publié le 24 août 2011
Extrait de l'arrêt n° 109/2011 du 16 juin 2011 Numéro du rôle : 4998 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 141 du décret communal de la Région flamande du 15 juillet 2005, posée par le Conseil d'Etat. La Cour constitut composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Sna(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 109/2011 du 16 juin 2011 Numéro du rôle : 4998 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 141 du décret communal de la Région flamande du 15 juillet 2005, posée par le Conseil d'Etat.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, P. Nihoul et F. Daoût, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 206.419 du 6 juillet 2010 en cause de la commune de Haaltert contre la Région flamande et la Commission d'appel pour les affaires disciplinaires, partie intervenante : Dirk Muylaert, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 9 juillet 2010, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 141 du décret communal du 15 juillet 2005 viole-t-il l'article 162, alinéa 2, 2° et 6°, de la Constitution et l'article 8 de la Charte européenne de l'autonomie locale, combinés avec les articles 10 et 11 de la Constitution, dans la mesure où l'article 141 précité accorde un pouvoir de réformation à la Commission d'appel pour les affaires disciplinaires, alors que l'article 162, alinéa 2, 2° et 6°, de la Constitution postule le principe de l'autonomie communale et que les décisions des organes communaux ne peuvent être soumises à une tutelle (d'approbation) que pour autant qu'elles violeraient la loi ou léseraient l'intérêt général et alors que les articles 113, 114 et 115 du décret communal du 15 juillet 2005 ne prévoient aucune possibilité d'appel externe assortie d'un pouvoir de réformation et respectent ainsi l'article 162, alinéa 2, 2° et 6°, de la Constitution en prévoyant uniquement - sauf pour les grades décrétaux - une procédure d'appel interne et ensuite simplement la tutelle administrative classique ? ». (...) III. En droit (...) B.1. L'article 141 du décret communal du 15 juillet 2005 dispose : « La Commission d'Appel pour les affaires disciplinaires dispose d'un droit de réforme ».
B.2. Il est demandé à la Cour si l'article 141 du décret communal est compatible avec l'article 162, alinéa 2, 2° et 6°, de la Constitution et avec l'article 8 de la Charte européenne de l'autonomie locale, combinés avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'un pouvoir de réformation est accordé à la Commission d'appel, alors que l'article 162, alinéa 2, 2° et 6°, de la Constitution consacre le principe de l'autonomie communale et que les décisions des organes communaux ne peuvent être soumises à une « tutelle (d'approbation) » que pour autant qu'elles violeraient la loi ou léseraient l'intérêt général et alors que la procédure d'évaluation du personnel (articles 113, 114 et 115 du décret communal) ne prévoit qu'une procédure de recours interne, conformément aux règles de la tutelle administrative « classique ».
B.3.1. L'article 162, alinéa 2, 2° et 6°, de la Constitution dispose : « La loi consacre l'application des principes suivants : [...] 2° l'attribution aux conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est d'intérêt provincial et communal, sans préjudice de l'approbation de leurs actes, dans les cas et suivant le mode que la loi détermine; [...] 6° l'intervention de l'autorité de tutelle ou du pouvoir législatif fédéral, pour empêcher que la loi ne soit violée ou l'intérêt général blessé ». B.3.2. L'article 8 de la Charte européenne de l'autonomie locale du 15 octobre 1985, telle qu'elle a été approuvée par le décret du 19 mars 2004 portant assentiment à la Charte européenne de l'autonomie locale, dispose : « 1. Tout contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi. 2. Tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu'à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels.Le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l'opportunité exercé par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l'exécution est déléguée aux collectivités locales. 3. Le contrôle administratif des collectivités locales doit être exercé dans le respect d'une proportionnalité entre l'ampleur de l'intervention de l'autorité de contrôle et l'importance des intérêts qu'elle entend préserver ». Conformément à l'article 3 du décret du 19 mars 2004, le législateur décrétal flamand n'est toutefois pas lié par l'article 8, paragraphe 2, de la Charte européenne de l'autonomie locale, de sorte que seuls les premier et troisième alinéas doivent être pris en compte.
B.4.1. Le Gouvernement flamand estime que la question préjudicielle ne porte pas sur des catégories comparables. Le Gouvernement flamand ne voit pas avec quelle autre personne morale ou quel autre sujet de droit la commune doit être comparée.
B.4.2. Il ressort des mémoires introduits et des éléments de la décision de renvoi qu'il est demandé à la Cour de comparer la situation d'une commune qui agit dans une procédure disciplinaire à la situation d'une commune qui agit dans une procédure d'évaluation. Ce ne serait que dans le second cas que le principe de l'autonomie communale garanti par la Constitution pourrait pleinement jouer.
Par conséquent, la question préjudicielle est recevable.
B.5.1. La procédure d'évaluation du personnel communal est réglée dans le titre III (« le personnel », chapitre III (« Le statut du personnel »), section V (« L'évaluation du personnel »), du décret communal.
L'article 113 dispose à cet égard : « L'évaluation est la procédure lors de laquelle un jugement est formulé sur la manière dont fonctionne un membre du personnel ».
L'article 115, alinéa 1er, du décret communal dispose : « Les membres du personnel de la commune sont évalués au niveau administratif ».
Si un membre du personnel est licencié à la suite d'une évaluation négative, il peut introduire une plainte auprès de l'autorité de tutelle sur la base de l'article 258 du décret communal et introduire un recours en annulation sur la base de l'article 14, § 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.
Le contrôle, par l'autorité de tutelle, de la décision d'évaluation qui fait l'objet d'une plainte se fait dans le respect de l'article 249 du décret communal et implique un contrôle au regard du droit, y compris des principes de bonne administration, et au regard de l'intérêt général, à savoir tout intérêt dépassant l'intérêt communal.
B.5.2. La procédure disciplinaire du personnel communal est réglée par le chapitre VI (« Discipline ») du titre III du décret communal.
L'article 119 dispose : « Tout[e] action ou comportement qui constitue un manquement aux obligations professionnelles ou qui est de nature à porter atteinte à la dignité de la fonction, ainsi qu'une contravention au statut, est une transgression disciplinaire et peut entraîner une peine disciplinaire ».
L'article 123 dispose : « L'autorité de désignation agit en autorité disciplinaire. [...] ».
La notification de la décision disciplinaire au membre du personnel concerné doit faire mention de la possibilité d'appel auprès de la Commission d'appel pour les affaires disciplinaires et du délai dans lequel l'appel peut être interjeté. La possibilité d'appel précitée est un recours administratif organisé.
B.5.3. Contrairement à ce qui est prévu en matière de recours dans le cadre de la procédure d'évaluation, la Commission d'appel pour les affaires disciplinaires dispose, conformément à l'article 141 du décret communal, d'un pouvoir de réformation.
B.6.1. La Commission d'appel pour les affaires disciplinaires est un organe administratif régional, qui agit en tant qu'organe disciplinaire autonome. La Commission d'appel acquiert, du fait de l'effet dévolutif de l'appel, le pouvoir de décision sur l'affaire elle-même, de la même manière que l'autorité disciplinaire communale.
B.6.2. Le pouvoir de réformation de la Commission d'appel signifie, selon l'arrêté du Gouvernement flamand du 15 décembre 2006 « fixant la composition, l'indemnisation des membres et le fonctionnement de la Commission d'Appel pour les affaires disciplinaires, en exécution de l'article 138 du Décret communal, de l'article 137 du décret du 19 décembre 2008 relatif à l'organisation des centres publics d'aide sociale, et de l'article 134 du Décret provincial », que la Commission peut donner une autre qualification aux faits et infliger une autre peine disciplinaire.
B.7.1. La création de la Commission d'appel pour les affaires disciplinaires faisait partie du plan du législateur décrétal visant à assouplir la procédure des sanctions disciplinaires : « Le projet instaure une Commission pour les sanctions disciplinaires des administrations locales, qui interviendra en tant qu'autorité d'appel pour toutes les décisions disciplinaires communales. Pour des raisons de cohérence, la procédure d'appel en matière de discipline, qui est réglée à l'heure actuelle par le décret du 24 juillet 1991 portant réglementation pour la Région flamande de la tutelle administrative sur la procédure relative aux mesures disciplinaires ou à certaines mesures d'ordre prises à l'égard du personnel communal visé dans la nouvelle loi communale (M.B. du 29 août 1991), est ainsi intégrée dans le décret communal.
Conformément au décret du 24 juillet 1991, l'intéressé peut exercer un recours auprès du gouverneur de province contre les décisions de l'autorité communale infligeant la sanction disciplinaire de l'avertissement ou de la réprimande. L'intéressé peut exercer un recours auprès de l'Exécutif flamand contre les décisions de l'autorité communale infligeant la sanction disciplinaire de la retenue de traitement, de la suspension, de la révocation ou de la suspension préventive. La compétence en matière de recours est transférée intégralement à la Commission [...] » (Doc. parl., Parlement flamand, 2004-2005, n° 347/1, p. 82). « Les sanctions disciplinaires sont également assouplies [...]. La possibilité d'exercer un recours contre ces sanctions disciplinaires auprès du gouverneur ou du ministre est remplacée par un appel auprès d'un organe disciplinaire autonome, [...]. Cet organe est indépendant de la politique » (Doc. parl., Parlement flamand, 2004-2005, n° 347/6, p. 6). B.7.2. En instaurant le pouvoir de réformation, le législateur décrétal a voulu qu'il soit possible de rectifier en degré d'appel les vices de procédure ou les motivations défectueuses. Par conséquent, le pouvoir de décision de la Commission d'appel doit être envisagé dans le cadre de cette possibilité (Doc. parl., Parlement flamand, 2004-2005, n° 347/1, p. 83).
B.8.1. La différence de traitement est fondée sur la circonstance que la décision contre laquelle il est fait appel est le résultat d'une évaluation ou d'une procédure disciplinaire.
B.8.2. Compte tenu de l'objectif du législateur décrétal, il est raisonnablement justifié que la procédure d'appel dans le cadre d'une procédure disciplinaire attribue un pouvoir de réformation à la Commission d'appel.
B.8.3. S'il y avait une atteinte au principe de l'autonomie locale, elle ne serait incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution et avec son article 162, alinéa 2, 2° et 6°, que si elle était manifestement disproportionnée. Tel serait le cas, par exemple, si elle aboutissait à priver les communes de tout ou de l'essentiel de leurs compétences, ou si la limitation de compétence ne pouvait être justifiée par le fait que celle-ci serait mieux gérée à un autre niveau de pouvoir.
L'attribution d'un pouvoir de réformation à la Commission d'appel ne porte pas atteinte à l'autonomie locale. La compétence disciplinaire demeure en substance une compétence communale. En effet, il appartient uniquement à la commune de décider si une procédure disciplinaire doit ou non être engagée et poursuivie. Il appartient également à elle seule de décider de la position qu'elle adopte du point de vue procédural lorsqu'un agent communal saisit la Commission d'appel et, ultérieurement, lorsque la Commission d'appel prend une décision, aux fins d'introduire, le cas échéant, un recours en annulation auprès de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat.
B.9. La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 141 du décret communal de la Région flamande du 15 juillet 2005 ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec son article 162, alinéa 2, 2° et 6°, et avec l'article 8, paragraphes 1er et 3, de la Charte européenne de l'autonomie locale.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 16 juin 2011.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, M. Bossuyt.