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Arrêt
publié le 28 novembre 2012

Extrait de l'arrêt n° 110/2012 du 20 septembre 2012 Numéro du rôle : 5230 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 4 du décret de la Région wallonne du (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 110/2012 du 20 septembre 2012 Numéro du rôle : 5230 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 4 du décret de la Région wallonne du 10 décembre 2009 d'équité fiscale et d'efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives et à l'article 257, alinéa 1er, 4°, dernier alinéa, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été modifié par l'article 2, 2°, du décret de la Région wallonne du 10 décembre 2009 précité, posées par le Tribunal de première instance de Liège.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges A. Alen, J.-P. Snappe, J. Spreutels, T. MerckxVan Goey et F. Daoût, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président R. Henneuse, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 26 octobre 2011 en cause de Sabri Aydin et Suat Tekin contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 4 novembre 2011, le Tribunal de première instance de Liège a posé les questions préjudicielles suivantes : « En ce qu'il énonce que l'article 2, 2°, du décret régional wallon du 10 décembre 2009 d'équité fiscale et d'efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives qui modifie l'article 257, alinéa 1er, 4°, du Code des impôts sur les revenus 1992 en insérant un alinéa 4 libellé comme suit : ' A partir du moment où il n'a plus été fait usage du bien depuis plus de douze mois, compte tenu de l'année d'imposition précédente, la remise ou la réduction proportionnelle du a) ci-avant ne peut plus être accordée dans la mesure où la période d'inoccupation dépasse douze mois, (...) ' est applicable à partir de l'exercice d'imposition 2009, l'article 4 de ce décret wallon du 10 décembre 2009 viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution lu en combinaison avec le principe de la sécurité juridique garanti par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ? Dans la mesure où il est tenu compte, pour l'application de l'alinéa 4 de l'article 257, alinéa 1er, 4°, du C.I.R./92 tel que modifié par l'article 2, 2°, du décret wallon du 10 décembre 2009, de la durée d'inoccupation déjà constatée avant l'entrée en vigueur de cette disposition telle qu'elle est fixée par l'article 4 du même décret, l'alinéa 4 de l'article 257, alinéa 1er, 4°, du C.I.R./92 tel que modifié par l'article 2, 2°, du décret wallon du 10 décembre 2009 viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution lu en combinaison avec le principe de la sécurité juridique garanti par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ? ». (...) III. En droit (...) B.1. L'article 257, alinéa 1er, 4°, du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992), tel qu'il a été modifié par l'article 2, 2°, du décret de la Région wallonne du 10 décembre 2009 d'équité fiscale et d'efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives dispose : « Sur la demande de l'intéressé, il est accordé : [...] 4° remise ou modération du précompte immobilier dans une mesure proportionnelle à la durée et à l'importance de l'inoccupation, de l'inactivité ou de l'improductivité du bien immeuble : a) dans le cas où un bien immobilier bâti, non meublé, est resté inoccupé et improductif pendant au moins 180 jours dans le courant de l'année; b) dans le cas où la totalité du matériel et de l'outillage, ou une partie de ceux-ci représentant au moins 25 p.c. de leur revenu cadastral, est restée inactive pendant 90 jours dans le courant de l'année; c) dans le cas où la totalité soit d'un bien immobilier bâti, soit du matériel et de l'outillage, ou une partie de ceux-ci représentant au moins 25 p.c. de leur revenu cadastral respectif, est détruite.

Les conditions de réduction doivent s'apprécier par parcelle cadastrale ou par partie de parcelle cadastrale lorsqu'une telle partie forme, soit une habitation séparée, soit un département ou une division de production ou d'activité susceptibles de fonctionner ou d'être considérés séparément, soit une entité dissociable des autres biens ou parties formant la parcelle et susceptible d'être cadastrée séparément.

L'improductivité doit revêtir un caractère involontaire. La seule mise simultanée en location et en vente du bien par le contribuable n'établit pas suffisamment l'improductivité.

A partir du moment où il n'a plus été fait usage du bien depuis plus de douze mois, compte tenu de l'année d'imposition précédente, la remise ou la réduction proportionnelle du a) ci-avant ne peut plus être accordée dans la mesure où la période d'inoccupation dépasse douze mois, sauf dans le cas d'un immeuble dont le contribuable ne peut exercer les droits réels pour cause de calamité, de force majeure, d'une procédure ou d'une enquête administrative ou judiciaire empêchant la jouissance libre de l'immeuble, jusqu'au jour où disparaissent ces circonstances entravant la jouissance libre de l'immeuble. Est notamment considéré comme tel, l'immeuble qui constitue un logement non améliorable, au sens de l'article 1er, 14°, du Code wallon du Logement, reconnu comme tel par un délégué du Ministre du Logement ou par un arrêté du bourgmestre ».

L'article 4 du décret de la Région wallonne du 10 décembre 2009 précité dispose : « Le présent chapitre du présent décret entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge. Les articles 1er, 2, 1°, et 3, sont applicables à partir de l'exercice d'imposition 2010; l'article 2, 2°, est applicable à partir de l'exercice d'imposition 2009 ».

B.2. L'objectif poursuivi par le législateur décrétal a été précisé comme suit : « Ensuite, concernant l'article 257, 4°, du Code des impôts sur les revenus 1992, qui prévoit une réduction du précompte immobilier en cas d'inoccupation, d'inactivité ou d'improductivité de l'immeuble durant l'exercice d'imposition (voy. art. 15, CIR 1992), il convient de rapporter cet avantage aux objectifs réels de ne pas taxer le possesseur d'un bien immobilier qui vient d'être mis temporairement dans l'impossibilité de percevoir des revenus de son immeuble, pour des causes indépendantes de sa volonté; de plus, de manière supplémentaire par rapport à l'objectif d'équité fiscale de ne pas octroyer d'avantage fiscal onéreux pour la Région en contrariété avec d'autres politiques régionales, telle la lutte contre la taudisation, l'on remarquera que l'avantage actuel octroyé peut également provoquer un effet pervers de finalement désavantager le propriétaire qui répare et améliore l'immeuble en cause, avec à la clé occupation de l'immeuble et, partant, débition du précompte immobilier (avec même peut-être une augmentation du revenu cadastral de l'immeuble à la suite de ses travaux), par rapport au propriétaire spéculant sur la valeur du terrain en laissant se dégrader l'immeuble qui ne doit pas payer le précompte immobilier durant cette période de spéculation.

Dans la situation actuelle, il paraît quelque peu paradoxal d'octroyer, au niveau du précompte immobilier, un avantage fiscal au propriétaire d'un immeuble inoccupé, alors que l'ancrage communal et le mode de calcul du financement régional des communes incitent les communes à établir une taxe sur les logements abandonnés, dès lors qu'un immeuble a fait l'objet de deux constats d'inoccupation séparés de plus de six mois; de même, la limitation dans le temps de cet avantage fiscal paraît cohérente avec l'objectif de la taxe régionale sur les sites d'activité économique désaffectés, destinée à redynamiser les parcelles immobilières affectés aux activités économiques et à les remettre dans le circuit économique.

Il est donc proposé de : [...] - enfin, de limiter dans le temps le bénéfice de la réduction du précompte immobilier, en la supprimant à partir du moment où la durée de l'inoccupation excède un an, à dater du début de l'inoccupation (ainsi, dans le cas d'une inoccupation dépassant un an, à cheval sur deux années, la réduction pourra être appliquée la première année où l'inoccupation est, par exemple, de 182 jours, et la réduction pourra également être appliquée l'année suivante, mais alors seulement à concurrence du solde de 183 jours admissibles de l'inoccupation totale dépassant un an) : toutefois, compte tenu de la jurisprudence actuelle de la Cour constitutionnelle en cette matière, il est également proposé que cette limitation dans le temps de l'avantage de la réduction, ne joue pas dans le cas où le propriétaire ne peut de toute façon pas jouir librement de son immeuble, et ce de manière involontaire, tel que d'ailleurs la législation de la Région flamande le prévoit » (Doc. parl., Parlement wallon, 2009-2010, n° 118/1, pp. 3 et 4).

