publié le 17 août 2010
Extrait de l'arrêt n° 62/2010 du 27 mai 2010 Numéro du rôle : 4783 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 16.6.3, § 2, du décret de la Région flamande du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concerna La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges R. He(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 62/2010 du 27 mai 2010 Numéro du rôle : 4783 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 16.6.3, § 2, du décret de la Région flamande du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement, tel qu'il a été inséré par le décret du 21 décembre 2007 complétant le décret du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement par un titre XVI « Contrôle, maintien et mesures de sécurité », posées par la Cour d'appel de Gand.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels, T. Merckx-Van Goey et P. Nihoul, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêt du 2 octobre 2009 en cause du ministère public contre Vojtech Olah et Viera Balazova, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 13 octobre 2009, la Cour d'appel de Gand a posé les questions préjudicielles suivantes : - « L'article 16.6.3, § 2, du décret du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement (M.B. 3 juin 1995), tel qu'il a été inséré par le décret du 21 décembre 2007 complétant le décret du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement par un titre XVI ' Contrôle, maintien et mesures de sécurité ' (M.B. 29 février 2008), viole-t-il les articles 12 et 14 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 10 et 11 de la Constitution, avec l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que les termes ' formes limitées de nuisances publiques ' n'ont pas un contenu normatif suffisamment précis pour définir les comportements qui, par dérogation aux peines mentionnées dans l'article 16.6.3, § 1er, du décret du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement (M.B. 3 juin 1995), tel qu'il a été inséré par le décret du 21 décembre 2007 complétant le décret du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement par un titre XVI ' Contrôle, maintien et mesures de sécurité ', sont punis de sanctions communales, conformément à l'article 119bis de la Nouvelle loi communale, ou d'une peine de police de maximum 45,45 euro ? »; - « L'article 16.6.3, § 2, du décret du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement (M.B. 3 juin 1995), tel qu'il a été inséré par le décret du 21 décembre 2007 complétant le décret du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement par un titre XVI ' Contrôle, maintien et mesures de sécurité ' (M.B. 29 février 2008), viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que cette disposition fait naître une différence de traitement, entre des justiciables, qui n'est justifiée ni objectivement, ni raisonnablement, puisque les justiciables qui causent des formes limitées de nuisances publiques - pour reprendre la définition du décret sur la défense de l'environnement - dans une commune qui, conformément à l'article 119bis de la Nouvelle loi communale, a établi des sanctions communales pour ces faits ne peuvent se voir infliger qu'une sanction administrative communale, alors qu'un justiciable qui cause la même forme limitée de nuisance publique dans une commune qui n'a pas établi de telles sanctions administratives communales pour ces faits peut quant à lui se voir infliger une sanction de nature pénale, qui sera inscrite dans son casier judiciaire ? »; - « L'article 16.6.3, § 2, du décret du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement (M.B. 3 juin 1995), tel qu'il a été inséré par le décret du 21 décembre 2007 complétant le décret du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement par un titre XVI ' Contrôle, maintien et mesures de sécurité ' (M.B. 29 février 2008), viole-t-il les règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des Communautés et des Régions, en ce que, par dérogation à l'article 119bis de la Nouvelle loi communale, les communes sont habilitées à établir des sanctions administratives communales pour les infractions aux règlements et arrêtés déjà sanctionnées par un décret ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. Le décret de la Région flamande du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement (ci-après : le décret du 5 avril 1995), tel qu'il a été modifié par le décret du 21 décembre 2007 complétant le décret du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement par un titre XVI « Contrôle, maintien et mesures de sécurité », harmonise les dispositions relatives au contrôle, aux sanctions et aux mesures de sécurité contenues dans plusieurs lois et décrets en matière d'environnement, amorce une politique coordonnée de protection de l'environnement en créant un Conseil supérieur flamand pour la protection de l'environnement et cherche à renforcer la police administrative, en imposant des mesures et des amendes administratives.
