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Arrêt
publié le 18 avril 2014

Extrait de l'arrêt n° 17/2014 du 29 janvier 2014 Numéro du rôle : 5602 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 6.1.7 et 6.1.46 du Code flamand de l'Aménagement du Territoire, posée par le Tribunal de première instance de Tu La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, des juges J.-P. Snap(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 17/2014 du 29 janvier 2014 Numéro du rôle : 5602 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 6.1.7 et 6.1.46 du Code flamand de l'Aménagement du Territoire, posée par le Tribunal de première instance de Turnhout.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, des juges J.-P. Snappe, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey et T. Giet, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite M. Bossuyt, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président émérite M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 25 février 2013 en cause de Gustaaf Van De Weyer contre Leon Snyers et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 1er mars 2013, le Tribunal de première instance de Turnhout a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 6.1.7 et 6.1.46 du Code flamand de l'aménagement du territoire violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'une personne condamnée qui n'est plus propriétaire du bien immeuble concerné peut procéder, sans avis positif préalable du Conseil supérieur de la politique de maintien, à l'exécution d'une mesure de réparation à laquelle elle a été condamnée, à l'encontre du propriétaire actuel qui n'a pas été condamné, alors que l'exécution de la même mesure de réparation ne peut être mise en oeuvre par l'inspecteur urbaniste ou par le collège des bourgmestre et échevins qu'après que le Conseil supérieur de la politique de maintien a rendu un avis positif préalable à ce sujet ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur les articles 6.1.7 et 6.1.46 du Code flamand de l'aménagement du territoire, coordonné par l'arrêté du Gouvernement flamand du 15 mai 2009.

Ces dispositions font partie du titre VI (« Mesures de maintien »), chapitre Ier (« Dispositions pénales »), division 4 (« Conseil supérieur de la Politique de Maintien ») et division 6 (« Exécution du jugement »), du Code flamand de l'aménagement du territoire.

L'article 6.1.7 de ce Code dispose : « L'inspecteur urbaniste et le Collège des bourgmestre et échevins peuvent seulement procéder à l'introduction d'une action en réparation devant le juge ou à l'exécution d'office d'une mesure de réparation, lorsque le Conseil supérieur [de la politique de maintien] a préalablement rendu un avis positif à cet effet ».

L'article 6.1.46 de ce Code dispose : « Lorsque le lieu n'a pas été remis en état dans le délai fixé par le tribunal, qu'il n'a pas été mis fin dans le délai fixé à l'utilisation contraire ou que les travaux de construction ou d'adaptation n'ont pas été exécutés dans ce délai, la décision du juge, visée aux articles 6.1.41 et 6.1.43, ordonne que l'inspecteur urbaniste, le Collège des bourgmestre et échevins et, le cas échéant, la partie civile peuvent prévoir d'office à l'exécution.

Sans préjudice de l'article 6.1.10, deuxième alinéa, l'inspecteur urbanistique ou le Collège des bourgmestre et échevins ne peut procéder au démarrage d'une exécution d'office qu'après avoir obtenu l'avis positif, visé à l'article 6.1.7. Pour l'application de cet alinéa, on entend sous ' démarrage d'une exécution d'office ' : 1° soit le démarrage d'une procédure d'attribution visant la désignation d'un particulier qui exécutera le jugement ou l'arrêt;2° soit le fait de charger un particulier, dans le cadre d'un accord-cadre, par voie orale ou écrite, de l'exécution du jugement ou de l'arrêt;3° soit le fait de donner les instructions requises à un fonctionnaire ou à un service lui permettant de procéder à l'exécution du jugement ou de l'arrêt. L'autorité ou le particulier qui exécute le jugement ou l'arrêt est habilité à vendre, à transporter et à enlever les matériaux et objets provenant de la remise en état des lieux ou de la cessation de l'utilisation contraire.

Le contrevenant qui demeure en défaut est tenu d'indemniser tous les frais d'exécution, sous déduction du produit de la vente des matériaux et objets, sur présentation d'un état établi par l'autorité visée au deuxième alinéa, ou budgétisé et déclaré exécutoire par le juge des saisies du tribunal civil.

La prescription de la mesure de réparation prend effet à l'expiration du délai fixé par le tribunal pour son exécution, conformément à l'article 6.1.41, § 1er, dernier alinéa ».

L'article 6.1.7 du Code flamand de l'aménagement du territoire a été repris, lors de la coordination de ce Code, de l'article 148/2 du décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire (ci-après : le décret du 18 mai 1999).

L'article 6.1.46 du Code flamand de l'aménagement du territoire a été repris, lors de la coordination, de l'article 153 du décret du 18 mai 1999.

B.2.1. Le décret du 4 juin 2003 modifiant le décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire en ce qui concerne la politique de maintien a prévu l'intervention du Conseil supérieur de la politique de réparation (tel qu'il était appelé à l'époque), sous la forme d'un avis conforme préalable à l'exécution d'office, par l'inspecteur urbaniste, d'un jugement ou arrêt ordonnant une mesure de réparation.

Par son arrêt n° 14/2005 du 19 janvier 2005 et par son arrêt n° 5/2009 du 15 janvier 2009, la Cour a rappelé l'objectif du législateur décrétal à cet égard.

Dans l'arrêt cité en dernier lieu, la Cour décrit cet objectif comme suit : « B.3. Par le décret du 4 juin 2003 ' modifiant le décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire en ce qui concerne la politique de maintien ', le législateur décrétal flamand a créé, en vue d'assurer la cohérence de la politique de réparation en cas d'infraction à la réglementation relative à l'aménagement du territoire, un conseil consultatif régional pour les mesures d'application - le Conseil supérieur de la politique de réparation - parce que le besoin ' d'un organe autonome et indépendant, dégagé de toute influence politique, qui évalue les décisions de l'inspecteur urbaniste régional et procède à un contrôle au regard des principes d'égalité et du raisonnable ' s'était fait sentir (Doc. parl., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1566/1, p. 7). [...] B.4.3. Au cours de la phase postérieure à une condamnation judiciaire, plus précisément lorsque l'inspecteur urbaniste souhaite faire procéder à une exécution d'office de la mesure de réparation ordonnée par le juge en l'absence d'exécution par la personne condamnée elle-même, l'avis conforme requis du Conseil supérieur de la politique de réparation porte, entre autres, sur le moment et sur les modalités d'exécution de cette mesure (Doc. parl., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1566/7, pp.8-9).

L'intention du législateur était de procéder à ' une exécution d'office uniforme et équitable des arrêts et des jugements ' (Doc. parl., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1566/7, p. 39) et de faire évaluer et examiner par le Conseil supérieur de la politique de réparation si l'usage que l'inspecteur urbaniste envisage de faire de l'habilitation qui lui est donnée par le juge respecte les principes d'égalité et du raisonnable (ibid., p. 7).

Cette compétence du Conseil supérieur de la politique de réparation ne va pas jusqu'à pouvoir entraver l'exécution en tant que telle de décisions judiciaires, ce qui serait contraire tout à la fois au principe fondamental de l'ordre juridique belge selon lequel les décisions judiciaires ne peuvent être modifiées que par la mise en oeuvre des voies de recours et aux règles répartitrices de compétence ».

B.2.2. Le décret du 27 mars 2009 adaptant et complétant la politique d'aménagement du territoire, des autorisations et du maintien a prévu que, comme l'inspecteur urbaniste, le collège des bourgmestre et échevins ne pouvait lui aussi procéder à une exécution d'office qu'après avoir reçu l'avis favorable du Conseil supérieur de la politique de maintien, anciennement le Conseil supérieur de la politique de réparation.

Les travaux préparatoires mentionnent à ce sujet : « Le Conseil supérieur est chargé d'émettre un avis obligatoire à la demande, soit de l'inspecteur urbaniste, soit d'un collège des bourgmestre et échevins, avant que l'inspecteur urbaniste ou le collège des bourgmestre et échevins de la commune dans laquelle l'infraction a été commise intente une action en réparation ou exécute d'office une mesure de réparation.

Cette compétence se situe dans le prolongement des compétences actuelles du Conseil supérieur, étant entendu que, pour l'exécution d'office au niveau communal, aucun avis n'est nécessaire actuellement (cf. article 153, alinéa 2, du décret du 18 mai 1999). [...] A la lumière du principe de subsidiarité, l'on n'aperçoit pas [...] pourquoi les communes ne pourraient pas ou ne devraient pas procéder à l'exécution d'office de jugements ordonnant une mesure de réparation.

L'autorité (communale) a certes une marge d'appréciation pour procéder ou non à l'exécution d'office, en fonction de ce qui semble nécessaire du point de vue de l'intérêt général et du point de vue de l'aménagement local, mais cette liberté d'action doit être exercée d'une manière raisonnable. Il n'est dès lors pas impensable que la décision de reporter l'exécution d'office puisse être illicite ou le deviendrait parce qu'un tel report n'est pas conciliable avec une conception raisonnable de ce qu'exige dans ce cas concret l'intérêt général.

A lumière du principe d'égalité, il est dès lors évident de soumettre au contrôle du Conseil supérieur l'exécution d'office de jugements ordonnant une mesure de réparation par les commune. Ce contrôle ne peut qu'augmenter la transparence de la politique de réparation » (Doc. parl., Parlement flamand, 2008-2009, pièce 2011/1, p. 256).

B.3. La question préjudicielle porte sur la différence de traitement entre, d'une part, une personne condamnée qui n'est plus propriétaire de l'immeuble concerné et, d'autre part, l'inspecteur urbaniste ou le collège des bourgmestre et échevins. Contrairement à ces derniers, la personne condamnée qui n'est plus propriétaire de l'immeuble concerné ne doit pas disposer d'un avis favorable préalable du Conseil supérieur de la politique de maintien avant de pouvoir exécuter une mesure de réparation ordonnée par un juge.

B.4.1. En adoptant les dispositions en cause, le législateur décrétal entendait, ainsi qu'il a été rappelé en B.2, soumettre préalablement à l'avis du Conseil supérieur de la politique de maintien l'exécution d'office uniforme et équitable de décisions de justice par l'inspecteur urbaniste et le collège des bourgmestre et échevins, qui peuvent exécuter d'office des mesures de réparation. Ainsi, la volonté des autorités administratives précitées de procéder à l'exécution d'office de la mesure de réparation peut être subordonnée à un contrôle préalable au regard du principe d'égalité et du principe du raisonnable par un organe de l'administration active consultatif et indépendant.

L'avis favorable préalable, obligatoire, du Conseil supérieur de la politique de maintien n'a toutefois pas été instauré en tant que condition supplémentaire pour qu'un prévenu qui a été condamné à une mesure de réparation par le juge pénal puisse procéder à l'exécution.

La personne condamnée doit exécuter la mesure de réparation en raison d'une décision de justice et non, comme dans le cas de l'inspecteur urbaniste ou du collège des bourgmestre et échevins, en raison d'une initiative prise d'office et fondée sur le respect de l'intérêt général, du bon aménagement du territoire, du principe d'égalité et du principe du raisonnable.

B.4.2. Le fait que celui qui a été condamné à une mesure de réparation n'est pas - au moment de l'exécution de la mesure de réparation - le propriétaire de l'immeuble sur lequel porte cette mesure de réparation ne fait pas obstacle à cette exécution. La circonstance que la personne condamnée est ou n'est plus le propriétaire n'est pas pertinente en l'espèce : celui qui a été condamné à une mesure de réparation ne doit pas obtenir préalablement l'avis favorable du Conseil supérieur de la politique de maintien avant d'exécuter la mesure de réparation, que l'intéressé soit ou non le propriétaire au moment de l'exécution de la mesure de réparation. L'inspecteur urbaniste et le collège des bourgmestre et échevins doivent en revanche disposer d'un avis favorable préalable du Conseil supérieur, que celui qui a été condamné à la mesure de réparation soit ou non l'actuel propriétaire.

Le cas échéant, l'actuel propriétaire peut, comme dans l'affaire soumise au juge a quo, être confronté aux conséquences de la mesure de réparation qui a été ordonnée à l'encontre d'un ancien propriétaire.

Cette situation ne découle cependant pas des dispositions en cause, mais de la nature de l'action en réparation, qui a un caractère réel, ainsi que la Cour l'a jugé par son arrêt n° 2/2011 du 13 janvier 2011.

B.4.3. La différence de traitement en cause n'est dès lors pas dénuée de justification raisonnable.

B.5. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 6.1.7 et 6.1.46 du Code flamand de l'aménagement du territoire, coordonné par l'arrêté du Gouvernement flamand du 15 mai 2009, ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 29 janvier 2014.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, M. Bossuyt

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