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Arrêt
publié le 21 décembre 2010

Extrait de l'arrêt n° 117/2010 du 21 octobre 2010 Numéro du rôle : 4781 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 2, 3°, et 22 à 24 du décret de la Région flamande du 20 avril 2001 relatif à l'organisation du transport d La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges R. He(...)

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Extrait de l'arrêt n° 117/2010 du 21 octobre 2010 Numéro du rôle : 4781 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 2, 3°, et 22 à 24 du décret de la Région flamande du 20 avril 2001 relatif à l'organisation du transport de personnes par la route, posée par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 196.410 du 28 septembre 2009 en cause de l'Etat belge contre la Région flamande, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 12 octobre 2009, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 2, 3°, et 22 à 24 du décret du 20 avril 2001 relatif à l'organisation du transport de personnes par la route et à la création du Conseil de Mobilité de la Flandre violent-ils l'article 6, § 1er, X, 8°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur les articles 2, 3°, et 22 à 24 du décret de la Région flamande du 20 avril 2001 « relatif à l'organisation du transport de personnes par la route », qui, à l'époque de l'adoption de l'arrêté attaqué devant la juridiction a quo - et donc avant la modification du décret précité par le décret du 13 février 2004 « modifiant le décret du 20 avril 2001 relatif à l'organisation du transport de personnes par la route et portant création du Conseil de Mobilité de la Flandre » - disposaient : «

Art. 2.Dans le présent décret, il faut entendre par : [...] 3° transport pour le compte propre : transport en vue d'objectifs non lucratifs et non commerciaux effectué par une personne physique ou morale; [...] ». «

Art. 22.Pour les transports effectués pour le compte propre, il est exigé : 1° que l'activité de transport constitue une activité complémentaire pour cette personne physique ou morale;2° que les véhicules utilisés soient la propriété de cette personne physique ou morale ou achetés par cette dernière à crédit ou pour lesquels un contrat de crédit-bail (leasing) a été conclu;3° qu'ils soient conduits par un membre du personnel de la personne physique ou morale ou par la personne physique même.

Art. 23.§ 1er. En dérogation aux articles 17 et 19, une attestation est nécessaire pour effectuer des transports pour le compte propre.

L'attestation est délivrée par le Gouvernement flamand. Ce dernier fixe la procédure de demande, la forme et ses mentions. § 2. Le Gouvernement flamand peut retirer l'attestation pour un délai d'au maximum trois mois lorsque le détenteur de l'attestation ne respecte pas les dispositions [de l'article 22] du présent décret ou de ses arrêtés d'exécution.

Le retrait de l'attestation se fait sans indemnisation et après avoir entendu le détenteur de l'attestation ». «

Art. 24.Toute personne effectuant des transports pour son compte propre doit fournir les statistiques concernées au Gouvernement flamand lorsque ce dernier le demande.

Ces statistiques sont confidentielles et ne sont destinées qu'à des statistiques relatives au transport de personnes ».

B.2. La juridiction a quo demande à la Cour si ces dispositions violent l'article 6, § 1er, X, alinéa 1er, 8°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

B.3.1. L'article 6, § 1er, X, alinéa 1er, 8°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, inséré par la loi spéciale du 8 août 1988 et modifié par la loi spéciale du 16 juillet 1993, dispose : «

Art. 6.§ 1er. Les matières visées à l'article 107quater [actuellement l'article 39] de la Constitution sont : [...] X. En ce qui concerne les travaux publics et le transport : [...] 8° le transport en commun urbain et vicinal, en ce compris les services réguliers spécialisés, les services de taxis et les services de location de voitures avec chauffeur;».

B.3.2. Dans l'exposé des motifs du projet qui allait devenir la loi spéciale de 1988, il est dit à ce propos : « La compétence sur les transports urbains et vicinaux par métro, pré-métro ou semi-métro, par tram, trolleybus et autobus, qui est transférée aux Régions comprend plus particulièrement : le statut des sociétés de transport, la conclusion de contrats de gestion, l'infrastructure tant en surface que souterraine, l'organisation de réseaux et les autorisations y afférentes, les tarifs et les réductions tarifaires accordées, les contrats avec les loueurs de services de transport, le mode de calcul de l'indemnité qui leur est payée ainsi que les services de transports régionaux transfrontaliers. [...] Il est évident que du point de vue de la coordination des moyens de transport, la compétence d'accorder des autorisations pour les services réguliers spécialisés (transport d'écoliers, de travailleurs, etc...) est également transférée aux Régions.

Comme dans toutes les branches des transports, la réglementation sur l'accès à la profession et au marché d'entrepreneur de transports nationaux et internationaux de personnes par la route (comprenant les conditions de compétence professionnelle, fiabilité, cautionnement et autres exigences de qualité quant aux véhicules) reste de la compétence du Gouvernement national » (Doc. parl., Chambre, S.E. 1988, n° 516/1, pp.16-17).

Selon le ministre des Communications et des Réformes institutionnelles de l'époque : « En ce qui concerne ce transport urbain et vicinal, il y a lieu, lors de la régionalisation, de distinguer clairement les services réguliers et les services occasionnels, notions qui ont d'ailleurs une définition européenne. Les services occasionnels désignent, en termes courants, le transport par autocar, dont relèvent aussi les services de ligne internationaux sur de très grandes distances. Tout comme pour le transport des marchandises par la route, il s'agit ici d'un secteur libre, non subventionné, sur lequel la compétence est de nature purement normative, réglementaire et de police. Cette compétence demeure nationale. Ceci concerne par exemple l'accès à la profession, le cautionnement, la sécurité, etc. Cette situation demeure inchangée.

Les services réguliers, par contre, sont totalement régionalisés. Dans ce secteur, il y a lieu de faire la distinction entre le transport public, urbain et vicinal - les services concédés, notamment, relèvent de ce secteur - et les services réguliers spécialisés qui comprennent principalement mais pas uniquement les transports scolaires et de travailleurs » (Ann., Chambre, 29 juillet 1988, pp. 1425-1426).

B.3.3. La distinction entre les « services réguliers », les « services réguliers spécialisés » et les « services occasionnels » est faite dans l'arrêté-loi du 30 décembre 1946 « relatif aux transports rémunérés de voyageurs par route effectués par autobus et par autocars », modifié par la loi du 29 juin 1984.

Les « services réguliers » sont définis à l'article 3, § 1er, de l'arrêté-loi, comme étant : « ceux qui assurent le transport en commun de personnes effectué selon une fréquence et une relation déterminée, ces services pouvant prendre ou déposer les voyageurs au point terminus éventuellement en cours de route à des arrêts préalablement fixés ».

Par « services réguliers spécialisés » il faut entendre, selon l'article 11, § 1er, de l'arrêté-loi : « Quel que soit l'organisateur des transports, [...] ceux qui assurent le transport en commun de catégories déterminées de personnes à l'exclusion d'autres voyageurs, dans la mesure où ces services sont effectués aux conditions indiquées à l'article 3 ».

Les « services occasionnels » (non réguliers) sont définis à l'article 14, § 1er, de l'arrêté-loi comme étant ceux qui ne répondent pas aux définitions précitées. Selon l'article 14, § 2, de l'arrêté-loi, les « services occasionnels » comprennent : « A. Les circuits à portes fermées, c'est-à-dire les services exécutés au moyen d'un même véhicule qui transporte sur tout le trajet le même groupe de voyageurs et le ramène au lieu de départ;

B. Les services comportant le voyage aller en charge et le voyage de retour à vide;

C. Les autres formes de services occasionnels à déterminer par le Roi ».

La distinction entre « services réguliers », « services réguliers spécialisés » et « services occasionnels » correspond à celle que font les règlements européens (précédemment le règlement n° 117/66/CEE du 28 juillet 1966, actuellement le règlement (CEE) n° 684/92 du 16 mars 1992, modifié par le règlement (CE) n° 11/98 du 11 décembre 1997), étant entendu que ceux-ci considèrent les « services réguliers spécialisés » comme une partie des « services réguliers ».

B.3.4. Il résulte de ce qui précède que les régions sont devenues compétentes, en 1988, en ce qui concerne le transport en commun urbain et vicinal, pour les services réguliers et les services réguliers spécialisés, tels que ceux-ci sont définis aux articles 3, § 1er, et 11, § 1er, de l'arrêté-loi du 30 décembre 1946 « relatif aux transports rémunérés de voyageurs par route effectués par autobus et par autocars ». L'autorité fédérale est cependant demeurée compétente pour les « services non réguliers », qui comprennent toutes les formes de transport qui ne répondent pas aux définitions précitées.

B.4.1. La notion de « transport pour le compte propre » n'a pas été mentionnée dans l'arrêté-loi du 30 décembre 1946, auquel se réfèrent les travaux préparatoires de l'article 6, § 1er, X, alinéa 1er, 8°.

B.4.2. Dans l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat concernant l'avant-projet de décret, il a été souligné que le législateur décrétal ne pouvait adopter les dispositions en cause que « dans la mesure où le champ d'application de celles-ci est limité aux formes de transport qui relèvent de la compétence des régions », et plus précisément uniquement au « transport en commun urbain et vicinal » et aux « services réguliers spécialisés », étant donné que « les services de taxis » et « les services de location de voitures avec chauffeur » - pour lesquels les régions sont également compétentes - ne sont évidemment pas effectués « pour le compte propre ». Les dispositions en cause ne pouvaient dès lors « être applicables aux formes de transport pour lesquelles l'autorité fédérale est demeurée compétente, à savoir les services réguliers transfrontaliers et les services occasionnels (services d'autocar) » (Conseil d'Etat, section de législation, avis n° L.29.982/3 du 4 juillet 2000, Doc. parl., Parlement flamand, 2000-2001, n° 435/1, p. 133).

Le législateur décrétal s'est conformé à cette observation en intégrant ces dispositions, par ailleurs sur l'avis du Conseil d'Etat (ibid., pp. 178-179), dans un chapitre IV distinct, intitulé « Dispositions communes aux chapitres II et III », qui font référence au « transport en commun urbain et vicinal » et aux « services réguliers spécialisés ».

B.4.3. Dans l'interprétation selon laquelle les dispositions décrétales en cause relatives au « transport pour le compte propre » sont uniquement applicables au « transport en commun urbain et vicinal » et aux « services réguliers spécialisés », le législateur décrétal a réglé une matière qui a été attribuée aux régions.

Dans cette interprétation, ces dispositions ne sont pas contraires à la disposition mentionnée dans la question préjudicielle.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Dans l'interprétation mentionnée en B.4.3, les articles 2, 3°, et 22 à 24 du décret de la Région flamande du 20 avril 2001 relatif à l'organisation du transport de personnes par la route ne violent pas l'article 6, § 1er, X, alinéa 1er, 8°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 21 octobre 2010.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt

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