publié le 02 décembre 2013
Extrait de l'arrêt n° 131/2013 du 26 septembre 2013 Numéro du rôle : 5511 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 60 à 73 de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires, dans leur version app La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et M. Bossuyt, et des juges E. D(...)
Extrait de l'arrêt n° 131/2013 du 26 septembre 2013 Numéro du rôle : 5511 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 60 à 73 de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires, dans leur version applicable à l'exercice d'imposition 1984, posée par la Cour du travail de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et M. Bossuyt, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût et T. Giet, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 24 octobre 2012 en cause de l'Office national de l'emploi contre feu Jacques Electeur et Yvette Englebert, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 2 novembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 60 à 73 de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires, dans leur version applicable à l'exercice d'imposition 1984, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution dans l'interprétation selon laquelle le délai de prescription applicable à l'action en recouvrement de la cotisation spéciale de sécurité sociale prend cours le dernier jour du mois suivant celui au cours duquel l'ONEm a envoyé à l'assuré social la feuille de calcul dont question à l'article 2, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 4 juillet 1984 d'exécution du chapitre III - Cotisation spéciale de sécurité sociale - de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires, alors que pour le recouvrement des cotisations ordinaires de sécurité sociale régularisées dues par les travailleurs indépendants en situation de début ou de reprise d'activité, - et bien que dans cette hypothèse également la fixation du montant des cotisations régularisées suppose que les renseignements nécessaires aient été communiqués par une administration fiscale -, le délai de prescription prend cours le 1er janvier de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle a débuté l'activité ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, des articles 60 à 73 de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires, s'ils sont interprétés en ce sens que le point de départ du délai de prescription de l'action en recouvrement de la cotisation spéciale de sécurité sociale correspond au dernier jour du mois suivant celui au cours duquel l'ONEm a envoyé au redevable la feuille de calcul visée à l'article 2, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 4 juillet 1984 « d'exécution du Chapitre III - Cotisation spéciale de sécurité sociale - de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires », alors que le délai de prescription de l'action en recouvrement des cotisations ordinaires de sécurité sociale régularisées, qui sont dues par les travailleurs indépendants, débute le 1er janvier de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle l'activité a commencé.
B.2.1. Les articles 60 à 73 de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires, dans leur version applicable à l'exercice d'imposition 1984, disposaient : «
Art. 60.Les personnes qui sont assujetties à un régime quelconque de sécurité sociale ou qui sont bénéficiaires à un titre quelconque d'au moins une des prestations de la sécurité sociale, et dont le montant net des revenus imposables globalement à l'impôt des personnes physiques dépasse 3 millions de francs, sont chaque année, tenues de payer une cotisation spéciale de sécurité sociale pour les exercices d'imposition 1983, 1984 et 1985.
Art. 61.Le montant de cette cotisation est fixé à 10 % du revenu imposable de chaque exercice d'imposition.
Par dérogation à l'alinéa 1er, le montant de la cotisation est fixé à 25 % de la quotité du revenu qui excède 3 millions lorsque le revenu est inférieur à 5 millions.
Lorsque les revenus imposables globalement à l'impôt des personnes physiques dépassant 3 millions de francs sont recueillis par plusieurs personnes, la cotisation est due par chacune d'elles et recouvrée pour une quotité qui est fonction du rapport existant entre les revenus qu'elle a recueillis et les revenus imposables globalement.
Art. 62.La cotisation doit faire l'objet d'un versement provisionnel à effectuer avant le 1er décembre de l'année précédant l'exercice d'imposition.
A défaut ou en cas d'insuffisance de versement provisionnel au 1er décembre, un intérêt de retard est dû à partir de cette date au taux de 1,25 % par mois, y compris le mois au cours duquel le paiement a lieu.
En cas d'excédent de versement provisionnel, des intérêts moratoires sont alloués au taux de 1 % par moiscalendrier, au plus tôt à partir du 1er décembre de l'année 0 la provision est due.
En cas de versement provisionnel tardif, il n'est pas tenu compte du mois pendant lequel le versement est effectué.
