publié le 22 avril 2011
Extrait de l'arrêt n° 25/2011 du 10 février 2011 Numéro du rôle : 4907 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 8, § 1 er , alinéa 2, de la loi générale du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésias La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges L. La(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 25/2011 du 10 février 2011 Numéro du rôle : 4907 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 8, § 1er, alinéa 2, de la loi générale du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques, posée par le Tribunal de première instance d'Anvers.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et P. Nihoul, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 21 décembre 2009 en cause de Roger Suykerbuyk contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 26 mars 2010, le Tribunal de première instance d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 8, § 1er, alinéa 2, de la loi générale du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution dès lors qu'il opère une distinction, pour le calcul de la pension, entre une personne nommée à titre définitif dans une fonction et une personne qui a exercé temporairement une autre fonction dans laquelle elle n'était pas nommée à titre définitif, seul le traitement lié à la fonction dans laquelle elle était nommée à titre définitif entrant en ligne de compte ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle concerne l'article 8, § 1er, alinéa 2, et plus particulièrement la troisième phrase, de la loi générale du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques, qui dispose : « Le traitement de référence est le traitement moyen des cinq dernières années de la carrière ou de toute la durée de la carrière si celle-ci est inférieure à cinq ans. Ce traitement moyen est établi sur la base des traitements tels qu'ils sont fixés dans les échelles de traitement attachées aux fonctions dans lesquelles l'intéressé a été nommé à titre définitif. Si, durant la période définie ci-avant, l'intéressé, nommé à titre définitif dans une fonction, exerce une autre fonction dans laquelle il n'est pas nommé à titre définitif [,] seuls les traitements attachés à la fonction dans laquelle il est nommé à titre définitif sont pris en compte. [...] ».
B.2. La Cour est interrogée sur la compatibilité de cette disposition avec les articles 10 et 11 de la Constitution, dans la mesure où, en ce qui concerne le calcul de la pension, elle opère une distinction entre, d'une part, la catégorie des fonctionnaires nommés à titre définitif et, d'autre part, la catégorie des fonctionnaires nommés à titre définitif ayant exercé temporairement une fonction supérieure à celle dans laquelle ils ont été nommés à titre définitif. Pour ces derniers, le calcul de la pension prend uniquement en compte le traitement lié à la fonction dans laquelle ils ont été nommés à titre définitif.
B.3.1. La partie demanderesse devant la juridiction a quo étend la différence de traitement exposée dans la question préjudicielle à une prétendue discrimination au niveau de la rémunération et du complément de traitement pour fonction contraignante.
B.3.2. Les parties devant la Cour ne peuvent ni modifier ni étendre la portée de la question préjudicielle.
Par conséquent, la Cour examine uniquement la différence de traitement qui est exposée dans la question préjudicielle et qui concerne exclusivement le mode de calcul de la pension des différentes catégories de fonctionnaires.
B.4.1. Selon le Conseil des ministres, la catégorie des fonctionnaires nommés à titre définitif n'est pas suffisamment comparable à la catégorie des fonctionnaires qui n'exercent que temporairement une fonction supérieure.
B.4.2. Le fait que des règles différentes s'appliquent, en ce qui concerne les modes de désignation à la fonction et de cessation de la fonction, d'une part, aux fonctionnaires nommés à titre définitif et, d'autre part, aux fonctionnaires désignés temporairement dans une fonction supérieure ne permet pas de conclure que les deux catégories de fonctionnaires ne seraient pas suffisamment comparables, en ce qui concerne le mode de calcul de leur pension.
B.5.1. La façon dont un fonctionnaire peut être nommé à titre définitif dans une fonction déterminée est régie par l'arrêté royal du 2 octobre 1937 portant le statut des agents de l'Etat.
En règle générale, il existe deux possibilités : soit réussir la sélection comparative prévue et accomplir avec succès le stage probatoire, soit bénéficier d'une promotion.
En principe, un fonctionnaire nommé à titre définitif est nommé à vie dans sa fonction. Il ne peut être mis fin à sa fonction que dans les cas énumérés de manière limitative dans l'arrêté royal précité du 2 octobre 1937.
B.5.2. La façon dont un fonctionnaire exerce une fonction supérieure à celle dans laquelle il a été nommé est réglée par l'arrêté royal du 8 août 1983 relatif à l'exercice d'une fonction supérieure dans les administrations de l'Etat.
La seule condition de fond pour être désigné temporairement dans une fonction supérieure est que le fonctionnaire concerné doit remplir « les conditions statutaires requises pour être nommé au grade ou à la classe correspondant à la fonction supérieure ». D'autres conditions sont encore prévues selon la fonction concrète, qui ne sont toutefois pas aussi strictes que celles qui s'appliquent pour une nomination à titre définitif. Ainsi, la réussite d'une sélection comparative ou l'accomplissement avec succès d'un stage probatoire ne sont pas exigés.
L'exercice d'une fonction supérieure est en principe limité dans le temps, en l'occurrence à six mois. Il existe des exceptions à cette règle de base, dans le cadre desquelles une fonction supérieure peut également être exercée pour une plus longue période. Il ne s'agit toutefois jamais d'une désignation à vie.
B.6. Ces différences de réglementation entre un fonctionnaire nommé à titre définitif et un fonctionnaire désigné à titre temporaire justifient que leurs pensions soient calculées sur une base différente.
Par ailleurs, l'octroi d'une pension de retraite à un fonctionnaire est basé sur sa position juridique statutaire.
B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 8, § 1er, alinéa 2, de la loi générale du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 10 février 2011.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, M. Bossuyt.