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Arrêt
publié le 28 janvier 2013

Extrait de l'arrêt n° 127/2012 du 25 octobre 2012 Numéro du rôle : 5284 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 4, § 3bis, de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 juillet 1992 relative à la taxe régiona La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 127/2012 du 25 octobre 2012 Numéro du rôle : 5284 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 4, § 3bis, de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 juillet 1992 relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles, posée par le Tribunal de première instance de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul et F. Daoût, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 23 décembre 2011 en cause de la Communauté flamande et de la Région flamande contre la Région de Bruxelles-Capitale, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 6 janvier 2012, le Tribunal de première instance de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « La disposition de l'article 4, § 3bis, de l'ordonnance [de la Région de Bruxelles-Capitale] du 23 juillet 1992 relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles (M.B., 1er août 1992), telle qu'elle est applicable pour les exercices 2007, 2008, 2009 et 2010, viole-t-elle les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que la taxe n'est pas due pour les immeubles dans lesquels se tiennent régulièrement les séances plénières d'un conseil régional ou d'un conseil de communauté mais est due pour les immeubles dans lesquels ne se tiennent pas de telles séances mais qui sont nécessaires au bon fonctionnement de ces conseils ? ». (...) III. En droit (...) B.1. L'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 juillet 1992 relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles établit une « taxe annuelle à charge des occupants d'immeubles bâtis situés sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale et de titulaires de droits réels sur des immeubles non-affectés à la résidence » (article 2). Le mode de calcul de la taxe est déterminé à l'article 8 de l'ordonnance.

B.2. L'article 4, § 3bis, de l'ordonnance, tel qu'il a été inséré par l' ordonnance du 3 avril 2003Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 03/04/2003 pub. 24/04/2003 numac 2003031216 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance modifiant l'ordonnance du 23 juillet 1992 relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles fermer, dispose : « La taxe, dont question à l'article 8, n'est pas due pour les immeubles où se tiennent de manière régulière des séances plénières du parlement européen, d'une chambre fédérale, d'un conseil régional, d'un conseil de communauté, d'une assemblée de Commission communautaire, d'un conseil provincial, d'un conseil communal, d'un conseil de l'aide sociale ».

B.3.1. La question préjudicielle vise à demander à la Cour si cette disposition viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle créerait une différence de traitement injustifiée selon que, dans un immeuble d'un organe démocratiquement élu, des réunions plénières se tiennent effectivement ou non de manière régulière.

B.3.2. La Région de Bruxelles-Capitale objecte que la question préjudicielle ne distingue pas différentes catégories de personnes et que le redevable est le même pour les deux catégories d'immeubles, de sorte que le principe d'égalité ne saurait être violé.

B.3.3. Le contrôle d'une disposition au regard du principe d'égalité suppose une comparaison, en l'espèce entre, d'une part, les redevables tenus au paiement de la taxe régionale en cause pour un immeuble d'un organe démocratiquement élu où se tiennent des réunions plénières de manière régulière et, d'autre part, les redevables de cette même taxe régionale pour un immeuble d'un organe démocratiquement élu dans lequel des réunions plénières ne se tiennent pas de manière régulière.

Le constat qu'un même redevable peut relever des deux catégories ne saurait empêcher cette comparaison.

B.4. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale.

Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine. Ils sont également applicables en matière fiscale, ce que confirme d'ailleurs l'article 172 de la Constitution, lequel fait une application particulière du principe d'égalité formulé à l'article 10.

B.5. Il appartient au législateur ordonnanciel de désigner les redevables qui doivent bénéficier de l'exonération de la taxe en cause et d'établir dans quelle mesure ils doivent en bénéficier. Il n'appartient pas à la Cour de statuer sur l'opportunité ou le caractère souhaitable de cette exonération.

Les choix de société qui doivent être réalisés lors de la collecte et de l'affectation des ressources relèvent de la liberté d'appréciation du législateur. La Cour ne peut censurer de tels choix politiques et les motifs qui les fondent que s'ils reposent sur une erreur manifeste ou s'ils sont manifestement déraisonnables.

B.6. La taxe régionale instaurée par l'ordonnance du 23 juillet 1992 a pour objectif de procurer à la Région de Bruxelles-Capitale de « nouvelles ressources » et de « garantir le financement de la Région en restant, toutefois, attentif à la politique du logement » (Doc. parl., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1991-1992, A-184/1, p. 2).

Le législateur ordonnanciel a veillé à ce que cette taxe soit mise à charge des bénéficiaires des services offerts par les autorités bruxelloises, singulièrement dans les secteurs de la propreté, de la lutte contre l'incendie et de l'aide médicale urgente (Doc. parl., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1991-1992, A-183/2, p. 5;

Compte rendu intégral, Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 16 juillet 1992, n° 26, p. 791), c'est-à-dire à charge de ceux qui créent des « lieux de risques » (Doc. parl., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1991-1992, A-183/2, p. 49).

Les propriétaires d'« immeubles développant une surface importante et qui ne sont pas affectés à la résidence » constituent l'une des catégories de redevables appelés à contribuer, par le paiement de cette taxe, au financement de la Région (Doc. parl., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1991-1992, A-184/1, p. 2). Il s'agit de propriétaires de « surfaces non affectées à la résidence [qui] ne peuvent être tenues pour un complément indispensable à l'habitat » (ibid., p. 3), ou de « propriétaires d'immeubles, non destinés à l'habitat » (Doc. parl., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1991-1992, A-183/2, p. 6).

B.7.1. Dans le cadre de l'instauration de la disposition d'exonération en cause, l'exposé des motifs rappelle tout d'abord le but de la taxe régionale : « Le but de la taxe est de faire contribuer les propriétaires de grandes surfaces de bureau, d'usines, d'ateliers etc. au financement des dépenses générales de la Région. Un certain nombre d'exonérations à caractère social ont cependant été prévues en fonction de l'affectation de l'immeuble.

Ainsi, sont actuellement exonérés : les immeubles ou parties d'immeubles servant à l'enseignement et aux cultes, et, pour autant qu'aucun but de lucre n'y soit poursuivi, les immeubles affectés à l'usage d'hôpitaux, de dispensaires, à l'hébergement collectif de personnes âgées, à des activités culturelles ou sportives, à la garderie d'enfants ... » (Doc. parl., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 2002-2003, A-404/1, p. 2).

B.7.2. Le but de la nouvelle disposition d'exonération est ensuite exposé : « Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale vise à introduire une nouvelle exonération qui se base exclusivement sur l'affectation de l'immeuble et s'aligne ainsi [sur les] exonérations sociales précitées; cette nouvelle exonération porte plus précisément sur les immeubles où des élus démocratiques siègent en réunion plénière afin d'y effectuer des travaux législatifs et réglementaires; dans de tels immeubles, les décisions ayant une incidence directe sur la vie quotidienne du citoyen (et par définition d'intérêt général) obtiennent un caractère officiel et légal, ce qui permet de les considérer comme symboles matériels d'Etat de droit » (ibid., p. 2).

B.7.3. La nouvelle exonération n'a qu'une portée limitée, ainsi qu'il ressort, en conclusion, de la précision suivante : « [Elle] se limite à l'immeuble où la réunion plénière d'un parlement ou d'un conseil élu démocratiquement est généralement et régulièrement organisée. L'immeuble où une réunion plénière est organisée exceptionnellement (par exemple pour cause de travaux à la salle de réunion plénière habituelle) n'entre pas en ligne de compte pour être exonéré. En respect du principe d'égalité, les autres immeubles où les services administratifs des pouvoirs publics respectifs sont établis, où seules les réunions préparatoires de commission ou de simples réunions de travail se tiennent, où un gouvernement ou quelconques autres instances exécutives se réunissent, sont également exclus du champ d'application de cette ordonnance » (ibid., p. 4).

B.8. Lorsqu'il instaure une exonération de taxe, le législateur ordonnanciel peut, afin de ne pas mettre en péril le but initial de la taxe, limiter cette exonération aux catégories imposables qui réalisent le but de l'exonération de la manière la plus efficace.

Compte tenu du rôle central que la réunion plénière occupe dans un organe démocratiquement élu, il ne peut pas être considéré comme manifestement déraisonnable que le législateur ordonnanciel ait limité l'exonération à ceux des immeubles occupés par des organes démocratiquement élus dans lesquels les réunions plénières se tiennent de manière régulière.

B.9. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 4, § 3bis, de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 juillet 1992 relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 25 octobre 2012.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, M. Bossuyt

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