Le mois au cours duquel est envoyé à l'intéressé l'avis mettant à sa disposition la somme à restituer est compté pour un mois entier.
Art. 63.La cotisation peut, à la demande des personnes visées à l'article 60, faire l'objet d'une retenue sur les rémunérations dues par leur employeur, éventuellement pour la quotité visée à l'article 61, alinéa 3, en vue d'être versée en leur nom et pour leur compte.
Art. 64.La cotisation, le versement provisionnel et les intérêts de retard sont perçus et recouvrés par l'Office national de l'emploi et affectés à l'assurance-chômage.
L'Office national de l'emploi est autorisé à procéder au recouvrement par voie judiciaire.
Le Roi détermine les conditions techniques et administratives dans lesquelles l'Office effectue la perception et le recouvrement. Il ne peut doter l'Office de pouvoirs plus étendus que ceux qui sont reconnus à l'Office national de Sécurité sociale.
Art. 65.Le Roi fixe le mode de paiement de la cotisation à l'Office national de l'emploi.
Art. 66.Les administrations publiques, notamment les administrations relevant du Ministère des Finances, du Ministère des Classes moyennes et du Ministère des Affaires sociales, sont tenues de fournir à l'Office national de l'emploi les renseignements qui lui sont nécessaires en vue de l'application du présent chapitre.
Art. 67.La cotisation a la nature d'une cotisation personnelle due en exécution de la législation sociale.
Son mode de calcul déroge à titre exceptionnel à l'article 23 de la loi du 29 juin 1981Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1981 pub. 31/05/2011 numac 2011000295 source service public federal interieur Loi établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 29/06/1981 pub. 02/09/2014 numac 2014000386 source service public federal interieur Loi établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 29/06/1981 pub. 17/11/2015 numac 2015000647 source service public federal interieur Loi établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés et à l'article 11 de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants.
Art. 68.Dans la mesure où leur montant n'excède pas celui qui est réellement dû, la cotisation et le versement provisionnel sont déduits, pour l'année du paiement, de l'ensemble des revenus nets imposables des différentes catégories visées à l'article 6 du Code des impôts sur les revenus, au même titre que les dépenses visées à l'article 71 du même Code.
Art. 69.L'article 580 du Code judiciaire est complété comme suit : '12° des contestations relatives à l'obligation pour les assurés sociaux de verser une cotisation spéciale de sécurité sociale en vertu du chapitre III de la loi du 28 décembre 1983 portant des disposition fiscales et budgétaires '.
Art. 70.Dans le chef de personnes visées à l'article 60 qui, pendant l'année 1984, ont recueilli des revenus mobiliers qui, suivant l'article 220bis du Code des impôts sur les revenus, ne doivent pas être compris dans la déclaration annuelle à l'impôt des personnes physiques, les revenus mobiliers précités sont ajoutés aux revenus imposables globalement dont il est question à l'article 60 pour déterminer la base de perception définie dans cet article en ce qui concerne la cotisation spéciale de sécurité sociale.
Les personnes visées au premier alinéa doivent déclarer leurs revenus mobiliers dans une déclaration spéciale auprès de l'Office national de l'Emploi suivant les modalités à fixer par le Roi.
Celui qui appartient, à quelque titre que ce soit, à l'Office national de l'Emploi ou qui a accès dans les bureaux de cet office est tenu de garder le secret le plus absolu au sujet des renseignements dont il est question dans l'alinéa qui précède et il ne peut pas en faire usage en dehors du cadre des dispositions légales du présent chapitre.
Art. 71.L'arrêté royal n° 55 du 16 juillet 1982 fixant pour 1982 une cotisation spéciale et unique de sécurité sociale, modifié par l'arrêté royal n° 125 du 30 décembre 1982, et l'arrêté royal n° 124 du 30 décembre 1982 fixant pour 1983 une cotisation spéciale et unique de sécurité sociale sont rapportés.
