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Arrêt
publié le 17 mars 2014

Extrait de l'arrêt n° 159/2013 du 21 novembre 2013 Numéro du rôle : 5541 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 218, § 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il était applicable à l'exercice d'imposition 2 La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et M. Bossuyt, et des juges E. D(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 159/2013 du 21 novembre 2013 Numéro du rôle : 5541 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 218, § 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il était applicable à l'exercice d'imposition 2009, posée par le Tribunal de première instance de Mons.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et M. Bossuyt, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey et F. Daoût, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 8 novembre 2012 en cause de la SPRL « Consultys International » contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 26 décembre 2012, le Tribunal de première instance de Mons a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 218, § 2 du Code des impôts sur les revenus (1992), inséré par l'article 14 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale, tel qu'il était applicable pour l'exercice d'imposition 2009, viole-t-il le principe d'égalité formulé aux articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce que les sociétés qui répondent aux caractéristiques d'une P.M.E. mais qui détiennent une participation dont la valeur d'investissement excède 50 % du capital libéré augmenté des réserves taxées et des plus-values comptabilisées à la date de la clôture des comptes annuels, ne peuvent bénéficier de l'absence de majoration pour insuffisance de versements anticipés due sur l'impôt se rapportant à leurs trois premiers exercices comptables alors que les sociétés qui répondent aux caractéristiques d'une P.M.E. mais qui ne détiennent pas une participation dont la valeur d'investissement excède 50 % du capital libéré augmenté des réserves taxées et des plus-values comptabilisées à la date de la clôture des comptes annuels peuvent bénéficier de l'absence de majoration pour insuffisance de versements anticipés prévue par cette disposition ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle concerne l'article 218, § 2, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 1992), inséré par l'article 14 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer « modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale ». L'article 218 du CIR 1992, tel qu'il était d'application au litige pendant devant le juge a quo (exercice d'imposition 2009), dispose : « § 1. L'impôt calculé conformément aux articles 215 à 217 est éventuellement majoré comme il est prévu en matière d'impôt des personnes physiques par les articles 157 à 168, en cas d'absence ou d'insuffisance de versements anticipés.

Par dérogation aux articles 160 et 165, la limitation de la majoration à 90 p.c. et le relèvement de la base de calcul à 106 p.c. de l'impôt dû à l'Etat, ne sont cependant pas applicables. § 2. Aucune majoration n'est due sur l'impôt, calculé conformément à l'article 215, alinéa 2, qui se rapporte aux trois premiers exercices comptables à partir de la constitution de la société ».

B.1.2. L'article 215 du CIR 1992, tel qu'il était d'application au litige pendant devant le juge a quo, dispose : « Le taux de l'impôt des sociétés est fixé à 33 p.c.

Lorsque le revenu imposable n'excède pas 322.500 EUR, l'impôt est toutefois fixé comme suit : 1° sur la tranche de 0 à 25.000 EUR : 24,25 p.c.; 2° sur la tranche de 25.000 EUR à 90.000 EUR : 31 p.c.; 3° sur la tranche de 90.000 EUR à 322.500 EUR : 34,5 p.c.

L'alinéa 2 n'est pas applicable : 1° aux sociétés, autres que les sociétés coopératives agréées par le Conseil national de la coopération, qui détiennent des actions ou parts dont la valeur d'investissement excède 50 p.c., soit de la valeur réévaluée du capital libéré, soit du capital libéré augmenté des réserves taxées et des plus-values comptabilisées. La valeur des actions ou parts et le montant du capital libéré, des réserves et des plus-values sont à envisager à la date de clôture des comptes annuels de la société détentrice des actions ou parts. Pour déterminer si la limite de 50 p.c. est dépassée, il n'est pas tenu compte des actions ou parts qui représentent au moins 75 p.c. du capital libéré de la société qui a émis les actions ou parts; 2° aux sociétés, autres que les sociétés coopératives agréées par le Conseil national de la coopération, dont les actions ou parts représentatives du capital social sont détenues à concurrence d'au moins la moitié par une ou plusieurs autres sociétés; 3° aux sociétés dont les dividendes distribués excèdent 13 p.c. du capital libéré au début de la période imposable; 4° aux sociétés, autres que les sociétés coopératives agréées par le Conseil national de la coopération, qui n'allouent pas à au moins un de leurs dirigeants d'entreprise une rémunération à charge du résultat de la période imposable égale ou supérieure au revenu imposable de la société lorsque cette rémunération n'atteint pas 36.000 EUR; 5° aux sociétés qui font partie d'un groupe auquel appartient un centre de coordination visé à l'arrêté royal n° 187 du 30 décembre 1982 relatif à la création de centres de coordination;6° aux sociétés d'investissement visées à l'article 6 de la loi du 20 juillet 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/2004 pub. 09/03/2005 numac 2005003063 source service public federal finances Loi relative à certaines formes de gestion collective de portefeuilles d'investissement fermer relative à certaines formes de gestion collective de portefeuilles d'investissement, ainsi qu'aux organismes de financement de pensions visés à l'article 8 de la loi du 27 octobre 2006 relative au contrôle des institutions de retraite professionnelle, dans la mesure où l'article 185bis, § 1er, s'applique ». B.1.3. La partie demanderesse devant le juge a quo détient des participations financières dont la valeur d'investissement excède 50 % de son capital libéré augmenté de ses réserves taxées et de ses plus-values comptabilisées à la date de la clôture des comptes annuels. Il s'ensuit qu'elle ne peut bénéficier de l'avantage fiscal prévu à l'article 218, § 2, du CIR 1992, puisqu'elle tombe dans le champ d'application de l'article 215, alinéa 3, 1°, du même Code.