B.1.2. L'article 16.6.3 du décret du 5 avril 1995 dispose : « § 1er. Toute personne gérant, abandonnant ou transportant délibérément et contrairement aux prescriptions légales ou contrairement à un permis, des déchets, sera punie d'un emprisonnement d'un mois [à ] cinq ans et d'une amende de 100 à 500.000 euros ou de l'une de ces peines seulement.
Toute personne gérant, abandonnant ou transportant par défaut de précaution ou de prudence et contrairement aux prescriptions légales ou contrairement à un permis des déchets, sera punie d'un emprisonnement d'un mois à trois ans et d'une amende de 100 à 350 000 euros ou de l'une de ces peines seulement. § 2. En dérogation aux peines visées au § 1er, les communes peuvent définir des sanctions communales contre des formes limitées de nuisances publiques conformément à l'article 119bis de la Nouvelle Loi communale.
Lorsque la commune n'a pas défini des sanctions communales conformément à l'article 119bis de la Nouvelle Loi communale, les formes limitées de nuisances publiques sont punies d'une amende d'au maximum de 45,45 euros dans cette commune ».
B.1.3. L'article 119bis, § 1er, de la Nouvelle loi communale dispose : « Le conseil communal peut établir des peines ou des sanctions administratives contre les infractions à ses règlements ou ordonnances, à moins que des peines ou des sanctions administratives soient établies par ou en vertu d'une loi, d'un décret ou d'une ordonnance pour les mêmes infractions ».
B.2.1. Avant l'adoption de l'article 16.6.3 précité, l'action publique était fondée sur les articles 56 et suivants du décret du 2 juillet 1981 sur les déchets, qui ne prévoyait toutefois au niveau communal ni sanctions pénales ni sanctions administratives.
Toutefois, conformément à l'article 119bis de la Nouvelle loi communale, il était déjà possible pour les communes de lutter plus rapidement et plus efficacement contre certains troubles en matière de propreté, de salubrité, de sécurité et de tranquillité publique et contre les nuisances publiques sur leur territoire. La circulaire OOP 30bis « concernant la mise en oeuvre des lois du 13 mai 1999 relative aux sanctions administratives dans les communes, du 7 mai 2004 modifiant la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 08/04/1965 pub. 15/01/2008 numac 2007001067 source service public federal interieur Loi instituant les règlements de travail fermer relative à la protection de la jeunesse et la nouvelle loi communale et du 17 juin 2004 modifiant la nouvelle loi communale » prévoit que « le dérangement public vise des comportements matériels, essentiellement individuels, qui sont de nature à troubler le déroulement harmonieux des activités humaines et à réduire la qualité de la vie des habitants d'une commune, d'un quartier, d'une rue d'une manière qui dépasse les contraintes normales de la vie sociale ».
B.2.2. En adoptant l'amendement n° 33 (Doc. parl., Parlement flamand, 2006-2007, n° 1249/003, p. 19), qui a inséré l'article 16.6.3, § 2, le législateur décrétal a voulu donner aux communes la possibilité de s'attaquer de manière adéquate à certaines formes limitées de nuisance publique. « [L'amendement] modifie [...] les dispositions pénales du décret sur les déchets; du fait de cette modification, les communes pourront imposer directement des sanctions en cas de salissement de la voie publique et des lieux accessibles au public. A titre d'exemple, on peut citer l'abandon de tous types de déchets (mégots de cigarette, chewing-gums, cannettes, etc.), l'affichage illégal, le non-ramassage des déjections d'animaux de trait, le déversement clandestin, etc.
Lorsqu'elles déterminent les sanctions communales, les communes peuvent opter soit pour des peines de police, soit pour une amende administrative de maximum 250 euros. Lorsque les communes n'interviennent pas elles-mêmes contre de telles formes de nuisance, la ministre entend punir toute nuisance publique d'une amende de 45,45 euros. [...] Par ces propositions qu'elle souhaite joindre au projet de décret, la ministre espère fournir aux communes un fondement juridique solide, dans leur lutte contre les nuisances et pour une meilleure qualité de vie et pour un environnement plus sain » (Doc. parl., Parlement flamand, 2006-2007, n° 1249/005, pp. 33-34).