Art. 72.A l'égard des personnes visées à l'article 60, les articles 29 à 31 de la loi de redressement du 10 février 1981 relative aux dispositions fiscales et financières cessent de produire leurs effets à partir du premier jour du deuxième mois qui suit celui au cours duquel la présente loi aura été publiée au Moniteur belge.
Au plus tard deux mois après la conversion en obligations au porteur des emprunts de l'Etat qui, par application de l'article 30, § 1er, de la loi du 10 février 1981Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/1981 pub. 30/01/2014 numac 2014000049 source service public federal interieur Loi de redressement relative aux pensions du secteur social. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer précitée, ont fait l'objet d'une inscription nominative au grand livre de la dette publique, ou après la libération des obligations industrielles ou des actions qui, par application de l'article 30, § 2, de la même loi, ont été déposées à la Banque Nationale de Belgique, pour compte de la Caisse de dépôts et consignations, les personnes qui ont invoqué les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 3 des arrêtés royaux n° 55 et n° 124 visés à l'article 70, doivent effectuer un versement provisionnel complémentaire d'un montant égal à celui à concurrence duquel elles étaient soumises à l'obligation de souscrire à des emprunts de l'Etat et/ou à des actions ou obligations.
L'article 62, alinéa 2, n'est pas applicable dans la mesure où l'insuffisance de versement provisionnel résultait de l'application des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 3 des arrêtés royaux n° 55 et n° 124, pour autant que l'obligation prévue par l'alinéa précédent soit respectée.
Art. 73.Les articles 60 à 69 et 71 de la présente loi produisent leurs effets le 4 août 1982 ».
B.2.2. L'article 2 de l'arrêté royal du 4 juillet 1984 précité dispose : « Au vu des renseignements fournis notamment par les administrations publiques visées à l'article 66 de la loi, l'Office national de l'emploi adresse aux personnes assujetties à la cotisation spéciale une feuille de calcul mentionnant le montant de la cotisation due, les éléments sur base desquels la cotisation est établie, le solde éventuel à percevoir ou à restituer par l'Office national de l'Emploi et les intérêts de retard relatifs à ce solde.
Le solde doit être acquitté par les personnes assujetties à la cotisation spéciale au plus tard le dernier jour du mois suivant celui au cours duquel la feuille de calcul leur est adressée ».
B.2.3. La Cour de cassation a jugé qu'en vertu des articles 60, 64, alinéa 1er, et 66 de la loi du 28 décembre 1983 précitée, lus en combinaison avec l'article 2 de son arrêté royal d'exécution, « ce n'est qu'à l'expiration [du] délai de paiement [visé à l'alinéa 2 de cet article 2] que prend cours la prescription de l'action en recouvrement de la cotisation spéciale de sécurité sociale » (Cass., 27 juin 2011, Pas., 2011, n° 428; 5 mars 2012, JTT, 2012, pp. 231-234).
Elle a encore précisé que « l'Office national de l'emploi ne peut procéder au recouvrement de celle-ci aussi longtemps que la dette fiscale du redevable n'est pas définitivement établie, de sorte que, en cas de réclamation ou de recours fiscal, le délai de prescription ne prend cours qu'à l'expiration du mois suivant celui au cours duquel une nouvelle feuille de calcul établie sur la base de la décision fiscale définitive a été adressée par l'Office au redevable de la cotisation spéciale » (Cass., 5 mars 2012 précité; 4 octobre 2010, Pas., 2010, n° 574).
C'est dans cette interprétation que la Cour répond à la question préjudicielle.
B.3. Les cotisations ordinaires de sécurité sociale régularisées dues par les travailleurs indépendants, en cas de début ou de reprise d'une activité professionnelle, trouvent leur siège à l'article 11, § 4, de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants.
Ledit article 11, § 4, de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967, tel qu'il était applicable au moment des faits soumis au juge a quo, disposait : « Le Roi détermine comment sont calculées les cotisations lorsque, par suite de début ou de reprise d'activité professionnelle, il est impossible de les calculer sur base des revenus de l'année de référence visée au § 2.
Il précise à cet effet ce qu'il y a lieu d'entendre par début ou reprise d'activité professionnelle au sens du présent paragraphe ».