La Cour limite son examen à cette hypothèse.

B.2.1. En adoptant l'article 218, § 2, du CIR 1992, le législateur a accordé « une exonération de toute majoration d'impôt en cas d'absence ou d'insuffisance de versements anticipés » au profit des « PME, au cours des trois premiers exercices comptables suivant leur constitution » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1918/001, pp. 8-9).

Selon les travaux préparatoires : « Cette exonération est comparable à la mesure prévue à l'article 164, CIR 92 pour les contribuables qui sont assujettis à l'impôt des personnes physiques et qui s'établissent pour la première fois dans une profession indépendante.

La disposition proposée vise les sociétés résidentes qui bénéficient de l'application des taux réduits conformément à l'article 215, alinéa 2, CIR 92.

Ceci implique que l'exonération de majoration n'est possible, pour chacun des trois premiers exercices comptables envisagés séparément, que si pour l'exercice comptable concerné, le revenu imposable ne s'élève pas à plus de 322 500 EUR et [que] la PME n'appartient pas à une des catégories mentionnées à l'article 215, alinéa 3, CIR 92 » (ibid., pp. 55-56).

B.2.2. Il s'ensuit que seules les sociétés dont le bénéfice annuel imposable n'excède pas 322 500 euros et qui ne sont pas explicitement exclues sur la base de l'article 215, alinéa 3, du CIR 1992, peuvent prétendre à l'exonération de majoration d'impôt visée par la disposition en cause.

B.3. La question préjudicielle porte sur le critère d'application tel qu'il est prévu par l'article 215, alinéa 3, 1°, du CIR 1992, en ce qu'il traite différemment les sociétés selon qu'elles détiennent ou non une ou des participations dont la valeur d'investissement excède 50 % de leur capital libéré, augmenté des réserves taxées et des plus-values comptabilisées à la date de la clôture des comptes annuels.

B.4.1. La différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir le constat qu'il s'agit ou non d'une société, autre qu'une société coopérative agréée par le Conseil national de la coopération, qui détient des actions ou parts dont la valeur d'investissement excède 50 %, soit de la valeur réévaluée du capital libéré, soit du capital libéré augmenté des réserves taxées et des plus-values comptabilisées.

B.4.2. Ce critère est pertinent au regard de l'objectif de la mesure décrit en B.2.1. Le législateur a en effet pu considérer que les sociétés qui détiennent des actions ou parts d'autres sociétés dans une telle proportion et qui ne sont pas des sociétés coopératives agréées par le Conseil national de la coopération, sont des sociétés financières et ne font pas partie des PME dont il souhaite favoriser le développement. En effet, l'agrément par le Conseil national de la coopération (en supposant que les statuts et le fonctionnement des sociétés soient « conformes aux principes coopératifs » visés à l'article 5 de la loi du 20 juillet 1955 portant institution d'un Conseil national de la Coopération) et la non-détention de parts ou d'actions d'autres sociétés dans une proportion aussi importante, sont de nature à écarter des sociétés qui ne pourraient pas être considérées comme des PME. B.4.3. Compte tenu de l'objectif du législateur et du fait qu'il peut prendre des mesures destinées à lutter contre l'évasion fiscale, qui pourrait consister en l'usage de la forme sociétaire pour des motifs purement fiscaux, il n'est pas disproportionné d'exclure du bénéfice de l'exonération de majoration d'impôt pour défaut ou insuffisance de versements anticipés les sociétés, autres que les sociétés coopératives agréées par le Conseil national de la coopération, qui, comme en l'espèce, détiennent des actions ou parts d'autres sociétés dont la valeur d'investissement excède 50 % de leur capital libéré augmenté de leurs réserves taxées et de leurs plus-values comptabilisées.

La mesure est d'autant moins disproportionnée qu'elle fait abstraction, pour déterminer si le taux de 50 % est dépassé, des participations actives et permanentes qui représentent au moins 75 % du capital libéré de la société émettrice des actions ou parts et ce, afin de protéger les entreprises intégrées, dont l'existence ne se justifie pas uniquement pour des motifs fiscaux mais où la société financière exerce en fait une activité industrielle.

B.5. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 218, § 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il était applicable à l'exercice d'imposition 2009, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que l'exonération de majoration d'impôt qu'il prévoit n'est pas accordée aux sociétés, autres que les sociétés coopératives agréées par le Conseil national de la coopération, qui détiennent des actions ou parts dont la valeur d'investissement excède 50 % du capital libéré augmenté des réserves taxées et des plus-values comptabilisées.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 21 novembre 2013.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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