Quant à la troisième question préjudicielle (violation des règles répartitrices de compétence) B.3.1. L'examen de la conformité d'une disposition en cause aux règles répartitrices de compétence doit précéder l'examen de sa compatibilité avec les dispositions du titre II de la Constitution.
B.3.2. La troisième question préjudicielle interroge la Cour sur le point de savoir si l'article 16.6.3, § 2, du décret du 5 avril 1995 est conforme à l'article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 1°, quatrième tiret, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en ce que, par dérogation à l'article 119bis de la Nouvelle loi communale, cet article conférerait aux communes la compétence d'établir des sanctions administratives communales pour des infractions aux règlements et ordonnances, à l'encontre desquelles un décret a déjà prévu des sanctions, de sorte que le législateur décrétal régional empiéterait sur les compétences qui sont réservées au législateur fédéral.
B.4.1. L'article 6, § 1er, II, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, tel qu'il a été remplacé par la loi spéciale du 16 juillet 1993, confère aux régions la compétence à l'égard de « la politique des déchets », sous réserve des exceptions prévues à l'alinéa 2.
Les régions sont également compétentes pour la protection de l'environnement et pour la protection et la conservation de la nature (article 6, § 1er, II, 1°, et III, 2°).
L'article 11 de la même loi spéciale, tel qu'il a été remplacé par la loi spéciale du 16 juillet 1993, dispose : « Dans les limites des compétences des Communautés et des Régions, les décrets peuvent ériger en infraction les manquements à leurs dispositions et établir les peines punissant ces manquements; les dispositions du livre Ier du Code pénal s'y appliquent, sauf les exceptions qui peuvent être prévues par décret pour des infractions particulières.
L'avis conforme du Conseil des ministres est requis pour toute délibération au sein du Gouvernement de Communauté ou de Région sur un avant-projet de décret reprenant une peine ou une pénalisation non prévue au livre Ier du Code pénal.
Dans les limites visées à l'alinéa 1er, les décrets peuvent : 1° accorder la qualité d'agent ou d'officier de police judiciaire aux agents assermentés du Gouvernement de Communauté ou de Région ou d'organismes ressortissant à l'autorité ou au contrôle du Gouvernement de Communauté ou de Région;2° régler la force probante des procès-verbaux;3° fixer les cas pouvant donner lieu à une perquisition ». B.4.2. Le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils ne disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d'édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées. Sauf dispositions contraires, le législateur spécial a transféré aux communautés et aux régions l'ensemble de la politique relative aux matières qu'il a attribuées.
B.5.1. La compétence du législateur régional en matière de déchets inclut celle de choisir d'assortir les dispositions qu'il adopte de sanctions pénales sur la base de l'article 11 précité, de renoncer à celles-ci, de choisir d'autres mesures ou d'habiliter les autorités locales à infliger des sanctions administratives.
B.5.2. La circonstance que la disposition en cause permette aux communes d'infliger des sanctions administratives pour réprimer des comportements qui le sont pénalement alors que l'article 119bis de la Nouvelle loi communale ne le permet pas dans une telle hypothèse n'implique pas qu'il soit porté atteinte aux compétences du législateur fédéral.
Ce dernier est compétent, en vertu de l'article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 1°, quatrième tiret, de la loi spéciale précitée pour régler l'organisation et la politique relative à la police, en ce compris l'article 135, § 2, de la Nouvelle loi communale. Cette compétence n'implique pas que les régions ne pourraient habiliter les communes à infliger des sanctions administratives que dans les conditions fixées par l'article 119bis de la Nouvelle loi communale, à savoir en vue de réprimer des comportements qui ne sont pas sanctionnés pénalement.
B.5.3. En l'espèce, il apparaît que la solution retenue par le législateur régional, qui est fondée, comme celle retenue par le législateur fédéral, sur le souci de garantir le respect du principe non bis in idem (Doc. parl., Chambre, 2002-2003, DOC 50-2366/001, pp. 5-6; Doc. parl., Parlement flamand, 2006-2007, n° 1249/1, p. 17), est également conforme à l'article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 1°, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 précité qui, notamment, prévoit à l'instar de l'article 162, alinéa 2, 2°, de la Constitution, que les conseils communaux règlent tout ce qui est d'intérêt communal : le mécanisme mis en place par la disposition en cause permet ainsi, tout à la fois, de garantir l'efficacité de la mesure et de donner aux autorités communales la possibilité d'exercer leurs compétences en matière, notamment, d'ordre et de salubrité publics. Un tel mécanisme, qui ne s'écarte de celui retenu par le législateur fédéral qu'en ce qu'une sanction sera toujours possible, alors que seuls certains comportements seront punis sur la base de la loi fédérale, n'est de nature ni à empêcher le législateur fédéral d'exercer ses compétences ni à en rendre l'exercice particulièrement difficile.
B.6. La troisième question préjudicielle appelle une réponse négative.
Quant à la première question préjudicielle (principe de légalité en matière pénale) B.7. La première question préjudicielle interroge la Cour sur le point de savoir si l'article 16.6.3, § 2, du décret du 5 avril 1995 est compatible avec les articles 12 et 14 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 10 et 11 de la Constitution, avec l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que la notion de « formes limitées de nuisances publiques » n'aurait pas un contenu normatif suffisant pour définir les comportements qui, par dérogation aux sanctions mentionnées à l'article 16.6.3, § 1er, du décret du 5 avril 1995, sont réprimés par des sanctions communales, conformément à l'article 119bis de la Nouvelle loi communale, ou par une peine de police d'un montant maximum de 45,45 euros.
B.8.1. En attribuant au législateur la compétence, d'une part, de déterminer dans quels cas et sous quelle forme des poursuites pénales sont possibles et, d'autre part, d'adopter une norme législative en vertu de laquelle une peine peut être établie et appliquée, les articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution garantissent à tout citoyen qu'aucun comportement ne sera punissable et qu'aucune peine ne sera infligée qu'en vertu de règles adoptées par une assemblée délibérante, démocratiquement élue.
B.8.2. Le principe de légalité en matière pénale procède en outre de l'idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est ou non punissable. Il exige que le législateur indique, en des termes suffisamment précis, clairs et offrant la sécurité juridique, quels faits sont sanctionnés, afin, d'une part, que celui qui adopte un comportement puisse évaluer préalablement, de manière satisfaisante, quelle sera la conséquence pénale de ce comportement et afin, d'autre part, que ne soit pas laissé au juge un trop grand pouvoir d'appréciation.
B.8.3. Toutefois, le principe de légalité en matière pénale n'empêche pas que la norme législative attribue un pouvoir d'appréciation au juge. Il faut en effet tenir compte du caractère de généralité des dispositions législatives, de la diversité des situations auxquelles elles s'appliquent et de l'évolution des comportements qu'elles répriment.
La condition en vertu de laquelle l'infraction doit être clairement définie par la norme législative se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et, le cas échéant, à l'aide de son interprétation par les juridictions, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale.
B.8.4. Ce n'est que dans le cadre de l'examen d'une disposition pénale spécifique qu'il est possible de déterminer, compte tenu des éléments propres aux infractions qu'elle entend sanctionner, si les termes employés par le législateur sont à ce point imprécis qu'ils violeraient le principe de légalité consacré par l'article 12, alinéa 2, de la Constitution.
B.9.1. L'article 16.6.3, § 2, du décret du 5 avril 1995 dispose que les communes peuvent établir des sanctions communales à l'encontre des « formes limitées de nuisances publiques », conformément à l'article 119bis de la Nouvelle loi communale et par dérogation à l'article 16.6.3, § 1er, du même décret.
B.9.2. Les travaux préparatoires du décret du 5 avril 1995 fournissent plusieurs indications sur ce qu'il convient d'entendre par « formes limitées de nuisances publiques ». « Il ne fait aucun doute que les problèmes de détritus, de déjections canines, de déversement clandestin, de chiens errants, [...], ont un impact extrêmement négatif sur notre société et qu'ils entraînent souvent un grand agacement et du mécontentement dans notre vie en société. [...] ' Le dérangement public vise des comportements matériels, essentiellement individuels, qui sont de nature à troubler le déroulement harmonieux des activités humaines et à réduire la qualité de la vie des habitants d'une commune, d'un quartier ou d'une rue, d'une manière qui dépasse les contraintes normales de la vie sociale.