Les articles 40 et 41 de l'arrêté royal du 19 décembre 1967 « portant règlement général en exécution de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants » disposaient, à l'époque des faits soumis au juge a quo : «
Art. 40.En cas de début d'activité au sens de l'article 38, § 1er, l'assujetti paie provisoirement : 1° lorsqu'il appartient au groupe général de cotisations visé à l'article 12, § 1er, de l'arrêté royal n° 38, les cotisations visées à cet article calculées sur : a) le revenu minimum visé par ledit article 12, § 1er, s'il s'agit d'un aidant ou d'un avocat stagiaire ou d'une veuve bénéficiaire d'une pension de survie en vertu du régime de pension des travailleurs indépendants ou de celui des travailleurs salariés;b) un revenu de 200 000 F, s'il s'agit d'un autre assujetti;2° lorsque les conditions d'occupation font que l'assujetti pourrait rentrer dans le groupe de cotisations visé à l'article 12, § 2, de l'arrêté royal n° 38 : les cotisations visées à l'article 12, § 2, alinéa 2, 2°, de l'arrêté royal n° 38 calculées sur un revenu de 32 724 F;3° lorsque l'assujetti est visé à l'article 13, § 1er ou § 2 de l'arrêté royal n° 38 : les cotisations imposées par la disposition qui lui est applicable, calculées sur un revenu de 32 724 F. § 2. Les montants de revenus sur base desquels sont calculées les cotisations visées au § 1er, sont adaptés aux fluctuations de l'indice des prix à la consommation, conformément à l'article 14, § 1er, de l'arrêté royal n° 38.
Pour l'application de cette disposition il y a lieu de considérer que le montant de 200 000 F dont question au § 1er, alinéa 1er, 1°, b, représente un montant qui est déjà adapté à l'indice-pivot 142,75. § 3. Sur base d'éléments objectifs, l'Institut national peut, à leur demande, autoriser provisoirement les femmes mariées, les veuves et les étudiants visés à l'article 37, § 1er : a) soit à ne pas payer de cotisation si leur revenu présumé n'atteindra pas 32 724 F;b) soit à payer une cotisation égale à celle qui est due, sur base d'un revenu de 77 472 F, par un assujetti visé à l'article 12, § 2, de l'arrêté royal n° 38 si leur revenu présumé ne dépassera pas ce dernier montant;c) soit à payer la cotisation prévue au § 1er, a, si leur revenu présumé ne dépassera pas le revenu minimum visé à l'article 12, § 1er, de l'arrêté royal n° 38. Les montants de 32 724 F et 77 472 F sont adaptés conformément à l'article 14, § 1er, de l'arrêté royal n° 38.
Art. 41.§ 1er. Les cotisations sont perçues sur la base provisoire visée à l'article 40 aussi longtemps qu'il n'y a pas d'année de référence au sens de l'article 11, § 2, de l'arrêté royal n° 38.
La première de ces années de référence est celle qui comprend quatre trimestres d'assujettissement depuis le début d'activité au sens de l'article 38, § 1er. § 2. Les cotisations provisoires, afférentes à la période qui précède l'année pour laquelle les cotisations peuvent être établies sur la base des revenus d'une année de référence visée au § 1er, sont régularisées sur la base des revenus professionnels de la première année civile suivant celle au cours de laquelle se situe le début d'activité au sens de l'article 38, § 1er.
Si le début d'activité se situe dans le courant du 1er trimestre, la régularisation se fait sur la base des revenus de l'année au cours de laquelle se situe le début d'activité. § 3. Si l'activité prend fin avant qu'il n'y ait une année civile comportant quatre trimestres d'assujettissement, pouvant servir de base à la régularisation visée au § 2, les cotisations provisoires sont considérées comme définitives, moyennant les réserves suivantes : 1° la cotisation visée à l'article 40, § 1er, 1°, b est ramenée à la cotisation minimum visée par l'article 12, § 1er, de l'arrêté royal n° 38;2° s'il s'agissait d'un début d'activité au sens de l'article 40, § 1er, 2° ou 3°, l'Institut national peut autoriser le remboursement des cotisations provisoires si des éléments objectifs démontrent que l'activité d'indépendant, même exercée pendant une année comportant quatre trimestres d'assujettissement n'aurait pas produit au moins le revenu minimum à partir duquel doivent cotiser les personnes visées aux articles 12, § 2, ou 13, suivant le cas, de l'arrêté royal n° 38;3° Les femmes mariées, les veuves et les étudiants visés à l'article 37, § 1er, peuvent, à leur demande, et moyennant accord de l'Institut national, obtenir le remboursement des cotisations provisoires ou la limitation de ces cotisations au montant visé à l'article 40, § 3, b, s'il résulte d'éléments objectifs que leur activité indépendante, même si elle avait été exercée pendant une année comportant quatre trimestre d'assujettissement, aurait produit un revenu, qui, suivant le cas, n'aurait pas atteint 32 724 F ou n'aurait pas dépassé 77 472 F. Les montants visés ci-dessus sont adaptés conformément à l'article 14, § 1er, de l'arrêté royal n° 38 ».
L'article 49 du même arrêté royal disposait, à l'époque des faits soumis au juge a quo : « En ce qui concerne les cotisations de régularisation dues en cas de début d'activité conformément à l'article 41, § 2, le délai de prescription fixé par l'article 16 de l'arrêté royal n° 38 prend cours à partir du 1er janvier de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle a débuté l'activité.
Toutefois, l'application de la règle de l'alinéa précédent ne peut avoir peut effet que les cotisations de régularisation se rapportant à une année déterminée soient prescrites avant les cotisations provisoires se rapportant à cette même année ».
B.4. Par son arrêt n° 177/2009 du 12 novembre 2009, la Cour a jugé : « B.5.1. Par la création de la cotisation spéciale de sécurité sociale, le législateur entendait ' répartir la charge du redressement économique et financier du pays en fonction des moyens de chacun ' en affectant le ' produit de cette cotisation spéciale et unique de solidarité [...] à la branche la plus cruellement frappée de la sécurité sociale, à savoir l'assurance-chômage ' (Doc. parl., Chambre, 1983-1984, n° 758/1, p. 22).
B.5.2. La cotisation spéciale de sécurité sociale se distingue des cotisations ordinaires de sécurité sociale régularisées dues par les travailleurs indépendants en situation de début ou de reprise d'activité visées par l'article 11, § 4, de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 à plusieurs égards.
La première a pour objectif la solidarité entre les assurés sociaux et son produit est affecté au financement de l'assurance-chômage. Les cotisations sociales visées par l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967, dont font partie les cotisations régularisées, ont pour but de financer l'octroi de prestations sociales bénéficiant en principe aux personnes qui les versent.
Le mode de calcul de la cotisation spéciale de sécurité sociale déroge à celui des cotisations visées par l'article 16, § 2, alinéa 1er, de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 (article 67, alinéa 2, de la loi du 28 décembre 1983). Le montant de la première équivaut à un pourcentage du revenu imposable, qui comprend davantage que les revenus professionnels du redevable de cette cotisation, tandis que les secondes sont, en principe, calculées sur la seule base des revenus professionnels du travailleur indépendant (article 11, § 4, de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 et article 41, § 2, de l'arrêté royal du 19 décembre 1967).
La cotisation spéciale de sécurité sociale est perçue par l'ONEm. Les cotisations visées par l'article 16, § 2, alinéa 1er, de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 sont perçues par les caisses d'assurances sociales pour travailleurs indépendants auxquelles les assujettis sont affiliés ou par la Caisse nationale auxiliaire d'assurances sociales pour travailleurs indépendants constituée au sein de l'Institut national d'assurances sociales pour travailleurs indépendants.