B.3. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique garanti par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, d'une part, de l'article 4 du décret de la Région wallonne du 10 décembre 2009, en ce qu'il prévoit l'applicabilité à partir de l'exercice d'imposition 2009 de l'article 2, 2°, de ce décret, qui ne permet plus d'accorder la remise ou réduction du précompte immobilier lorsque la période d'inoccupation dépasse douze mois (première question préjudicielle) et, d'autre part, de l'article 257, alinéa 1er, 4°, alinéa 4, du CIR 1992, tel que modifié par cet article 2, 2°, du décret, dans la mesure où il prend en compte une durée d'inoccupation déjà constatée avant l'entrée en vigueur du décret (seconde question préjudicielle).

B.4. Il ressort des faits de la cause soumise au juge a quo et des motifs de la décision de renvoi que les parties demanderesses devant ce juge ont sollicité une réduction du précompte immobilier pour l'exercice d'imposition 2009 en raison de l'inoccupation du bien depuis juillet 2007.

En ce qui concerne la première question préjudicielle B.5. Une règle de droit fiscal ne peut être qualifiée de rétroactive que si elle s'applique à des situations dont les conditions de taxation étaient définitivement déterminées au moment où elle entre en vigueur.

B.6.1. En matière d'impôts sur les revenus, la dette d'impôt naît définitivement à la date de la clôture de la période dont les revenus constituent la base d'imposition. Conformément aux dispositions du CIR 1992, le précompte immobilier est un pourcentage du revenu cadastral, tel que celui-ci est établi au 1er janvier de l'exercice d'imposition.

Ce n'est toutefois qu'à la clôture de l'exercice d'imposition que le montant d'une réduction éventuelle de ce précompte peut être établi, compte tenu des éléments de fait et de droit intervenus durant l'année écoulée.

Le contribuable n'est définitivement fixé sur les conditions de la taxation qu'à l'expiration de la période imposable.

B.6.2. Le décret en cause a été promulgué le 10 décembre 2009 et a été publié au Moniteur belge du 23 décembre 2009, donc avant le terme de la période imposable 2009.

Il s'ensuit qu'en rendant l'article 2, 2°, applicable à partir de l'exercice d'imposition 2009, l'article 4 de ce décret règle des situations fiscales dont les conditions de taxation ne pouvaient être considérées comme définitivement déterminées. Le législateur décrétal n'a dès lors pas porté atteinte au principe de la sécurité juridique.

En prenant par ailleurs en compte pour le calcul de l'impôt dû pour l'exercice d'imposition 2009 une période d'inoccupation du bien antérieure à cet exercice d'imposition, la disposition en cause n'a pas pour effet de modifier les règles relatives à l'impôt dû pour l'exercice d'imposition antérieur à 2009.

B.7. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

En ce qui concerne la seconde question préjudicielle B.8. Il appartient au législateur compétent d'apprécier si un régime d'immunisation fiscale doit être maintenu ou modalisé. S'il en résulte une différence de traitement entre contribuables, la Cour doit vérifier si cette différence de traitement est objective et peut raisonnablement se justifier par rapport à l'objectif poursuivi.

B.9. Par la disposition en cause, la Région wallonne a voulu limiter dans le temps le bénéfice de la réduction du précompte immobilier, traitant ainsi dès lors de manière différente les contribuables selon que l'inoccupation de leur bien immobilier excède ou non un an.

Le critère de la durée de l'inoccupation du bien immobilier est pertinent au regard du but de la mesure, qui vise aussi bien l'équité fiscale que la lutte contre la taudisation de manière à encourager l'accès à un logement décent, comme cela ressort des travaux préparatoires du décret cités en B.2.

Le fait de tenir compte de la période d'inoccupation constatée lors d'un exercice antérieur est par ailleurs justifié eu égard à l'objectif poursuivi.

B.10. La seconde question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 2, 2°, et 4 du décret de la Région wallonne du 10 décembre 2009 d'équité fiscale et d'efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives ne violent pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 20 septembre 2012.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, R. Henneuse

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