On peut considérer les dérangements publics comme des formes légères de troubles à la tranquillité, à la sécurité, à la salubrité et à la propreté publique ' » (Doc. parl., Parlement flamand, 2006-2007, n° 1249/003, p. 18). « Alors que l'amendement n° 32 entend, de manière générale, offrir une solution contre diverses formes limitées de nuisance publique, le présent amendement vise spécifiquement les formes limitées de nuisance publique en matière de déchets, telles que le déversement clandestin ou l'abandon de détritus » (Doc. parl., Parlement flamand, 2006-2007, n° 1249/003, p.19). « La proposition modifie avant tout les dispositions pénales du décret sur les déchets; du fait de cette modification, les communes pourront imposer directement des sanctions en cas de salissement de la voie publique et des lieux accessibles au public. A titre d'exemple, on peut citer l'abandon de tous types de déchets (mégots de cigarette, chewing-gums, cannettes, etc.), l'affichage illégal, le non-ramassage des déjections d'animaux de trait, le déversement clandestin, etc. » (Doc. parl., Parlement flamand, 2006-2007, n° 1249/005, p. 33).
B.9.3. La notion de « formes limitées de nuisances publiques » est en l'espèce également limitée aux formes résultant du non-respect strict des prescriptions légales et des conditions d'autorisation en matière de déchets. Le champ d'application de cette notion est donc restreint.
B.10. Le champ d'application des « formes limitées de nuisances publiques » est clairement délimité : d'une part, les travaux préparatoires donnent en la matière suffisamment d'indications sur ce qu'il convient d'entendre par cette notion; d'autre part, cette notion ne s'applique qu'à l'abandon, à la gestion ou au transport de déchets en violation des prescriptions légales ou d'un permis.
B.11.1. Tout abandon, toute gestion ou tout transport de déchets ne mettent pas en cause la responsabilité pénale des intéressés. En effet, pour qu'il soit question d'une infraction, il faut non seulement un élément matériel, mais également un élément moral, lequel, en l'espèce, est le caractère intentionnel ou le défaut de précaution ou de prudence.
B.11.2. Les destinataires de la disposition en cause doivent respecter les normes et les conditions d'autorisation qui s'imposent à eux, comme toute personne qui se trouve dans les mêmes circonstances.
B.12.1. L'article 16.6.3, § 2, du décret du 5 avril 1995 permet donc aux destinataires de cette disposition de déterminer les faits et omissions qui emportent leur responsabilité pénale.
B.12.2. Certes, la disposition en cause confère au juge pénal un pouvoir d'appréciation en ce qu'il doit établir, concernant un abandon, une gestion ou un transport de déchets bien déterminés, s'il s'agit, concrètement, d'une forme limitée de nuisance publique au sens de l'article 16.6.3, § 2, du décret du 5 avril 1995 ou d'un fait qui ne répond pas à cette qualification et doit, par conséquent, selon le cas, être l'objet des sanctions visées à l'article 16.6.3, § 1er, alinéa 1er, ou à l'article 16.6.3, § 1er, alinéa 2, du même décret. Il ne s'agit donc pas d'un pouvoir autonome d'incrimination mais d'un pouvoir d'appréciation qui ne s'écarte pas de celui dont dispose le juge pénal lorsqu'il détermine la peine à infliger en application de dispositions pénales prévoyant une très large marge entre les peines minimale et maximale.
B.12.3. Il ressort de ce qui précède que la disposition en cause ne porte pas atteinte au principe de légalité en matière pénale.
B.13. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.
Quant à la deuxième question préjudicielle (violation du principe d'égalité) B.14. La deuxième question préjudicielle interroge la Cour sur le point de savoir si l'article 16.6.3, § 2, du décret du 5 avril 1995 est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, « en ce que cette disposition fait naître une différence de traitement, entre des justiciables, qui n'est justifiée ni objectivement, ni raisonnablement, puisque les justiciables qui causent des formes limitées de nuisance publique - pour reprendre la définition du décret sur la défense de l'environnement - dans une commune qui, conformément à l'article 119bis de la Nouvelle loi communale, a établi des sanctions communales pour ces faits ne peuvent se voir infliger qu'une sanction administrative communale, alors qu'un justiciable qui cause la même forme limitée de nuisance publique dans une commune qui n'a pas établi de telles sanctions administratives communales pour ces faits peut quant à lui se voir infliger une sanction de nature pénale, qui sera inscrite dans son casier judiciaire ».
B.15. Les travaux préparatoires du décret du 5 avril 1995 mentionnent : « Cette réglementation ne porte pas atteinte au principe d'égalité, mais constitue une forme de décentralisation faisant droit à la subsidiarité. Toute décentralisation implique que les pouvoirs décentralisés puissent faire des choix et que ces choix puissent différer d'une administration à l'autre, dans les limites établies par la législation plus centralisée et sur leur propre territoire. Au même titre que les Etats membres de l'UE diffèrent les uns des autres dans ce qu'ils répriment et/ou en ce qui concerne le taux de la peine, en exécution et dans les limites de la législation UE, les régions diffèrent également les unes des autres dans ce qu'elles répriment et/ou en ce qui concerne le taux de la peine, dans les limites de la législation UE, de la Constitution et des lois sur la réforme de l'Etat. Il n'est donc logiquement pas exclu non plus que des différences existent d'une commune à l'autre, dans les limites des compétences qui leur sont attribuées par la Constitution, par les lois et par les décrets. Il s'agit d'un corollaire évident de la subsidiarité. Le principe d'égalité serait compromis si, dans les limites des compétences qui lui ont été attribuées, l'administration compétente traitait les sujets de droit de manière inégale [...]. La disposition résiduaire qui réprime les formes limitées de nuisance publique par une amende de 45,45 euros, lorsque la commune n'a pas prévu de sanctionner cette forme de nuisance en exécution de l'article 119bis de la Nouvelle loi communale, n'y porte pas non plus atteinte : le taux de la peine n'excède pas les limites dans lesquelles la commune peut choisir librement, en exécution de l'article 119bis. [...] Si la commune n'a pas édicté de règlement concernant une forme déterminée de nuisance publique en application de l'article 119bis de la Nouvelle loi communale, cette forme de nuisance reste passible d'une amende dont le montant correspond à celui de la sanction administrative communale maximale. La présente proposition a tenu compte pour cela de la réglementation relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales » (Doc. parl., Parlement flamand, 2006-2007, n° 1249/003, pp. 18-19).
B.16.1. L'article 16.6.3, § 2, du décret du 5 avril 1995 vise à garantir la répression des formes limitées de nuisance publique et donc à permettre l'intervention énergique, rapide et efficace d'une commune face à des problèmes relativement limités et simples, ayant un impact très négatif sur la vie en société.
Il convient également de relever le caractère facultatif de la compétence des communes pour imposer des sanctions et le caractère supplétif de l'incrimination régionale, lorsque les communes choisissent de ne pas faire usage de leur compétence facultative, ce qui souligne l'autonomie communale.
B.16.2. La différence de traitement repose sur un critère objectif, qui est fonction de ce que les communes useront ou non de l'habilitation qui leur est conférée par la disposition en cause. La mesure en cause est pertinente au regard de l'objectif poursuivi, le législateur décrétal ayant entendu garantir tout à la fois une répression efficace des comportements qu'il vise et l'autonomie des communes. Par ailleurs, une différence de traitement dans des matières pour lesquelles les communes disposent d'une compétence propre est la conséquence légitime de politiques distinctes et ne peut, en soi, être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Enfin, la mesure en cause ne peut être tenue pour disproportionnée, eu égard à la nature faits incriminés et aux sanctions pouvant être infligées.
B.17. La deuxième question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 16.6.3, § 2, du décret de la Région flamande du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement, tel qu'il a été inséré par le décret du 21 décembre 2007 complétant le décret du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement par un titre XVI « Contrôle, maintien et mesures de sécurité », ne viole ni les règles répartitrices de compétence, ni les articles 12 et 14 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 10 et 11 de la Constitution, avec l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ni les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 27 mai 2010.
Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux. M. Bossuyt.