La cotisation spéciale de sécurité sociale doit faire l'objet d'un versement provisionnel à effectuer avant le 1er décembre de l'année précédant l'exercice d'imposition (article 62 de la loi du 28 décembre 1983). Les cotisations ordinaires de sécurité sociale dues par les travailleurs indépendants en début ou en reprise d'activité sont perçues sur une base provisoire fixée de manière forfaitaire et sont régularisées en fonction des revenus professionnels réellement perçus durant les années concernées (articles 40 et 41 de l'arrêté royal du 19 décembre 1967).
Enfin, le régime de déductibilité fiscale de la cotisation spéciale de sécurité sociale (article 68 de la loi du 28 décembre 1983) diffère de celui des cotisations visées par l'article 16, § 2, alinéa 1er, de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 (article 52, 7°, du Code des impôts sur les revenus 1992).
B.6.1. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui découle de l'application de délais de prescription différents dans des circonstances différentes n'est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait être question de discrimination que si la différence de traitement qui découle de l'application de ces délais de prescription entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.
B.6.2. Les différences objectives qui existent entre les deux catégories de cotisations ne suffisent pas à justifier, par rapport à l'objectif poursuivi, que le paiement de la cotisation spéciale de sécurité sociale puisse être réclamé pendant le délai prescrit par le droit commun, alors que le recouvrement des cotisations ordinaires de sécurité sociale régularisées dues par les travailleurs indépendants en situation de début ou de reprise d'activité se prescrit par cinq ans : l'application de la prescription de droit commun à la première cotisation porte atteinte de manière disproportionnée aux droits des assurés sociaux qui en sont redevables en maintenant leur patrimoine dans l'insécurité pendant un grand nombre d'années, d'autant plus que cette cotisation n'a été établie qu'à titre exceptionnel pour faire face, en une période de crise économique, aux difficultés de financement que connaissait l'assurance-chômage.
B.6.3. De surcroît, l'action en recouvrement de la cotisation spéciale de sécurité sociale étant une action personnelle au sens de l'article 2262bis, § 1er, alinéa 1er, du Code civil, le délai de prescription qui s'y attache ne commence à courir qu'à partir du jour où l'obligation de paiement de ladite cotisation devient exigible.
L'ONEm n'est en mesure d'établir l'existence d'une créance relative à cette cotisation ou le montant de celle-ci que lorsque certaines administrations publiques lui ont fourni les renseignements nécessaires (article 66 de la loi du 28 décembre 1983). Et ce n'est qu'' au vu [de ces] renseignements ' qu'il ' adresse aux personnes assujetties à la cotisation spéciale une feuille de calcul mentionnant le montant de la cotisation due, les éléments sur [la] base desquels la cotisation est établie, le solde éventuel à percevoir ou à restituer par l'Office national de l'Emploi et les intérêts de retard relatifs à ce solde ', ce dernier devant ' être acquitté [...] au plus tard le dernier jour du mois suivant celui au cours duquel la feuille de calcul leur est adressée ' (article 2 de l'arrêté royal du 4 juillet 1984 ' d'exécution du chapitre III - Cotisation spéciale de sécurité sociale - de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires ').
Ce n'est qu'à l'expiration de ce délai de paiement que le délai de prescription de l'action en recouvrement précité commence à courir au bénéfice du redevable de la cotisation spéciale de sécurité sociale.
B.6.4. La différence de traitement est discriminatoire.
B.7.1. Toutefois, cette discrimination ne trouve pas son origine dans l'article 16, § 2, de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants, tel qu'il a été modifié par l'article 2 de la loi du 3 décembre 1984. En effet, comme la Cour l'a constaté en B.3.1, cette disposition est étrangère au recouvrement des cotisations spéciales de sécurité sociale.
Ce sont les articles 60 à 73 de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires tels qu'ils étaient en vigueur au moment des faits soumis au juge a quo qui violent les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils ne prévoient pas de délai de prescription spécifique de l'action en recouvrement de la cotisation spéciale de sécurité sociale.
B.7.2. Dès lors que la lacune constatée en B.7.1 est située dans les articles 60 à 73 précités, il appartient au juge a quo de mettre fin à l'inconstitutionnalité constatée par la Cour, ce constat étant exprimé en des termes suffisamment précis et complets pour permettre que ces dispositions soient appliquées dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution. Par conséquent, il appartient au juge a quo d'appliquer le délai de prescription de cinq ans ».
