de cette Convention dispose : « Les Etats contractants faciliteront, dans toute la mesure du possible, l[00b4]assimilation et la naturalisation des apatrides. Ils s[00b4]efforceront notamment d[00b4]accélérer la procédure de naturalisation et de réduire, dans toute la mesure du possible, les taxes et les frais de cette procédure ».
La disposition attaquée donne exécution à cette obligation en autorisant l'apatride à demander la naturalisation s'il a atteint l'âge de dix-huit ans et s'il séjourne légalement en Belgique depuis au moins deux ans (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-0476/013, p. 32).
B.6. Il n'existe aucune disposition conventionnelle comparable à l'article 32 de la Convention de New-York précitée, qui obligerait le législateur à faciliter la naturalisation d'étrangers qui ne peuvent prouver leur nationalité.
Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine. Parmi les droits et libertés qui doivent être garantis sans discrimination figurent les droits et libertés résultant de dispositions conventionnelles internationales qui lient la Belgique.
Il appartient dès lors à la Cour de veiller à ce que les règles que le législateur adopte, lorsqu'il donne exécution à une obligation internationale, n'aboutissent pas à créer des différences de traitement qui ne seraient pas raisonnablement justifiées.
B.7. Le Constituant, en ne laissant pas à une autorité administrative la faculté d'accorder la naturalisation mais en réservant cette faculté au pouvoir législatif, qui est constitué d'assemblées élues, alors qu'il est exceptionnel qu'une décision purement individuelle relève exclusivement d'une telle autorité, a entendu marquer qu'il maintenait la conception traditionnelle selon laquelle l'obtention de la nationalité belge par la voie de la naturalisation n'est pas un droit mais résulte de l'exercice d'un pouvoir souverain d'appréciation.
B.8.1. La naturalisation constitue, en tant que mode d'obtention de la nationalité, une exception par rapport à la déclaration de nationalité visée à l'article 12bis du Code de la nationalité belge. A la lumière des objectifs relevés en B.4.1, le législateur emploie un critère de distinction objectif et pertinent en ce qu'il réserve cette possibilité aux apatrides.
B.8.2. La mesure n'a pas d'effet disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi. En effet, rien n'empêche les personnes qui satisfont aux conditions visées à l'article 12bis du Code de la nationalité belge d'obtenir cette nationalité par voie d'une déclaration de nationalité. En outre, il appartient au tribunal de première instance de déterminer à qui il reconnaît le statut d'apatride lorsqu'une personne en fait la demande.
B.9. Le moyen n'est pas fondé.
Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 22 mai 2014.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen