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Arrêt
publié le 13 mars 2014

Extrait de l'arrêt n° 170/2013 du 19 décembre 2013 Numéros du rôle : 5553, 5554 et 5556 En cause : les recours en annulation totale ou partielle du décret de la Communauté flamande du 22 juin 2012 portant notification obligatoire des pratique La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et J. Spreutels, et des juges E. D(...)

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Extrait de l'arrêt n° 170/2013 du 19 décembre 2013 Numéros du rôle : 5553, 5554 et 5556 En cause : les recours en annulation totale ou partielle du décret de la Communauté flamande du 22 juin 2012 portant notification obligatoire des pratiques médicales à risques, introduits par l'union professionnelle « Groupement des unions professionnelles belges de médecins spécialistes » et l'ASBL « Association Belge des Syndicats Médicaux », par le Conseil des ministres et par l'ASBL « Belgian Society for Private Clinics » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et J. Spreutels, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût et T. Giet, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par deux requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 11 et 14 janvier 2013 et parvenues au greffe les 14 et 15 janvier 2013, des recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 22 juin 2012 portant notification obligatoire des pratiques médicales à risques (publié au Moniteur belge du 20 juillet 2012, troisième édition) ont été introduits par le « Groupement des unions professionnelles belges de médecins spécialistes », dont le siège est établi à 1050 Bruxelles, avenue de la Couronne 20, et l'ASBL « Association Belge des Syndicats Médicaux », dont le siège social est établi à 1170 Bruxelles, chaussée de la Hulpe 150, et par le Conseil des ministres.b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 17 janvier 2013 et parvenue au greffe le 18 janvier 2013, un recours en annulation partielle du décret précité a été introduit par l'ASBL « Belgian Society for Private Clinics », dont le siège social est établi à 9000 Gand, Casinoplein 19, Bart Decoopman, demeurant à 8000 Bruges, Sint-Claradreef 77, Wim De Maerteleire, demeurant à 3050 Oud-Heverlee, Bogaerdenstraat 49c, Bert Oelbrandt, demeurant à 9120 Beveren-Waas, Piet Stautstraat 87, la SA « Clara Invest », dont le siège social est établi à 80000 Bruges, Sint-Claradreef 77, la SPRL « Mediclinic », dont le siège social est établi à 2020 Anvers, Jan Van Rijswijcklaan 228, et par la SA « Arics », dont le siège social est établi à 1830 Machelen, Peutiesesteenweg 111. Ces affaires, inscrites sous les numéros 5553, 5554 et 5556 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1. Les recours dans les affaires nos 5553, 5554 et 5556 visent à l'annulation totale ou partielle du décret de la Communauté flamande du 22 juin 2012 portant notification obligatoire des pratiques médicales à risques, qui dispose : « CHAPITRE 1er. - Disposition générale et définitions

Article 1er.Le présent décret règle une matière communautaire.

Art. 2.Dans le présent décret, on entend par : 1) hôpital agréé : tout hôpital, visé à l'article 2 de la loi relative aux hôpitaux et à d'autres établissements de soins, coordonnée le 10 juillet 2008, agréé par la Communauté flamande;2) pratique médicale à risques : toute procédure invasive, chirurgicale ou médicale à des fins diagnostiques, thérapeutiques ou esthétiques, relevant d'un des cas suivants : a) la procédure est nécessairement exécutée sous anesthésie générale, anesthésie de conduction majeure ou sédation profonde;b) la procédure exige une surveillance médicale ou infirmière prolongée durant plusieurs heures après la fin de la procédure;3) institution : le lieu d'organisation et le bâtiment, hors d'un hôpital agréé, situé en Région flamande ou en Région de Bruxelles-Capitale, et de par son organisation censé appartenir exclusivement à la Communauté flamande, où une pratique médicale à risques est ou a été conduite à partir de l'entrée en vigueur du présent décret;4) responsable de l'institution : la personne physique ou morale juridiquement responsable de l'institution;5) force majeure : l'occurrence chez le patient d'une condition pathologique exceptionnelle, imprévisible et indépendante de la volonté du prestataire de soins. CHAPITRE 2. - Obligation de notification

Art. 3.§ 1er. Le responsable de l'institution doit notifier la pratique médicale à risques auprès de la ' Vlaams Agentschap Zorg en Gezondheid ' (Agence flamande des Soins et de la Santé).

La notification obligatoire n'est pas d'application lorsque la pratique médicale à risques a été exécutée uniquement pour des raisons de force majeure. § 2. Le responsable de l'institution, visé au paragraphe 1er, doit notifier : 1) quelles personnes conduisent les pratiques médicales à risques dans l'institution;2) quelles pratiques médicales à risques sont conduites dans l'institution;3) quelles mesures sont en vigueur au sein de l'institution pour assurer la qualité des soins et la sécurité du patient.

Art. 4.Périodiquement, et au moins une fois par an, l'information obtenue par l'application de l'article 3 est transmise au conseil provincial compétent de l'Ordre des Médecins.

Art. 5.La notification, visée à l'article 3, doit être faite via une application informatique en ligne, mise à disposition par l'Autorité.

La notification, visée à l'article 3, doit être faite dans les trois mois après l'exécution de la première pratique médicale à risques.

La notification, visée à l'article 3, doit être actualisée dans les deux ans de la dernière adaptation de la notification. Le responsable de l'institution, visé à l'article 3, § 1er, reçoit par voie numérique une invitation à actualiser la notification.

Un responsable d'une institution où pendant les deux dernières années avant l'actualisation, visée au troisième alinéa, aucune pratique médicale à risques n'a plus été conduite, doit notifier ce fait. CHAPITRE 3. - Surveillance

Art. 6.Le Gouvernement flamand organise la surveillance de l'observation des dispositions du présent décret et des arrêtés pris en vertu du présent décret.

Tout responsable d'institution, visé à l'article 3, § 1er, met à disposition de tous les mandataires du Gouvernement flamand toutes les données nécessaires au contrôle et à la surveillance. Il leur donne accès à tous les locaux hébergeant des installations relatives à la pratique médicale à risques en vue de l'exécution du contrôle et de la surveillance.

Art. 7.Le Gouvernement flamand peut, en fonction de la nature de la pratique médicale à risques, déterminer les institutions qui sont obligées de participer à un contrôle de qualité externe dans le cadre d'une accréditation ou d'une autre forme de contrôle externe.

Le Gouvernement flamand peut arrêter les modalités de contrôle. Le responsable de l'institution et le Gouvernement flamand publient les résultats du contrôle externe. CHAPITRE 4. - Sanctions

Art. 8.§ 1er. Une amende administrative de 1.000 à 10.000 euro peut être imposée à tout responsable d'institution n'ayant pas fait de notification, telle que visée à l'article 3, dans le délai visé à l'article 5, alinéa deux.

Une amende administrative de 2.000 à 20.000 euro peut être imposée à tout responsable d'institution ayant fait une notification fautive, telle que visée à l'article 3, dans le délai visé à l'article 5, alinéa deux. § 2. L'amende administrative peut être imposée dans un délai de six mois, à compter du jour du constat de l'infraction par les mandataires du Gouvernement flamand, visés à l'article 6, et après audition de l'intéressé. Lorsqu'une amende administrative est imposée, la décision mentionne le montant de l'amende ainsi que le mode et le délai de paiement. La notification de la décision à l'intéressé mentionne les modalités selon lesquelles et le délai dans lequel un recours peut être introduit contre la décision.

Une amende administrative ne peut être imposée à un responsable d'institution qu'après que : 1) le responsable d'institution a reçu une sommation écrite de satisfaire à ses obligations;2) le responsable d'institution en question n'a pas satisfait à ses obligations dans le délai mentionné dans la sommation. Le Gouvernement flamand arrête les modalités de l'imposition et du paiement de l'amende administrative. Il désigne les membres du personnel habilités à imposer l'amende. § 3. En cas de circonstances atténuantes, les membres du personnel, visés au paragraphe 2, alinéa trois, peuvent diminuer le montant de l'amende administrative imposée, même en-dessous du montant minimum applicable.

Si l'intéressé refuse de payer l'amende administrative, elle est recouvrée par voie de contrainte. Le Gouvernement flamand désigne les membres du personnel habilités à délivrer une contrainte et à la déclarer exécutoire. Une contrainte est signifiée par exploit d'huissier avec injonction de payer.

L'injonction à l'acquittement de l'amende administrative échoit après un délai de cinq ans, à compter de la date de la décision, visée au paragraphe 2, alinéa premier, ou en cas de recours, à compter de la date de la décision judiciaire passée en force de chose jugée. La prescription est interrompue selon le mode et aux conditions fixés à l'article 2244 et suivants du Code civil. CHAPITRE 5. - Entrée en vigueur

Art. 9.Le présent décret entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant le mois de sa publication au Moniteur belge ».

Quant à la recevabilité B.2.1. Le Gouvernement flamand invoque l'irrecevabilité du recours dans l'affaire n° 5554, en tant qu'il est dirigé contre les articles 6 et 7 du décret attaqué, au motif que la partie requérante ne développerait aucun grief à l'encontre des dispositions précitées et au motif que ces dispositions ne seraient pas non plus indissociablement liées aux autres dispositions du décret attaqué.

B.2.2. Le moyen unique dans l'affaire n° 5554 est pris de la violation des règles répartitrices de compétence, en ce que l'intégralité du décret attaqué concernerait l'exercice de l'art médical, matière qui n'est pas du ressort de la Communauté flamande.

Etant donné que des moyens similaires sont dirigés dans les affaires nos 5553 et 5556 contre, notamment, les articles 6 et 7 du décret attaqué et étant donné que la recevabilité des recours dans ces affaires n'est pas contestée, l'examen de l'exception formulée par le Gouvernement flamand ne saurait conduire à limiter l'objet des recours dans les affaires jointes en l'espèce.

L'exception est rejetée.

Quant au fond B.3. Les moyens invoqués dans les affaires jointes sont, en résumé, pris de la violation, par toutes les dispositions du décret attaqué ou par certaines d'entre elles, des règles répartitrices de compétence, du droit au respect de la vie privée, du principe d'égalité et de non-discrimination, du principe de légalité (en matière pénale ou non) et du droit à un procès équitable.

B.4. L'examen de la conformité d'une disposition législative aux règles répartitrices de compétence doit en règle précéder celui de sa compatibilité avec les dispositions du titre II de la Constitution et avec les articles 170, 172 et 191 de celle-ci.

En ce qui concerne les règles répartitrices de compétence B.5. Les premier, deuxième et troisième moyens dans l'affaire n° 5553, le moyen unique dans l'affaire n° 5554 et le premier moyen dans l'affaire n° 5556 sont tous pris de la violation des règles répartitrices de compétence, en ce que le décret attaqué - ou certaines parties de celui-ci - règlerait la matière de l'« exercice de l'art médical », qui relève de la compétence de l'autorité fédérale.

Dans l'affaire n° 5553, le premier moyen est dirigé contre les articles 2, 3, 4, 5, 6 et 7 du décret attaqué, le deuxième moyen contre l'article 3 du même décret et le troisième moyen contre les articles 3, 4 et 5 de ce décret.

Le moyen unique dans l'affaire n° 5554 est dirigé contre le décret attaqué, dans son intégralité.

Le premier moyen dans l'affaire n° 5556 est dirigé contre les articles 3, § 2, 6 et 7 du décret attaqué.

B.6.1. Les articles 38 et 128 de la Constitution, invoqués dans les moyens précités, disposent : «

Art. 38.Chaque communauté a les attributions qui lui sont reconnues par la Constitution ou par les lois prises en vertu de celle-ci ». «

Art. 128.§ 1er. Les Parlements de la Communauté française et de la Communauté flamande règlent par décret, chacun en ce qui le concerne, les matières personnalisables, de même qu'en ces matières, la coopération entre les communautés et la coopération internationale, y compris la conclusion de traités.

Une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, arrête ces matières personnalisables, ainsi que les formes de coopération et les modalités de conclusion de traités. § 2. Ces décrets ont force de loi respectivement dans la région de langue française et dans la région de langue néerlandaise, ainsi que, sauf si une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, en dispose autrement, à l'égard des institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leur organisation, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à l'une ou à l'autre communauté ».

B.6.2. L'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, également invoqué, dispose : « § 1er. Les matières personnalisables visées à l'article 59bis, § 2bis, [actuellement l'article 128, § 1er,] de la Constitution, sont : I. En ce qui concerne la politique de santé : 1° La politique de dispensation de soins dans et au dehors des institutions de soins, à l'exception : a) de la législation organique;b) du financement de l'exploitation, lorsqu'il est organisé par la législation organique;c) de l'assurance maladie-invalidité;d) des règles de base relatives à la programmation;e) des règles de base relatives au financement de l'infrastructure, en ce compris l'appareillage médical lourd;f) des normes nationales d'agréation uniquement dans la mesure où celles-ci peuvent avoir une répercussion sur les compétences visées aux b), c), d) et e) ci-dessus;g) de la détermination des conditions et de la désignation comme hôpital universitaire conformément à la législation sur les hôpitaux.2° L'éducation sanitaire ainsi que les activités et services de médecine préventive, à l'exception des mesures prophylactiques nationales ». B.7. En vertu des articles 38 et 128, § 1er, de la Constitution et, en particulier, de l'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, les communautés sont compétentes en matière de politique de santé, pour la politique de dispensation de soins dans et au-dehors des institutions de soins (I, 1°), l'éducation sanitaire ainsi que les activités et services de médecine préventive (I, 2°).

Les communautés ont la plénitude de compétence pour régler ces matières, sauf les exceptions explicitement mentionnées. La compétence que l'article 5, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 confère aux communautés implique que les communautés puissent prendre toutes les mesures propres à leur permettre d'exercer leur compétence.

Les compétences attribuées aux communautés n'impliquent toutefois pas la possibilité de régler l'exercice de l'art médical. En effet, il ressort clairement des travaux préparatoires de l'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale de réformes institutionnelles que la réglementation de l'exercice de l'art de guérir et des professions paramédicales ne relève pas des matières relatives à la politique de santé qui ont été transférées aux communautés en tant que matières personnalisables (Doc. parl., Sénat, 1979-1980, n° 434/1, p. 7).

B.8. La notion d'« exercice de l'art médical » n'est définie ni dans les travaux préparatoires précités ni dans l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé.

L'on peut déduire de l'article 2 de l'arrêté royal n° 78 précité qu'un acte relève de l'exercice de l'art médical lorsqu'il a notamment pour objet ou lorsqu'il est présenté comme ayant pour objet, à l'égard d'un être humain, l'examen de l'état de santé, le dépistage de maladies et de déficiences, l'établissement du diagnostic ou l'instauration ou l'exécution du traitement d'un état pathologique, physique ou psychique, réel ou supposé.

La compétence fédérale en matière d'« exercice de l'art médical » est dès lors limitée à la désignation des actes qui répondent à cette définition et à la fixation des conditions - notamment les exigences de qualité - auxquelles des personnes peuvent poser ces actes ou exercer les professions appropriées. Par conséquent, la compétence du législateur fédéral ne peut s'étendre à tous les aspects de la relation entre les patients, qui peuvent également être définis comme des personnes nécessitant des soins, et les titulaires de professions de soins de santé et elle ne peut par ailleurs être interprétée si largement que la compétence de principe des communautés en matière de politique de santé et d'aide aux personnes serait vidée de son contenu.

B.9. Le décret attaqué instaure, en résumé, une obligation de notifier à la « Vlaams Agentschap Zorg en Gezondheid » (Agence flamande des soins et de la santé) (articles 3 et 5) les actes médicaux qui répondent à la définition de « pratique médicale à risques » (article 2, 2°) et qui sont pratiqués dans une « institution », par quoi il faut entendre le lieu d'organisation et le bâtiment, hors d'un hôpital agréé (article 2, 1° et 3°). L'obligation de notification incombe au « responsable de l'institution », qui est la personne physique ou morale responsable en droit ou en fait de l'institution (article 2, 4°), et concerne (1) l'identité des personnes qui, dans l'institution, pratiquent les actes médicaux visés, (2) la nature des actes médicaux visés, et (3) les mesures prises pour garantir la qualité des soins et la sécurité du patient (article 3, § 2).

Les informations obtenues en application de l'obligation de notification sont transmises périodiquement, et au moins une fois par an, au conseil provincial compétent de l'Ordre des médecins (article 4).

Le décret attaqué contient également des dispositions relative au contrôle du respect de ses dispositions et prévoit à cet égard que le responsable de l'institution doit mettre à la disposition des délégués du Gouvernement flamand toutes les données nécessaires au contrôle et à la surveillance et leur donner accès à tous les locaux équipés pour pratiquer l'acte médical à risque (article 6). Le Gouvernement flamand peut en outre obliger les institutions à participer à un contrôle de qualité externe, dont il doit arrêter les modalités (article 7).

Enfin, le décret attaqué prévoit des amendes administratives qui, moyennant le respect de certaines règles, peuvent être infligées si l'obligation de notification n'a pas ou pas correctement été respectée (article 8).

B.10.1. Les travaux préparatoires relatifs au décret attaqué font apparaître que l'intention initiale était d'imposer aux médecins eux-mêmes qui pratiquent des actes médicaux à risque les obligations qui, dans le décret finalement adopté, incombent au responsable de l'institution. L'avant-projet originaire de décret prévoyait entre autres que l'obligation de notification incombait aux médecins eux-mêmes et que ceux-ci, dans le cadre du contrôle du respect des règles projetées, devaient mettre toutes les données pertinentes à la disposition des délégués du Gouvernement flamand et donner à ces derniers l'accès aux locaux équipés pour pratiquer des actes médicaux à risque (Doc. parl., Parlement flamand, 2011-2012, nr. 1568/1, pp. 17-20).

B.10.2. Dans son avis relatif à l'avant-projet initial, la section de législation du Conseil d'Etat a considéré que les règles en projet violaient la compétence fédérale résiduelle en matière d'exercice de l'art de guérir : « Le régime en projet impose l'obligation de notification décrite ci-dessus à certains praticiens du secteur de la santé afin d'obtenir ' un inventaire [...] du nombre, des types, de la localisation et des circonstances des actes médicaux à risque qui sont pratiqués en dehors du cadre d'un hôpital agréé et contrôlé ', mais qui sont bel et bien une initiative de certains praticiens. La possibilité est en outre prévue d'obliger les praticiens concernés à prendre part à un contrôle de qualité externe, ainsi que celle d'imposer des règles juridiques concernant la sécurité du patient et la qualité des soins. La conclusion est dès lors que la réglementation en projet méconnaît la compétence fédérale résiduelle en matière d'exercice de l'art de guérir et est entaché d'excès de compétence. [...] Certaines mesures relatives à des aspects qui ne concernent pas l'acte médical proprement dit, à savoir l'encadrement et les conditions qui entourent l'acte médical (par ex. : l'accueil, le suivi administratif, la relation avec des praticiens non-médecins, le dossier du patient pour autant qu'il ne s'agisse pas du dossier médical), pourraient toutefois être prises par la Communauté flamande.

Réduire la portée de la réglementation projetée pour la rendre conforme à la répartition de compétence nécessite néanmoins un remodelage fondamental du projet, ce qui revient à repenser totalement cette politique. Reste à savoir en outre si les auteurs du projet souhaitent une réglementation à ce point remaniée, dès lors que le principal objectif politique du projet, à savoir la réglementation des actes médicaux à risque, ne saurait être réalisé sans méconnaître les règles répartitrices de compétence » (Avis 49.739/VR du 28 juin 2011, Doc. parl., Parlement flamand, 2011-2012, n° 1568/1, pp. 43-44).

B.10.3. L'avant-projet originaire de décret a ensuite été modifié en ce sens que les obligations qui étaient imposées initialement aux médecins eux-mêmes sont désormais imposées aux « responsables d'une institution ».

B.10.4. Dans son second avis, relatif à l'avant-projet de décret remanié, la section de législation du Conseil d'Etat a néanmoins considéré que les modifications apportées ne répondaient pas aux objections formulées dans son premier avis, en matière de répartition de compétence : « Les auteurs du projet considèrent donc que les problèmes de compétence sont résolus parce que les obligations ne sont plus imposées aux médecins eux-mêmes mais au responsable de l'institution où les actes médicaux à risque sont pratiqués.

Il ressort cependant du projet que l'objectif initial, c'est-à-dire réglementer la manière dont les actes médicaux à risque sont pratiqués (notamment par les médecins), en vue de garantir la qualité des soins et la sécurité du patient, est demeuré parfaitement le même. [...] Certes, les communautés sont en principe compétentes pour édicter des règles relatives aux infrastructures de soins qui ne relèvent pas de la ' législation organique ' au sens de l'article 5, § 1er, I, 1°, a), de la loi spéciale du 8 août 1980. Toutefois, ainsi qu'il a déjà été observé au point 5 de l'avis 49.739/VR [...], les communautés ne peuvent pas, dans l'exercice de cette compétence, adopter de mesures qui interviennent dans l'activité médicale ou paramédicale en soi. En effet, elles ne peuvent pas s'immiscer dans le mode d'exercice des professions de soins de santé et elles ne peuvent donc pas régler l'activité médicale proprement dite, étant donné que celle-ci relève de la compétence fédérale résiduelle en matière d'exercice de l'art médical. Les adaptations du projet ne répondent pas à cette limitation de compétence » (Avis 50.825/3 du 24 janvier 2012, Doc. parl., Parlement flamand, 2011-2012, n° 1568/1, pp. 72-73).

B.11. L'obligation de notification à l'autorité flamande, prévue par le décret attaqué, de données sur l'identité des médecins qui pratiquent des actes médicaux à risque, sur la nature des actes effectués et sur les mesures prises en termes de qualité (articles 3 et 5), ne saurait constituer un but en soi et doit dès lors être considérée comme un instrument visant à réaliser une politique déterminée. Il en va de même pour les dispositions du décret attaqué relatives à la transmission de données au conseil provincial de l'Ordre des médecins (article 4), au contrôle du respect des dispositions du décret (article 6), à la possibilité d'obliger des institutions à participer à un contrôle externe de qualité (article 7) et aux sanctions attachées à l'inobservation ou à l'observation incorrecte de l'obligation de notification (article 8).

Pour pouvoir décider, quant à la répartition des compétences, de quelle matière relève l'utilisation de ces instruments, il convient d'examiner les objectifs que visait le législateur décrétal lorsqu'il a instauré la notification obligatoire et les sanctions y afférentes, l'obligation de transmettre des données à l'Ordre des médecins, les mesures relatives au contrôle et la possibilité de soumettre des institutions à un contrôle de qualité.

B.12.1. L'exposé des motifs du décret attaqué mentionne à ce sujet : « A mesure que les médecins doivent céder plus d'honoraires à l'hôpital, ils sont de plus en plus tentés de développer leur propre cabinet.

On observe une évolution notable au niveau international, les cliniques privées prenant une place toujours croissante dans le secteur des soins de santé. [...] [...] L'article 81 de la loi sur les hôpitaux prévoit la possibilité de déterminer un certain nombre d'actes qui peuvent être pratiqués en dehors du cadre d'un hôpital agréé. '

Art. 81.Le Roi peut, après avis du Conseil national des Etablissements hospitaliers, préciser par arrêté délibéré en Conseil des ministres des règles relatives aux actes médicaux dont l'exécution requiert un cadre hospitalier ou qui doivent être effectués en dehors de celui-ci. ' Le Service public fédéral (SPF) Santé publique avait l'intention de déterminer les interventions et les actes qui pouvaient ou ne pouvaient pas être pratiqués dans un cabinet médical privé. A cette fin, un avis a été demandé (en 2003 et en 2006) au Conseil national des Etablissements hospitaliers.

Le Conseil national des Etablissements hospitaliers a déclaré qu'il était justifié de se pencher attentivement sur les conditions relatives à la qualité et à la sécurité de ces prestations. Le Conseil a toutefois observé : ' En raison de l'évolution permanente des pratiques techniques et médicales, il s'avère impossible d'établir une liste précise des interventions qui ne peuvent pas être effectuées en dehors de l'hôpital. '.

A l'heure actuelle, l'article 81 de la loi sur les hôpitaux n'a pas reçu exécution. [...] Pour l'instant, il n'existe pas de réglementation concernant l'exploitation, l'équipement, la sécurité ou le contrôle de la qualité des soins dans les cliniques privées. Il n'est actuellement pas interdit à un médecin d'exercer son art ou sa spécialité extra muros.

Ce vide juridique a pour conséquence qu'aucun contrôle (de qualité) n'est possible dans ces cabinets privés. [...] Les patients ne savent [...] pas toujours si l'offre de soins est organisée au départ d'un cadre agréé et contrôlé ou au sein d'un environnement privé non contrôlé. Le patient entend malgré tout que les soins soient sûrs et conformes aux standards de qualité. Le citoyen attend des autorités qu'elles veillent à la sécurité et à la qualité des soins, indépendamment de l'environnement dans lequel ces soins sont proposés. [...] Les actes médicaux visés sont ceux que l'on appelle ' Level II ' et ' Level III ' des Office Based Surgery Procedures. Le terme ' Level I - III ' renvoie à la complexité de l'intervention. Les procédures de niveau III sont des procédures chirurgicales qui nécessitent une sédation ou analgésie profonde, une anesthésie générale ou une anesthésie de conduction majeure, accompagnées d'un soutien des fonctions vitales du corps. Les procédures de niveau II concernent de petites ou grandes procédures chirurgicales qui sont effectuées sous sédation orale, parentérale ou intraveineuse, ou sous médication analgésique ou dissociative [...].

Ces interventions ' Level II ' et ' Level III ' peuvent être effectuées, au point de vue de la technique médicale, en dehors du cadre hospitalier, à condition que des mesures adéquates soient prises pour effectuer ces interventions dans les meilleures conditions de sécurité et de qualité. [...] La qualité des soins pour chaque patient et la sécurité de chaque patient doivent être garanties de manière optimale, qu'il s'adresse à un hôpital agréé ou non.

Pour cette raison, le projet de décret instaure une obligation de notification à charge du ' responsable de l'institution '. [...] De cette manière, on sensibilise les responsables (et les médecins) et les patients, et les autorités publiques obtiennent un aperçu de ce qui se passe, où, quand et par qui. L'obligation de notification ne s'étend pas (encore) au point que l'autorité veuille imposer des normes de sécurité aux cliniques privées.

En substance, on vise à inventorier le nombre, les types, la localisation et les circonstances des actes médicaux à risque qui sont pratiqués en dehors du cadre d'un hôpital agréé et contrôlé. [...] Dans un second temps, sur la base des informations obtenues, on pourra examiner si certaines catégories d'interventions et, le cas échéant, lesquelles nécessitent d'édicter des conditions en matière de sécurité du patient et de qualité des soins. A cette fin, l'autorité se fera naturellement assister par des experts.

Pour cette raison, le Gouvernement flamand est également habilité, dans le projet de décret, à déterminer les institutions qui sont tenues de participer à un contrôle de qualité externe » (Doc. parl.

Parlement flamand, 2011-2012, n° 1568/1, pp. 3-7).

B.12.2. Partant du constat qu'il n'existe pas de réglementation sur les actes médicaux à risque qui sont pratiqués en dehors des hôpitaux agréés - et ce notamment en raison du fait que l'habilitation conférée au Roi par l'article 81 de la loi sur les hôpitaux et autres établissements de soins, coordonnée le 10 juillet 2008, n'a pas reçu exécution -, le législateur décrétal a voulu prendre des mesures visant à garantir la « qualité des soins et la sécurité » du patient traité dans une « clinique privée ». En instaurant la notification obligatoire, qui incombe au responsable de l'institution, le législateur décrétal vise à « [sensibiliser] les responsables (et les médecins) et les patients », et à « inventorier le nombre, les types, la localisation et les circonstances des actes médicaux à risque qui sont pratiqués en dehors du cadre d'un hôpital agréé et contrôlé ».

Avec cet inventaire, le législateur décrétal vise à créer ensuite un instrument permettant « dans un second temps, [...] d'examiner si certaines catégories d'interventions et, le cas échéant, lesquelles nécessitent d'édicter des conditions en matière de sécurité du patient et de qualité des soins ». Dans le même but, il a été prévu que le Gouvernement flamand puisse désigner les institutions devant faire l'objet d'un contrôle de qualité externe.

B.12.3. Il en ressort que le législateur décrétal a voulu, en substance, soumettre les actes médicaux à risque pratiqués en dehors du cadre d'un hôpital agréé à un système de contrôle de qualité, notamment en créant des instruments permettant d'établir dans quelle mesure des normes de qualité sont prises en compte lors de l'exécution de ces actes médicaux et permettant d'imposer éventuellement de telles normes de qualité.

Cet objectif ressort, du reste, également de l'article 4 du décret attaqué, aux termes duquel l'autorité flamande doit transmettre périodiquement les informations obtenues au conseil provincial compétent de l'Ordre des médecins, lequel a notamment pour mission, en vertu de l'article 6 de l'arrêté-royal n° 79 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des médecins, de veiller au respect de la déontologie médicale par les « médecins », dispose, à cet égard, d'un pouvoir disciplinaire et a également pour mission de signaler aux autorités compétentes les actes d'« exercice illégal de l'art médical », dont il a connaissance.

La circonstance que les obligations contenues dans le décret attaqué incombent au « responsable d'une institution », et non aux médecins qui effectuent les actes médicaux visés, n'enlève rien au constat que le législateur décrétal a voulu accroître la qualité de certains actes médicaux qui sont réalisés en dehors du cadre d'un hôpital agréé.

B.13. Dès lors qu'il vise à contrôler la qualité de certains actes médicaux et aussi à soumettre, le cas échéant, ces actes à des conditions de qualité (encore à définir), le décret attaqué concerne l'« exercice de l'art médical », qui n'est pas du ressort des communautés, ainsi qu'il a été rappelé en B.7 et B.8.

B.14. Contrairement à ce que semble prétendre le Gouvernement flamand, les articles 6 et 7 du décret attaqué, qui concernent le contrôle du respect des dispositions du décret et la possibilité, pour le Gouvernement flamand, de désigner les institutions qui sont obligées de participer à un contrôle de qualité externe, ne doivent pas être considérés autrement, en matière de répartition de compétence, que les dispositions relatives à la notification obligatoire, puisque ces deux catégories de dispositions créent des instruments visant à effectuer un contrôle de qualité de certains actes médicaux.

B.15. Bien qu'elles soient compétentes pour la politique à l'égard des institutions de soins qui ne relèvent pas de la « législation organique » au sens de l'article 5, § 1er, I, 1°, a), de la loi spéciale du 8 août 1980, les communautés ne peuvent faire usage de cette compétence pour réglementer l'exercice de l'art médical au sein de ces structures. Il ne saurait se déduire ni des dispositions du décret attaqué, ni des travaux préparatoires de ce décret que le législateur décrétal ait voulu, en l'espèce, créer un cadre juridique pour les institutions de soins qui ne relèvent pas de la « législation organique », sans toucher aux actes médicaux pratiqués au sein de ces structures.

B.16. Les moyens pris de la violation de la compétence fédérale relative à l'exercice de l'art médical sont fondés.

B.17. Etant donné que les autres moyens ne sauraient aboutir à une annulation plus étendue, il n'y a pas lieu de les examiner.

Par ces motifs, la Cour annule le décret de la Communauté flamande du 22 juin 2012 portant notification obligatoire des pratiques médicales à risques.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 19 décembre 2013.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, M. Bossuyt

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