B.5.1. Comme le souligne le Conseil des ministres, la spécificité du mode de calcul de la cotisation spéciale de sécurité sociale justifie, en principe, que le délai de prescription pour le recouvrement de cette cotisation tienne compte de la nécessité d'obtenir ces informations de la part de l'administration fiscale, voire du contribuable lui-même.
B.5.2. Au cours des travaux préparatoires de la loi en cause, le ministre de l'Emploi et du Travail souligna à cet égard : « Les renseignements seront communiqués automatiquement par l'administration fiscale à l'O.N.Em. et [...] les services des finances communiquent tous les renseignements dont ils disposent en [la] matière » (Doc. parl., Chambre, 1983-1984, n° 758/15, p. 78).
Au cours des discussions au Sénat, le ministre releva aussi : « Les collaborations nécessaires avec les fonctionnaires des Finances ont été établies et donnent toute satisfaction. [...] - Une collaboration existe entre l'ONEm et le département des Finances sur ce point; - Les Finances envoient à l'ONEm un listing des titulaires de revenus de plus de 3 millions; - L'ONEm interroge alors les contribuables qui selon lui n'ont pas acquitté la cotisation, sur les motifs de non-cotisation (si pas assujettis à l'O.N.S.S., p. ex.) » (Doc. parl., Sénat, 1983-1984, n° 604/2, pp. 86 et 88).
B.5.3. Il n'est donc pas déraisonnable de faire débuter, en principe, la prescription de l'action en recouvrement de la cotisation spéciale de sécurité sociale à la fin du mois suivant celui au cours duquel la feuille de calcul a été adressée au redevable de la cotisation par l'ONEm.
B.6. Toutefois, le point de départ d'un délai de prescription ne peut être totalement laissé à l'arbitraire d'une des parties, ni être exclusivement fonction du temps mis par les autorités pour se concerter entre elles et rendre leur décision (voy. CEDH, 6 novembre 2008, Kokkinis c. Grèce, §§ 34 et 35). Au contraire, le souci de prévenir l'insécurité juridique « exige que le point de départ ou d'expiration des délais de prescription soient clairement définis et liés à des faits concrets et objectifs ».
Or, dans l'interprétation du juge a quo, la disposition en cause aboutit à ce que le point de départ du délai de prescription de l'action en recouvrement de l'ONEm soit conditionné par le seul moment où ce dernier décide d'adresser au contribuable sa feuille de calcul, ce moment pouvant être retardé, du fait de négligences ou, comme en l'espèce, en raison d'une mauvaise communication entre les services de l'administration fiscale et les services de l'ONEm.
B.7. Pour les motifs exposés en B.4, les autres différences objectives existant entre la cotisation spéciale de sécurité sociale et les cotisations sociales ordinaires régularisées ne suffisent pas à justifier la différence de traitement en cause.
B.8. Les articles 60 à 73 de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires, tels qu'ils étaient en vigueur au moment des faits soumis au juge a quo, ne sont dès lors pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils permettent à l'ONEm, sans préjudice des causes d'interruption et de suspension de la prescription, de réclamer le paiement de la cotisation spéciale de sécurité sociale au-delà d'un délai raisonnable à compter de la date exécutoire du rôle fiscal de l'année en cause.
Dès lors que la lacune constatée en B.6 et B.7 est située dans les articles 60 à 73 précités, il appartient au juge a quo de mettre fin à l'inconstitutionnalité constatée par la Cour, ce constat étant exprimé en des termes suffisamment précis et complets pour permettre que ces dispositions soient appliquées dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution.
B.9. La question préjudicielle appelle une réponse affirmative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 60 à 73 de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires, tels qu'ils étaient en vigueur au moment des faits soumis au juge a quo, violent les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils ne prévoient pas un délai de prescription raisonnable à compter de la date exécutoire du rôle fiscal de l'année en cause.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 26 septembre 2013.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels